05/02/2012
L'été de l'ours
"Qui savait pourquoi la vie des uns allait de travers et celle des autres non ? "
Une drôle de voiture brinqueballe sur la route. à l'intérieur une famille brisée, celle des Fleming, qui part se réfugier sur une île des Hébrides.
Depuis le décès de son mari, diplomate anglais de haut rang en poste à Bonn en pleine guerre froide (nous sommes au début des années 80), Letty doit tout à la fois faire face à cette mort aussi soudaine qu'inexpliquée et affronter les soupçons de trahison qui pèsent sur son époux. Quant aux enfants, quelque peu livrés à eux-mêmes sur cette île qu'ils affectionnent particulièrement, ils affronteront l'épreuve chacun à leur manière, cruelle, sensuelle ou onirique.
Et l'ours me direz-vous ? Hé bien, il joue un rôle tout à fait particulier que je vous laisse le soin et le plaisir de découvrir !
J'ai tout aimé dans ce livre ! La description des liens subtils entre les membres de cette famille déchirée qui ne parvient plus à communiquer, chacun recroquevillé sur sa douleur ; la douceur de Georgie, la fille aînée, la cruauté de la terrible Alba qui tyrannise son petit frère Jamie que sa mère veut à tout prix protégé car il est hypersensible et d'une maladresse maladive. "Comment survivrait Jamie dans le monde des adultes sans recourir à l'ironie ou au sarcasme, alors même que sa condition invitait l'utilisation constante de ces instruments contre lui ? ", s'inquiète aussi Georgie.
Pourtant Jamie, à sa manière maladroite, poétique et lunaire devra se confronter à la vérité et il n'est pas forcément le plus mal armé pour cela...
Oui, j'ai tout aimé : l'atmosphère de cette île sauvage et fascinante ,la présence si singulière de l'ours, le style fluide et imagé, les personnages qu'on a envie de réconforter tellement on les sent proches de nous, la structure du roman, donnant la parole alternativement aux personnages, la manière dont l'énigme est résolue...
Un bon gros roman (405 pages qui se dévorent !) réconfortant et chaleureux !
L'été de l'ours, Bella Pollen, traduit de l'anglais par Florence Bertrand, Belfond 2012.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : bella pollen, famille, trahison, guerre froide
10/02/2009
"La branchouillarde et le cul-bénit."
Deux amies perdues de vue depuis longtemps renouent sept ans après que leurs chemins se soient séparés. Recommencent alors leurs drôles de relations, oscillant entre dépendance et désinvolture, amour et haine, voire folie...
Marine Bramly dans ce premier roman, Festin de miettes, s'aventure sur un territoire déjà bien balisé, celui de l'amitié féminine , en y instillant une dose de noirceur réjouissante. Commencé de manière plutôt conventionnelle et primesautière, le récit va progressivement virer à l'aigre quand sera révélé le motif de la brouille qui avait séparé Deva la vierge folle et Sophie la vierge sage.
L'auteure analyse finement la psychologie de ses personnages et fouille avec délectation leurs plaies . Elle les promène de St germain des prés aux quartiers les plus pauvres de Dakar et nous les suivons avec le même enthousiasme car elle a l'art de rendre vivants jusqu'aux personnages secondaires. Dommage que la fin ne soit pas à la hauteur de nos espérances, mais là c'est mon fichu besoin de vraisemblance qui refait surface. !Un fort joli moment de lecture.
Sortira en poche le 11 février mais j'ai craqué sur l'édition "France Loisirs"!
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : festins de miettes, marine bramly, amitié, trahison, folie
23/10/2008
"L'âme de Grace Paley dans le corps de Jennifer Lopez."
Oui, il est question de cancer, de mal d'enfant, de trahison, de transsexualité mais nous ne sommes pas , loin s'en faut dans une quelconque émission de télévision trash ! Amy Bloom dans son recueil de nouvelles Mauvais genre (qui vient enfin de paraître en édition de poche) traite de tous ces thèmes avec une délicatesse extrême et chacun de ses textes est une sorte de petit miracle en équilibre entre émotion et humour.
Placés dans des situations extrêmes, ses personnages auraient toutes les excuses pour geindre en choeur et s'apitoyer sur leur sort mais, sans posture bravache, ils relèvent la tête et avancent .
Amy Bloom prend un véritable plaisir à bousculer les tabous et à aborder des thèmes difficiles mais ce n'est jamais dans un objectif voyeuriste ou sensationnaliste. On sent qu'elle éprouve une réelle empathie à l'égard de ses personnages (serait-ce là un effet de sa double profession: psychanalyste et écrivain? ) et le thème de la résilience est abordé avec humour et sans pathos.
Pas de morbidité mais une réelle tendresse qui se donne à lire.
J'ajouterai , pour vaincre vos dernières réticences, que ce livre figure depuis 2003 en bonne place sur mon étagère de chevet et que, contrairement à beaucoup d'autres, il n'en a jamais bougé.
Pour le plaisir un extrait : " J'ai des parents morts -l'idéal à ce stade de la vie- deux soeurs que j'aime de loin , un jardin aussi proche que possible du paradis que je le souhaite et un groupe de lecture auquel j'appartiens depuis quatorze ans , qui sert aussi de hot-line en direct pour toute question relative à la mastectomie et à la ménopause, comme d'association de soutien aux parents et amis des gays et lesbiens.(...)j'ai été agréablement surprise par la maturité , qui m'offre la possibilité de faire du yoga et du jardinage pour stimuler mon âme et mon organisme, et de la comptabilité pour payer mes factures."
(180 pages)
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : amy bloom, mauvais genre, cancer, mal d'enfant, trahison, transsexualité