Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/03/2011

Si loin, si près

"Il existait des liens secrets, des ferveurs en partage."

Adèle a quarante six ans mais "Elle n'avait pas seulement son âge mais tous ses âges empilés coexistant, 20 ans parfois, 35 le plus souvent et même 60, certains jours...Tous étaient présents à des degrés divers, se manifestant par surprise."
Premières phrases du livre et d'emblée Adèle nous devient familière. Nous ne pourrons plus la quitter au fil de cette année 2009 , année de crise qui verra tant de bouleversements dans sa vie, d'incendies ,aux sens propre et figuré.catherine leblanc,femme
A quelle distance se tenir des gens qu'on aime, de ceux que l'on croit être ses amis ? Faut-il profiter de sa solitude ou faire un pari sur l'avenir et sur les autres ?
Confrontée à différents accidents de la vie, qui pourraient nous arriver à tous, Adèle avance en tâtonnant, ploie ,mais toujours se relève et finira par essayer "de se traiter avec beaucoup de douceur et pas trop d'importance."
On retrouve ici avec bonheur la prose lumineuse de Catherine Leblanc, qui scrute avec acuité et bienveillance  aussi bien la ville d'Angers, où se déroule l'action (et la description qu'elle en fait donne tout de suite envie d'aller se plonger dans les lumières de cette ville)  que les aspirations de son héroïne : "un espace libre de tout jugement, surtout du sien." Un roman que je n'ai pu lâcher, sauf pour en corner de multiples pages... 

Si loin, si près , Catherine Leblanc, Editions du Petit Pavé 2011, 202 pages pleines d'émotion, à savourer.

 

15/02/2010

février

"Helen était ce que leurs grands-mères auraient appelé une dame."

"Il lui paraissait important de savoir ce qui était vrai en elle. Comment exprimer à quel point sa vie n' avait été qu'un tumulte de plaisir; comment dire qu'elle avait perdu quelque chose d'énorme, qu'il lui était resté un trou béant au beau milieu de la poitrine, et que le vent soufflait à travers."41WDEhEpzmL._SL500_AA240_.jpg
Ce trou béant c'est la disparition de son jeune mari lors du naufrage d'une plate-forme pétrolière au large de Terreneuve qui l'a creusé.
Helen, alors enceinte de son quatrième enfant  a dû faire face, même si , vingt-six ans plus tard, elle est toujours taraudée par des images forcément imaginaires du drame.
Un coup de fil dans la nuit de son fils John ,qui vient de se découvrir futur père sans l'avoir voulu, va lui permettre de se replonger dans le passé mais aussi de se donner une chance de ne pas vieillir seule.
Les éléments et en particulier l'eau bien sûr jouent un rôle essentiel dans ce roman jamais larmoyant qui alterne passé et présent.
Hélène est une femme pleine de vie qui refuse de perdre sa sensualité, même si elle l'a longtemps mise sous le boisseau, et qui est prête à offrir tendresse et plaisir. Un magnifique portrait de femme porté par une écriture charnelle.

Février, Lisa Moore, traduit de l'anglais (canada) par Carole Hanna, Plon, 273 pages pleines d'humanité.

24/11/2009

Le testament caché

"Voyez-vous, contre moi aussi on a prononcé la peine de mort."

L'établissement psychiatrique dans lequel Roseanne Mc Nulty a été internée durant soixante ans va être détruit. Le docteur grene doit évaluer sa patiente, pour voir si elle est apte à réintégrer la société dont on l'a exclue quand elle avait quarante ans.Le psychiatre n'est pas dupe, il sait pertinemment que certains de ses malades ont été "internés pour des raisons sociales plus que médicales." Pourtant, il ne sera pas au bout de ses surprises quand il se mettra en tête d'élucider les raisons de l'internement de Roseanne.Quant à cette dernière, si elle se montre réticente face aux questions du psychiatre, elle rédige avec  un mélange de fièvre et de sérénité le récit de sa vie, constituant ainsi son Testament caché.51dKh8AWCfL._SL500_AA240_.jpg

C'est tout un pan de l'histoire irlandaise qui se donne à lire ici, une histoire pleine  de violence et d'exclusions, histoire dans laquelle s'imbrique inextricablement l'existence de celle qui "devrait être un lieu de pélerinage et une icône nationale", comme le pense son médecin.Mais plus que cette histoire de relégation ce qui se donne à lire ici est une réflexion sur les écrits et la crédibilité qu'on doit leur accorder.
En effet, s'entrecroisent dans le roman de Sebastian Barry les notes du Dr Grene, qui analyse aussi au passage tous les textes écrits sur Roseanne, en particulier par le Père Gaunt, artisan du malheur de la jeune femme, et le récit de vie de sa patiente.Grene s'interroge non seulement sur l'exactitude des faits rapportés, confrontant les différentes versions d'un même événement, mais aussi sur la sincérité des scripteurs.
Il se dégage de tout cela une impression troublante car le lecteur , au fur et à mesure, doit remettre en question ce à quoi il accordait sa confiance. Ainsi ai-je failli arrêter ma lecture  au récit de la tentative de viol, car il s'en dégageait une étrangeté perturbante, étrangeté soulignée bien plus loin dans le récit par le psychiatre.
En outre, le lecteur n'aura pas forcément les réponses à toutes ses questions  (mais cela est-il vraiment possible? !) mais,s 'il accepte de se laisser dérouter par ce récit il y gagnera au change, tant l'écriture de Sebastian Barry est captivante. Seul bémol, la révélation finale qui établit un équilibre de manière quelque peu artificielle à mon goût. Un récit riche en péripéties et en personnages troubles.

 

Le testament caché, Sebastian Barry, traduit de l'angalis (Irlande) par Florence Lévy-Paoloni. 329 pages troublantes.

Merci à Guillaume de Babelio et aux éditions Gallimard.ico_critique.jpg