05/04/2021
Vivre avec nos morts
"Je crois que jamais mieux ce jour-là, je n'ai compris mon rôle et ce à quoi sert un officiant au cimetière. Accompagner les endeuillés, non pas pour leur apprendre quelque chose qu'ils ne savaient déjà, mais pour leur traduire ce qu'ils vous ont dit, afin qu 'ils puissent l'entendre à leur tour. Et s'assurer ainsi que le récit qui a quitté leur bouche revienne à leurs oreilles par l'intermédiaire d'une voix qui n 'est pas la leur, enfin pas tout à fait, une voix qui fait dialoguer leurs mots avec ceux d'une tradition ancestrale, transmise de génération en génération, aux "bons" comme aux "mauvais" juifs et surtout à ceux qui font comme ils peuvent."
Être rabbin ne fait pas d'elle une "spécialiste de la mort", comme elle tient à le préciser, mais son rapport aux mots et aux humains nous permet de mieux comprendre que les réponses stéréotypées ne sont pas de mise avec cette femme d'une grande finesse et intelligence.
Les récits qui sont ici rassemblés témoignent d'expériences diverses, souvent fort émouvantes, qui ne font pourtant pas économie de l'humour , certains ayant une singulière façon de vouloir tout contrôler , même après leur décès...
Des textes qui permettent aussi de découvrir certaines traditions juives .
Une lecture prenante et éclairante.
Grasset 2021
06:04 Publié dans témoignage | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : delphine horvilleur
01/02/2021
La fille de cinquante ans
"J'ai noué des liens étroits avec le mot "non". Je le connais comme on connaît le quartier de son enfance. je l'ai entendu tant de fois, sur tellement de tons, dans tellement de contextes qu'il est devenu presque une partie de moi-même."
L'objectif de Malin Lindroth est clair : "Avec ce livre, je veux redonner de la noblesse à celui [ ce mot] qui désigne la femme de cinquante ans, sans enfants, involontairement seule et qui ne s'est jamais reconnue dans les récits de vie de célibataire que proposent nos cultures je veux remettre au goût du jour les termes de vieille fille." Des mots qu'elle estime emplis de honte car ils évoquent l'échec dans la société occidentale où prévaut le couple.
Partant de son enfance, où elle estime être d'emblée disqualifiée, l'autrice revient sur des épisodes passablement traumatisants de son adolescence ou de sa vie amoureuse d’adulte.
Manquant d'estime de soi, c'est au prix d'une analyse qu'elle parviendra à rejeter le schéma de la femme "geisha" , invisibilisée pour mieux être au service d'un homme qui n'éprouve pour elle aucun sentiment amoureux.
Un témoignage-essai profondément émouvant qui brise un tabou et évoque la richesse de ces existences hors normes et si riches d'humanité. On regrettera juste au passage que le titre n'ose utiliser les termes que veut se réapproprier l'autrice...
Traduit du suédois par Marianne Ségol-Samoy
Éditions du globe 2020, 109 pages éclairantes.
06:00 Publié dans témoignage | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : malin lindroth