13/05/2017
Une putain de catastrophe...en poche
"Les Wilson sont dans une impasse linguistique.Vous, Jeremy, investirez leur mariage. Vous allez, pour ainsi dire, bivouaquer sur leur champ de bataille conjugal.
-Seigneur ! s'exclama Cook. je préfèrerais conduire un camion charge de nitroglycérine."
Au chômage, le linguiste Jeremy Cook est embauché par L'Agence Pillow, cabinet de conseil conjugal,dont la particularité est d'envoyer à demeure un spécialiste du langage pour régler les conflits entre époux.
Au bord de la rupture, les Wilson voient donc débarquer celui qui, à première vue, paraît à mille lieues de comprendre la situation, étant lui-même un célibataire endurci .
Malentendus sur des pronoms, attentes totalement opposées, Jeremy observe, interroge et, tout en suivant la plus bizarre des méthodes, met à jour les mines anti-mariages susceptibles d'exploser à la plus petite occasion. C'est drôle, acéré, souvent pertinent et chacun se reconnaîtra dans l'un des motifs de dispute ou d’insatisfaction évoqués dans ce roman.
Une putain de catastrophe, David Carkeet
06:00 Publié dans Humour, l'amour des mots, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : david carkeet
12/05/2017
L'aventure, le choix d'une vie
"Le corps retient mieux les leçons que l'esprit, il a cette mémoire de forme qui rend inoubliables les expériences que nous lui faisons subir."
Pascal Manoukian
L'avantage d'un recueil de nouvelles groupées autour d'un même thème est multiple: on découvre des auteurs chéris sous un autre jour (Valérie Zenatti en apprentie journaliste à Sarajevo),tandis que d'autres restent fidèles à eux mêmes (Sylvain Tesson) et on en découvre d'autres.
Celui qui a su m’enthousiasmer par son récit à la fois concis, riche, dense et nourri de réflexions intéressantes est sans conteste Pascal Manoukian que beaucoup d’entre vous connaissent déjà.
Notons au passage qu’il me semble bien avoir déjà lu le texte d'Alain Mabanckou alors que la couverture annonce "inédit"...
Gérard Chaliand, Patrice Franceschi, Alexandra Lapierre, Alain Mabanckou, Pascal Manoukian, Michel Moutot, Yann Queffélec, Sylvain Tesson et Valérie Zenatti. Points Seuil 2017
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : alexandra lapierre, pascal manoukian, sylvain tesson, valérie zenatti
11/05/2017
Mrs Hemingway
"Quel charme ! Quel magnétisme ! les femmes se jettent des balcons, le suivent à la guerre et détournent le regard le temps d'une liaison parce qu'un mariage à trois vaut mieux que d'être seule."
Il n'y aura pas eu une mais quatre Mrs Hemingway, l'auteur du Vieil homme et la mer * ayant enchaîné les mariages, comme si lui non plus ne supportait pas d'être seul. Fait qui mérite d'être noté d'ailleurs, il était systématiquement encore marié quand il envisageait d'en épouser une autre, dans une transition sans faille.
Même si nous le suivons des années 20 aux années 60, Naomi Wood a choisi de la faire en donnant la parole successivement à Hadley,la tendre, Fife,la déterminée, Martha ,l'indépendante et enfin à celle qui le découvrira suicidé, Mary.
La première partie du roman est peut être la plus intense, qui voit Hadley, au cours d'un été caniculaire à Antibes, choisir délibérément d'inviter son amie Fife, qu’elle soupçonne d'avoir des vues sur Hemingway. Stratégie qui s'avérera perdante mais que Naomi Wood décrit avec délectation, inversant parfois les rôles et donnant ensuite le point de vue de la rivale.
Le risque était double : se répéter et alourdir le récit des informations glanées au cours des recherches effectuées. Le défi a été remporté haut la main car Naomi Wood possède une écriture précise, imagée et analyse la psychologie de ses personnages avec empathie. Ce n'est ni un portrait à charge, ni à décharge mais un kaléidoscope où se révèle la complexité du romancier américain à travers le regard de ses épouses. Un grand coup de cœur et un roman que j'avais hâte de retrouver!
Mrs Hemingway, Naomi Wood, traduis de l’anglais par Karine Deglimae- O'Keeffe, Éditions Quai Voltaire 2017, 280 pages piquetées de marque-pages.
* qui vient d'être retraduit.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : naomi wood
10/05/2017
Aujourd'hui tout va changer
"Elle m'a demandé: Quel est le secret d'un mariage qui dure ? " J'ai réfléchi une seconde, et puis j'ai répondu :"Rester mariés."
Eleanor Flood ne s'en rend sans doute pas compte mais bien des gens pourraient envier sa vie .Pourtant, elle ne s'en satisfait pas et, entre cours de poésie (pour éviter la solitude) et cours de yoga, elle a décidé ce matin qu 'Aujourd’hui tout va changer. Rien que ça. Fini les grossièretés, le programme d'une journée parfaite en tête, elle conduit son fils Timby à l'école.
Mais un grain de sable va se mettre dans les rouages de ce rêve de changement radical et va s'enclencher une véritable journée catastrophe pour la jeune femme, qui va commencer à douter de la fidélité de son époux. De surcroit , la découverte d'une veille bande dessinée va faire ressurgir son histoire familiale, histoire qu'elle a tout fait pour oublier.
Avec un sens magistral de la composition, Maria Semple malmène son héroïne ,qui parvient malgré tout à préserver son sens de l'autodérision . On suit ses tribulations ,entre comédie et émotion, avec un plaisir fou, un tout petit cran en dessous cependant de Bernadette a disparu. (clic)
Aujourd'hui tout va changer, Maria Semple, traduit de l'anglais (E-U) par Carien Chichereau, Plon 2017, 240 pages qui se tournent toutes seules.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : maria semple
09/05/2017
Bêtes féroces, bêtes farouches
"Mon anniversaire tombe toujours en hiver. Chaque année. C'est nul. Parce que ce que j'aimerais, c'est une grande fête au parc avec tout le monde ou au bord d'un lac avec une nuit à la belle étoile et tout ça."
8 nouvelles sur 9* de ce recueil sont de pures merveilles. Exceptionnel pour une autrice qui débarque en littérature avec une maîtrise tant du point de vue de la narration (elle n’abuse pas de la chute, mais parvient par la composition de ces textes à nous ménager de nombreuses surprises, sans effets de manche ), que par le style.
Toujours sur le fil du rasoir, entre émotions contenues et humour, les mots semblent avoir été placés dans les phrases avec un ordre inédit. Qu'elle s'intéresse au contenu d'une assiette " Des pommes de terre farineuses se mettent en quatre pour ne pas finir en purée.", ou aux rues bordées d''herbes folles, à la manière dont un personnage rentre chez lui "je m'en remets à la technique pour arriver au cinquième étage", Karen Kohler parvient d'emblée à créer son propre univers, tant sa manière d'appréhender le monde et d'en rendre compte est personnelle.
La solitude, la mort, la douleur, la fin de l'amour sont quelques uns des thèmes évoqués mais avec une telle intensité retenue et une telle humanité qu'on ne regrette pas d'avoir embarqué dans un tel voyage. à découvrir sans plus attendre . Et zou sur l'étagère des indispensables !
Bêtes féroces, bêtes farouches, Karen Köhler, traduit de l'allemand par Isabelle Liber, Actes Sud 2017, 263 pages époustouflantes.
* Comme Cuné , la tentatrice, la dernière nouvelle ne m'a pas convaincue.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : karen köhler
08/05/2017
Petites histoires pour futurs et ex-divorcés
"Est-ce que ça aurait été plus facile d'être quittée, de devenir amère et d'évacuer la douleur par la haine ? La haine est une drogue fortement antalgique. Et addictive.
Dans ces 29 courtes nouvelles, Katarina Mazetti, plusieurs ex-maris à son actif, explore toutes les facettes de la séparation et/ou du divorce.
Seconde épouse dépassée par une nouvelle famille envahissante et peu respectueuse, trompeur trompé, certaines nouvelles sont plutôt malicieuses tandis que d'autres jouent davantage sur l'émotion. Ainsi cette nouvelle femme , qui , du fait d'une rupture va devoir abandonner les enfants de son futur ex-mari ,à qui elle a pourtant consacré plusieurs années de sa vie, sans avoir aucun droit sur eux.
Si certains textes paraissent un peu convenus, on prend beaucoup de plaisir à se reconnaître et/ou à reconnaître des situations vécues par des amis., à ceci près que le divorce apparaît nettement plus simple et plus rapide d'un point de vue administratif en Suède. Léger mais très agréable.
Traduit du suédois par Lena Grumbach, Gaïa 2017, 234 pages qui se dévorent d'une traite.
Cuné m'avait donné envie.
06:02 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : katarina mazetti
07/05/2017
C'est où le Nord ?
"-Parle-moi d'autre chose. C'est l'heure de la sortie des écoles : si je saute, je tue quatre gosses."
Ella, 24 ans, enseigne le français dans un collège catho du 18 ème arrondissement de Paris. Petit budget, petit appat', petit ami qui bientôt met les voiles pour retourner dans leur ville d'origine: Dunkerque.
Ella reste seule avec un poisson rouge, des doutes, quelques amis hauts en couleurs, des collègues quelque peu azimutés et des élèves plutôt drôles et charmants.
Premier roman, C'est où le nord ? possède les défauts de ses qualités: plein de fraîcheur et d'humour, le récit pêche un peu par le côté sombre qu'il veut parfois se donner.
Il n'en reste pas moins que j'ai ri à plusieurs reprises (les élèves sont croqués à ravir !) et que j'ai dévoré d'une traite ce roman dont les personnages sont attachants, drôles et pleins de vie.
Ah, oui, pitié: une prof de français qui oublie qu'une négation a toujours deux éléments a eu le don de m’exaspérer...On ne se refait pas !
Un petit extrait, pour la route, c'est cash , comme les élèves (et les profs entre eux) !
"-Il a refusé de disséquer les moules.
Le directeur ferme les yeux, agacé.
- Il m'a demandé ce que je dirais , moi, si on me pêchait en pleine ovulation.
Annick Caroulle grogne:
-Écoute Jojo, tu veux qu'on mette quoi ? "Refuse de disséquer la moule de sa prof de sciences " ? "
09:43 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : sarah maeght
06/05/2017
Les nuits de laitue...en poche
"Désormais, Otto souffrait d'une insomnie sans fin. Ses mauvaises pensées dureraient pour toujours puisqu'il n'y aurait plus jamais de matin-désormais toutes ses nuits avaient un arrière- goût de laitue. Et Otto détestait les légumes-feuilles."
Otto et Ada "avaient passé un demi-siècle ensemble à cuisiner, à faire des puzzles géants de châteaux européens et à jouer au ping-pong le week-end (du moins jusqu'à l'arrivée de l'arthrite) dans un quartier dont les habitants sont aussi haut en couleur que leur maison jaune.
Au début du roman, Ada vient de mourir. Otto tente donc tout à la fois de lutter contre ses insomnies, tout en remettant de l'ordre dans ses pensées. En effet, selon lui, quelque chose" cloche "dans son univers peuplé de personnages fantasques et souvent "perchés", mais il n'arrive pas à élucider l'affaire...
L'aspect policier n'est ici qu'un prétexte dans ce roman enjoué et chaleureux, peignant un microcosme grouillant d'originaux en tous genres, ayant parfois des rêves plus grands qu'eux mais parvenant à enchanter leur quotidien, de manière simple et cocasse.
Un très bon moment de lecture.
Les nuits de laitue, Vanessa Barbara, traduit du portugais (brésil) par Domnique Nédellec, Zulma 2015, poche 2017 223 pages toniques !
07:42 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : vanessa barbara
05/05/2017
Vie et moeurs des familles d'Amérique du Nord
Sous forme d'abécédaire, richement illustré par des photographies d'auteurs divers, l'objectif de cet ouvrage, qu'on peut lire de façon linéaire ou pas, est de dépeindre "l'âme de cette espèce étrange mais tellement universelle : les habitants de banlieues américaines."
Las, je suis restée de marbre devant ces personnages qui ont l'air d’être observés à distance, comme des insectes vaguement répugnants , sans aucune empathie ni originalité.
06:00 Publié dans Objet Littéraire Non Identifié, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : garth risk hallberg
04/05/2017
Roland est mort ...en poche
"J'inspire. J'ai les bras en croix, un caniche qui m'attend pour aller pisser, un trou dans ma chaussette gauche, et toujours aucune perspective d'avenir professionnel. Le gros faisan m'applaudit."
Roland est mort, c'est d'abord le contraste du titre et de la couverture rose bonbon., contraste parfaitement justifié , on le verra plus loin.C'est aussi le leitmotiv qui ouvre chaque chapitre, sorte de memento mori pour le narrateur car "Je bois pour oublier que demain, Roland c'est moi."
En effet, si leur seul point commun était leur mur mitoyen, le narrateur est peut être sur le même chemin que Roland, mort seul chez lui, dans l'indifférence quasi générale. Pour tout bien, Roland laisse une caniche prénommée Mireille, en hommage à Mireille Mathieu dont Roland écoutait les chansons en boucle.
Voilà donc le voisin qui hérite de Mireille, puis de l'urne funéraire , calamités successives dont il lui faudra bien s'accommoder.
Ce pourrait être tragique, c'est follement comique car le voisin, non content d'accumuler les héritages encombrants et incongrus, est un looser fini (largué par sa copine, viré de son boulot, nanti d'une famille de frappadingues ). Le principe d'accumulation fonctionne à plein régime et le style bourré d'humour de Nicolas Robin fait le reste. Pas de bons sentiments mais un zeste de tendresse pour ce quadragénaire à qui sa grand-mère demande sans cesse "-Alors, pourquoi t'es pas marié?", "ça la chiffonne. C'est le pépin. Ne pas être marié à quarante ans, c'est la tuile dans la famille.ça cache un problème.à son époque, les hommes non mariés étaient forcément curés ou homosexuels. On demandait aux uns de parler de l’Évangile, aux autres de se taire.Mamie exige la vérité. Elle veut savoir envers qui je suis dévoué: Dieu ou Burt Reynolds."*
Nous nous permettrons juste de donner un indice: être fan de Mireille Mathieu peut présenter des avantages...Un petit plaisir déniché à la médiathèque, 183 pages dévorées le sourire aux lèvres.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nicolas robin