25/03/2025
#LîledeClipperton #NetGalleyFrance !
" Tu comprends ce mot, apologie ? C'est comme mettre des beaux habits à quelqu'un qui serait tout nu . "
Ouvrir L’île de Clipperton c'est entrer dans un univers déstabilisant où les personnages peuvent se nommer Balconette Sécateur ou Touquette Orsomimi. Un univers marqué par ce qu'on pourrait appeler la civilisation de la pomme, où les femmes semblent jouer un rôle essentiel et où la lecture d'un texte justement intitulé L’île de Clipperton pose problème.
Cet univers, c'est par l'intermédiaire d'une enfant que nous en prenons connaissance, Madge, et forcément notre vision ne peut en être que parcellaire et naïve. Des textes, de natures variées et au style pour le moins surprenant, nous permettent peu à peu de prendre connaissance,ce de l'histoire de cette île (qui existe vraiment) et dont le climat politique est fort agité.
L'utilisation d'un vocabulaire particulier , formé de mots-valises, de néologismes et de détournements du sens de mots existant, augmente le dépaysement et le plaisir de la lecture. Clins d’œil à l'actualité et/ou à des auteurs ayant existé émaillent aussi un texte au rythme enlevé mais dont l'ossature narrative aurait gagné à être plus assurée. Un bon moment de lecture néanmoins.
Editions Noir sur blanc 2025.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : raphaël laforgue
18/03/2025
Ces femmes-là...en poche
"En réalité, les criminels qui passent entre les mailles du filet n'y parviennent pas forcément parce qu'ils sont brillants, mais bien souvent parce qu'ils sont trop bêtes ou trop fous pour s'inquiéter. Ce n'est pas la capacité intellectuelle qui compte, c'est l'indifférence. "
Si on lit la quatrième de couverture on aura peut être l'impression d’avoir déjà lu cent fois cette histoire : des prostituées sont assassinées, quasiment dans l'indifférence générale, dans un quartier pourri de Los Angeles.
Mais ici ce roman choral donne la part belle aux victimes, aux survivantes à leurs proches, à celles qui, par leur obstination, par-delà les années, parviendront à faire bouger la police, ici incarnée par une femme ostracisée elle aussi.
Ivy Pochoda nuance aussi la situation de ces femmes, ne les mettant pas toutes sous la même étiquette facile de "prostituée", ce terme équivalant pour la police à "quantité négligeable". Elle souligne leurs difficultés , leurs particularités.
Elle fait aussi de la ville un personnage à part entière et ne laisse qu'une place limitée au tueur en série qui ne brille ici ni par son intelligence , ni par sa personnalité.Bref, elle rebat les cartes et s'il faut accepter d'être un peu perdu au début, le temps que le puzzle se mettre en place, le résultat en vaut franchement le coup car la structure est millimétrée et s'agence parfaitement. Un grand coup de cœur.
Editions Globe poche 2025. Traduit de l'anglais (E-U) par Adélaïde Pralon.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ivy pochoda
17/03/2025
#Unboutdechemin #NetGalleyFrance !
"Une personne dont je me souvenais à peine, et dont je ne me serais jamais souvenue si elle ne m'avait pas appelée, avait gardé en elle une version de moi assez nette pour penser que j''allais "piger" quelque chose ? "
Angleterre, post-Brexit, pendant le confinement. La narratrice reçoit un coup de fil pour le moins surprenant. Une ex connaissance de la fac l'appelle pour lui relater une expérience pour le moins étrange impliquant une serrure ancienne fabriquée par une femme.
Le récit alternera ensuite les deux temporalités: celle de cette forgeronne si douée et celle du COVID. Mais le plus surprenant est la place que la famille de cette vague connaissance va prendre au sein du foyer de la narratrice, rendant la situation pour le moins oppressante et anxiogène...
J'avoue n'avoir rien vu de ce qui était annoncé par la quatrième de couverture(Ali Smith interroge notre besoin de compagnie après la solitude du confinement. Jouer avec les mots, en extraire une signification qui nous échappe habituellement, interpréter ce qui nous arrive pour y donner du sens et être moins seuls, telle est la profession de foi d’Ali Smith. ) et être complètement passée à côté de ce roman...
A noter un texte très intéressant de la traductrice pour souligner le travail sur la langue et la grande complicité entre elle et l'autrice.
Traduit de l’anglais par Lætitia Devaux.
Grasset 2025.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ali smith
15/03/2025
Féminicide...en poche
" C'était ce qui les différenciait des citoyens ordinaires. Chaque revers était un affront personnel. Ils dirigeaient toujours leur haine vers l’extérieur, sans jamais se remettre en question. "
Une plongée éprouvante, sous forme d'enquête policière, dans le monde des Incels, ces célibataires involontaires, qui déchaînent leur haine des femmes sur les réseaux sociaux. Mais pas que. Un roman efficace et édifiant.
Lu à sa sortie, non chroniqué car nous sommes dans un monde suffisamment anxiogène.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : pascal engman
14/03/2025
L'orage qui vient...en poche
"D'où lui vient cette idée que l'on a besoin d'eux partout, d'où vient aux hommes cette certitude d'être essentiels ? "
Une communauté de femmes vivant de manière solidaire et quasiment en autarcie dans le Hameau. Survient un homme de la ville, élément perturbateur qui va brouiller les pistes et que l'héroïne, Mila ne sent pas du tout.
Très vite, on comprend que Mila, quinze ans, possède des facultés fantastiques et tout l'art de l'autrice est de révéler comment le Hameau compose, ou non, avec ces particularités.
Un roman qui bat en brèche les clichés et fait la part belle à la sororité et à la nature.
La Ville Brûle 2022
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louise mey
13/03/2025
Repentirs
"Alors que j'escamotais l'ombre grise incongrue de la voiture à cheval disparue, je me suis surprise à rêver de faire la même chose avec ma vie, d'effacer toutes les pensées éphémères et tous les désirs passagers-toutes les erreurs - qui ne correspondaient pas au moi futur que je m'étais imaginé ; j'en avais assez de réfléchir et d'attendre; je voulais que ce soit terminé. Mon esprit et mon corps me semblaient embrumés depuis tellement longtemps que j'avais presque oublié ce qu'était la clarté. "
Cathy et Noah ont décidé d'un commun accord de ne pas avoir d'enfants. Pourtant, après dix ans de mariage, Cathy songe à faire congeler ses ovocytes. Pour avoir le choix. Un attitude que Noah, son aîné de onze ans, ne comprend pas.
Parallèlement à cela, la mère de Cathy semble présenter les premiers signes d'une forme de démence sénile ,tandis que la meilleure amie de la jeune femme attend son deuxième enfant.
Perturbée par les choix qu'elle va devoir faire, Cathy se réfugie dans son travail et la restauration d'un tableau du XVIIe siècle," Vue des sables de Scheveningen" de Hendrick van Anthonissen. Au fur et à mesure que va se révéler ce qui a été dissimulé dans cette œuvre, la jeune femme y verra-t-elle plus clair ?
Avec une précision extrême, Chloé Ashby rend compte des tourments de son héroïne, tant physiques que psychologiques, et nous sommes captivés par ce récit. Un roman lumineux et intense.
Traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff.
Editions La Table Ronde 2025.
Envoi de l'éditeur sans contrepartie financière.
Son premier roman, Peinture fraiche, attend dans ma PAL...
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : chloé asby
11/03/2025
Chiennes de garde...en poche
Dans le dossier d'investigation, on disait que sur le chemin du retour, tu t'étais fait surprendre par au moins trois types, qui avait essayé de te voler ton portable, mais que la situation avait dérapé. Dérapé ? Dérapé? Ça veut dire quoi, une agression qui dérape? J'ai demandé à l'enquêteur avec un nœud dans la gorge. Et je n'ai pas pu m'empêcher de faire la comparaison, Monsieur le Commissaire, si ç’avait été un homme, comment ça se serait passé, une attaque qui dérape? Il le tue, il le poignarde et voilà, fin de l'histoire.
Waouh, quel uppercut ! Dès la première nouvelle, le ton est donné avec le récit d'une IVG médicamenteuse ( avec les moyens du bord ) par une jeune femme qui se dépeint sans chichis. Rien ne nous est épargné mais c'est fait sans voyeurisme, juste de manière clinique, si j'ose dire. ça passe ou ça casse .
Nous entrons ensuite dans une série de récits dont les personnages se croisent au fil des nouvelles, où nous pouvons envisager des situations de différents points de vue, mais toujours féminins. Une fille de narco-trafiquant, bien dans sa vie, sa meilleure amie, une femme qui travaille dans une maquiladora, ces usines proches de la frontière nord du Mexique, une sorcière, des sœurs couturières, une voleuse...toutes tentent de (sur) vivre, se vengent, et même la mort n'en viendra pas à bout.
La tension culmine dans le dernier texte , véritable litanie de toutes celles qui sont assassinées dans une indifférence quasi totale car "Le Mexique est un énorme monstre qui dévore les femmes. Le Mexique est un désert fait de poudre d'os. Le Mexique est un cimetière de croix roses. Le Mexique est un pays qui déteste les femmes. " Radical et nécessaire.
Editions du Sous-Sol, Points Seuil 2025.
Traduit de l’espagnol (Mexique) par Lise Belperron.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dahlia de la cerda, mexique
10/03/2025
Les saules
Un battement de paupière et Marie avait pris la tangente alors que la minute d'avant, elle riait à gorge déployée en sautant sur ses genoux. Encore ! Encore ! Encore, papa ! Gilles se demandait souvent ce qu'il avait mal fait et si tous les pères devaient ruminer dans leur coin des questions aussi insolubles.
Marie, dix-sept ans, trop belle, trop libre, trop mal aimée aussi, a été retrouvée, étranglée, au pied des saules. A deux cent mètres de chez elle, à la frontière entre deux mondes, celui des bouseux de la Basse Motte et celui, plus bourgeois, où elle résidait, de la Haute Motte.
Seule, une petite fille, harcelée à l’école car trop sale, trop différente des autres a vu l'assassin : Marguerite. Mais Marguerite ne parle guère. Qui prendrait d'ailleurs le temps de l'écouter dans sa famille trop occupée à survivre ?
Dans un espace rural où les rancœurs et les solidarités se mêlent de manière inextricable, l'enquête est menée par des enquêteurs la plupart du temps effacés du récit, aux interrogatoires tronqués, mais efficaces ,car ne laissant la place qu'aux réponses des personnes convoquées par la gendarmerie.
La peinture de ce microcosme est plutôt réussie, la résolution du problème façon western surprenante mais logique, mais c'est surtout la description de l'intériorité de Marguerite et de sa vision du monde que j'ai appréciée. Un premier roman prometteur.
Editions du Seuil 2025.
L'avis d'Aifelle : clic.
11:25 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : mathilde beaussault
08/03/2025
Vrouz...en poche
Voici du VROUZ ! annonce le bandeau de couverture. Du Vrouz? Un mot-valise plein d'énergie créé par l'acteur Jacques Bonnaffé (avec Sardine Robinson et Adèle Cockrobin) pour désigner V(alérie) Rouz(eau).
Et de l'énergie il y en a dans ce recueil de poèmes qui m'a enthousiasmée du début à la fin !
L'auteure fait feu de tout bois et recycle avec un humour parfois caustique les messages formatés de notre quotidien, qu'ils figurent sur une emballage de cigarettes , une notice de médicaments, voire une feuille de résultats d'analyses ! Elle nous entraîne dans son univers, qui pourrait être le notre, celui d'une quadra qui s'affirme dès le premier vers "Bonne à ça ou rien" , énumère ses incapacités , parfois cocasses, parfois plus sombres ,avant de conclure
"Pas fichue d'interrompre la rumeur qui se prend
Dans mes feuilles de saison"
et c'est tant mieux !
Une grande liberté aussi dans l'incorporation des citations d'auteurs chéris (et dûment répertoriés dans les notes de fin de volume- la dame est fort honnête et nous invite par la même occasion à emprunter de nouveaux chemins -) dans l'utilisation des registres de langue, voire de mots anglais. N'oublions pas en effet que Valérie Rouzeau est traductrice et spécialiste de Sylvia Plath.
Ces jeux sur les sons et les rythmes entraînent parfois la suppression des déterminants et des rencontres lexicales parfois brutales pour dire le monde où les humains sont réifiés, aussi interchangeables et remplaçables que leur téléphone (page87) sonnant dans une poubelle.
Les tonalités diffèrent donc, mais si les nuages et la pluie semblent omniprésents, le temps n'est pourtant pas à la mélancolie facile. L'auteure se livre sans fards , laissant deviner les marques de l'âge, les découragements devant cette "époque médiatique" si creuse et nous offre un très joli autoportrait (page 156) où elle affirme:
"Ne suis pas très causante encore moins conviviale
Quand vos paroles sont tellement toujours les mêmes
Interchangeables et creuses formules des tics en toc"
et renouvelle page 114 le thème de la Supplique pour être enterré en demandant :
"Plantez un chêne pour la rouzeau
Du vertical pour l'horizon
Puis de l'herbe bien folle autour
Plutôt qu'un gazon dormitif"
Une bien dynamique façon d'envisager le paysage qui abritera son corps !
Pour conclure une dernière citation :
"J'ai l'amour spontané de mon prochain sauf quand
Mon prochain s'intéresse de trop près à mon goût
à ma personne gentille et froide et solitaire
Alors là je m'éloigne à grande enjambées
Du buffet dînatoire où j'étais conviée
Et je rentre chez moi savourer mon congé"
Un recueil tout bruissant de marque-pages (un paquet y est passé !)
Vrouz, Valérie Rouzeau, La table ronde 2012, 169 pages toniques et jubilatoires !
Réédition 2025.
Et zou , le voici promu d'emblée livre de chevet !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, Poésie | Lien permanent | Commentaires (6)
07/03/2025
#ÀNOSARDEURS #NetGalleyFrance !
"C'est que je refuse d'appréhender la réalité de ta mort par la logique désenchantée du monde qui t'y aurait poussée. "
En lisant ce récit d'amitié féminine, j'avais en tête le roman de Sigrid Nunez Et nos yeux doivent accueillir l'aurore(clic) . En effet, tous deux mettent en scène une héroïne à fleur de peau, aux prises avec des problématiques différentes : le racisme et les inégalités sociales dans les années 60 chez Nunez, les enjeux écologiques actuels chez Bartholomeeusen.
Mais la forme est profondément différente car ici, la narratrice, Cécile, opte pour un récit impressionniste, émaillé de références,dûment sourcées à la fin de l'ouvrage. Si cela renforce la volonté de convaincre le lecteur, cela nuit un peu à l’émotion, même si le portrait de cette amie ardente est bien brossé. Avis en demi-teinte donc.
Les Avrils 2025.
Merci à l'éditeur et à Netgalley.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cécile bartholomeeusen