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09/02/2024

A prendre ou à laisser...en poche

"Elle refusait d'apparaître aux yeux de son assassin de  mari comme un vieux tacot goulu en carburant dont il faudrait remplacer tant de pièces qu'il se révélerait moins onéreux de l'abandonner à la casse et d'acheter un véhicule neuf. "

Pour des raisons diverses (des antécédents de dégénérescences du cerveau ,le désir  ne pas être un poids pour le National Health Service...) , Cyril et Kay ont passé un pacte: le jour du quatre-vingtième anniversaire de Kay, ils mettront fin à leurs jours.
Arrive le jour fatidique et tout n'est pas si simple. lionel shriver
Un point de départ, douze possibilités et autant de textes aux tonalités diverses qui nous permettent de réfléchir sur la vieillesse et la fin de vie. Le risque était de tomber dans une certaine mécanique, mais Lionel Shriver parvient toujours à nous surprendre, voire à nous effrayer. L'humour est toujours aussi grinçant et l'autrice n'hésite pas à brosser d'elle un portrait au vitriol , un clin d’œil bien venu pour éviter toute position surplombante. Un pur régal.

 

Traduit de l’américain par Catherine Gibert

08/02/2024

Python

"Nos textes quand ils s'affichent sur l'ordinateur s'écrivent sur un millefeuille d'autres textes écrits par d'autres mains. L'idée de palimpseste a toujours enchanté les écrivains, mais de ce palimpseste-là, ils ne parlent pas. "

La narratrice,  romancière d'une cinquantaine d'années, est un jour fascinée par la concentration avec laquelle le fils d'un de ses amis est penché sur son ordinateur, en train de coder. Intéressée par ce nouveau langage, elle se met en tête d'apprendre à coder, tente la "piscine" pour intégrer la fameuse école 42 de Xavier Niel, échoue, évidemment, mais se met à fréquenter , en observatrice tout ce petit monde de geeks. nathalie azoulai
Si on apprend plein d'informations intéressantes sur cet univers qui trop souvent dépasse ceux qui ne sont pas nés avec Internet, très vite, on se demande où va le roman et quel est son réel intérêt. Pourquoi évoquer tout à coup son ami d'enfance qu'elle ne voit plus ? Pourquoi débusquer cet étudiant de l'école 42 jusque chez lui ? Le récit se termine de manière abrupte et peu satisfaisante.

 

 P.O.L 2024.

07/02/2024

La Vie Précieuse

"il y a pourtant des petites choses coupantes dansa doublure de mon cœur. Des choses comme des petits animaux qui traquent mon corps. Des animaux à l'intérieur. "

Roman autobiographique et de formation La Vie Précieuse pulse de l'énergie de son autrice et narratrice. Jouant avec la typographie, la page, usant avec virtuosité des ellipses, sans jamais perdre son lecteur en route, Yrsa Dale-Ward  se livre avec franchise, n'occultant ni le racisme dont elle a été victime dans les années 80 dans le Nord de l’Angleterre, ni les addictions dont elle a souffert , ni la prostitution . 
J'ai particulièrement été marquée par la dissociation dont elle use dans son récit, passant du "je " au "tu" pour mieux relater "unenuitputaindefroide" et par la manière dont elle évoque sa relation à son corps et comment, très tôt, il est envisagé par les hommes. yrsa daley-ward
Sans pathos, elle évoque sa mère qui l'élevée sans père à proximité, se tuant littéralement au travail, ses grands-parents extrêmement religieux, son petit frère aussi, tant aimé. Un texte puissant traduit par Julia Kerninon.

 

Merci à Babelio et à l'éditeur pour cette découverte.yrsa daley-ward

 

06/02/2024

à quoi songent-ils ceux que le sommeil fuit ?

"Je devine les trois rectangles laissés par les cadres décrochés. Nos traces. Je veux m'assurer que nous avons vécu ici, heureux.M'assurer qu'il reste quelques marques, quelques empreintes de notre histoire. Alors, je viens rôder là quand le sommeil m'évite. Les heures profondes de la nuit sont aussi les premières du matin, un matin qui s'ignore et n'a rien à dire au jour, un matin enveloppé de ses ténèbres comme dans un manteau d'hiver. "

En lisant ces micro-fictions, reliées entre elles par des monostiches consacrés à la nuit, j'avais en tête ces vers de Paul Eluard

"Nous vivons dans l'oubli de nos métamorphoses
Le jour est paresseux mais la nuit est active
Un bol d'air à midi la nuit le filtre et l'use
La nuit ne laisse pas de poussière sur nous".

Mais chez Gaëlle Josse, pas de répit pour ces insomniaques que la nuit travaille . Il est souvent question ici de solitude et nos moyens de communication modernes ne font semble-t-il que l'exacerber, qu'on attende une sonnerie ou qu'on ait oublié d'enlever le mode silencieux...gaëlle josse
Vieillard que l'usure du corps rattrape, enfants qui se croient responsables du départ d'un adulte, mais aussi père qui contemple , sans trop y croire , les reliefs d'un anniversaire témoignant de sa rédemption, tous ils nous émeuvent à leur façon.
Il est souvent question de fenêtres dans ces textes, transition vers l'ailleurs ou ouverture vers l'avenir, leur absence n'en devient que plus criante dans le dernier texte, qui, sans pathos, de manière poétique mais efficace,  dit la dureté d'un monde où l'on s'est habitué à la misère.

Notabilia 2024, 217 pages poétiques  et indispensables. 

 

 

05/02/2024

Fantastique histoire d'amour

"-attendre quelqu'un dans un McDo un dimanche soir  de pluie étant une démonstration redoutable de la nullité morale du capitalisme. "

Un homme, fasciné, observe une jeune femme qui, dans un parc de Lyon, nourrit, à la main, des mésanges.
Lui, c'est Bastien, inspecteur du travail . Il ne se remet pas d'avoir été quitté et supporte difficilement de ne pouvoir être efficace que pour une toute petite partie des salariés qui le contactent.
Elle, c'est Maïa, journaliste scientifique, elle assume pleinement ses envies charnelles et son célibat.
Pour que ces deux-là soient réunis-ou pas-, il faudra une tante physicienne au CERN qui vient de faire une expérience (ratée) sur un cristal scintillateur et une compacteuse "responsable" d'un accident de travail (ou serait-ce un homicide? ).
Explorant cette fois le territoire du thriller; Sophie Duvry, nous livre un roman hautement addictif qu'on se réjouit de retrouver le soir tant elle joue avec nos nerfs mais sait aussi nous émouvoir avec ces deux bras-cassés de l'amour.sophie divry
Une pointe de roman social,  une critique du financement privé de la recherche scientifique viennent relever le tout et des personnages secondaires bien campés finissent de parfaire ces 512 pages sans aucune longueur et parsemées d'oiseaux.....  Dès la scène inaugurale, j'ai su  que j'étais cueillie.Une réussite qui file  sur l'étagère des indispensables.

 

Le  Seuil 2024.

30/01/2024

Éruptions, amour et autres cataclysmes

"Ah, les scientifiques, vous êtes toujours tellement pessimistes, rétorque Sigridur Mari. La nature islandaise a toujours été dangereuse et imprévisible, c'est ce qui fait tout son intérêt. "

Anna fait partie des meilleurs spécialistes des volcans en Islande. Dès l'enfance, grâce à son père, elle a été imprégnée de leur poésie, de leur imprévisibilité aussi. Membre du conseil de sécurité, elle est amenée à prendre des décisions qui doivent à la fois rassurer le public (et les touristes en particulier car le tourisme est l'une des ressources financières de cette île) et préserver la sécurité de tous.
 Une éruption sous-marine ayant eu lieu, il convient de s'assurer que cette activité volcanique ne va pas s'étendre...sigríður hagalín björnsdóttir
La tâche est rude pour notre héroïne car, la rencontre d'un photographe va l’amener à remettre sa vie amoureuse (un peu trop plan plan) en question, au risque de détruire sa famille.
D'emblée le récit nous plonge au cœur du monde des volcans et de la relation si particulière que l'Islande et les Islandais entretiennent avec eux. L'écriture se fait ample, poétique et on ressent parfaitement la passion d'Anna que l'autrice nous fait partager.
Je reste plus mitigée sur la vie privée de la géologue mais la description d'un accouchement et des pensées de la parturiente liées aux forces telluriques est un morceau de bravoure que je n'oublierai pas de sitôt.  En outre, le récit n'épargne pas le lecteur et joue avec ses nerfs dans la dernière partie du roman. Une réussite et l'on tourne avec bonheur les 336 pages de ce texte surprenant à plus d'un titre.

 

 

Éditions Gaïa 2024, traduction d'Eric Boury.

26/01/2024

Sortir au jour ...en poche

"Le deuil est devenu une affaire individuelle avec des étapes à franchir. Mais nous ne sommes pas des êtres linéaires. Il y a toujours des retours en arrière. "

Dans une librairie, Amandine Dhée rencontre une thanatopractrice, Gabriele. Pour cette dernière, en quête de sens , ce métier est une reconversion qui suscite bien des étonnements, voire des rejets.
Entre les deux femmes s'instaure un dialogue , entrecoupé par des extraits du  verbatim d'une émission : Vis ma vie de thanatopracteur.
Quelle drôle d'idée un livre sur la perte, pourrait-on penser. Mais l'autrice, mêlant ses réflexions sur la mort, mais aussi la création et la volonté de transmission instaure  un échange fécond , souvent surprenant, mais riche d'humanité.
Elle y évoque, souvent avec humour,  aussi bien le confinement et ses conséquences ,"Ce soir , le président de la République nous pousse à l'intérieur de nos maisons et nous ordonne d'y rester. Il nous invite même à lire, c'est dire si la situation est grave. "  que sa famille , "On parle de liens du sang, mais les familles sont d'abord faites de beurre et de sucre, n'en déplaise aux scientifiques et aux diététiciens. "81X-7l-RtVL._SL1500_.jpg
Le ton se fait parfois plus grave, mais la tendresse règne toujours quand il s'agit d'évoquer ses enfants ou de rendre un hommage à France Gall.
Quant à Gabriele, elle nous permet de voir l'envers d'un décor qui trop souvent est occulté .Elle aussi sait se montrer drôle mais se révolte aussi contre les hypocrisies sociales qui veulent passer la beauté de sa profession à la trappe.
Un livre plein de vie  qui ferait presque la nique à la mort.

19/01/2024

L'été de la sorcière...en poche

"Son entraînement pour devenir sorcière était bien différent de ce qu'elle avait cru au début, mais tout était nouveau pour elle et amusant malgré tout. "

L'annonce de la mort de sa grand-mère, d'origine anglaise mais totalement intégrée à la culture japonaise, est pour la jeune Mai l'occasion de revenir sur ce séjour qu'elle avait effectué deux ans auparavant auprès de cette femme atypique, un peu sorcière selon les dires de la mère de la jeune fille.
Ce n'était pas une époque facile pour Mai, trop angoissée pour continuer à suivre ses cours au collège. Mais sa grand-mère avait su l'apaiser par un rythme de vie régulier au sein d'une nature tout sauf idyllique, où la mort avait autant sa place que la mort.nashiki kaho
Grâce à une écriture en apparence simple, mais pas simpliste, des personnages aux caractères bien moins lisses qu'il n'y paraît à première vue, l'autrice réussit un tour de force: évoquer des thèmes puissants tout en apaisant ses lecteurs.trices. Voilà qui relève bien d'un peu de magie et donne bien sûr envie de découvrir d'autres œuvres de Nashiki Kaho.

Picquier 2021, traduit du japonais par Déborah Pierret-Watanabe.

18/01/2024

Les pistes

"Clandestine l'écriture, signes d'autres langues, mots étrangers, mots sentences, lois et ordres parsèment le paysage de pièges. Elle s'adapte, se délie, elle délivre, suit les pistes et cailloux semés par tous les enfants perdus. "

Trois personnages : Eve  et son verre; Piotr et sa chemise; un enfant, Tom , son vélo. Quarante- deux pistes, quarante-deux courts récits où les tonalités diffèrent, où les références se devinent parfois (Sylvia Plath, Shining, Unica Zürn et Hans Bellmer...), où les définitions de l'écriture clôturent souvent les pistes. perrine le querrec
On pense à l'Ouvroir de LIttérature Potentielle, bien sûr et l'écriture singulière dans sa ponctuation peut dérouter au début , mais bien vite on apprécie la singularité et la virtuosité. Reste que l'émotion est parfois absente.

Éditions Art et Fiction 2024.

17/01/2024

#Celuiquinaimaitpaslire #NetGalleyFrance !

"Je suis timide : les personnages des romans parlent pour moi. Je suis casanier : ils me font parcourir le monde. J'ai peur de déplaire aux femmes : ils les séduisent à ma place. Je comprends mal le monde : ils me l'expliquent en s'y frottant à ma place. Je me sens lâche : ils sont héroïques. Vaniteux : ils m'enseignent l'humilité, la fragilité, l'humanité. "

 

Daniel Pennac dans Chagrin d'école relate la souffrance du cancre qu'il était dès l'enfance et qui est parvenu à devenir professeur , puis écrivain.
Mikaël Ollivier,lui, c'est à l'adolescence que les choses se sont gâtées, mais dès le début l'école a su éliminer toute notion de plaisir de l'acte de lire. Il n'était donc pas un lecteur, contrairement à son frère aîné.
C'est par le biais du cinéma, et de ses adaptations de romans qu'il le deviendra et dans la foulée, il écrira des romans, ce qui lui permettra de rencontrer sa femme, ce qui n'est pas rien.mikaël ollivier
J'ai beaucoup aimé découvrir de l'intérieur comment un élève apparemment sans problèmes, devient un "décrocheur"et la manière positive dont ses parents mais aussi la principale du lycée ont réagi.  Un récit autobiographique classique mais intéressant. Une réédition d'un texte de 2004.

 

La Martinière Jeunesse 2024.  mikaël ollivier