22/04/2022
Les femmes aussi sont du voyage
"Sans le concours des esclaves, domestiques, cuisiniers, interprètes et autres subalternes , un grand nombre d'explorations auraient été rendues impossibles. "
Aujourd'hui encore le voyageur est majoritairement un homme, blanc et occidental de surcroît. Pourtant, bien que reléguées dans la sphère domestique, des femmes ont enfreint les règles de la société et se sont lancées dans des voyages.
Une femme ayant réalisé un périple suscite de nombreux avertissements avant, voire le soupçon après (a-t-elle vraiment réalisé cet exploit? ) et si elle part en couple ou en famille, elle sera reléguée dans l’ombre de son compagnon.
Changeant de perspective, étayant ses propos de nombreux exemples, Lucie Azema démontre en deux parties les liens du voyage avec la démonstration de la virilité et la misogynie qui lui est inhérente.
Elle pointe aussi du doigt la nécessité de décoloniser le voyage et la fétichisation du corps des femmes dans les récits de voyage, que ce soit dans l'évocation des harems ou des bordels.
Elle affirme enfin l'effet émancipateur du voyage pour les femmes ainsi que les mensonges et les approximations dont se rendent souvent coupables certains grands voyageurs dont la misogynie peut mettre en péril la vie de celles qu'ils accompagnent.
Un essai qui suscite l'envie de dévorer une brassée de récits de voyages ...au féminin !
Flammarion 2021.
06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : lucie azema, femmes, voyages
22/12/2008
"Ce sont les gens qui ne savent pas être heureux qui voyagent."
"Les Américains peuvent faire le tour du monde et rester des Américains, mener exactement la même vie qu'en Amérique sans que personne ne se demande qui ils sont , ni pourquoi ils agissent de telle ou telle manière." Certains d'entre eux, dont ces Lucky Girls dont nous entretient Nell Freudenberger dans ces nouvelles vont cependant se trouver profondément changés par leurs séjour dans différents pays d'Asie.
Chanceuses, ces héroïnes des quatre premières nouvelles le sont d'une certaine manière , car issues de milieux plutôt aisés, elles peuvent choisir de séjourner à l'étranger, sans pour autant remettre en question leur identité, ce séjour étant de durée déterminée.
Pourtant, confrontée à la mère de son amant marié, l'héroïne du premier texte s'entendra dire "Vous n'étiez pas chez vous ici.(...) Personne ne savait qui vous étiez."Elle qui ne souvient même plus du prénom de sa future belle-soeur , ne rentrera pas aux Etats-unis pour le mariage de son frère ,ne pourra désormais plus ignorer l'importance de la famille en Inde...En effet, la famille américaine , en comparaison, semble bien déliquescente puisque dans la seconde nouvelle, des parents cachent à leurs enfants au bord de l'âge adulte; qu'ils sont séparés et ne savent comment leur annoncer leur divorce. Même souci du secret dans "Le professeur particulier" où une jeune fille apprendra enfin les véritables raisons du séjour en Inde de son père. Vivre à l'étranger c'est aussi l'occasion de faire ses premières armes amoureuse ou de rééclairer d'un jour nouveau le passé. Ainsi dans mon texte préféré, "Devant la porte orientale", une quadragénaire revient sur son enfance , à la fois douloureuse et enchantée, pleine d'odeurs et de couleurs, grâce à la magie d'une mère hors-norme dans laquelle finalement elle ne peut que se retrouver...
La dernière nouvelle, quant à elle, analyse par une subtile mise en abîme le processus de la création littéraire et nous montre une fois de plus que, mine de rien, les femmes sont les plus à même de se confronter à la réalité...
Riches et pleines d'émotions, les nouvelles de Nell Freudenberger réussissent le petit miracle de nous transporter dans des univers chatoyants et subtilement désenchantés.
Un grand merci à Cuné pour l'envoi !
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : lucky girls, nell freudenberger, voyages, littérature
04/12/2008
Une pâle beauté
Commencée avec Les rois et les voleurs, récit d'une adolescence à cent à l'heure, mon immersion radieuse dans l'univers de Muriel cerf s'est logiquement poursuivie avec L'antivoyage, roman relatant ses périples en Asie.
Babel vient d'avoir l'excellent idée de rééditer ce premier roman de Muriel Cerf, l'occasion pour ceux qui ne la connaîtraient pas encore de se frotter à son univers bigarré et foisonnant.
Sa langue baroque et chatoyante charrie tour à tour l'or et la boue, son narcissisme séducteur fascine le lecteur, le tout nous entraîne dans un monde flamboyant. A découvrir absolument !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : muriel cerf, voyages, antivoyage, asie, quand va-t-on rééditer "les rois et les voleurs "?
15/09/2008
"les nouvelles , c'est comme les empanadas...
En tronquant le vers de Joachim Dubellay qui donne son titre au recueil, Georges Flipo donne le ton. Il n'est pas forcément heureux Ulysse et il n'a pas forcément fait un beau voyage.Dans ces quatorze nouvelles aux tonalités très différentes, l'auteur, plus que des pays ou des paysages, explore l'âme humaine, ses petitesses, ses noirceurs encore exacerbées par l'éloignement du pays natal. Comme si loin de chez soi, nos plus viles passions ou nos mensonges se donnaient libre-cours... Certains voyageurs se dépasseront pourtant en choisissant d'aller jusqu'au sacrifice pour connaître la rédemption...Mais tout n'est pas noir pour autant et de jolies bulles de nostalgie ou de tendresse viennent réconforter le lecteur embarqué dans un périple qui nous conduit en Amérique Latine, en Asie, à Venise ou bien plus près de chez nous...
On se dit que Georges Flipo possède le don , comme un de ses héros de susciter (et d'exploiter? ) les confidences, (comment autrement se glisser dans la peau de sept femmes quadragénaires? ), mais comme il a beaucoup de talent, il lui sera beaucoup pardonné...
Heureux Qui comme Ulysse , et beaucoup d'autres déjà, a lu, ce recueil .
Pour écouter une nouvelle, toute en sensibilité et en émotion, lue par Cuné, c'est ici !
L'avis de Cuné
Celui de Laure
N'hésitez pas à vous signaler pour que je mette votre article en lien !
06:06 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : voyages, nouvelles, qui comme ulysse, georges flipo