25/05/2017
Safari dans la bouse et autres découvertes bucoliques
"Frimez en société : "Nous sommes dans la merde jusqu'au cou, c'est pourquoi nous marchons la tête haute." Dario Fo, homme de théâtre italien , prix Nobel 1997."
C'est dans ma voiture, en écoutant Marc Giraud expliquer avec enthousiasme dans l'émission de France Inter "La tête au carré" le microcosme passionnant qu'est une bouse de vache que j'ai été ferrée.
Découvrir que "Les poissons perroquets expulsent régulièrement des matières fécales blanchâtres très minérales, qui s'accumulent et forment en partie ...le sable fin des idylliques plages tropicales immaculées" m'a emplie de joie, tout comme la plante carnivore "qui fait office de fosse septique désinfectante pour la chauve-souris !" exemples, que je pourrais multiplier à loisir !
Je n'ai donc pas été déçue par ce petit livre (par la taille) rempli d'humour, d’informations insolites mais aussi très sérieuses car les déjections sont souvent à la base d'écosystèmes qui sans elles, disparaissent. ,
Les illustrations malicieuse de Roland Garrigue ajoutent au plaisir de la lecture.
Pour les petits et grands curieux ! Et zou, sur l'étagère des indispensables!
Éditions Delachaux et Niestlé .
06:00 Publié dans Document, Humour, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : marc giraud, roland garrigue
23/05/2017
La daronne
"Nous étions entre nous, appartenant au grand flou des classes moyennes étranglées par ses vieux. C'était rassurant."
A part une brève parenthèse de bonheur marital, on ne peut pas dire que la vie de notre narratrice ait été marquée par la joie de vivre. Lasse d'être employée au noir par l’État comme interprète judiciaire, de n'avoir ni sécu ni retraite en vue, lasse d'avoir bossé pour payer les études de ses filles, puis maintenant pour l'EPHAD de sa mère, elle saisit l'opportunité de se glisser dans un monde qu'elle connaît bien pour le suivre via des écoutes téléphoniques : celui du trafic de drogue.
Et là, elle revit, jonglant avec la langue qu'elle connaît depuis l'enfance, "la langue d'avant Babel qui réunit tous les hommes", à savoir l'argent. Elle endosse avec jubilation l'identité de La daronne, délicieusement amorale, fustigeant notre société et ses hypocrisies. Usant d'une langue tour à tour soutenue puis argotique, "elle, au contraire, avait l’œil émerillonné de celles qui aiment le biff", Hannelore Cayre se régale visiblement à ponctuer son récit de remarques vachardes et délicieuses à nos yeux de lecteurs: "Je me suis très mal conduite avec lui, mais il faut dire que son honnêteté à toute épreuve en faisait un sacré boulet."
Enfin, une héroïne en colère, amorale et qui ne trouve pas son salut dans l'amooouuuur, voilà qui fait bien fou ! (Plein de femmes fortes d'ailleurs dans ce roman , chacune dans leur genre !).
Les billets de Cuné, Aifelle et Papillon m'avaient donné envie.
De la même autrice: clic
06:03 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : hannelore cayre
22/05/2017
Des dieux sans pitié
"Le sable est une des armes dont se sert la nature pour combattre l’arrogance du béton."
Qu'elles se déroulent en Australie ou à l'étranger, ces nouvelles mettent toujours en scène des Australiens, jeunes ou moins jeunes, sans illusions. Peut être parce qu'ils ont intégré ce que se demande avec violence un personnage: "Pourquoi les gens nous déçoivent-ils toujours un jour ou l'autre ? "
Racisme, homosexualité, violence sont au programme de ces textes passant au crible la société australienne. Dès la première nouvelle, le ton est donné: sortez de votre zone de confort, accueillez à bras ouverts (ou non) le malaise distillé plus ou moins sourdement par ces textes.
J'avouerai que j'ai nettement préféré les textes où Christos Tsolkias, avec une grande économie de moyens, aborde des thèmes intimistes mais forts, en particulier les deux nouvelles mettant en scène des rapports mère fils, à ceux plus frontaux où la violence se donne libre cours. "Pornographie 2" est ainsi à la limite du supportable, tout comme le récit enchâssé dans le premier texte d'ailleurs.
Des textes comme des alcools forts, dont il m'a fallu espacer un peu la lecture.
Des dieux sans pitié, Christos Tsiolkas, traduit de l'anglais (Australie) par
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : christos tsiolkas
20/05/2017
Puissions-nous être pardonnés
"Mais à présent tout se passe comme si j'étais en chute libre, indéfiniment, la dégringolade n'étant interrompue et ralentie que lorsque je suis sommé de faire quelque chose pour quelqu'un d'autre. Sans les enfants, le chien, le chat, les chatons, les plantes, je me déliterais complètement."
Deux tragédies successives et familiales vont totalement bouleverser la vie de deux frères,opposés, "les deux faces d'une même pièce."
Si George a longtemps volé à Harold sa place d'aîné ,accaparant l'attention par son caractère explosif et violent, ce dernier se contentant d'une vie sclérosée et d'un rôle plus passif, les rôles vont changer. Harold, investissant la maison de son cadet, va prendre sa place de père de famille et, par là même s'autoriser à devenir enfin adulte.
Familles dysfonctionnelles et hautes en couleurs, personnages principaux attachants, personnages secondaires farfelus et joyeusement hors-normes , tout m'a enthousiasmé !
Les épisodes drolatiques (j'ai éclaté de rire à plusieurs reprises) et émouvants alternent dans ce roman de 500 pages qu'on quitte à regrets. A.M. Homes revient avec jubilation et profondeur sur ce thème de la famille et on la suit avec tout autant de bonheur dans cette Amérique qu'elle égratigne au passage . Un coup de cœur !
Puissions-nous être pardonnés, A.H. Holmes, traduit de l'américain par Yoann Gentric, Actes Sud 2015. Babel 2017
Ps: la quatrième de couv' en dit beaucoup trop !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : a m homes
19/05/2017
Fendre l'armure
Grâce à lui, qui avait été abandonné et qui m'avait attendu sagement la première nuit, qui avait pas douté une seule minute que j'allais revenir le chercher et qui maintenant comptait sur moi pour son bien être, j'ai été mieux. Je ne dis pas heureux, je dis mieux."
Leur armure, ils l'ont forgée consciemment ou pas, qu'ils soient "fantassin du capitalisme",employée d'animalerie, chauffeur routier ou expert en bâtiment. Pour échapper à un deuil, à un amour sans espoir ou à un destin inscrit d'emblée dans l'origine sociale ou dans un corps avantageux.
Par la grâce d'une rencontre improbable, le plus souvent éphémère, mais marquante, ils vont pouvoir Fendre l'armure, laisser libre cours aux émotions qu'ils avaient soigneusement cadenassées, ôter le caparaçon que leur éducation ou leur volonté leur a légué et dont ils ne remarquent même plus le poids, restant imperturbable dans les situations les plus éprouvantes.
Ce sont deux femmes qui échangent dans un petit appartement, lovées dans un canapé aux allures de contes de fées réconfortant, deux voisins partageant la même passion pour les chaussures, un père qui sait interpréter avec beaucoup d'humanité la "grosse bêtise" de son fils , pour ne citer que ceux qui mo'nt le plus touchée.
Alors oui, d'aucuns diront que Gavalda n'est pas une grande styliste, même si ici l'oralité qu'on lui a tant reprochée apparaît nettement moins et de manière plus juste, mais sa tendresse, son attention à d'infimes détails, sa malice dans la chute de la dernière nouvelle, sous forme de clin d’œil au lecteur, et surtout l'émotion qu'elle fait naître chez lui, fait qu'à son tour celui-ci ne peut que Fendre l'armure .
Fendre l'armure, Anna Gavalda Le Dilettante 2017.
Cuné m'avait donné envie.
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : anna gavalda
18/05/2017
Celle que vous croyez...en poche
"C'est mystérieux, le désir. On veut de l'autre quelque chose qu'on n'a pas ou qu'on n'a plus."
Claire, quarante-huit ans, divorcée, crée un faux profil facebook, où elle se rajeunit allègrement et emprunte la photo d'une inconnue, pour surveiller son amant volage. C'est évidemment de ce faux profil que va tomber amoureux KissChris, un jeune homme qui se dit photographe.
Comment passer du virtuel au réel sans pour autant faire disparaître le désir ? Comment Christophe réagira-t-il en apprenant l'âge de sa belle ? à ses interrogations s'ajoute une mise en abîme du récit qui à chaque fois est envisagé sous une perspective différente, pour mieux brouiller les pistes et interroger les frontières entre réel et fiction, réel et virtuel.
à cela s’ajoute un magnifique portrait de femme quinquagénaire, sans concessions sur la place qui lui est réservée dans la société occidentale ; une femme qui entend bien ne pas s'effacer et revendique son désir.
Papesse de l'autofiction, Camille Laurens se joue ici des codes du genre et nous livre un roman brillant, plein d'énergie et de surprises...
J'avais beaucoup d'a priori sur cette auteure, ils ont été pulvérisés par cette première lecture !
Un grand coup de cœur !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : camille laurens
17/05/2017
Les ravagé(e)s en poche
"-Pour une fois, au moins, on n'a plus à se demander ce qu'est vraiment notre boulot, soupira Marco. Essayer de canaliser le chaos.
-Avec de la bonne volonté et des punaises."
Alex élève seule sa fille et travaille dans une brigade spécialisée dans les crimes sexuels, au Nord de Paris. Dans le commissariat, on accueille avec plus ou moins d'empathie les victimes, majoritairement féminines. Pourtant, l'agression d'un jeune homme va mettre au jour un phénomène discret mais prenant de l'ampleur et la peur va changer de camp.
Dans ce premier roman, Louise Mey permute le point de vue agresseur/victime pour mieux nous faire ressentir entre autres, ce que c'est que d'arpenter l'espace public la peur au ventre. Nourri de statistiques et de témoignages ,brefs mais efficaces, sur les agressions dont sont victimes les femmes, comme autant de piqûres de rappel, le texte n'a pas qu'une volonté dénonciatrice.
Les personnages sont hauts en couleurs et se débattent dans un quotidien qui les mine souvent mais ne les abat pas pour autant. Alex est un personnage féminin puissant et la voir régler son compte à quelque malotru ignorant son statut de policier est un pur régal. Si l'intrigue pêche un peu par une intrigue secondaire (le journaliste intrusif dont on se débarrasse d'ailleurs de manière un peu expéditive), il n'en reste pas moins qu’il y a du suspense, des rebondissements et pas mal d'humour! Un régal dont on aurait tort de se priver !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0)
15/05/2017
L'invité sans visage
Antoinette Convay est en butte au harcèlement de la brigade du poste de police où elle travaille.Pourtant,elle tient bon et serre les dents pour venir à bout d'une enquête de meurtre que sa hiérarchie voudrait voir bouclée au plus vite, tant le coupable semble évident.
En effet, qui d'autre que son petit ami pourrait avoir assassiné la jolie victime ?
Ayant lu avec beaucoup de plaisir tous les précédents romans de Tana french, c'est avec un plaisir non dissimulé que j'ai entamé la lecture de L'invité sans visage.
Hélas, je n'ai rien retrouvé de ce qui faisait le charme de ses romans se déroulant en Irlande. Aucune empathie pour les personnages, je me suis ennuyée tout au long de ces 560 pages où l'intrigue semblait piétiner à loisir.
Dommage !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : tana french
14/05/2017
Avenue des mystères...en poche
"Le jour où les femmes cesseront de lire, alors, oui, ce sera la mort du roman !"
Voilà longtemps que j'avais réussi à terminer un roman de John Irving. Après l’émerveillement, l'enthousiasme suscité par ses premiers romans, je l'avais un peu perdu de vue, échaudée par les tentatives, avortées, de pavés indigestes.
Pourtant, les thèmes évoqués, les prises de position de l'auteur dans ses textes, ses propos, lors des interviews, son bureau même entrevu lors d'un reportage télévisé, tout cela me plaisait mais rien n'y faisait.Quand ça veut pas , ça veut pas.
J'aimerais écrire que ça y est, j'ai renoué avec Irving , mais non. Si j'ai réussi à lire en entier ce pavé, c'est de manière fractionnée, en alternant avec d'autres romans (mauvais signe) car tout au long des pages , je me disais : "Mais pourquoi s'est-il trompé de narrateur ?" Ce n'est pas le gamin estropié qui survivait sur une décharge publique mexicaine qui est devenu romancier après une série de rebondissements dont Irving a le secret, le personnage intéressant, c'est sa sœur !
On se fiche pas mal que Juan Diego Guerrero, au fil de rêveries, revive son passé, tout en jonglant dangereusement entre bêtabloquants et petites pilules bleues (qui lui permettent d'assurer auprès d'une mère et sa fille) , c'est Lupe qui éclaire véritablement ce roman ! Lupe qui parle une langue incompréhensible à tous (sauf à son frère qui lui sert ainsi de traducteur, édulcorant souvent ses propos car Lupe lit dans les pensées) , Lupe qui lit dans le passé, moins bien dans le futur dont la mort est annoncée très rapidement.
Alors oui, il y a quelques scènes réussies (je pense ainsi au repas final troublé par un gros lézard, ou à la scène dans laquelle Juan Diego retrouve un de ses anciens harceleurs) mais au final on se demande bien quel était l'objectif de ce roman et on reste sur sa faim. Ce qui est quand même paradoxal quand on a "avalé" 528 pages.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : john irving
13/05/2017
Quand sort la recluse
"D'aucuns disaient que l'on ne pouvait pas toujours savoir si le commissaire était en veille ou en sommeil, parfois même en marchant, et qu'il errait aux limites des ces deux mondes."
Nous avions laissé le commissaire Adamsberg dans les brumes islandaises. Forcé de renter à Paris par un crime qu'il résout en deux coups de cuillers à pot et quelques gravillons, Adamsberg découvre bientôt une série de décès d'hommes âgés à la suite d'une morsure d'araignée, la recluse. Or, les morsures de cette arachnide ne sont pas mortelles ,mais produisent d'ordinaire une nécrose des tissus humains. Alors que les forums s'enflamment sur internet, le commissaire faussement lunaire, subodore plutôt une série de crimes. Se mettant à dos son adjoint le cultivé Danglard, Adamsberg poursuit néanmoins ses investigations, forcément en dehors de toute procédure légale.
Quel plaisir de dévorer ce nouveau roman de Fred Vargas ! Jouant sur la polysémie du mot recluse, elle nous balade de Paris à Lourdes en passant par Nîmes et sa région, collectant au passage quelques boules à neige, deux cuillers et des araignées en pagaille ! On y croise aussi une brigade qui se mobilise pour nourrir une famille de merles, le chat qui ne ferait pas sept mètres pour réclamer sa nourriture, autant de présences animales chaleureuses et pleines de vie.
Il serait dommage d'en dévoiler plus sur l'intrigue qui ne semble jamais suivre de ligne droite mais parvient toujours à "retomber sur ses pattes" . Elle vaut surtout par l'écriture et l'attention qu'Adamsberg prête aux mots, les collectant soigneusement dans son carnet, avant de laisser agir ses "protopensées". On imagine très bien ce qu'un romancier "classique" aurait fait de cette histoire de vengeance par delà le temps, lui ôtant tout charme et toute poésie. Laissez-vous piéger par Fred Vargas , c'est un pur bonheur !
Quand sort la recluse, Fred Vargas, Flammarion 2017.
11:56 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : fred vargas