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10/01/2011

Serena

"Faut dire qu'on avait encore jamais vu sa pareille dans nos montagnes."

Quand Serena rencontre Georges Pemberton, riche exploitant forestier, elle est persuadée d'avoir enfin rencontré quelqu'un à la mesure de son ambition et de sa personnalité, forte, implacable. Les deux époux entendent bien dévaster à leur profit la forêt que tentent de préserver quelques écolos avant l'heure (nous sommes dans les années 30 aux Etats-Unis), en créant un parc national.516B3E90v2L._SL500_AA300_.jpg
Que Pemberton fasse mine de préserver la vie du bâtard qu'il a conçu avant son mariage va bientôt changer la donne car on ne se met pas impunément en travers du chemin de Serena.
A la lecture de la scène initiale du roman de Ron Trash, le lecteur , à peine remis du choc,  a un doute, se croyant au temps du Western tant la violence semble banalisée et quasi impunie. Mais ce sont bien les années de la crise de 29,  qui entraînent des hordes de chômeurs dépenaillés à se présenter en rangs serrés pour remplacer les bûcherons dont l'espérance de vie est très réduite, étant donné leurs conditions de travail, qui sont ici décrites avec souffle et puissance.
La destruction de la forêt - et de toutes les formes de vie qu'elle hébergeait- ainsi que le comportement de prédateurs des époux Pemberton, qui usent indifféremment de la violence ou de la corruption, sont commentés par une équipe de bûcherons qui assume le rôle de choeur dans cette tragédie moderne. Leur langue truculente et leurs commentaires acérés insufflent un peu d'oxygène dans une atmosphère qui emprunte à la fois au thriller quand la traque se met en place et au réalisme magique, tant la figure de Serena évoque celle de la femme maléfique et ensorcelante. On a le coeur qui bat la chamade , on étouffe devant tant de noirceur et on ne peut s'empêcher de penser que la situation décrite trouve des échos dans notre XXI ème siécle tout aussi destructeur, avide et gaspilleur. Magistral.

Serena, Ron Trash, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Béatrice Vierne, Le Masque 2011, 404 pages redoutablement prenantes.

Bon, maintenant je suis cuite: il ne me reste plus qu'à lire Un pied au Paradis !

28/11/2008

"Moi, c'est mon âme qui ne bat plus."

Celui qui parle ainsi c'est Slimane. Slimane qui admire et chérit son grand frère Maxence . Avec lui le  quotidien  est un peu plus doux car  "il fait danser la vie. Il  l'oblige à voler toujours plus haut, même  quand elle n'en peut plus et qu'elle veut se  fracasser sur le  bitume." Maxence qui lui explique  que  les  adultes  "font des erreurs, et après , ils ont plus la  force  de  tout recommencer." Comme leur mère qui  les aime mais  pas  au point de les emmener loin du Démon, leur père qui explose en crises de rage incontrôlable, les roue de coups  et fait régner la terreur. Maxence qui va préférer un jour partir au Pays sans adultes ...41tiQLxqwgL._SL500_AA240_.jpg
En lisant le deuxième roman de Ondine Khayat j'ai plus d'une fois songé à Momo le  héros de La vie devant soi d'Emile  Ajar alias  Romain Gary. Même émotion , même invention langagière  mais ici la voix enfantine  triture les mots pour mieux faire ployer le réel, pour s'en échapper ne serait-ce qu'un instant.
Partant d'une situation émotionnellement  très forte, (j'ai eu les larmes aux yeux à plusieurs reprises),l'auteure  tempère la violence par l'évocation du monde très imagé de Slimane. On frôle parfois le pathos et peut être aurait-il fallu un tout petit peu raccourcir certains passages afin  de donner davantage de densité au récit mais il n'en reste pas moins que j'ai  dévoré d'une traite ce roman très émouvant.  Une vraie voix, intense et belle.

Merci à  Suzanne de Chez  les  filles et aux Editions Anne Carrière pour ce "pur moment d'émotion."

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27/11/2008

"Quand j'y repense, c'est vrai, je n'ai pas pleuré, j'ai vomi."

Une atmosphère lourde, épaisse. celle d'une cité. Pas de noms, juste des numéros: "Cité 12 et ciel de Meuse. Département 62." Et une fille qui boxe : Angélique. Contraste entre le prénom  empli de douceur et le mal être qui s'exprime d'une manière quasi animale, et ce dès l'école primaire. Alors forcément Angélique s'est attiré des ennuis.
Sa manière de vouloir s'endurcir, "durcir, encore et toujours,jusqu'à ce que tout se brise sur elle, sans que rien ne l'égratigne. Et tant pis pour les autres. Ils l'avaient voulue comme ça , ils n'avaient qu 'à compter leurs abattis." ne pourra cependant pas éviter qu'un jour la vie la mette au tapis...41+I74-NOyL._SL500_AA240_.jpg
Alternant récit et prise de parole du personnage, Angélique boxe est un roman dense et noir où subsiste  pourtant une flamme tremblotante d'espoir. En effet, même rouée de coups, au propre ou au figuré, L'adolescente se relève car elle a une énergie vorace .

La violence de l'héroïne est cependant présentée d'une manière dérangeante : "à se chercher comme ça, comme de jeunes lionceaux qui jouent aux grands, il y avait quelque chose de sain, qui désamorçait au lieu d'envenimer. Une manière de dire les choses au lieu de les laisser moisir, sans pour autant que cela touche à la violence, la vraie. Mais ça , les grands, ils comprennent pas, ils ont du mal." Cette violence qui se donne à voir au sein de l'institution scolaire ne peut évidemment être tolérée par le maître d'école. L'auteur nous indique auparavant que les frères d'Angélique eux ""pouvaient"se battre", mais il faut noter qu'ils le font en dehors de l'école. On laisse donc entendre qu'Angélique ne peut être violente car elle est une fille. Il est évident que les bagarres au sein de l'école ne sont pas tolérées qu'elles concernent filles ou garçons.
En outre, la langue qu'utilise le personnage qui, certes a progressé au cours de sa scolarité, est très riche et on se demande bien pourquoi elle a choisi de s'exprimer avec ses poings plutôt qu'avec des mots.

Bilan mitigé donc, non sur la forme ,mais sur le fond.

Angélique boxe Richard Couaillet. Actes Sud Junior.