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07/01/2011

Saison de lumière

"Aussi froide que le verglas qui l'avait naguère couverte, la terre gelait le coeur de Jennet, mais lui donnait de l'espace pour respirer."

Itinéraire d'une artiste, Jennet, qui dès l'enfance manifeste un don certain pour le dessin, Saison de lumière retrace aussi l'histoire d'une femme qui dut tout à la fois concilier sa vie amoureuse avec un peintre assuré de son talent, voire de son génie, avec sa vie de mère et la pratique exigeante de son art.41t6-X1DI4L._SL500_AA300_.jpg
La cohabitation entre les deux peintres ne sera pas de tout repos car David, son époux malgré lui, gaspille son talent et sa vie en une quête éperdue de plaisirs, tandis que Jennet, à force de compromis et de réflexion parvient , mue par une énergie inébranlable à contourner les obstacles et à affirmer sa puissance créatrice, même si cela doit lui demander du temps. Mais comme l'écrit Francesca kay : "Ses sentiments pour David, comme pour à peu près tout , étaient aussi changeants que l'eau , ils confluaient constamment , tel un estuaire à marée basse sans barrage pour séparer l'eau douce de l'eau de mer."Pas de manichéisme donc et Jenett n'est pas la sainte et martyr qu'on pourrait croire.  C'est une femme qui souffre, qui aime et qui avance, irriguée par le désir, tendue vers l'épure et la lumière.
Son héroïne ayant 40 ans dans les années 60 , l'auteure en profite pour évoquer de manière très vivante ces années novatrices jusqu'à l'excès.
Mais plus que tout c'est le style à la fois précis , lumineux et poétique qui fait l'enchantement de ce roman. Rien de plus difficile en effet que d'évoquer des tableaux que le lecteur ne verra jamais mais ici le miracle opère et je peux assurer que je les ais vus les tableaux de David et Jenett, tout comme j'ai souffert avec eux, (ah le coup bas de l'artiste teutonne !) partagé leurs élans et leurs frustrations,voire atteint une forme de sérénité à la fin du roman. Un livre bien évidemment tout hérissé de marque -pages et qui vibrera longtemps en moi. Et zou sur l'étagère des indispensables !

Un premier roman époustouflant par sa maîtrise.

Une mentions particulière à la traductrice , Laurence Viallet  .

Mon premier coup de coeur de 2011.

Saison de lumière, Francesca Kay, plon 2011, 241 pages somptueuses.

 

18/09/2010

Tableaux d'une exposition...en poche

"La vie n'était-elle pas plus facile sans cette femme si difficile ? "
Une exposition rassemblant tableaux mais aussi vêtements emblématiques de la célèbre Rachel Kelly, qui vient de décéder brutalement, voilà le point de départ de chacun des chapitres du roman de Patrick Gale, Tableaux d'une exposition. 51XPfBqf7QL._SL500_AA300_.jpg
A la présentation parcellaire ,et forcément lacunaire , de chacun des éléments de cette rétrospective, répond le texte du roman qui explore au plus près l'univers d'une femme fascinante, à la fois mère et épouse prédatrice , mais aussi passionnée, excentrique et si vivante quand la dépression la laissait tranquille. Une femme brûlée par son art et qui, bien involontairement , laissa derrière elle une famille déchirée . Cette famille possède cependant un centre de gravité , un homme exceptionnel lui aussi : Anthony, le père et l'époux, sorte de roc inamovible, quaker qui sut aimer et protéger tous les siens .
Pas de portrait à charge cependant, Patrick Gale avec la sensibilté qu'on lui connaît brosse ici le tableau d'une famille dont les enfants, très jeunes ,ont appris à composer avec la maladie de leur mère, et plus âgés ont eu du mal à se confronter à son talent... Nous découvrons petit à petit les différentes facettes de cette femme qui refusait de parler de son passé.
Les rebondissements et les changements de point de vue rendent le récit si vivant et rapide qu'on ralentit le rythme de lecture pour savourer un peu plus longtemps ce roman qui vibrera longtemps en nous. A noter que l'auteur réussit le pari ,si souvent raté, de nous faire voir les tableaux de Rachel. Une réussite !

28/07/2009

Le chef d'oeuvre. Anna Enquist # 1

Un repas  familial, rien de tel en littérature (ou au cinéma , cf Festen) pour concentrer  en un même lieu des protagonistes qui vont  pouvoir s'écharper entre la poire et le fromage.L'originalité d'Anna Enquist est de nous amener progressivement à cette acmé qui devrait voir aussi le triomphe absolu du peintre Johan Steenkamer, lors d'une exposition de ses oeuvres et en particulier de  son Chef d'oeuvre. Pour autant celui-ci n'est pas le personnage principal, quoi qu'il lui en coûte ! Ce sont les femmes que l'auteure privilégie: Lisa, psychiatre et meilleure amie d'Ellen, la femme de Johan, mais aussi Alma, la mère pas si indigne que  ça.  Chacune d'entre elle fait face à l'adversité même si souvent elles sentent le sol se dérober sous leurs pieds ou qu'au contraire elles ont besoin d'affronter un "sol récalcitrant"...La marche entr'amies sera aussi d'un grand  secours pour  exorciser en partie la douleur...
Peignant au plus près la nature dans ses aspects quotidiens et féroces, Anna Enquist établit aussi des parallèlles entre le monde des animaux, où les  petits peuvent se faire dévorer par leurs parents, et celui  des humains où la férocité est plus larvée.
Familles en décomposition ,"frictions familiales" dues à la lâcheté ,aux jalousies,aux trahisons, impossibilité de communiquer dans le couple ,rapports entre création et amour, Anna Enquist aborde ici dans ce premier roman les thèmes qu'elle ne cesse d'explorer dans un  style à la fois tout en retenue et au plus près des émotions et des sensations.415YTCJDVEL._SL500_AA240_.jpg
La structure de l'oeuvre, très maîtrisée (trois parties allant crescendo) contribue à débarasser de tout pathos des situations particulièrement difficiles. Ainsi au début de la deuxième partie, craignant d'avoir laissé passer une information importante , suis-je repartie un peu en arrière. Mais non, j'avais lu attentivement  et l'information ainsi lâchée au détour d'une phrase, de manière quasi anodine, n'en prenait que plus de puissance, irradiant de toute sa noirceur contenue.
"Observer c'est survivre", remarque un des personnages et cette maxime Anna Enquist l'applique pour le plus grand bonheur du lecteur, elle qui se penche avec intérêt et compassion sur le destin de chacun de ses personnages, sans jamais les juger.
Une oeuvre puissante, une romancière pour qui j'ai eu un  énorme  coup de coeur et dont j'ai dévoré à toute allure  l'oeuvre parue en France. Vous n'avez pas fini d'entendre  parler d'elle sur ce blog ! :)

Le chef  d'oeuvre,  paru aux Pays-bas en 1994 et en France  chez Actes Sud en 1999, Babel, 2001. Traduction de Nadine Stabile.

Biographie et traduction d'un poème d'Anna Enquist ici.

 

22/07/2009

Lydia Cassatt lisant le journal du matin

"Ceci est une île , composée de May et de moi, de son pinceau et de mes gants, de ma douleur et de son regard. Sur sa toile, je me mue en une  femme en bonne  santé,  vêtue  de bleu et de blanc.  le soleil  et le pinceau me guérissent, le pinceau et le soleil, et les oiseaux français dans un jardin français." May  ,c'est Mary Cassatt peintre américaine impressionniste ayant cotoyé -et aimé- Degas ,  dotée d'une énergie folle. Celle qu'elle peint ainsi à de nombreuses reprises c'est sa soeur aînée, Lydia . Lydia qu'elle aime d'un amour  total , Lydia qui va mourir  même si  chacun s'obstine à le nier,sauf la malade elle-même.51KLac1yjsL._SL500_AA240_.jpg
Harriett Scott Chessmann choisit donc  d'interroger cette constance dans la relation peintre -modèle en consacrant un chapitre par tableau peint à la fin de la vie  de Lydia, (ces toiles sont d'ailleurs représentées au centre de l'ouvrage).
Pas de biographie donc à proprement parler car l'auteure s'est "immiscée dans leur univers par la pensée  l'imagination et par le rêve", soulignant au passage la  dichotomie entre les deux  soeurs, l'une pleine de vie,  revendiquant: "Je suis une artiste. Je suis indépendante. C'est le seul moyen  pour une femme d'en être une." et pleine de lucidité répond à sa soeur lui  demandant si elle  va épouser  Degas"-Je ne peux évidemment pas l'épouser,  Lyddy(...)Comment le pourrais-je , il anéantirait ma peinture,  il m'anéantirait moi-même . je  n'aurais pas  le  moyen de m'en tirer." Lydia,  plus posée  mais néanmoins tout aussi clairvoyante  et qui n'aura finalement peut être pas eu la plus mauvaise part...
L'écriture d'Harriet Scott Chessman, pleine de couleurs et de métaphores  rend palpable l'émotion qui se noue entre les deux soeurs au fur et à mesure que le terme arrive et restitue à merveille  l'atmosphère de cette époque. On a envie  de découvrir plus à loisirs tout ce monde rempli de lumière et de  douceur où rôde la mort.

 

Lydia Cassatt lisant le  journal du matin, Harriet Scott Chessman,  Folio,  223 pages lumineuses

28/02/2009

"La vie n'était-elle pas plus facile sans cette femme si difficile ? "

Une exposition rassemblant tableaux mais aussi  vêtements emblématiques de la célèbre Rachel Kelly, qui vient  de décéder brutalement, voilà le point de départ de  chacun des chapitres  du roman de Patrick Gale, Tableaux d'une exposition.
A  la présentation parcellaire ,et forcément lacunaire , de chacun des  éléments de  cette rétrospective,  répond le texte du roman qui explore au plus près l'univers d'une femme  fascinante, à la fois mère et épouse prédatrice , mais aussi passionnée, excentrique et  si vivante quand la  dépression la laissait tranquille. Une femme brûlée par son art et qui, bien involontairement , laissa derrière elle une famille déchirée . Cette famille possède  cependant un centre de gravité , un homme exceptionnel lui aussi : Anthony, le père et l'époux, sorte de roc inamovible, quaker qui sut aimer et protéger tous les siens .51Y6Ls5ZKWL._SL500_AA240_.jpg
Pas de portrait à charge cependant, Patrick Gale avec la sensibilté qu'on lui connaît  brosse ici le tableau d'une famille  dont les  enfants, très jeunes ,ont appris à composer avec la maladie de leur mère, et plus âgés ont eu du mal  à se confronter à son talent... Nous découvrons petit à petit les différentes facettes de  cette  femme qui refusait de parler de son passé.
Les rebondissements et les changements de point de vue rendent le récit si vivant et rapide qu'on ralentit le rythme  de lecture pour savourer un peu plus longtemps ce roman  qui vibrera longtemps en nous. A noter que l'auteur  réussit le pari ,si souvent raté, de nous faire voir les  tableaux de Rachel. Une réussite !

Un livre tout corné, évidemment.

 

Tableaux d'une exposition. Patrick Gale.  Belfond.360 pages fulgurantes.

23/09/2008

"Où et quand commence une famille? "

Sur une impulsion,Sabine,embauche au sein de l'entreprise familiale un parfait inconnu, Pierre. De simple factotum celui-ci  va bientôt prendre une place importante autant dans l'entreprise que dans la famille Bérynx. Quelques années plus tard, il disparaît brusquement , laissant chacun face à ses fêlures...41xThfoJp9L._SL500_AA240_.jpg
Alléchée par un début intriguant,j'ai aussitôt été embarquée dans cette histoire familiale, sans pour autant retrouver le même plaisir  que dans Magnus.Le nouveau roman deSylvie Germain, L'inaperçu, est traversé de très belles images d'arbres, de peintures  et le style de l'écrivaine est toujours aussi beau mais...
Faute de réelle tension dramatique, j'ai en  effet eu l'impression de voir défiler la vie de cette famille derrière une vitre, de me laisser aller au fil del'histoire,guettant mais en vain l'étincelle qui ferait flamber mon enthousiasme.

Un grand merci à Alexandra de  chez Hautetfort grâce à qui j'ai pu lire  ce livre, ainsi qu'aus éditions Albin Michel.

L'avis d'Amanda.