07/03/2016
Aujourd'hui dans le désordre
"ça vit dans ce salon,. C'est délabré comme jamais, pourri, rôti, ça pue pas mal, mais ça vit vraiment dans ce salon et ça se mélange."
Louise et ses frères, qui vivent dans le grand appartement familial ,laissé à leur disposition par leurs parents, ont décidé de s'inscrire sur un site d'accueil de voyageurs. L'occasion de troubler un peu leur paisible routine genevoise.
Ils n’avaient pas prévu que, la tempête de neige aidant, leur logis serait bientôt plein comme un œuf et qu'il faudrait s'organiser pour faire face aux éléments et aux rencontres improbables.
Premier roman, Aujourd'hui dans le désordre possède un grand charme que ne saurait ternir la fin,aux dialogues un peu ratés. Guillaume Rihs a le chic pour nous décrire de très belles scènes, je pense en particulier au jardin public enfoui sous la neige ou la manière dont s'organise la lutte contre les éléments. On est avec les personnages,on partage leurs émotions et même si cela reste un peu léger, c'est ma foi fort agréable.
Ancheté sur la seule foi de son titere et de sa couverture !
Aujourd'hui dans le désordre, Guillaume Rihs, éditions Kero 2016, 232 pages qu je verrais fort bien adaptées au théâtre ou au cinéma.
06:00 Publié dans romans suisses | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : guillaume rihs
05/03/2016
Une famille délicieuse...en poche
"Oh, comme les cachotteries et notre volonté de préserver l'image que nous avons de nous-mêmes peuvent faire de nous des prisonniers !"
Leur sœur Georgie, atteinte de démence sénile, va venir faire un court séjour chez Mina et Nest qui vivent dans une apparente quiétude au milieu de la lande, à deux pas de la mer. L'occasion d'évoquer pour les trois sœurs leur enfance idyllique dans cette demeure familiale en compagnie d'une mère aimante et d'un père nettement plus distant , sans oublier une sœur et d'un frère aujourd'hui disparus ,mais aussi la crainte que Georgie ne révèle des secrets douloureux...
En contrepoint de cette tension , les relations avec leurs neveux et nièces apportent un ancrage plus contemporain et souvent plein d'humour. Les personnages de Lyddie, qui travaille dans l'édition et vit une relation amoureuse compliquée avec Liam, ou celui de Jack qui tente de tenir tête à son adorable tyran de petite fille : "-Merci. Il n'y a rien que j'aime davantage que de me faire tordre violemment les deux oreilles pendant qu'un paire de petits talons d'acier me pulvérise la clavicule.", sans oublier quatre chiens, croqués de manière très vivante, sont des personnages qu'on n'oubliera pas de sitôt !
Un style enlevé, un brin d'excentricité , un soupçon d'ironie et beaucoup d'empathie, tous les ingrédients sont réunis pour nous régaler !
Une famille délicieuse, Willa Marsh, traduit de l'anglais par Eric Mc Comber, autrement 2014 , 477 pages savoureuses ! J'ai lu 2016
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : willa marsh
04/03/2016
Une année douce
"Arrivée dans ma chambre, je sens le poids des événements des dernières semaines, c'est comme si d'un coup tout cédait. Comme si je lâchais prise, enfin ? "
Renouant avec son amant (marié) et s’engageant simultanément dans un travail à quatre mains avec celui qu'elle appelle l’Écrivain, la narratrice pressent très vite que cette dernière relation pourrait déborder du cadre professionnel.
Entre deux hommes, entre deux psys, elle nous relate une année douce-amère avec un style fluide. Les personnages sont attachants, pleins de vie et l'on passe un bon moment en leur compagnie.
Merci à Babelio et à l'éditeur pour cette découverte.
06:00 Publié dans Roman belge | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : anne grauwels
03/03/2016
Le génie des coïncidences..en poche
"Il semblerait que je sois accablée par les coïncidences, Professeur Post."
Quand un spécialiste des coïncidences- qui prend un malin plaisir à les démonter et à les expliquer de manière rationnelle-rencontre fortuitement une jeune femme dont la vie semble marquée par un "enchaînement cruel d’événements" que se passe-t-il ? Hé bien cela engendre une série de joutes verbales, un maelstrom d'émotions et une flopée de rebondissements entre l'île de Man, l’Ouganda où sévit encore "un homme qui s'est bricolé une foi, un mélimélo de croyances, a décidé que Dieu lui avait parlé, et que tous ceux qui n'étaient pas d'accord pouvaient être abattus, ou amputés."et Londres.
Usant -mais n'abusant jamais -des analepses* et des prolepses**, J.W Ironmonger joue en virtuose avec nos nerfs (deux scènes sont particulièrement éprouvantes), fait monter l'émotion (j'ai plusieurs fois eu les larmes au yeux) avec beaucoup d'empathie et de sobriété. Il ne faut surtout pas en dévoiler plus de ce roman qui joue sur plusieurs registres (romance, thriller, quête d'identité, réflexion philosophique) et nous offre des descriptions plus vraies que nature d'un continent qu'il connaît et aime profondément: l'Afrique. Pour ceux qui n'ont pas peur des montagnes russes émotionnelles. Et zou sur l'étagère des indispensables !
* correspond à un retour en arrière, au récit d'une action qui appartient au passé Il consiste à raconter après-coup un événement. On peut également parler de flasback pour exprimer cette idée, mais ce terme ne s'utilise qu'à propos de cinéma ou de bande dessinée.
* *Clin d’œil à Cuné.
Le génie des coïncidences, J.W Ironmonger, traduit de l’anglais par Christine Barbaste, Stock 2014, 343 pages que j'ai fait durer le plus longtemps possible, gage de réussite s'il en est, et tout piqueté de marque pages bien sûr ! 10/18 ,2016.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : j.w ironmonger
02/03/2016
J'ai toujours ton coeur avec moi
"Je ne dis pas que je cherche le bonheur, mais porter la nature aux nues après tout ce qu'elle a fait subir aux gens me semble du plus mauvais goût, l'entends-je encore siffler.Et puis l'homme est aussi sauvage que la terre qu'il habite. Tout ça, c'est le même tabac."
à la mort de sa mère, avec qui elle entretenait une relation pour le moins particulière, Hildur hérite d'une petite maison jaune sur une île. S'y rendre et se l'approprier, ou pas, sera l'occasion de se remémorer le passé et d'explorer pour Hildur d'explorer sa propre relation à son fils.
Roman à la fois mélancolique et poétique, J'ai toujours ton cœur avec moi est un texte dont il est difficile de parler tant l’atmosphère et la distance qu'il instaure avec son lecteur sont étranges. Si je suis toujours restée extérieure au texte, cela ne m'a pas empêché d'être séduite par de nombreux passages, en témoignent les marque-pages qui le hérissent. Une expérience à tenter.
Roman de Soffia Bjarnadottir, traduit de l'islandais par Jean-Christophe Salùn, Zulma 2016, 139 pages.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : soffia bjarnadottir
29/02/2016
La fin d'une imposture
"D'une certaine manière, elle admirait sa vigilance constante et sa paranoïa absolue."
Profitant de la détresse d'une famille en plein bouleversement (adultère du père, mort accidentelle du fils en Thaïlande), un jeune homme, Jed, s'introduit dans ce nid perturbé via Maddie, la fille de la maison, adolescente en pleine dépression.
Si Rosalie, la mère, est d'abord enchantée par ce jeune homme qui semble leur apporter juste ce dont ils ont besoin en ce moment douloureux, elle va vite se rendre compte de l'emprise nocive qu'il exerce et des mensonges qu'il profère. Elle décide donc de partir à la recherche de la vérité, au risque de faire éclater définitivement sa famille.
Description d'une emprise psychologique, La fin d'une imposture est aussi un récit fertile en rebondissements, angoissant ,et qui n'hésite pas à repousser les limites de la bienséance. L'auteure enferre ses personnages dans des choix douloureux, mais peint une mère de famille au caractère bien trempé qui n'a pas peur d'affronter ses erreurs. Un coup de cœur !
La fin d'une imposture, Kate o' Riordan, traduit de l'anglais (Irlande) par Laetitia Devaux, Éditions Joëlle Losfeld 2016, 377 pages.
Du même auteur:clic, clic et reclic. Fan, moi ? Oui !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : kate o'riordan
26/02/2016
Antimanuel de littérature
"Ce qui revient à réobjectiver des mots réquisitionnés par la psychologie dominante pour les servir dans nos petites cuisines intérieures, où l'âme repose à côté du lave-vaisselle."(p.193)
Antimanuel donc. Alternatif, non académique, révélant la vision de l'auteur et, on peut le supposer, original voire irrévérencieux. Voici quels sont, à mon avis, les présupposés d'un tel ouvrage.
Le texte de François Bégaudeau respecte-t-il ces critères implicites ?
Si l'on considère que les blagues potaches, l'absence de définitions, la désinvolture et l’utilisation de têtes de turc quasi officielles (Marguerite Duras, Cali), sans oublier l'utilisation d'un salmigondis intellectualisant, sont des marques d'originalité, oui.
Si Bégaudeau s'avère plutôt intéressant quand il analyse des parties de textes( (et on y sent un véritable amour de la littérature) mais cela ne représente qu'une infime partie du texte), il ne m'a guère convaincue dans ses analyses plus argumentatives (qu’est ce que la littérature ? à quoi sert-elle ? ).
Quant aux remarques en bas de page de l'éditeur, tentant d'établir une complicité avec le lecteur, elles aussi m'ont paru bien lourdes.
Bien indigeste donc.
06:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : françoise begaudeau, schtroumpf grognon le retour
25/02/2016
Mon âge...en poche
"Ce qu'on pouvait raisonnablement espérer avoir en commun avec les enfants d'ingénieurs , c'étaient leurs polos. Il nous suffisait d'acheter les mêmes et nous avions les moyens , notre infériorité ne se mesurait pas à l'argent. Pas sûr que nos corps les aient portés avec la même superbe. Ce qu'il y a à l'intérieur des têtes porte les polos bien plus que les épaules et les torses."
Dans la lignée de Corps, ce nouveau roman de Fabienne Jacob se penche avec acuité et bienveillance sur notre relation au corps et au temps. Commençant par la description d'une femme qui se démaquille le soir, femme dont l'âge n'est pas précisé "Voilà mes yeux, voilà ma bouche, voilà mon âge, vingt-sept ans, trente-neuf ans, soixante et un ans". Else, il se clôt par une très jolie vision: celle de trois femmes âgées se baignant,nues, au clair de lune, car elles ont atteint La vie intérieure. Entre-temps, sera venu le temps du Détachement : "à présent que je ne veux plus séduire ni posséder, seule une chose m'importe encore, c'est vivre des moments sans temporalité. La question du temps ou plutôt du non-temps est la seule qui compte. Les autres questions ne sont plus des questions pour moi." Et de relater des moments où le temps n'entre pas , moments fugaces ou non, dans des endroits parfois inattendus, comme le supermarché, qui , décidément fait son entrée en littérature en cette année 2014.*
Si, dans un premier temps, j'ai été un peu déroutée par l'absence de précision chronologique, les âges ne sont jamais volontairement précisés mais on peut aisément les situer, j'ai été séduite par l'écriture de Fabienne Jacob, sa vision à la fois acérée, rien ne lui échappe, et tendre de la relation des femmes aux différents âges de leur vie. on n'oubliera pas de sitôt, entre autres, cette petite fille qui déchire la robe trop aimée, tant désirée !
J'ai aussi beaucoup apprécié la relation sensuelle, physique aux langues de la narratrice: "Dans ma langue maternelle, il y a un mot pour dire Se faufiler, Se glisser, mais un mot qui le dit beaucoup mieux. C'est le mot Schluffen. Il a quelque chose d'utérin que l'équivalent français n'a pas. Aucun mot français ne pourra jamais autant se faufiler ni autant glisser que dans le mot de la langue maternelle. Celui qui en français se blottit le plus est le verbe Se lover."
Mon âge, Fabienne Jacob. Folio 2016
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : fabienne jacob
23/02/2016
Eileen
"Tout ce que j'avais à offrir, c'étaient mes talents de serpillière, de mur aveugle, de fille désespérée prête à tout, hormis commettre un assassinat , pour se faire apprécier, sans même parler de se faire aimer."
1964. Eileen a vingt-quatre ans. Orpheline de mère, elle vit avec un père tyrannique et alcoolique que seul son ancien statut de policer municipal sauve de la déchéance totale. Elle travaille dans un centre de détention pour jeunes délinquants qui exercent une trouble attirance sur elle. Mais dans le déni total de son corps et de ce qu'elle appelle ses "cavités", elle se contente de bâtir d’improbables questionnaires que les mères des prisonniers remplissent sans broncher.
L'arrivée d'une jeune femme très sexy dans l'institution où travaille Eileen sera l'élément déclencheur pour un changement de vie radical pour la narratrice.
Récit rétrospectif, à cinquante ans de distance, Eillen, est un roman où l'aspect organique règne en maître. On a parfois l'impression que les pages empestent la sueur, le vomi ou les sécrétions. Paradoxalement, dans la dernière partie du récit , l'excès de propreté sera le signe d'une perversion extrême.
Autoportrait placé sous le signe de l'auto dénigrement- on pourrait s'amuser à collecter les définitions déplorables que la narratrice donne d'elle-même- ce premier roman est bourré d''humour noir et je me suis vraiment régalée à le lire même si la dernière partie, avec son retournement de situation plus qu’improbable, est nettement moins convaincante. Une auteure à suivre !
Eileen, Ottessa Mosfegh, traduit de l'anglais( E-U) par Françoise Du Sorbier, Fayard 2016
Antigone a été un peu moins enthousiaste.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : ottessa mosfegh
22/02/2016
Personne ne disparaît
"Tout ce que je pouvais dire pour expliquer mes piètres choix c'est que j’avais eu le sentiment général d'avoir besoin de partir, d'avoir besoin d'être la première à partir,le besoin de me barricader contre la vie que tous les autres semblaient vivre, la manière apparemment évidente, intuitive, claire et facile, et facile et claire pour tous ceux qui n’étaient pas moi, pour tous ceux qui se trouvaient de l'autre côté de cet endroit appelé moi."
Sur la seule foi d'une vague invitation, Elyria quitte, sans prévenir qui que ce soit, sa vie apparemment bien lisse de new-yorkaise trentenaire et s'envole pour la Nouvelle -Zélande.
Là, malgré les nombreuses mises en garde, elle choisit de rallier la chambre d'ami proposée, en faisant de l'auto stop. L'occasion de faire de multiples rencontres et de révéler au fur et à mesure de son périple ,tout autant géographique qu'intérieur, les véritables raisons de sa décision.
Une seule voix domine ce premier roman à l'écriture fluide et riche en métaphores. Un seul point de vue, très spécial car Elyria entretient une relation toute particulière à la réalité. Un personnage très attachant qui va se découvrir jusqu'au final un peu verbeux, mais d'une violence psychologique extrême ,qui serre le cœur.
Un coup de cœur ! Et zou sur l'étagère des indispensables, malgré ce petit bémol pour la fin !
Personne ne disparaît, Catherine Lacey, traduit de l'anglais ,( Etats-Unis) par Myriam Anderson, Actes Sud 2016, 267 pages bruissantes de marque-pages.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : catherine lacey