03/06/2020
Vers la beauté, toujours !
"Je marche parce que j'ai de l'espoir. Je marche avec espoir plutôt. Je marche parce que ça me semble encore un motif d'espérer. Je marche parce que ça me permet de côtoyer une nature qui est encore sauvage. A certains endroits, ainsi, je ne peux céder au complet désespoir, penser que tout est en grande part fichu. Je chasse de mon esprit les océans de plastique, les forêts incendiées, les catastrophes industrielles, les espèces qui s'éteignent."
Avec un tel cri de ralliement comment ne pas emboîter le pas de Pascal Dessaint, auteur de romans noirs mais aussi naturaliste passionné ?
Nous l’avons connu plus sombre , nous le retrouvons avec bonheur, lucide mais exaltant la beauté de la nature, le plaisir de la marche, seul , en famille ou avec des amis ,écrivains souvent. Mais s''il nous fait partager un peu de son intimité, il conserve jalousement , et c'est bien compréhensibles les localisations précises de ses balades.
Trimballant son carnet car "Le carnet a ses avantages, en dehors du souci maniaque de noter tout ce qu'on a vu et de croire que c'est utile, voire scientifique de s'en souvenir. Le carnet permet de mieux supporter les hivers rigoureux, les nuits interminables et les loups qui hurlent autour de soi.On feuillette le carnet. Oh! La feuille séchée d'un hêtre glisse des pages ou la facture froissée d'un fameux gîte où l'on a fait bombance. Le gîte de Lesclun, dis donc, il faudra y revenir ! On tourne ces pages fort instructives et tout remonte, la musique des sources, les belles images et les parfums subtils. et on se remet à marcher dans sa tête. C'est fantastique ! ", il s’inscrit ainsi dans la belle lignée des écrivains-marcheurs qui partagent avec générosité leurs plaisirs mais aussi leur consternation face aux comportements aberrants de gens supposés être sensibles à la beauté du monde mais qui y laissent leurs cochonneries.
Pourtant, oiseaux, vaches, plantes, effort physique, bon repas, tout fait sens, tout engendre du bonheur, revigore le corps et l'âme.
Pascal Dessaint distingue aussi les différentes sortes de marche et analyse avec précision les rapports entre l'écriture et sa pratique de la randonnée, la nécessité de "ressentir un lieu".
L'humour est aussi au rendez-vous, le marcheur un peu fatigué n'hésitant à pas invoquer le passage d'un oiseau pour provoquer une petite pause bienvenue...
Bref, vous l'aurez compris, Vers la beauté, toujours ! est un livre riche, généreux, piqueté de marque-pages qui nous rappelle au passage que s'il pleut on peut toujours marcher dans son lit, j'ajouterai :avec en mains un bon bouquin de Pascal Dessaint , par exemple ! Et zou, sur l'étagère des indispensables !
Vers la beauté, toujours ! Un grand coup de cœur et une maison d'édition à découvrir : La Salamandre: clic
et reclic
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Récit | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : pascal dessaint, marche, nature
08/06/2014
Oiseaux, bêtes et grandes personnes
"Ne faites pas attention à nous. Elle vit pour manger, boire et se disputer, et ma besogne est de pourvoir à ces trois choses."
Corfou, un magnifique terrain de jeux et d'exploration pour le jeune Gerald Durrell et son chien Roger . Passionné de nature, mais aussi curieux des mœurs des autochtones, le jeune garçon ramène toute une ménagerie à la maison : de bébés hérissons jusqu'à un magnifique "crapaud aux pattes spatulées qu'[il] baptisa Augustus Tickletummy".
Ses frères et sœurs adultes sont à l'avenant car, s'ils s'offusquent des trouvailles de leur benjamin, eux n'hésitent pas à ramener de drôle d'humains à la maison ou à entretenir des passions pour le moins particulières avec l'au-de là. Le tout sous le regard bienveillant de leur mère.
Excentrique et attachante, la famille Durrell continue à nous faire rire et sourire tant la manière de raconter de Gerald est pleine de vie et d'entrain.
Le premier volume de la trilogie de Corfou est ici : clic
La trilogie de Corfou ressort dans une nouvelle édition : la Table Ronde 2014.
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : gerald durrell, nature, corfou
25/02/2014
Un an dans la vie d'une forêt
"Une expérience directe de la forêt nous donne l'humilité nécessaire pour replacer nos vies et nos désirs dans le contexte plus large qui inspire toutes les grandes traditions morales."
Pendant un an, le scientifique David G . Haskell a étudié "un espace d'un mètre de diamètre, équivalant en taille aux mandalas des moins tibétains"sur une pente boisée dans le sud-est du Tennessee.
Ce pourrait être ennuyeux à mourir mais observer ce microcosme, en privilégiant pour chaque journée relatée (i n'y en a pas 365 !) un de ses aspects permet d'étudier "la communauté écologique", d'établir les liens qui unissent de manière souterraine ou pas les différents éléments naturels, et de replacer l'homme dans une perspective différente. C'est passionnant, on apprend plein d'informations, l'auteur est un excellent vulgarisateur et , ayant fréquenté les ateliers d'écriture américains, il est doté d'un très joli brin de plume. On frémit quand on apprend qu'un petit mammifère est capable de maintenir ses victimes vivantes mais "droguées", on se passionne pour la lutte des arbustes pour grandir et on colle des marque-pages à tour de bras devant de telles notations: "Jeter un coup d’œil sous la surface du mandala, c'est comme se poser légèrement sur la peau et sentir la vie palpiter."
Un énorme coup de cœur dont j'ai fait durer la lecture pour mieux le savourer !
Un an dans la vie d'une forêt, David G Haskell, traduit de l'anglais (E-U) par Thierry Pélat, Flammarion 2014,334 pages enthousiasmantes !
06:04 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : david g. haskell, nature
03/04/2013
Maintenant le mal est fait
"Les amis sont parfois plus redoutables qu'une corde pour se pendre."
Le projet de construction d'une route vient perturber l'équilibre déjà fragile d'un groupe d'amis.La mort de l'un d'entre eux va aussi changer le regard que chacun porte sur les autres et sur soi.
Pas de nostalgie chez Pascal Dessaint mais une vision à la fois tendre et cruelle , férocement lucide, de l'amitié. Ces hommes et ces femmes qui prennent tour à tour la parole ont aussi des points de vue très tranchés sur les liens qu'entretiennent la Nature et l'humanité,l'une des préoccupations majeures de l'auteur. Est-il normal qu'un simple insecte vienne mettre à mal la volonté d'un constructeur ? Les hommes ne se comportent-ils que comme des pillards ?
Telles sont quelques unes des interrogations de ces gens à l'âge des bilans, aussi bien amoureux qu'humains au sens large du terme. Et comme Pascal Dessain est un virtusose de la construction, il nous réserve des surprises car, même si le lecteur découvre bien des informations sur les personnages, qu'eux-mêmes parfois ignorent, la fin se révèlera plus trouble que prévu...
Emaillé de citations d'auteurs chers à Pascal Dessaint, le récit coule, fluide et l'on ne se perd ni dans la chronologie ni dans l'identité des différents narrateurs, un tour de force ! Juste un petit bémol : il m'a semblé que les femmes étaient un tantinet traitées de manière moins bienveillante que les hommes mais bon, on ne chipotera pas pour si peu ! Un régal qui évite tous les pièges du genre, à ne rater sous aucun prétexte !
Maintenant le mal est fait, Pascal dessaint, Rivges 2013, 253 pages à laisser infuser...
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : pascal dessaint, amis, nature
02/02/2011
Le bal des frelons
"Il y a toujours un truc, un ours ou autre chose, à cause de quoi ça foire ."
Quelle mouche a piqué ces paisibles villageois d'Ariège ? Les voilà pris d'une frénésie de sexe ou d'argent, s'agitant et vrombissant comme des frelons en furie. Chantage, menaces voire meurtres vont s'enchaîner dans une folle sarabande qui ne ménage pas le lecteur ! C'est à peine si entre deux courts chapitres ou alternent les points de vue des personnages ,on trouve encore le temps de faire une petite place à l'animal, frelon, ours ou hérisson qui chacun à leur façon traversent cette farce où les humains de tout poil en prennent pour leur grade. Le rythme est soutenu et ne faiblit jamais, les épisodes s'enchaînent avec une perfection remarquable, conférant ainsi une ossature solide à un propos nettement plus libre !
On est bien loin de l'écriture tenue et maîtrisée des derniers jours d'un homme. Pascal Dessaint se lâche et , sans oublier la noirceur, fait ici la part belle à la truculence et à la farce. Un récit qui file à toute allure, réservant de nombreux coups de théâtre au lecteur et peignant, parfois à grands traits, de savoureux portraits . L'excès est ici la norme , c'est le jeu, même si quelques bouffées de tendresse tentent de contrebalancer les turpitudes exposées.
Le bal des frelons, Pascal Dessaint, Rivages 2011, 206 pages roboratives .
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : pascal dessaint, abeilles, nature, farce
30/04/2009
"La maison ...? J'écris un livre sur la maisonoù la maison s'efface."
"Aujourd'hui la globalisation des échanges, la facilité des transports et le tourisme engendrent un nouveau nomadisme. Pour autant, le principe d'un habitat n'est pas remis en cause. Il faut un terrier. Une adresse." Et puisque l'accès à sa maison de famille lui est interdit, Gilles Clément se construit une cabane de pierres dans la campagne creusoise dans les années 70. Cette habitation va lui permettre d'interroger les liens qui unissent l'intérieur et l'extérieur de la maison,ainsi que les rapports qu'elle entretient avec les plantes que les animaux, la manière dont s'inscrit la maison dans ce paysage. Il lui faudra aussi faire face aux règlements kafkaïens, qu'il contournera avec aisance et habileté, sans conflits...
De très jolis portrait de paysans viennent émailler ce récit atypique. Atypique, tant par la vision de la maison qui nous est proposée que par la conséquence de 'achèvement de ce "terrier". En effet, à peine l'habitation terminée, Gilles Clément est parti en voyage, renouant ainsi avec le nomadisme qui lui est cher...Une approche originale qui rompt totalement avec les précédents livres de cette collection.
Un grand merci à Ptitlapin et à Aifelle pour cette découverte !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : gilles clément, le salon des berces, maison, nature, nomade
24/03/2009
Balade suédoise
L'arrivée d' Annie et de sa petite fille Mia, la veille de la Saint Jean,rompt un peu la routine de ce petit village suédois, non loin de la frontière norvégienne. La découverte par la jeune femme de deux touristes sauvagement assassinés dans une tente la bouleversera encore plus...
Trop souvent les intrigues policières sont rondement menées. En moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, après quelques fausses pistes, l'assassin est vite démasqué. Amateurs de rapidité, passez votre chemin ! En effet, Kerstin Ekman,dans Crimes au bord de l'eau, plus que l'enquête, la police apparaît d'ailleurs très peu, privilégie davantage les personnages et le milieu naturel dans lequel ils évoluent. la forêt suédoise, qu'elle soit saignée à blanc, ou pleine de vie, devient ainsi le cadre qui structure la vie de ces habitants fort disparates d'où émergent quelques individualités que nous allons suivre au fil du temps. Car il faudra dix-huit ans et une nouveau meurtre pour qu'enfin l 'assassinat de deux campeurs soit élucidé.
Pourtant on ne s'ennuie pas un instant dans ce récit qui prend les chemins de traverse, égrenant les noms des plantes et des arbres, effectuant de brusques sauts dans le temps qui déroutent passagèrement mais aussi très agréablement le lecteur. Il est toujours plaisant de découvrir de nouveaux modes de vie et se laisser envoûter par la magie d'une écriture.Une magnifique découverte !
Merci à Cuné pour l'envoi !
Crimes au bord de l'eau , kerstin Ekman, Babel noir, 623 pages
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : crimes au bord de l'eau, kerstin ekman, suède, nature
30/10/2008
"Tire sur le premier intrus qui se présente, l'ami."
Stoney Cahloun travaille pour la somptueuse Kate (et plus car affinités) comme guide de pêche et mène une vie des plus tranquilles et retirée avec son chien, le très craquant et philosophe, Ralph, épagneul breton de son état. Mais son meilleur ami disparaît et Calhoun va se rendre compte que son passé, dont il n'a que de vagues souvenirs, va le rattraper en mettant à jour des capacités que jusque là il ignorait...
William G. Tapply a le chic pour mettre en scène ses personnages en quelques lignes, du plus important jusqu'aux seconds rôles, il les croque et tout de suite ils nous sont familiers. Son héros est un homme comme on en rêve : calme et tendre, patient et délicat avec une virilité de bon aloi accompagné d'un chien à la fois placide et vif, doté d'une réelle personnalité.
L'intrigue mêle savamment l'enquête personnelle de Calhoun et ses découvertes sur ses capacités insoupçonnées. La lumière ne sera d'ailleurs pas entièrement faite sur le passé du héros, ce qui nous donnera bien évidemment envie de découvrir la suite de ses aventures ! Un bain de verdure et de fraîcheur malgré le titre : Dérive sanglante !
Un petit extrait pour le plaisir : "Il laissa la cabane à la garde de Ralph en lui rappelant ses devoirs: mordre au derrière tous les intrus sans exception, faire la vaisselle et couper un peu de bois de chauffage.
-Et pas question d'aller nager dans la rivière, ajoutat-il.
Ralph, vautré sur la terrasse ensoleillée agita son moignon de queue sans rouvrir les yeux."
Merci à Cuné pour ce savoureux envoi !
Patricia ont aimé aussi !
268 pages
06:05 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : dérive sanglantes, william g tapply, nature, pêche, épagneul breton, dans mes bras william g. tapply
28/08/2008
Rambo poète?
Il n'a pas l'air commode sur la photo de 4 ème de couverture, Howard Mac Cord. Et le héros de L'homme qui marchait sur la lune non plus.
La" lune" est une "montagne de nulle part. Elle est délaissée par ceux qui y vivent à portée de vue, comme par ceux qui,à différents moments, peuvent être fascinés par son isolement et sa difficulté.(...) ses charmes (...) ne sont pas évidents et ne se dévoilent qu'à de rares marginaux."
Embarqué à la suite du narrateur dans une balade dans cette montagne en plein coeur du Nevada, le lecteur se dit d'abord qu'il va se régaler d'une ode à la nature, lyrisme et petits oiseaux à la clé.Que nenni !Il part surtout à la découverte progressive d'une personnalité hors du commun, au passé plein de violences et qui a une drôle de façon d'engager la conversation avec celui qui, on le découvre progressivement, le poursuit...
Epris de liberté, le narrateur se définit comme bougon, loin des montagnes et "[il ] ne tolère pas facilement la présence d'une barrière entre [lui] et la courbe infinie de l'univers." Nous avons ici un homme qui "maîtrise la monotonie", maîtrise de soi acquise par le tir ,et cette tension se , retrouve également dans la narration car petit à petit c'est dans un récit entremêlé de souvenirs réels ou imaginaires que le narrateur se dévoile et nous ne le lâchons plus, estomaqué par des découvertes que je vous laisse le plaisir de lire. Noces d'une nature âpre et d'un marcheur-escaladeur , "une constante en mouvement, jamais vraiment évident à définir par l'observation."
Le rythme s'accélère à la fin et le roman se termine sur les chapeaux de roues. Vous restez le souffle coupé.
Même si on peut rester dubitatif par rapport à certaines idées exprimées par le personnage, mais qui sont forcément en adéquation avec sa logique particulière, on ne peut qu'être séduit par ce texte qui rudoie le lecteur, le happe et le fascine.
Merci à Cuné pour l'envoi.
07:05 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : nature, suspense, l'homme qui marchait sur la lune, howward mccord