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21/08/2014

Dans les yeux des autres

"Elle sent en elle les milliers de feuilles de livres lues et déposées en elle comme un terreau, comme un engrais."


Anna relit ses carnets, revit ses amours et ses désillusions. N'ayant écrit qu'un seul roman, elle a quitté la scène littéraire et ses petits maîtres (dont l'auteure brosse un portrait vachard) et , ce qui faisait sa vie vingt ans auparavant: l'engagement politique .geneviève brisac,soeurs
Démunie, elle loge chez sa sœur Molly qui, même "cabossée" ,continue à militer ,mais par le biais son travail de médecin dans un dispensaire. Entre elles, une relation complexe, des hommes, mais surtout une mère excentrique qui essaie toujours de tirer la couverture à elle, d'attirer l'attention: Méline.
Portrait d'une génération aventurière et pleine de vie, Dans les yeux des autres fait la part belle à l'idéal, l'humour, le tout saupoudré d'un soupçon de mélancolie. On retrouve ici  avec plaisir l'écriture ample et belle de Geneviève Brisac , qui , par son sens de l'observation, comme les romancières anglaises , sait être au plus près du quotidien : "Une urgence vous prend d'être à la maison, de sentir l'odeur de renfermé de la maison, d’ouvrir les fenêtres et le courrier : de désengourdir l'air. On voit certaines personnes qui, des dizaines de kilomètres avant la gare d'arrivée, rangent leurs affaires, remettent leurs vestes, sortent le ticket du métro qui les ramènera chez elles."Nulle mièvrerie dans sa description des rapports humains mais une réelle empathie qui n'exclut pas le regard critique. Un bilan de vie salé-sucré mais un roman enthousiasmant !

Dans les yeux des autres, Geneviève Brisac, Editions de l'Olivier 306 pages constellées de marque-pages.

 

10/11/2011

Je ne suis pas Eugénie Grandet

"On ne peut pas toujours être au premier rang de la vie des autres, vois-tu. On a sa propre vie à mener et ce n'est pas facile d'être soi."

Deux oeuvres d'art comme repères dans ce roman :  Eugénie Grandet qu'Alice s'efforce de lire parce que sa soeur aînée, Anne-Louise a décidé de l'emmener visiter l'exposition de Louise Bourgeois, Moi, Eugénie Grandet et la Cerisaie, pièce sur laquelle travaillent Anne-Louise aux costumes et son amoureux Max à la mise en scène. Deux oeuvres d'art sur le thème de la famille qui vont permettre à l'adolescente de se positionner, avec intensité . Quand elle affirme: Je ne suis pas Eugénie Grandet , elle refuse ainsi le destin fané de l'héroïne de Balzac et trouvera aussi sa juste place vis àvis de sa soeur et un peu plus tard d'une grand-mère quasi inconnue et revêche.shaïne cassim,soeurs,eugénie grandet,louise bourgeois
Quant à la Cerisaie, un désatre de dernière minute permettra à Max de revenir sur son passé familial mais aussi de rebondir face à l'adversité.
L'art comme combat mais aussi l'art comme révélateur des luttes intérieures: Alice doit quitter l'exposition de Louise Bourgeois quand elle prend conscience qu'elle pourrait rater sa vie. Un roman troublant et intense , qui souffre peut être d'un défaut de construction mais une écriture qui plonge directement dans l'âme adolescente et la transcrit de manière intense et juste. Un roman qui donne évidemment envie de découvrir le catalogue de l'exposition de Louise Bourgeois.

Je ne suis pas Eugénie Grandet, Shaïne Cassim, Medium de l'Ecole des Loisirs 2011 , 182 pages hérissées de marque -page.

Couverture de Hélène Millot, en parfaite adéquation avec un texte qui évoque aussi beaucoup les tissus.

Je découvre Shaïne Cassim avec ce roman et j'ai bien envie de continuer à la lire...

15/01/2011

Les âmes soeurs...en poche

"Elle pense qu'elle est en train de chercher la bonne position pour vivre, comme on cherche la bonne position pour dormir..."

Parce que , pensant à sa relation à son mari "Elle avait souvent en tête l'image d'un coquillage collé à un rocher, perdant peu à peu ses couleurs d'origine jusqu'à se fondre dans la masse minérale qui l'hébergeait.", parce qu'elle se sent mal à l'aise dans l'entreprise où elle exerce un travail inintéressant  et où on la rejette implicitement car elle est mère de trois jeunes enfants, Emmanuelle va emprunter des chemins de traverse, jouer la femme buissonnière.Toute une journée rien que pour elle. Pour prendre le temps aussi de terminer le livre qu'elle a commencé la veille .9782757821701.jpg
Alternant passages du roman lu ,mettant en scène une photographe, et pensées d'Emmanuelle, le récit va peu à peu fondre les trajectoires des deux femmes et réveiller un passé soigneusement enfoui.
Mères abandonnantes ou trop tôt disparues, amitiés féminines où puiser du réconfort et un peu d'énergie pour continuer à vivre, seront évoquées avec tendresse au fil de cette journée où les hommes se tiendront en lisière.
Un roman parfois maladroit, parfois trop léger mais qui recèle aussi de petites merveilles qu'il faudre prendre le temps de savourer.

16/11/2010

Pieds nus sur les limaces

"Je voudrais un nouveau cerveau. Celui-là me fait trop mal. Il ya trop de bruit dedans."

La folie rôde autour du "château" incomplet qu'occupent deux soeurs : Clara, l'aînée ,qui a dû s'improviser mère de la seconde, Lily, qu'une mauvaise oxygénation du cerveau à la naissance a rendu pour le moins étrange. En effet, elle dépèce les animaux qui passent à sa portée et ne possède pas d'inhibitions, s'offrant sans barguigner aux hommes , y compris au mari de sa soeur.9782757820797.gif
La canicule rend l'atmopshère encore plus étouffante et la tension monte...
Attirée par un titre accrocheur et une couverture lumineuse, j'ai plongé dans un univers à l'écriture parfois heurtée, faisant cohabiter les registres de langue,  tout comme la tendresse qui unit les soeurs côtoie l'exaspération portée à son comble. Le malaise est persistant et efficace mais certaines scènes, à la fin,  tenant plus du grand-guignol qu'autre chose viennent casser et le rythme et la vraisemblance. Dommage.

Pieds nus sur les limaces, Fabienne Berthaud,  Points seuil  2010, 158 pages qui créent le malaise.

 

 

08/08/2010

Désordre et sentiments

"C'était plus qu'un chagrin, c'était un crève-coeur."

Doté de nombreux clins d'oeil  -dont le titre évidemment- à Jane Austen, Désordres et sentiments est une "fantaisie" sororale que l'on pourrait qualifier de pochade si l'on est de mauvais poil ou de , je cite la quatrième de couv' rédigée par Anna Gavalda elle même, "un moment de complicité joyeuse".
Disons que ces 71 pages, format petit carnet ,destinées aux lecteurs d'un club de lecture se situent quelque part entre les deux.

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La langue oralisée et relâchée,  les nombreux borborygmes ne m'ont pas vraiment gênée, non, ce qui m'a le plus agacée c'est cette volonté de différer indéfiniment l'explication de la situation rocambolesque dans laquelle se sont fourrées deux soeurs en goguette.
Les évocations chaleureuses  et pleines de charme de scènes familiales m'ont davantage convaincue que le récit de cette vengeance un peu lourdingue .
Gavalda patauge parfois dans la facilité (voir pour s'en convaincre la description des amoureux de sa soeurette) et on l'a connue plus en forme. A réserver aux afficionados.

Désordre et sentiments, Anna Gavalda , France Loisirs 2010, offert au début de l'été comme cadeau promotionnel.

L'avis de Laure.

06/06/2010

Quatre soeurs

Cet été d'aucuns reliront Proust, l'auteur qu'on ne semble jamais lire mais toujours relire . Perso, c'est avec un très grand plaisr que je glisserai sous mon siège de voiture pour que l'Homme ne pousse pas des cris d'orfraie en voyant les 609 pages qui vont alourdir sa voiture ( il est vrai qu'elles ne seront pas les seules mais il y a aura les officielles et les clandestines...) des Quatre soeurs de Malika Ferdjoukh.
Quatre soeurs et autant de saisons regroupées en un seul volume, appétissant et dodu .518u8GdGMoL._SL500_AA300_.jpg
Quatre soeurs, comme les filles du Dr March, Enid, Hortense, Bettina et Geneviève , plus la soeur aînée Charlie qui est sur tous les fronts depuis la mort de leurs parents et tente, vaille que vaille , d'avoir aussi une vie personnelle avec son amoureux , Basile.
Tout ce petit monde vit dans une grande maison pittoresque et pleine de charme même si la chaudière ferait mieux de fonctionner un peu plus. Les âges très disparates des soeurs permettent un bel éventail de portraits débordant de charme et d'humour. C'est la vie qui se donne à voir dans une écriture pleine d'allant et de peps . Savoureux !
Un (gros) petit bonheur à ne pas rater !

28/05/2010

Nage libre

"Tu ne connais rien au monde, suppôt de Dieu."

L'eau est son élément. Et ce depuis l'enfance. Rien d'étonnant alors à ce que Philomena, nonobstant (ou à cause d') une série de catastrophes familiales devienne une championne ployant sous les médailles. Las, son quart d'heure de gloire se terminera plus tôt que prévu et la jeune femme devra se réadapter à la terre ferme, non sans difficultés.51GiZoqOEIL._SL500_AA300_.jpg
Des personnages hauts en couleurs auxquels on s'attache immédiatement, une narration tout en ellipses, qui glisse, presque par inadvertance, des informations cruciales pour désamorcer tout pathos, un style à la fois poétique et bourré d'humour (il faut voir comment Philomena s'adresse aux garçons !), comment ne pas craquer pour Nage libre ?
Eprouvant une féroce aversion pour les piscines en général et la natation en particulier, j'ai pourtant adoré chaque ligne de ce roman. La description des compétitions que j'appréhendais un peu est totalement déroutante et splendide. On se prend des coups à l'estomac et au coeur, on a les larmes aux yeux et la seconde d'après on sourit largement, on est happé dans un maëlstrom de sensations et d'émotions et à peine a-t-on fini ce roman qu'on y replonge à nouveau pour y piocher au hasard de petites pépites. Un grand grand coup de coeur !

Nage libre, Nicola Keegan, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Madeleine Nasalik, L'olivier 2010, 424 pages qui ne sentent même pas le chlore.

Merci Cuné !

Amanda, elle aussi séduite !

04/05/2010

Mistik Lake

"Je suis la tranche de jambon de notre sandwich de soeurs."

1981, une voiture dérape sur un lac gelé canadien. Trois morts, une seule survivante, Sally. Et un secret de famille que, des années plus tard, la narratrice principale, Odella, fille de Sally, devra affronter aux côtés de ses soeurs cadettes.9782874261169.gif
De nature plutôt classique, malgré sa narration à plusieurs voix, ce roman qui se déroule sur trois saisons, nous peint donc un "sandwich de soeurs", chaleureux, plein de vivacité et de joie de vivre malgré les difficultés. La narratrice fait clairement le choix de la résilience et protège longtemps une mère défaillante. Odella devra aussi arriver à tracer sa propre route ,sans pour autant négliger son amour sororal.
Multipliant les secrets (dont un cousu de fil blanc), ce roman, d'excellente facture, plaira certainement aux adolescentes car il ne sombre ni dans la mièvrerie ni dans le pathos.

Mistik Lake, Martha Brooks, traduit de l'anglais (Canada) par Fenn Troller et Emmanuèle Sandron, Alice jeunesse 2010 , 246 pages.

 

 

22/03/2010

A l'ombre de la fête

"Dans sa famille, on cultive la pudeur des sentiments comme une fierté à la boutonnière."

A l'ombre de la fête rassemble six nouvelles concernant les membres d'une famille qui s'apprêtent à fêter les quatre-vingts ans du patriarche. De la fête nous n'aurons que les échos des préparatifs et des répercussions de la révélation que fera l'aïeul. Nous resterons dans les coulisses, la part d'ombre des sentiments et des parcours des différents personnages que l'auteure accompagne avec beaucoup d'empathie.
Adolescents en rebellion, femmes qui cherchent à vivre au mieux leurs multiples vies, l'auteure les regarde évoluer, établissant , comme la narratrice mystrérieuse de la nouvelle "Pauline""une correspondance d'âmes".alombredelafete.jpeg
L'écriture, fine et sensible, esquive avec adresse les deux pièges des nouvelles: l'aspect parfois trop mécanique de la nouvelle à chute ou celui  des nouvelles privilégiant l'atmosphère au détriment de l'intrigue. Il y a ici une véritable tension dramatique mais l'auteure parvient toujours à éviter la chute, tout en laissant résonner en nous les échos de l'émotion.

A l'ombre de la fête, Marie-France Versailles, nouvelles, 127 pages, Editions Quadrature, 2010

 

08/01/2010

avis de tempête

"Les balances à crabes orange devant la maison. La rangée de goélands argentés."

Moïra,"Dure comme un galet", "dure, obstinée" tente de tisser un lien avec sa soeur cadette dans le coma suite à une chute inexpliquée.
"Amy,c'est moi qui  te parle,je veux que tu le saches. Ce ne sont pas des mots pris dans  des livres,, ou des magazines. C'est moi qui les dis, moi qui me suis toujours si rarement exprimée par des mots, les mêmes que tout le monde mais par des nombres, par des symboles, des marques sur la peau. [...] Mais ces mots , ils sont aussi  dans ma  tête. c'est la voix de mon esprit, qui ne  se tait jamais, et ce sont mes pensées:  vives, miroitantes comme des écailles de maquereau.  Elles surgissent par éclairs dans mon cerveau  pendant que je marche, ou que je lis. Que je plante des jacinthes,agenouillée dans l'herbe de la  pelouse. Que je ferme les fenêtres de  cette  chambre quand je sens venir la pluie."41vOgXG6DiL._SL500_AA240_.jpg
Moïra remonte le cours du temps, petit à petit les pièces du puzzle s'emboîtent et l'on comprend pourquoi la narratrice ,toute sa vie s'est "tenue à la frontière" de l'amour, de l'amitié, de la vie.
Une voix mesurée, calme et dense qui se fraie un chemin en nous. Un style imagé, dont on pourrait quasiment  extraire des haïkus, charnel et placé sous le signe de l'eau. Une vraie et belle découverte. Un livre magique.

Avis de tempête Susan Fletcher 444 pages.

Sorti en poche !

(Mais comment peut-on faire des couv' aussi moches, bon sang ! )