22/10/2024
#Desmoutonspleinmachambre #NetGalleyFrance !
"J'étais une terre gagnée lentement par la banquise. "
Dire que ce roman a pour narrateur un enfant gravement malade serait extrêmement limitatif car comme il le déclare lui-même à propos d'un projet de roman que lui suggère son cousin : "Il restait la maladie mais franchement je ne voulais pas lui accorder plus d'importance en racontant tous les mauvais tours qu'elle me jouait. "
Ce qui importe ici c'est d'une part le regard qu'il porte sur sa famille, ses amis, sa lucidité et sa manière nuancée d'aborder les sujets les plus graves, par petites touches non dénuées d'humour et de délicatesse. Mêlant les temporalités, l'auteur fait ainsi l'économie du pathos et nous livre un roman sans grands enjeux narratifs, qui paraîtra sans doute lent à certains , mais dont il faut prendre le temps d'apprécier les nombreuses remarques pleines de justesse. Une belle découverte.
Merci à Netgalley et à l'éditeur : La Belle Étoile 2024.
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2024, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : michael uras
21/10/2024
Le Buzuk
"Et alors, et s'ils étaient venus justement, pour ça, parler aux mouettes, défendre le lapin de garenne, le crabe tacheté ou le maquereau agile, ces jeunes sont nos alliés. Et puis je me suis dit, calme-toi, Joséphine ; si tu n'es pas une mouette, tu n'es pas Jeanne d'Arc non plus. "
Le Buzuk , c'est le nom du chien (mais pas que) dont a hérité Joséphine à la mort de son mari. Mari à qui elle s'adresse régulièrement, histoire de le tenir au courant non seulement des nouvelles de la famille, mais aussi de ce petit paradis breton où elle vit.
Mais justement ce paradis court le danger d'être transformé en golf. Par chance, de jeunes marginaux avec qui Joséphine va sympathiser vont décider de défendre cette zone contre vents et marées...
Très programmatique, ce roman fait passer un bon moment de lecture sans prise de tête, mais offre néanmoins l'originalité de nous offrir un narrateur non fiable, dont le manque d'exactitude se révèle progressivement...
Merci à Babelio et à l'éditeur .
Editions Viviane Hamy 2024.
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2024, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : marie kelbert
09/10/2024
#Bâtardes #NetGalleyFrance !
"Nous sommes donc les bâtardes, mères de bâtardes,filles de bâtardes, perpétuant le cycle des mensonges et de l'obscurité. "
On estime le nombre d'enfants nés de mère française et de père appartenant à l'armée allemande durant la Seconde guerre mondiale entre 10 00 et 20 000. L'occasion pour ceux qu'on a appelés "les résistants de la dernière heure", de tondre ces femmes coupables de "collaboration horizontale", de se venger sur elles de leurs propre lâcheté (voire pire) en les tondant sur la place publique.
L'arrière petite fille d'une de ces femmes va remonter le temps des silences et des hontes pour mettre à jour les mensonges qui gangrènent plusieurs générations d'une lignée de femmes de sa famille.
Rachel Corenblit, avec beaucoup de sensibilité, donne la parole à chacune de ces femmes qui expriment avec beaucoup de lucidité leurs sentiments, mais aussi l'hypocrisie d'une société patriarcale. Une belle réussite.
15:58 Publié dans Jeunesse, Rentrée Littéraire 2024, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : rachel corenblit
25/09/2024
#Mesenfantssontpartis #NetGalleyFrance !
"Parce que je veux que mes enfants s'affranchissent de moi. Je le veux vraiment. Je constate que cela me dévaste mais je n'ai pas une seule seconde envie de les garder à mes côtes toute leur vie. Il faut lutter contre des montagnes géantes, il faut trouver une place entre le désir de leur bonheur et ce deuil affreux qui m'attend. "
Cinquante ans au compteur. Les enfants qui s'envolent. Syndrome du nid vide qui survient brutalement dans la vie de l'autrice. L'occasion pour elle de faire le bilan de sa vie artistique (pas facile d'être une femme dans le monde de la musique surtout quand on n'est plus "fraîche"). La ménopause qui la guette n'arrange pas les choses dans une société qui invisibilise les femmes, une fois qu'elles ne peuvent plus être mères...
Heureusement, sa reconversion dans le monde de la santé lui permet de rencontrer d'autres femmes et leurs expériences , qui se tissent à son récit, offrent des portraits sensibles , parfois douloureux mais toujours pleins de vie.
On sourit, on compatit, on se reconnaît, un peu, beaucoup... Un roman tendre et sincère dont les pages se tournent toutes seules ou presque.
Grasset 2024.
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2024, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : julie bonnie
19/09/2024
La taille de nos seins
"Jean-Pierre s'est beaucoup moqué de mon obsession pour cette poitrine naissante, je n'ai pas su lui expliquer combien elle avait été déterminante, qu'à partir d'elle le monde n'a plus été le même . Que je suis alors, malgré moi , sortie de l'enfance, marquée au fer rouge de la sexualisation, que j'ai attiré, sans le vouloir, désirs incontrôlés et comportements abusifs, une marchandise de premier choix dans un grand magasin peuplé d'hommes de tous âges et de toutes conditions, venus s'amuser et consommer sans états d'âme."
Agnès Jaoui, née dans les années 60 , égraine ici des souvenirs de son enfance et plus particulièrement ceux liés aux deux amies , Cécile et Isabelle, qui sont encore proches d'elle( Cécile, c'est d'ailleurs Cécile Partouche qui signe ici les illustrations pleines de tendresse de ce recueil).
L'autrice en profite pour stigmatiser les humiliations qui étaient monnaie courante à l'époque à l'école mais aussi pour interroger son rapport au corps et évoque de manière pudique l'abus dont elle a été victime par son oncle.
Un texte qui se lit vite et qui parlera davantage sans doute aux femmes de cette génération...
Grasset 2024.
06:00 Publié dans Autobiographie, Rentrée Littéraire 2024 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : agnès jaoui, cécile partouche
18/09/2024
Un printemps en moins
" Je veux me souvenir de Gabriel à dix-sept ans.
Je veux me souvenir de Gabriel à trente-trois ans.
Sinon il n'y aura plus de vrais dimanches. "
Trois voix alternent dans ce roman choral : Cellede Gabriel , treize ans, dans le coma, à l’hôpital ; celle de son père , Martin, qui n'a rien vu venir; celle de Romane enfin, une prof du collège où Gabriel se faisait harceler et qui a vu le corps de l' adolescent tomber dans la cour de l’établissement scolaire.
Trois points de vue pour mieux comprendre la violence exercée via les réseaux sociaux et dont les adultes ne veulent ou ne peuvent pas prendre la mesure. Mais un roman qui fait aussi la part belle à la poésie et à l'espoir, par petites touches.
On échappe ainsi au roman - dossier et on partage un peu de la vie des ces trois personnages attachants en diable, qu'on aimerait bien retrouver...
les Avrils 2024. 122 pages.
Merci à L'auteur et à l'éditeur pour l'envoi. Je n'ai pas été rémunérée pour ce billet.
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2024, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : arnaud dudek
17/09/2024
Après la brume
"Je les sens familiers de ce climat avec lequel je tâtonne encore. Les chemins de l'île, les marées sont inscrits en eux, comme en moi les rues parisiennes. "
Une île bretonne où une sortie scolaire perturbée par l'arrivée de la brume a mal tourné : la petite Raph a disparu.
Tour à tour, des îliennes , des femmes de passage ou récemment arrivées prennent la parole et les histoires récentes ou anciennes se croisent, s'éclairent petit à petit.
La nature est très présente et l'écriture de l'autrice, dont c'est le premier roman, en rend compte avec justesse et poésie.
Une intrigue solide, des personnages bien ancrés dans le réel, une écriture puissante, voilà d’excellents ingrédients pour une lecture captivante. Seul petit bémol : je me suis parfois un peu perdue dans les personnages ...
Éditions Dalva 2024.
06:00 Publié dans Rentrée Littéraire 2024, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : estelle rocchitelli
16/09/2024
Ilaria ou la conquête de la désobéissance
"Je n'ose pas dire "non", je n'ose pas dire que je ne comprends pas , que je m'en fiche complètement des choses plus importantes. Je veux aller à l'école, jouer, voir mes copines, aller aux anniversaires, aux cours de gym. Je veux faire des flic-flac, des roulades,, m'entraîner à la poutre et faire comme Nadia Comaneci. Je veux rentrer. Puis l'idée de quitter Papa me glace. Je ne peux pas le laisser seul. "
Mai 1980. Son père vient chercher Ilaria à la sortie de l'école. Commence alors une errance italienne car, même s'il refuse le mot, le père vient bel et bien d'enlever sa fille de huit ans à sa mère et à sa grande sœur.
Mensonges, internat, vie paysanne en Sicile, la petite fille est trimballée au gré des humeurs de son père et de sa vie d'expédients. Un père qui parfois se fâche, boit trop et se révèle incapable d'assurer une certaine normalité pour sa fille, ce qui entraîne parfois un renversement des rôles.
Sans pathos, l'autrice rend compte de la situation dont s’accommode plus ou moins bien l'enfant, rendant compte du conflit de loyauté dont elle est victime. Cela aurait pu être un fait divers sordide, cela devient un récit poignant mais toujours écrit "à l'os"., laissant au lecteur le soin de combler les vides.
Et zou, sur l'étagère des indispensables.
Éditions Zoé 2024. 173 pages.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Rentrée Littéraire 2024, romans suisses | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : gabriella zalapi
13/09/2024
#Cicatrices #NetGalleyFrance !
"Les cicatrices sont les hauts lieux cutanés de notre sentiment d'identité et de la reconnaissance de notre personne par les autres . Mais le corps est une géographie changeante. Les transformations induites par les avancées de l'âge se conjuguent à celles décidées par l'individu à l'image des tatouages, des implants ou des interventions de chirurgie ou de dermatologie esthétiques. S'y ajoutent les souvenirs cutanés laissés par les rebuffades de l'environnement ou les heurts brutaux avec les autres. "
De la première cicatrice (notre nombril), en passant par celles qui sont les traces d'événements, sans oublier les rituelles , celles qui sont signes d'infamie ou celles liées à l'art, David Le Breton explore avec acuité le lien qu'elles entretiennent avec notre peau mais aussi et surtout avec nous-mêmes.
S'y ajoutent les scarifications adolescentes, signes de malaise profond qui permettent de "crier par corps", tout comme les blessures carcérales, seules possibilités d'agir quand on n'a plus d'autres possibilités.
Les blessures des réfugiés, quant à elle, témoignent des tortures et des souffrances subies et permettront ou pas de justifier la nécessité de l'asile.
Une place particulière est faite pour les cicatrices sur le visage, particulièrement impossibles à dissimuler et qui impactent fortement les identités.
Le sociologue termine par ce qu'il appelle les "Corps de résistance, corps d'amazone", celui des femmes ayant souffert d'un cancer du sein, et par les inscriptions délibérées sur le corps, dans des officines qui leur sont dédiées, aux États-Unis.
Vous le voyez un panorama exhaustif , extrêmement intéressant et finement analysé, d'autant que le style de David Le Breton est très imagé et agréable à lire , même si la description de certaines pratiques peut être éprouvante. A recommander chaudement.
Éditions Métailié 2024.
06:00 Publié dans Essai, Rentrée Littéraire 2024 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : david le breton
02/09/2024
Une femme sauvage
"Car depuis des lunes et des lunes c'est un pays où l'on combat. Un pays où l'on se défend. Un pays où l'on résiste. Et j'aime les endroits où l'on se tient debout envers et contre tout, sans forcément avoir besoin de revendiquer pour quelles raisons profondes. Des gens debout, hors de la norme, contre une oppression, alors que la majorité s'engourdit, se laisse plier sous le joug, ça me plaît. "
Alliant son amour de la marche, de la rébellion et de la nature, Pascal Dessaint part sur les traces d'une femme qui, en 2008, a choisi de vivre seule dans la forêt cévenole, et ce pendant quinze ans.
De nombreuses questions lui viennent en tête, tout à la fois matérielles et humaines et, au fil de ses pérégrinations,l'évocation de cette jeune femme qu'il laisse deviner victime d'un traumatisme, va faire écho à d'autres souffrances plus personnelles.
Avec beaucoup de pudeur, l'auteur se livre un peu et, en célébrant au fil des balades les enclaves de beauté qui subsistent malgré tout , il nous entraîne à sa suite dans cette quête poétique , erratique et lumineuse. Une belle manière d'entamer septembre. Et zou, sur l'étagère des indispensables.
Merci à l'auteur et à l'éditeur pour cet envoi.
Éditions Salamandre 2024.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Rentrée Littéraire 2024, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : pascal dessaint