07/09/2011
Chaque soir à 11 heures
"Si c'est ça grandir, je me pends tout de suite."
Willa Ayre croit être insignifiante. Elle a pourtant attiré l'attention du beau gosse du lycée, Iago. Mais à une fête, notre héroïne rencontre un garçon ténébreux, marqué par le destin, Edern. à partir de cet instant, la vie de Willa va prendre une tournure étrange et dangereuse...Aïe aïe aïe, clichés vous voilà ? Que nenni !
Amour, supense mais aussi humour, inventivité langagière, rebondissements en cascade sont au rendez-vous dans ce nouveau roman de Malika Ferdjoukh. Un bon gros roman, 402 pages, comme on les aime, plein de personnages haut en couleurs, parfaitement croqués, naviguant entre la famille Adams (la maison d'Edern est à elle seule quasiment un personnage) et une vie quotidienne ancrée dans une réalité très enjouée sans pour autant sombrer dans la guimauve. On sourit, on s'émeut, on fait durer le plaisir car l'auteure revisite les codes du cinéma d'horreur façon classiques en noir et blanc, le tout sur des airs de jazz qu'on a illico envie d'écouter !
Malika Ferdjoukh a le chic pour nous donner envie de faire partie de ces familles où le bizarre et l'humour sont de règle : une mère qui cornaque des Miss en province (rien à voir avec une certaine Geneviève), un père artiste qui donne à ses oeuvres des titres improbables comme Obturation de l'espace temps , une famille d'enfants vivant seuls dans une grande et vieille maison sous l'autorité bienveillante d'un aîné (tiens tiens, clin d'oeil aux Quatre soeurs?!) . Willa est un personnage fort qui navigue avec grâce dans un univers qui tient à la fois du gothique et d'une réalité jamais édulcorée (toujours évoquée avec délicatesse), le tout saupoudré d'un humour inoxydable . Un grand bonheur de lecture à chiper à nos filles ou à s'offrir sans chichis !
Chaque soir à onze heures, Malika Ferdjoukh, Flammarion 2011.
06:03 Publié dans Jeunesse, rentrée 2011 | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : malika ferdjoukh, adolescence, mystère, amour
27/05/2011
L'amour des Maytree
"Quand même, le nombre de vies qu'on vit !"
Parce que...
-Les romans d'amour, ce n'est vraiment pas ma tasse de thé.
-Ayant beaucoup aimé Pélerinage à Tinker Creek (que l'on pourrait ranger dans la catégorie Nature Writing), a-do-ré En vivant en écrivant (depuis 1997 sur mon étagère des indispensables), qui sont tout sauf des romans , j'appréhendais un peu la lecture de L'amour des Maytree.
Imbécilebête que j'étais ! Je me suis refusé pendant 3 ans un plaisir subtil ! En effet , Annie Dillard est aussi à son aise dans le domaine de l'essai que dans le romanesque.
Sur une trame en apparence toute simple, un couple qui se forme, un enfant qui naît, les amis, le flux et le reflux de l'amour, le passage des ans, Annie Dillard nous peint avec délicatesse la vie même.Ses personnages, dont on a envie d'emboîter le pas , ne se comportent jamais comme on pourrait s'y attendre. La grâce et l'harmonie, malgré les écueils, règnent en maître, tant dans les paysages décrits (ceux du Cape Cod) que dans le récit. Je me suis tout de suite nichée au creux de ce roman lumineux et puissant dont j'ai allègrement corné de nombreuses pages. Un roman qui flirte avec la poésie et enchante la vie.
L'amour des Maytree, Annie Dillard, traduit de l'anglais (Etats-unis) par Pierre-Yves Pétillon, Christian Bourgois 2008, 274 pages qui vont rejoindre vite fait En vivant, en écrivant sur ma "fameuse" étagère des indispensables.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : annie dillard, amour, temps qui passe
17/01/2011
Le rêve d'Amanda Ruth
"Que faire à Fengdu un dimanche ?"
Une croisière d'une dizaine de jours sur le Yangzi Jiang, le fleuve dont Amanda Ruth rêvait en Alabama et qu'elle ne verra jamais car elle a été assassinée à l'âge de dix-huit ans. Ce périple, c'est sa meilleure amie, Jenny ,qui l'entreprend quatorze ans plus tard, autant pour disperser les cendres de celle qu'elle chérissait, que pour tenter de donner une dernière chance à son mariage avec Dave, le sauveteur professionnel.
Sur ce canevas somme toute assez conventionnel au premier abord, Michelle Richmond va, comme dans son premier roman, s'éloigner des sentiers battus, aussi bien du point de vue narratif, ménageant de nombreuses surprises au lecteur par sa capacité à éviter les clichés et les situations attendues, que par son style, toujours aussi poétique et précis.
Par delà l'espace et le temps vont se tisser des liens entre la Demopolis River d'Alabama et le fleuve sur lequel la Chine veut à tout pris construire un barrage qui détruira non seulement la faune et la flore mais aussi des villages où des hommes et des femmes vivaient depuis des générations.
On glisse en compagnie de Jenny sur les eaux boueuses du Yanggzi Jiang, on partage ses émotions , on retarde le plus possible le moment de quitter ces personnages avec lesquels on a partagé tout à la fois souvenirs et découverte d'une Chine parfois factice, celle qui est imposée aux touristes, mais aussi celle que Jenny parviendra à comprendre par delà les mots dans un dernier chapitre d'une beauté et d'une force incroyables. A dévorer et savourer tout à la fois.
Le rêve d'Amanda Ruth, Michelle Richmond, traduit de l'américain par Sophie Aslanides, Buchet-Chastel 2011, 294 pages fascinantes.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : michelle richmond, fleuve, amour, mort, brouillard
19/10/2010
Plage
"Mais samedi existerait-il ?"
Une femme encore jeune attend sur une plage bretonne l'homme marié et en âge d'être son père qui a promis de la rejoindre dans une semaine.
"Encombrée par [ses] souvenirs", Anne observe les gens autour d'elle et leur comportement, leurs paroles font écho et la renvoient à sa situation de petite fille tiraillée entre un père, aimant mais volage, et une mère aigrie et mal aimante.Le temps de l'attente sera finalement celui de la réflexion et quoi qu'il arrive, Anne aura enfin grandi, se sera frottée aux autres et aura pris la mesure de ses possibilités.
Il ne se passe presque rien en apparence mais jamais le lecteur ne s'ennuie en suivant le parcours de cette femme en dormance qui va peu à peu explorer son univers mental et s'ouvrir aux autres, délaissant les romans , aux titres évocateurs, qu'elle avait emportés...
Le style, tout en précision de Marie Sizun accompagne cet éveil sans tambour ni trompettes mais avec beaucoup de délicatesse. Une très jolie découverte !
Plage, Marie Sizun, Arléa 2010, 262 pages sensibles et balayées par les embruns.
L'avis de Sylire qui vous mènera vers d'autres (le froid me rend paresseuse...)
Ps: comme Sylire, la couv' ne me plaît pas du tout car elle fait verser le roman vers la guimauve, ce qui n'est absolument pas le propos du texte de Marie Sizun.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : marie sizun, solitude, amour
11/10/2010
La vie rêvée des plantes
"Le corps est plus franc, il fait savoir exactement ce qu'il veut."
Entrer dans La vie rêvée des plantes c'est pénétrer dans une réalité pétrie à la fois de violence crue et de délicatesse.
Cette famille coréenne où les parents ne s'adressent quasiment pas la parole, où les deux frères se déchirent,et où chacun vit claquemuré sur ses secrets ne donne guère envie. Surtout quand on apprend que le frère cadet espionne sa mère pour un mystérieux commanditaire. Et pourtant passé le choc de la scène initiale, on suit le narrateur dans ses pérégrinations apparemment erratiques( mais qui vont le mener à découvrir un secret de famille) et on découvre de véritables oasis de paix , des brèches où l'amour et la poésie se donnent libre cours et où les plantes sont les métaphores des souhaits des hommes.
Amours entravées , amours qui se vivent de multiples façons, le tout sur un arrière plan de violence politique, la délicatesse côtoie la bestialité mais le lecteur, même chahuté, conservera longtemps en mémoire certaines évocations de moments précieux, des parenthèses magiques dans le temps. A tenter absolument.
La vie rêvée des plantes, Lee Seung-U, traduit du coréen par Choi Mykyung et Jean-Noël Juttet, Folio2009.
L'a vis de Kathel qui vous mènera vers plein d'autres !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : lee seung-u, corée, frères, amour, plantes
11/09/2010
Assez parlé d'amour.... en poche
"Je comprends que ce que je t'offre c'est d'avoir peur."
Assez parlé d'amour est un roman d'amour où des quadragénaires vont être confrontés au coup de foudre. Je vous entends déjà soupirer. Assez parlé d'amour est un roman écrit par un membre de l'Oulipo* , roman qui aurait pu s'appeler Les Dominos Abkhazes car sa structure respecte les règles particulières de ce jeu . Là vous vous arrachez les cheveux . Et vous avez tort . Car Hervé Le Tellier a réussi ici un roman délicieux où l'on trouve tour à tour une "liste non exhaustive des achats d'Anna", un livre dans le livre: "Quarante souvenirs d'Anna Stein"pour "accomplir l'impossible : ne plus te perdre jamais" et ces souvenirs sont tout simplement magnifiques et plein d'émotion. On rêverait de recevoir un tel livre...Sans compter des informations drôles et saugrenues qui émaillent le texte sans pour autant l'alourdir, des personnages qui sonnent justes et qui ont tous un rapport très fort avec les mots, de par leur métier, mais pas seulement. Beaucoup de délicatesse et d'humour, l'un des personnages, psychanalyste et psychiatre déclare ainsi à la femme qu'il aime et qui se proclame folle: "- Je veux bien d'une folle. J'ai toujours rêvé de ramener du travail à la maison"**.
Alors, tout le mal qu'on souhaite à Hervé Le Tellier c'est, comme l'espère l'éditeur de l'écrivain (son double? dans le roman ) ,qu'il trouve son public.
* Ouvroir de Littérature potentielle, dont les membres utilisent souvent des contraintes d'écriture, qui ne gênent en rien la lecture !
** Sans le faire exprès, j'avais noté la même citation que toi, Cuné !:)
Assez parlé d'amour, Hervé Le Tellier, J-C Lattès, 280 pages, fines et tendres.
Du même auteur, je vous conseille : Joconde jusqu'à 100 et Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable, tous deux au castor astral.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : hervé le tellier, amour
21/04/2010
White palace
"Il voulait se peletonner dans la chaleur de son aisselle et hiberner là tout l'hiver."
Max, vingt-sept ans , rédacteur publicitaire en devenir, veuf toujours éploré et abstinent, se retrouve il ne sait trop comment dans le lit de Nora, la quarantaine débutante, serveuse au White palace, fast-food du pauvre.
Antithèse absolue de son épouse et de lui même, Nora se révèle quasiment impossible à définir par Max. Tout juste arrive-t-il à dire qu'elle est callipyge. Tout les oppose donc et surtout la honte de Max à l'idée de présenter cette femme pauvre, inculte et mal dégrossie à sa famille et ses amis. Et pourtant il lui est impossible d emettre un terme à cette love-story...
Histoire d'amour qui se joue des convenances White palace est un pur délice.Glenn Savan contourne avec adresse chaque écueil attendu (interprétatiuon psychanalytique sauvage, tentation de Pygmalion) et on en lâche plus ces deux héros qui se prennent le nez , en croisant les doigts pour que tout finisse bien.
L'auteur nous offre également un portrait décapant de la société de consommation américaine et du monde de la pub , particulièrement réjouissant. Une réussite à tous points de vue.
White Palace, Glenn Savan, traduit de l'américain par Isabelle Reinharez, Babel, 514 pages qui en paraissent moitié moins.
Merci Cuné , qui a su me forcer la main!
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : glenn savan, amour
31/03/2010
Quand souffle le vent du Nord
"Vous avez fait de mon monologue intérieur un dialogue."
A cause d'une adresse mail erronée, Emmi Rothner et Leo Leike vont entamer un échange qui de poli va vite devenir amical . L'étape suivante, même s'ils s'en défendent d'abord ,est bien évidemment le badinage amoureux...Néanmoins chacun d'entre eux va trouver le moyen de différer le moment fatidique du passage du virtuel au réel.
J'ai d'abord été séduite par le rythme , le ton juste et la manière fûtée de relancer l'action et l'intérêt. Les personnages ne se dévoilent que par bribes et le lecteur va à leur découverte au même rythme que chaque destinataire des mails. On sent Leo plus réfléchi, il vient en outre de se remettre d'une déception amoureuse, Emmi plus enthousiaste et on s'attache très vite à eux. Néanmoins leur attitude pusillanime, un pas en avant, deux pas en arrière, leurs arguties, ont fini par me lasser . Que voulez-vous, je ne suis pas du genre à laisser traîner les choses -même en amour- et ces deux-là j'avais juste envie de les houspiller ! Il n'en reste pas moins que ,nonobstant cette incompatibilité de caractères, j'ai beaucoup apprécié la prouesse technique de ce roman par mails qui tient vraiment la route.
Cuné, elle, a totalement été conquise par Leo (et chez qui vous trouverez plein d'autres liens, le vent du Nord souffle ici et me rend apathique...) ! Nous ne nous battrons donc pas pour son pyjama !
Quand souffle le vent du Nord, Daniel Glattauer, , traduit de l'allemand par Anne-Sophie Anglaret,Grasset 2010, 348 pages.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (33) | Tags : daniel glattauer, mails, amour
03/12/2009
Exercices de la perte
"Je ne veux pas parler de la mort. Je veux parler de la vie."
"Glioblastome multiforme, la plus féroce des tumeurs au cerveau." C'est donc contre elle que la romancière Agata Tuszynska va livrer combat. Combat voué à l'échec car la tumeur dont est atteint le mari de la romancière "ne laisse aucune chance, elle tue en quelques mois."
C'est aussi le récit d'un amour qui se vit au jour le jour, dans la souffrance, la fatigue, mais aussi l'exaltation, l'énergie fournie par les amis dont va s'entourer le couple.
Face à cet anéantissement inéluctable, la romancière va puiser dans son histoire et celle de son compagnon quelque chose à quoi se raccrocher un peu. Les mots, les livres, quant à eux, sont tour à tour jugés inutiles puis nécessaires: poèmes récités, chansons, vont accompagner les jours sombres et les fêtes jusqu'au bout de la nuit.
Un récit chaotique, tendu par l'énergie désespérée de l'amour et de la fraternité.
Exercices de la perte, Agata Tuszynska, Grasset, 314 bouillonnantes de vie.
L'avis de Pages à pages
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : agata tuszynska, eros, thanatos, deuil, perte, amour
25/11/2009
Une fois deux
"D'une pierre deux coups, elle s'était débarassée des deux personnes qui comptaient le plus pour elle.
Essayez donc d'en faire autant !"
L'histoire d'amour entre Senta et Thomas ne pouvait commencer que dans la ville de Berlin, cette ville qui porte encore les traces de son ancienne déchirure...En effet, rien ne prédisposait ces deux quadragénaires (perso au début, je les imaginais plus jeunes) à se rencontrer. Situation classique donc mais que Iris Hanika va dynamiter avec un bel aplomb. La rencontre, figure imposée de la littérature amoureuse n'a jamais été racontée d'une manière aussi surprenante et mérite d'emblée d'entrer dans les anthologies !
Las, après l'éblouissement de la rencontre viennent les atermoiements de Senta, reine des autodestructrices (et des pleureuses), car elle se rend compte qu'elle est tombée amoureuse d'un homme qui n'est pas son genre...La description de l' héroïne battant du lait en mousse pour son amant, action domestique toute simple qui va tourner au désastre apocalyptique , et son explication ensuite, valent absolument le détour!
Iris Hanika nous promène dans la ville de Berlin comme elle nous balade de scène de théâtre en article d'encyclopédie voire en discours entreprenarial féministe comme en rêverait d'en entendre un jour !, le tout entrelacé de citations de chansons.
Et si comme Antigone, j'ai regretté les quelques longueurs, je me suis beaucoup divertie à la lecture de ce roman bourré d'énergie et d'humanité. Autre petit bémol: Senta la pleureuse impénitente a eu parfois le don de m'agacer mais bon...
Une fois deux, Iris Hanika, traduit de l'allemand par Claire Buchbinder, Les Allusifs, mai 2009, 277 pages fantasques et bourrées d'énergie.
Merci Antigone !
L'avis de Cuné, conquise elle aussi !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : iris hanika, amour, berlin, allemagne