27/11/2018
Le discours
"Pour ma mère, le monde se divise en trois catégories: ceux qui ont un cancer, ceux qui font construire et ceux qui n'ont pas d'actualité particulière."
"Un type désœuvré, dévasté par le chagrin d'amour et le manque, bloqué dans un repas où tout semble dénué de sens." Quand l'auteur nous propose très gentiment , via son narrateur principal, Adrien, quadragénaire névrosé et torturé, un résumé de la situation pour quoi se gêner ?
Il faut dire qu'on la comprend un peu, Sonia, de vouloir faire une pause: être régulièrement réveillée par un gars persuadé de faire une crise cardiaque, ça fatigue !
Mais bon il est attachant aussi et c'est sans doute pourquoi son futur beau-frère vient de lui demander lors d'un dîner en famille de rédiger Le discours de son prochain mariage.
Belle occasion pour Adrien de se torturer les méninges et de scanner le fonctionnement des relation familiales , où chacun est tenu de jouer sa partition, sans déroger aux règles implicites. A moins que...
Du début à la fin de ce roman, j'ai eu le sourire devant les membres de cette famille, croqués à la fois avec tendresse, pertinence et loufoquerie. On a vraiment l'impression d'y être et de reconnaître , poussés à l'extrême, jusqu'à l'absurde certains comportements de nos contemporains
A noter qu'on peut aussi glaner plein d'infos, à la fois drôles et surprenantes, histoire de briller dans notre prochain dîner de famille !
Gallimard 2018. Et zou, sur l'étagère des indispensables !
Un grand merci à Clara à qui je dois cette découverte !
The Autist Reading m'avait donné envie et indique plein de liens ! Merci à lui !
06:00 Publié dans Humour, l'étagère des indispensables, rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : fabcaro, fabrice caro
20/11/2018
Débâcle
"C'est peut être à ça qu'on les reconnaît, les familles où ce qui est le plus essentiel va de travers: pour compenser, elles inventent un tas de petites règles et de principes ridicules."
Eva est invitée à la fois pour commémorer le trentième anniversaire que ne fêtera jamais Jan, le frère d'un de ses amis, et pour l'inauguration d'un "site de production laitière ,presque entièrement automatisé." Doublon bizarre qui donne d'emblée le ton de ce roman où les sentiments s'expriment de manière quasi souterraine, dans un microcosme, celui d'un village flamand ,où elle a passé toute son enfance.
L'occasion pour la jeune femme de revivre deux été qui auront décidé de son existence et du fait qu'elle se rende à cette invitation munie d'un gros bloc de glace...
Eva, Pim et Laurens, une fille deux garçons, les seuls enfants nés en 1988, coïncidence qui les unira façon trois mousquetaires, même si leurs origines sociales sont bien différentes.Un triangle dont les relations s'effilocheront et deviendront de plus en plus troubles.
La tension ne cesse de monter, et même si parfois, on se perd un peu dans ces retours en arrière, rien de grave : on est tenu en haleine par ces familles dysfonctionnelles chacune à leur manière , où le drame se cache dans les détails qu'Eva scrute avec une acuité sans pareille et sème comme autant de petits cailloux blancs qui, rétrospectivement prennent toute leur valeur.
J'ai été bluffée par ce premier roman qui distille une atmosphère à la fois lumineuse et trouble, qu'on ne lâche pas et qu'on termine quasi exsangue.
Traduit du néerlandais (Belgique) par Emmanuelle tardif.421 pages foisonnantes de marque-pages ! Actes Sud 2018.
Warning, déclenchez les larmes, ce roman- là c'est de la bombe ! Impossible de le dévorer : il faut le siroter, le lire attentivement, comme on savoure un alcool fort !
Et zou, sur l'étagère des indispensables! Il va essorer vos petits cœurs tout mous.
Merci à Autist Reading qui m'a donné envie de le lire !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, rentrée 2018, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : lize spit
19/11/2018
Sous les branches de l'udala #Rentreelitteraire2018 #NetGalleyFrance
Fin des années 60, le Biafra et le Nigeria se déchirent dans une guerre interethnique. La jeune Ijeoma envoyée loin de sa mère (qui se remet du deuil de son mari ) tombe amoureuse d'Amina.
Amours doublement interdites du fait de l'origine de ces très jeunes filles, dont les chemins se sépareront très vite.
Ijeoma devra faire face au poids de la religion (sa mère veut la "soigner" à coups de passages de la Bible), de la société ,mais finira par devoir emprunter des chemins de traverse pour pouvoir vivre pleinement.
Roman très didactique, ce texten'a suscité chez moi aucune empathie, par ses longueurs et par sa volonté trop affirmée de dénoncer une situation bien évidemment inadmissible. Dommage.
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : chinelo okparanta
13/11/2018
Au grand lavoir
Alors j'irai au grand lavoir là-bas, où la mémoire se récure contre le granit rugueux, où la langue se rince au torrent qui mousse comme un savon d'encre, où la fiction fait Javel. Je regarderai l'eau crasseuse s'écouler dans une grande synovie de mots et je laisserai sécher les éclaboussures au soleil de leur consolation. Grande lessive.
Il a assassiné la mère de celle qu'il voit un jour à la télé, par hasard.
L'étudiante d'alors est devenue une écrivaine qui va venir pour une signature à Nogent-le-Rotrou Rotrou.
L'assassin a changé d'identité, a été réinséré. Il travaille aux espaces verts de cette commune et mène une vie routinière, totalement perturbée par cette nouvelle. Tous les stratagèmes mis en place vont montrer leurs faiblesses même si, paradoxalement, un point commun unit en pointillés ces deux personnages antagonistes: les plantes.
Utilisant un montage en parallèle qui alterne les points de vue, Sophie Daul met ici en scène un parcours à la fois imaginaire même si inspiré de sa propre histoire. Elle a en effet découvert le corps de sa mère assassinée. Face à un tel drame comment réagir ? Vengeance ? Pardon ? Dans une mise en scène troublante où se dit aussi un corps figé à l'instar de celui de la mère dans une taille 34, Sophie Daul définit ici une troisième voie.
A dire vrai, je craignais la lecture de ce texte qui aurait pu être lacrymal, usant de grosses ficelles, mais l'autrice est à la fois cérébrale et sensible et j'ai dévoré ce roman d'une traite.
Philippe Rey 2018
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : sophie daul
07/11/2018
Le 12ème chapitre
Un auteur à succès et son éditeur , amis d'enfance, reçoivent simultanément un manuscrit évoquant une tragédie ayant marqué leur jeunesse , rappel dont ils auraient bien aimé faire l’économie. Les envois se succèdent, seul le 12 ème chapitre diffèrera.
La culpabilité est au cœur de ce roman qui n' a pas su me captiver tant l'écriture est dissonante, l'auteur se permettant tantôt des facilités, tantôt faisant preuve de davantage de rigueur.
Quant à l'intrigue, elle m'a aussitôt évoqué d'autres textes, et pourtant je ne suis pas férue de polars.
Merci à l'éditeur et à Babelio.
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jerome loubry, schtroumpf grognon le retour
06/11/2018
les chants du large#netgalley
Finn, sa sœur aînée Cora et leurs parents vivent sur une île de terre-Neuve. Las, les morues et autres poissons ont disparu , l’île se dépeuple.
Finn et sa sœur dans un premier temps, puis Finn seul, sans jamais se plaindre, mais avec aisance et harmonie vont faire face à cette situation à leur manière.
Seul le nom de l'auteure, dont j'avais adoré le premier roman, m'a décidée à lire ce texte dont le thème n'avait rien d'emballant.
Bien m'en a pris car j'ai retrouvé l'écriture, toujours un ton au-dessous de ce à quoi on pourrait s'attendre, les ellipses tant narratives que stylistiques qui freinent juste avant de tomber dans le pathos ou le convenu.
Avec poésie, avec candeur, mais aussi détermination, les personnages d'Emma Hooper luttent contre la solitude, le chômage, sans jamais perdre de vue leurs sentiments.
Ces gens sont faillibles, mais les chansons de Terre-Neuve qu 'ils entonnent drainent à la fois le passé, irriguent le présent et ouvrent, si ce n'est vers un avenir, du moins vers une solidarité, une union à la fois poétique et fraternelle. Une atmosphère de fable et un grand coup de cœur.
Les Escales 2018. Poétiquement traduit par Carole Hanna.
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : emma hooper
05/11/2018
Helena #MRL18
Partie s'entraîner en vue d'un tournoi de golf, Hailey, jeune fille versatile appartenant à une jeunesse dorée tombe en panne de voiture dans un coin paumé du Kansas.
Elle est recueilli par Norma, veuve de 39 ans, sur le point de conduire sa benjamine, Cindy à un concours de Mini Miss.
L'ambition, la volonté de réussir pourraient rassembler ces deux femmes mais Tommy, l'un des fils de Norma va, par sa violence et sa folie, changer la donne et tout faire basculer dans l'horreur.
Alternant les points de vue des principaux personnages, le roman de Jérémy Fel révèle leurs motivations les plus noires. Sous couvert d'être une mère tigresse prête à tout pour défendre ses petits, Norma n'est-elle pas en fait mue par a lâcheté et la peur du qu'en dira-t-on ?
L'intrigue, diabolique, enserre ses personnages dans des situations inextricables qu'ils sont les seuls à voir créées par leur violence et leur désir de se venger.
Un roman d'une noirceur absolue. Ou presque.
Éditions Rivages 2018. 732 pages parfois difficilement supportables.
Merci aux marraines , à Rakuten et à l'éditeur.
Leiloona a été conquise: clic.
06:00 Publié dans rentrée 2018 | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : jérémy fel
30/10/2018
Bouche cousue
"Qui donc me rendra mon prénom ? "
En 93 petites pages, d'une efficacité pleine de délicatesse, isabelle Minière relate une rupture amoureuse, ses prémices et ses conséquences.
Elle centre son propos sur le pouvoir des mot, l'homme abandonné passant progressivement de son surnom "Tintin" à ...rien. "Elle ne m'appelait plus du tout. J'avais perdu mon prénom et mon surnom."La versatilité de Flora, l'ex-amoureuse ira même encore plus loin dans la cruauté désinvolte, n'hésitant pas à interchanger des appellation d'un destinataire à un autre.
Du coup, l’abandonné ,qui ne récupérera son prénom qu'à la toute fin du récit, en perd la voix au sens propre du terme. Il lui faudra suivre tout un processus personnel de réappropriation de son identité pour la récupérer; processus qui n'ira pas sans mal car "On veut changer, mais on a toujours un peu peur de se perdre en cours de route." , réalisant peut être la prédiction inscrite dans son prénom.
Un livre raisonnablement optimiste, léger en apparence , mais plein de finesse et dont il faut noter la délicieuse couverture de Vlou.
Un vrai plaisir que de retrouver Isabelle Minière , éditée ici chez Le Verger.
Merci à l'éditeur et à Babelio.
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : isabelle minière
29/10/2018
Mon frère
" Sa première pensée, quand le diagnostic [Parkinson] tomba, fut pour l'épouse :
-Elle veut que je me secoue, elle va être servie."
Dans la fratrie, il ne reste plus que Daniel, le cancre, devenu écrivain qui se pose la question, des années après la disparition du frère préféré de la famille, Bernard : Qui était-il vraiment ?
Daniel Pennac, intercalant des passages de son spectacle consacrè à la nouvel Bartelby, revient ici sur la personnalité de ce frère dont il estime qu'il était un lointain cousin du héros de Melville.
Plein d'humour, d'amour et d'empathie, on devine, en filigrane que ce frère, sans jamais ce plaindre, n'a pas eu une vie totalement épanouissante, ni d'un point de vue personnel, ni conjugal.
On ne tombe pourtant pas dans le règlement de compte, le temps sans doute apaisé les esprits, et cela n'en rend que plus palpable l'émotion, contenue, certes, mais infiniment présente.
Merci à Cathy et Laurent pour le prêt.
05:40 Publié dans Autobiographie, rentrée 2018 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : daniel pennac
16/10/2018
Valentine ou la belle saison
"Tu en connais beaucoup des familles où tout le monde s'aime, se parle sans hypocrisie ni jalousie, et ne cache rien à personne ? "
A l'aube de la cinquantaine, Valentine et son frère aîné, Frédéric, vont devoir faire face à de nombreux bouleversements.
Sur fond de campagne électorale présidentielle ,chacun d'entre eux va devoir affronter à sa manière et "digérer" des secrets de famille façon poupées russes , secrets d'autant plus violents qu’ils les obligeront à faire le deuil de l'image idéalisée de leurs parents.
Pour ne rien arranger, Fred comme Valentine doivent simultanément faire face à des tourments personnels...
Centré sur le personnage de Valentine, femme qui a bien du mal à accepter et son corps et la réalité, le roman d’Anne-Laure Bondoux se révèle addictif tant il excelle à croquer des personnages pleins de vie, de doutes mais d’énergie aussi.
Interrogeant les liens subtils, et parfois tortueux, qui unissent frères et sœurs, il brosse aussi en arrière plan le désenchantement d'une certaine gauche idéaliste.
Même si la fin me laisse dubitative, j'ai dévoré à belle dents ce roman qui fleure bon la joie de vivre malgré tout.
Fleuve éditions 2018, 407 pages.
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien, rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : anne-laure bondoux