23/05/2011
La vie très privée de Mr Sim
"On ne vous donne que l'illusion du choix, c'est tout."
C'est à un double voyage que nous convie Mr Sim : une épopée moderne et dérisoire (aller à l'extrémité la plus septentrionale de la Grand-Bretagne pour vendre des brosses à dents écologiques) où l'aventure est totalement balisée par les satellites et autres objets de communication qui nous situent dans l'espace et un voyage dans le temps qui va l'amener à revisiter son passé.
Pélerinage ? Pas tout à fait car à chaque étape , des vérités dérangeantes se font jour sur ses proches (pas si proches d''ailleurs) et sur lui même.
Alors , il se raccroche à la voix de féminine de son GPS, seul bouée de secours dans un monde en plein changement, où règne une uniformisation qu'il juge réconfortante et où la solitude est de plus en plus aiguë.
Looser magnifique Mr Sim ,et attachant par dessus le marché, qui n'hésite pas à reconnaître ses faiblesses dans un univers où l'artifice est de mise, un monde qui repose sur du vent.
Les pirouettes sont nombreuses dans ce roman qui brosse un portrait juste et acide de notre époque et qui ne sacrifie pas l'art du récit à la démonstration virulente. Une parfaite réussite !
La vie très privée de Mr Sim, Jonathan coe, traduit de l'anglais par Josée Kamoun, Gallimard 2011, 449 pages à dévorer cul sec !
Raflé à la médiathèque au nez et à la barbe de M !:)
Le billet de Cuné qui m'avait donné envie de le lire.
Celui de Sassenach qui vous enverra vers plein d'autres !
L'avis de Brize.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : jonathan coe, mondialisation, uniformisation solitude
17/07/2009
Papa et maman sont dans un bateau
Les Doinel , à première vue, constituent une famille comme les autres: le père, Marc, très sexy et gentiment voyou sur les bords,dirige une boîte de transport routier qui va être méchamment restructurée par des Hollandais. Nadine, la mère, s'efforce de remplir consciencieusement les fiches d'acquisition de ses élèves de maternelle . Charlie, la fille, a la tête dans ses séries de manga et le coeur à la dérive au collège, tandis que le petit dernier, Esteban, enfant précoce intellectuellement, s'efforce de supporter sans broncher les brimades de la cour de récréation de l'école primaire.
Chacun a donc ses problèmes mais personne n'en parle aux autres jusuqu'à ce que la photographie d'une yourte mongole dans un magazine ne viennent cristalliser tous leurs espoirs d'évasion, de nouvelle vie...
Avec le talent qu'on lui connaît, Marie-Aude Murail parvient à se glisser aussi bien dans la tête (et le coeur) d'un chef entreprise qui aurait pu "mal tourner", d'une instit sclérosée par les demandes de sa hiérarchie , d'une adolescente ou d'un gamin rêveur. Mais plus que le portrait d'une famille qui s'aime mais qui ne trouve plus le temps de se le dire, hâchée menu par la société de consommation, ce temps qui ne leur appartient plus (voir la liste d'activités de la mère le mercredi après-midi ou les appareils ménagers qui se détraquent à tour de rôel). Même l'école maternelle risque la déshumanisation, puis-qu'entre deux fiches d'évaluation, Marie Doinel, présentée comme une excellente instit, ne trouve plus le temps de s'intéresser à chacun de ses élèves et à leur personnalité naissante.
La restructuration de l'entreprise de transport , autrefois familiale, de transport est saisissante de vérité dans sa brutalité. Pas de vision édulcorée, pas d'angélisme, Marc Doinel nous est montré tiraillé entre sa volonté de sauver ses employés et de préserver sa dignité. Lui qui ne rentrait pas dans le moule de l'école a su donner sa chance à des êtres que la société avait définitivement catalogués et qui vont se trouver une nouvelle fois rejetés...
Malgré ce portrait très réaliste de la société violente dans laquelle nous vivons, l'auteure prend néanmoins le temps de dégager quelques îlots de tendresse et d'humour. Les mots sont là aussi pour alléger l'atmosphère même si les poèmes appris à l'école par Esteban sont eux aussi très sombres ...Pas de solution "miracle" pour résoudre les problèmes de chacun, il y a des dégâts collatéraux comme l'écrivent si bien les journaux, des dégâts mais aussi de l'espoir pour ceux qui savent saisir les opportunités et ne pas laisser les oeillères entraver leur chemin.Une TOTALE réussite qui dresse un portrait sans complaisance de notre société.
Papa et maman sont dans un bateau, Marie-Aude Murail, ecole des loisirs, collection medium, 294 pages saisissantes de vérité.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : marie-aude murail, mondialisation, crise, yourte mongole, cimetière des éléphants