03/04/2012
L'arbre de l'oubli
"à nous , disait-elle, il n'y a personne comme nous . Et s'ils ont jamais existé, ils sont tous morts."
Alexandra Fuller a récidivé ! Pour notre plus grand plaisir elle a encore écrit un "Horrible Livre", comme sa mère se plaît à le qualifier, un livre dont cette fois sa mère est l'héroïne pleine et entière, elle qui a tout fait pour rendre sa vie "digne d'une biographie" !
La première partie, commencée sur les chapeaux de roues, nous brosse ainsi le portrait haut en couleurs, d'une femme à "deux cent mille pour cent écossaise" qui va tomber amoureuse de l'Afrique ", de cette époque et de ce lieu particuliers où aucune limite n'entravait le mode de comportement, bon ou mauvais, sensé ou déraisonnable, que devait adopter une personne blanche." Une femme qui assène sans sourciller à ses filles que l'une (l'auteure) doit avoir été adoptée, tant elle lui semble dissemblable, et à l'autre qu'elle a eu des lésions cérébrales !
Mais dans la deuxième partie, la tonalité se fait plus sombre car des drames familiaux vont assombrir l'atmosphère, tandis que l'Histoire se mettra en marche , obligeant la famille à s'adapter aux changements de régimes politiques, voire de pays. Un livre riche en émotions, qui nous prend par la main et qui ne nous lâche plus.
Un charme absolu se dégage de ces 329 pages qui se dévorent d'une traite !
L'arbre de l'oubli, Cocktail Hour Under the Tree of Forgetfulness, traduit de l'anglais (E-U) par Anne rabinovitch, Editions des deux terres 2012.
Keisha a elle aussi été séduite !
06:00 Publié dans mémoires | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : alexandra fuller, afrique, humour
23/05/2010
Nous n'avons pas d'endroit où vivre
"Je cherche à me détacher."
Manuel, jeune écrivain français, est invité en Namibie pour ainmer un atelier d'écriture avec des élèves du township. Là-bas, il découvrira la violence, des exilés volontaires ou pas et une ville marquée par l'apartheid.
Ayant vécu deux ans en Afrique (il y a vingt ans!) j'ai retrouvé, la violence en plus, l'ambiance de ces villes africaines écrasées par le soleil et l'ennui en fin de semaine. les invitations entre expatriés, les excursions qui tournent à vide...
J'ai juste regretté que l'atelier d'écriture ait été effleuré mais bon la durée très brève de l'intervention explique cela.
Il ne me restera pas grand chose de ce livre, il faut bien l'avouer, juste quelques images, une ambiance.
Merci Cuné !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : olivier de solminihac, afrique, expatriés, atelier d'écriture
08/12/2009
L'âme soeur
"-Maman, est-ce que tu m'aimerais encore si je travaillais dans un pressing ? "
Fille unique, Angèle, qui n'a rien d'un ange, comme le dit avec tendresse De Gaulle le cuisinier de la maison, vit en Afrique en compagnie de ses parents. Son père est écrivain et sa mère vaccine à tour de bras pour le compte de la Croix Rouge.
La solitude ne pèse pas à la fillette car elle est dotée d'une imagination fertile et d'une précocité qui alarme un peu ses parents. Mais tout son petit monde va s'effondrer quand ses parents décident d'adopter une petite africaine, Gloria." C'est sûr, je ne comblais pas mes parents. A dix ans, j'étais déjà une fieffée ratée et ma vie promettait d'être un bel échec, si prévisible que mes parents avaient jugé bon de prendre une fille de rechange, au cas où. Une police d'assurance en cas de descendance défaillante."
Quand Gloria arrive, le duel commence car l'ex-orpheline ne correspond pas du tout aux idée toutes faites d'Angèle et va se montrer tout aussi retorse qu'elle. Un texte piégé comme ces bonbons qui pétillent soudain dans la bouche...
Un livre sur la magie de l'enfance et le pouvoir des mots, ces mots que le père ne trouve plus, ces mots qu'Angèle utilise comme des projectiles pour contrer les questions paternelles: " BLANC ! criais-je à tous les coups".
Humour, tendresse sont au rendez-vous dans ces 159 pages jubilatoires et pleines d'invention qui se dévorent d'une seule traite !
Emprunté à la médiathèque, sur la seule foi de la couverture !
L'âme soeur, Anne Lenner, Le Dilettante.
L'avis de Pagesàpages.
PS:Dans la foulée, j'ai lu le premier, autour duquel j'avais tourné sans me décider, la faute à une couv' peu engageante ,et paf! voir le blogit-express! Billet à venir!
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : anne lenner, afrique, soeurs, humour
29/11/2009
Aya de Yopougon, tome 5
Ouvrir un volume d'Aya de Yopougon, c'est plonger avec délices dans l'univers haut en couleurs de la Côte d'Ivoire, son français imagé, riche en néologismes: "enceinter", en expressions parfois très crues"Ignace, faites des remontrances aux excréments, ils continuent de puer", c'est (re)découvrir, grâce aux dessins précis et plein de vie de Clément Oubrerie le marché africain, ses stands précaires où l'on achète les aliments non pas au kilo mais en petits tas déjà alignés sur l'étal. On sentirait presque l'odeur des épices, des poissons séchés et de tous ces aliments bizarres et colorés qui enchantent les yeux mais pas forcément nos narines européennes !
C'est entrer dans un monde où majoritairement les femmes se montrent à la fois plus courageuses et plus franches que les hommes, même si ceux-ci, au final, se ressaisissent sous leur influence...
N'ayant pas lu-malgré tous les éloges de la blogosphère-les volumes précédents, je suis néanmoins entrée avec facilité dans le monde d'Aya de Yopougon, un résumé des épisodes précédents, très rapide et efficace, m'ayant facilité la tâche. On passe avec aisance du monde citadin d'Aya avec ses ruelles et ses quartiers labyrinthiques au village de brousse, sans oublier quelques incursions dans le monde des africains de Paris.
Marguerite Abouet aborde cette fois le problème de tous ceux qui "se proclament du jour au lendemain, pasteur, prophète, évangéliste, révérend, apôtre, berger et j'en passe." et qui "prêchent souvent l'évangile de la prospérité", promettant "argent facile et (...) guérisons miraculeuses." Mais tout cela n'est pas pesant et l'humour prévaut toujours , ne serait ce que sous les traits d'un dévot empruntant les traits de James Brown. On sourit aussi devant la tête des futurs beaux-parents découvrant le physique ingrat de la charmante Isidorine et on suit, amusés, le périple du couple ,représenté en couverture, à la recherche de leur fils prodigue...
Des problèmes sérieux sont abordés avec délicatesse et justesse, on sourit beaucoup et on passe un excellent moment avec tous les personnages de cette BD.
J'ai particulièrement été séduite par le format et la clarté de la mise en page.
Aya de Yopougon, Tome 5 Marguerite Abouet, Clément Oubrerie, Gallimard 2009 , 106 pages trop bien même !
Évidemment, j'ai noté les 4 premiers tomes sur le cahier de suggestions de la médiathèque !
Merci à Véronique et aux éditions Gallimard .
06:00 Publié dans BD | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : marguerite abouet, clément oubrerie, afrique, côte d'ivoire
31/08/2009
trois femmes puissantes
"Quel démon s'était assis sur le ventre de sa soeur ? "
Menteurs dans le meilleur des cas, lâches,"subtilement malfaisants","mal charmants" , traîtres,voire tranquilles massacreurs de vies de femmes et d'enfants ,tels apparaissent les hommes dans le très beau roman de Marie Ndiaye, Trois femmes puissantes.
Pourtant ces femmes ne récriminent pas. Elles agissent. Avec obstination. Se tenant droite uniquement par la force d'une dignité à laquelle elles tiennent plus que tout. Ainsi Norah qui quitte la France où elle est née et a toujours vécu pour rejoindre un père africain qu'elle a à peine connu, possède une "inépuisable colonne des griefs à l'encontre de son père, sachant bien qu'elle ne lui ferait part ni des graves ni des bénins, sachant bien qu'elle ne pourrait jamais rappeler dans la réalité du face -à- face avec cet homme insondable dont elle ne manquait pas au loin pour l'accabler de reproches, et de ce fait mécontente, déçue par elle même et plus fâchée encore contre lui de plier le genou, de n'oser rien lui dire."Pourtant cet homme elle le rejoint et accomplit la mission qu'il lui confie pour délivrer sa famille du démon qui l a ravagée, démon qui prend sans doute la forme d'un oiseau puique tel lui apparaît son père lors de son arrivée...
C'est un quartier africain et une prison qui établissent un lien apparemment ténu avec la deuxième partie du roman où s'exprime un homme, un homme fou d'amour pour Fanta qu'il a emmenée en France et qu'il est en train de perdre.La chaleur l'accable tout au long de cette journée où il part en vrille, se remémorant tout ce qu'il a commis à l'encontre de celle qu'il a trahie , lui faisant miroiter un avenir qu'il se complaît à saborder. Saura-t-il lui aussi lutter contre l'oiseau qui le harcèle et redonner le sourire à Fanta ?
Fanta , seule vague référence donnée à Kady Demba si elle parvient à rejoindre la France où l'expédie sa belle-famille après le décès de son époux. Mais la route est longue , hérissée de périls que n'envisage même pas celle qui a pour tout viatique son nom,nom auquel elle se raccroche farouchement tout au long de son chemin de croix.
Il se dégage du roman de Marie Ndiaye une atmosphère lourde, saturée de lumière et de chaleur. On se laisse prendre au piège de ses longues phrases sinueuses qui ne diluent pas la violence mais la rendent plus sournoise. Accablante. On frémit, on enrage et on a le coeur serré en refermant ce livre qui dit le malheur et la force des femmes liées à l'Afrique. Trois femmes que nous n'oublierons pas.
06:10 Publié dans Rentrée 2009 | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : marie ndiaye, femmes, afrique
23/06/2009
Le cerveau de Kennedy
"Mais sortie des champs des champs de fouille et des musées, j'en sais infiniment moins qu'Henrik sur le monde qui m'entoure. Je suis profondément ignare, et je le découvre à cinquante ans passés."
Pas de Wallander au sein de ce roman du romancier suédois Henning Mankell, mais une mère obstinée et pugnace, Louise Cantor , qui va utiliser sa méthode d'archéologue confirmée pour élucider la mort de son fils, Henrik.
Suicide dit la police mais Louise ne peut se résoudre à l'admettre et va, au prix de multiples périples entre Barcelone, la Suède, la Grèce et le Mozambique tenter d'éclairer les mutiples zones d'ombre d'un fils que finalement , elle ne connaissait pas si bien que cela et essayer de rassembler les différents morceaux de cette vie disloquée qu'est devenue la sienne...
Si l'enquête menée par Louise paraît un peu manquer de densité, le lecteur est neanmoins tenu en haleine à la fois par les péripéties et par l'intensité de cette recherche de vérité.
On ressent aussi profondément l'amour de l'auteur pour les Africains et la colère qui l'anime en évoquant des thèmes déjà abordés par John Le Carré dans La constance du jardinier. Pourtant il n'idéalise pas ce continent gangrené par la corruption au plus haut niveau et , comme le souligne un personnage: "Pendant toutes les années du colonialisme, nous avons appris à ne faire que ce qu'on nous demandait. Maintenant , nous apprenons lentement à penser par nous-mêmes. mais il y a tant de choses que nous ne nous décidons pas à faire."
Un très beau portrait de femme et un livre efficace qu'on lit d'une traite. Quant au cerveau de Kennedy, il fonctionne ici comme un symbole dont je vous laisse le soin de découvrir la signification...
Le cerveau de Kennedy, Henning Mankell, éditions du Seuil, Janvier 2009, 390 pages qu'on ne lâche pas.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : le cerveau de kennedy, henning mankell, afrique, suède, grèce
04/06/2009
Soulfood équatoriale
Ne comptez pas sur Léonora Miano pour vous indiquer les proportions exactes des ingrédients d'une recette: "les proportions s'évaluent, comme pour toutes les préparations, de façon extrêmement simple: à l'oeil et au toucher. Si on sait cuisiner , on se passe de verre doseur et de tout ce qui peut y ressembler. On regarde, on sent, on sait" Tenez-vous le pour dit.
Pas question non plus pour les gourmands du Cameroun de révéler leurs secrets: "Pour la bonne cause. Ils veulent qu'on revienne à leur table. Ils retiennent l'information pour préserver la joie d'offrir.
Notion de partage que l'on retrouve dans la polysémie du titre Soulfood équatoriale, la Soul food étant à la fois "La nourriture qui touche et remplit l'âme" mais surtout d'après l'auteure la cuisine afro-américiane "Une alimentation mêlant des éléments venus d'Afrique et d'autres, trouvés sur place ou importés d'Europe". C'est aussi le nom d'une gargote quasi mythique où se côtoyait "des personnes issues de tous les milieux. Une certaine douceur de vivre, en dépit des tracas. Un esprit de famille."
Parfois catégorique-et pourquoi pas ? -Léonra Miano sait aussi se montrer pleine d'humour quand elle conseille quelques tricheries aux femmes désireuses de séduire un homme par la confection -très longue- d'un plat traditionnel. En effet"On ne va pas se faire manucurer pour, la minute d'après se métamorphoser en mama africaine des âges féroces. Notre conseil est d'avoir chez soi une pierre à écraser, de la laisser bien en évidence dans la cuisine , et de trouver une cachette sûre pur le mixer."La conclusion d ecechapitre, que je vous laisse le plasir de découvrir est par ailleurs tout à fait malicieuse...
Friande , Léonara Miano l'est tout autant de mots , nous rappelant au passage que la morue est" baptisée mukandjo par nos bouches , qui ne sauraient manger ce qu'elles n'ont pas elles-mêmes nommé.", détaillant la composition des sandwichs saxophones , fourrés au jazz et dévorés par des gamins vêtus de leur "je m'assieds avant toi", comprendre "leur culotte trop grande car héritée d'un aîné, et dont le fond se pose sur les chaises avant le postérieur de l'enfant."
Cette inventivité joyeuse de la langue ne fait pourtant pas oublier, qu'un avocat, même petit , même trop mûr ,peut devenir l'objet de la convoitise d'un gamin tenaillé par la faim...
Odeurs, saveurs épicées se mêlent ici à la poussière des rues de Douala dans un mélange unissant aussi légendes et modernité.
Découvrir ainsi l'écriture de léonora Miano, pleine de vigueur , fièrement campée sur ses racines africaines, -on devine aisément son caractère bien trempé- mais aussi pleine de malice, ne me donne qu'une envie: aborder son oeuvre romanesque !
Un grand merci à Guillaume de Babelio et aux Editions du Seuil !
Soulfood équatoriale, Léonora Miano, Collection exquis d'écrivains, Nil éditions, 101 pages denses.
L'avis de Pagesapages
06:00 Publié dans Gourmandises | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : soulfood équatoriale, léonora miano, afrique, des mts etd es mets, exquis d'écrivains