02/01/2024
Le Jardin Nu
"Tout est plus vivant de devoir mourir. Tel est l'enseignement.Toute vie est dérisoire , et toute vie est en même temps unique, infiniment unique, infiniment fragile-la palpitation de la veine- précieuse en raison même de sa fragilité . "
D’Anne Le Maître, j'avais précédemment lu et adoré Sagesse de l'herbe (clic) .
Si je n'ai pas autant utilisé de marque-pages pour ce récit, il n'en reste pas moins que j'ai beaucoup apprécié ce texte de remontée vers la lumière après un deuil, par le biais d'un jardin et de sa faune.
L'autrice, par sa langue toujours aussi précise et poétique, sans pathos, nous fait partager ces moments fragiles et beaux , qu'elle observe avec une attention extrême et dont elle nous fait partager l'intensité. C'est ténu et pourtant d'une puissance folle.
Merci Aifelle pour cette découverte.
Editions Bayard 2023.
06:00 Publié dans Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : anne le maître
03/10/2023
Copeaux de bois/ Carnets d'une apprentie bûcheronne
" contrôle silhouette: biceps pectoraux abdos
jamais été aussi musclée
ni aussi bronzée si tôt dans l'année
la forêt est à la fois ma salle de sport et mon institut de
beauté
en un peu moins safe"
Écrivaine et bûcheronne, une double casquette un peu bizarre, mais c'est celle d' Anouk Lejczyk (dont j'avais adoré le premier roman Felis silvestris ) qui nous livre ici, consigné au jour le jour, le récit de son apprentissage pour devenir bûcheronne.
Le corps, la nature sont bien évidemment au cœur de ce texte surprenant par les contradictions qui le hantent: comment peut-on aimer la nature et couper des arbres ? Comment être un femme dans un monde majoritairement masculin ? Les réponses qui nous ici livrées sont souvent humoristiques (le portrait d'un formateur livré brut de décoffrage vaut sacrément le détour et se passe totalement de commentaires) ,mais aussi nuancées et inattendues. Un texte à découvrir absolument.
Éditions du Panseur 2023
06:00 Publié dans Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : anouk lejczyk
12/05/2023
Le Lac Magique...en poche
"Sans m'en apercevoir, je me suis soumise à une version assez dépressive de la féminité. Une version rétractée, retranchée. Être une femme, c'est ne pas pouvoir. C'est ne pas avoir le droit. mes compagnes de baignade ont une toute autre définition. Pour elles, la féminité a à voir avec la nature et la force. "
Partie s'installer pour un temps au Québec avec son compagnon et ses filles, la narratrice va être invitée à accompagner un groupe de femmes habitant près de chez elle pour une baignade dans un lac, le matin. Une baignade un peu particulière car à ce moment de la journée, ce plan d'eau est réservé aux femmes et elles s'y baignent nues.
Situé au coeur de la forêt, ce lac va dès le premier instant prendre une importance particulière pour la jeune femme qui va vivre une expérience l'amenant à prendre conscience des ses peurs, de ses relations pour le moins dysfonctionnelles avec ses parents, très tôt séparés.
Ni mysticisme, ni sorcellerie, mais une analyse très fine et sans concession de son rapport à la féminité et aux autres. Il n'y a rien d'anecdotique dans ce récit de vie qui nous fait partager cette expérience toute simple en apparence car selon l'autrice ces femmes ont su instaurer "Une familiarité, une filiation, presque. Tout simplement, elles m'ont vue. "L'écriture, fluide et élégante, fait de cette lecture une expérience qui résonne longtemps en nous.
06:00 Publié dans Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (4)
13/08/2022
Mes nuits sauvages
"Qui veut faire quelque chose trouve un moyen, qui ne veut rien faire trouve des excuses."
C'est d'abord la couverture de ce récit de vie qui a attiré mon attention puis le thème lui-même : une femme choisit de vivre dans une maison minuscule (tiny house) en essayant d'être la plus connectée possible avec la nature.
Elle nous conte ainsi les différentes étapes de son cheminement tant intérieur que matériel , les énormes difficultés administratives mais surtout nous décrit ses nuits au sein de la nature, d'abord dans un hamac, puis dans sa tiny et le plaisir qu'elle ressent à profiter de la solitude, des sensations exacerbées par le relatif silence.
Un récit agréable à lire qui pourra sans doute inspirer des vocations.
Éditions Jouvence 2022.
06:00 Publié dans Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : sylvie pérenne
12/08/2022
Je suis une île
"Il est étrange d'être aussi seule et pourtant immergée à ce point dans un instant empreint d'une telle beauté. Je me sens bien plus accomplie et connectée dans cette nature sauvage que je ne l'ai jamais été avec un autre être humain."
Quitter une vie urbaine confortable mais stressante pour s’installer en couple dans une île isolée des Hébrides écossaises , tel était le rêve de la narratrice. Mais d'emblée, sans expérience de l’élevage , en butte à l'hostilité des gens du cru dont la mentalité insulaire est particulièrement exacerbée, les difficultés tant matérielles que psychologiques font que la narratrice va se retrouver seule.
Seule face aux éléments, seule face à l'ostracisme dont elle est victime, seule face à une grande pauvreté.
N'importe qui d'autre serait parti. Pas elle. Elle choisit de rester et ce durant quatorze années. Elle relève tous les défis , se baigne dans une eau glacée chaque matin, bonnet sur la tête en plein hiver, va s'expliquer avec celui qu'elle soupçonne d'être à l'origine des formes de violence dont elle a été victime directement ou indirectement, se forge une nouvelle mentalité, un nouveau corps : "On émerge de cette expérience avec des contours taillés autrement, on est transfiguré. Certains de ces changements sont les bienvenus, mais d'autres peuvent vous laisser en deuil de la personne que vous étiez avant, et que vous avez perdue". Un récit éprouvant.
Éditions Dalva 2022. Traduit de l'anglais (Royaune Uni) par Caroline Bouet.
06:00 Publié dans Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : tamsin callidas
04/07/2022
Montaigne, Kant et mon chien
"Ma chienne m'a appris plus que tous mes livres de philosophie réunis. j'ai grandi à son contact, je me suis décentrée de moi-même, et j'ai surtout vu la vie autrement. "
D'abord musicienne, l'autrice est ensuite devenue professeure de philosophie, passant aussi d'un continent à un autre. C'est donc en convoquant Montaigne, Kant, mais aussi Sartre, Freud ou Pascal (et bien d'autres) qu'elle envisage sa relation avec sa chienne Comédie, adoptée en Amérique du Sud et ramenée en France.
Une vie riche d’enseignements pratiques, aspect qu'elle souligne particulièrement en conclusion de son ouvrage.
Ne craignez pourtant pas d'ouvrir ce livre car Audrey Jougla, suivant les enseignements de sa chienne, fait la part belle à la pratique, aux anecdotes , parfois drôles, parfois émouvantes et n'utilise pas de jargon rébarbatif. Un ouvrage qui plaira à tous les amoureux des chiens et nous les fera considérer sous un nouvel angle.
Éditions Delachaux et Niestlé. 2022
06:00 Publié dans Philosophie, Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : audrey jougla
13/06/2022
#LeLacmagique #NetGalleyFrance !
"Sans m'en apercevoir, je me suis soumise à une version assez dépressive de la féminité. Une version rétractée, retranchée. Être une femme, c'est ne pas pouvoir. C'est ne pas avoir le droit. mes compagnes de baignade ont une toute autre définition. Pour elles, la féminité a à voir avec la nature et la force. "
Partie s'installer pour un temps au Québec avec son compagnon et ses filles, la narratrice va être invitée à accompagner un groupe de femmes habitant près de chez elle pour une baignade dans un lac, le matin. Une baignade un peu particulière car à ce moment de la journée, ce plan d'eau est réservé aux femmes et elles s'y baignent nues.
Situé au cœur de la forêt, ce lac va dès le premier instant prendre une importance particulière pour la jeune femme qui va vivre une expérience l'amenant à prendre conscience des ses peurs, de ses relations pour le moins dysfonctionnelles avec ses parents, très tôt séparés.
Ni mysticisme, ni sorcellerie, mais une analyse très fine et sans concession de son rapport à la féminité et aux autres. Il n'y a rien d'anecdotique dans ce récit de vie qui nous fait partager cette expérience toute simple en apparence car selon l'autrice ces femmes ont su instaurer "Une familiarité, une filiation, presque. Tout simplement, elles m'ont vue. "L'écriture, fluide et élégante, fait de cette lecture une expérience qui résonne longtemps en nous.
Grasset 2022
06:00 Publié dans Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : yaël cojot-golberg
14/03/2022
#Cellesquinemeurentpas #NetGalleyFrance !
"Être malade ouvre un espace excessif à la pensée et la pensée excessive fait de la place aux pensées mortifères. Mais j'ai toujours eu plus soif d’expérience que de l'absence de celle-ci, alors si l'expérience de la pensée est la seule que mon corps pouvait me donner au-delà de la douleur, il fallait bien accepter de m'ouvrir à des réflexions folles et morbides. "
Il y a encore quelques années, le mot "cancer" était banni et on lui préférait la périphrase "longue et douloureuse maladie", euphémisme qui fut bientôt attribué à une autre pathologie, le Sida, dans une sinistre gradation de l'horreur.
Le texte d'Anne Boyer est saturé du cancer sous toutes ses formes : politique, médicale, psychologique, sociale, raciale et philosophique.
L'autrice fait de son expérience un vaste exercice de pensée brillante et parfois exigeante, prenant à bras le corps tous les aspects de sa maladie.
Son écriture, très travaillée, sans pour autant qu'elle se regarde écrire, nous fait ressentir au plus intime l'expérience de la douleur . Elle pointe aussi du doigt les ambiguïtés d'un système médical où un traitement peut être plus invalidant qu'efficace, où un médecin peut affirmer qu'il a pratiqué des mastectomies inutiles car il fallait bien qu'il paie ses vacances ; système dans lequel une malade après une opération sous anesthésie générale est quasiment jetée dehors, où elle est sommée de travailler quelle que soit la douleur et l'éreintement ressenti.
On sort de ce roman éprouvant un peu hagard, physiquement mal à l'aise, mais conscient d'avoir lu un texte exceptionnel .
Grasset 2022, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Récit de vie, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : anne boyer
11/03/2020
Retour à Birkenau...en poche
"Nous remontons. On retrouve nos mortes, on retrouve nos poux, on retrouve la nuit."
Déportée en 1944 avec son père, son frère et son neveu, Ginette Kolinka sera la seule à revenir de Birkenau.
Si elle annonce brutalement à sa mère la mort du reste de sa famille,elle ne raconte à personne, même pas à son mari, l'horreur de ce qu'elle a vécu. Les 26 kilos qu'elle pèse à vingt ans en disent bien plus long et la culpabilité de la survivante l'en empêche tout autant.
Il faudra la création de la fondation Spielberg, après le film la liste de Schindler pour que Ginette Kolinka accepte de se confier , avant que d’accompagner des groupes d'élèves à Birkenau.
Retour à Birkenau, où l'on croise fugitivement Marcelline (Loridan -Ivens) et Simone (Veil ) ,est un récit bref, cru, où Ginette Kolinka ne s'épanche guère, sauf à regretter la quasi aseptisation des anciens camps d'extermination, le décalage entre ce dont elle se souvient et ce que sont devenus ces endroits, parfois presque trop jolis au printemps. Afin d'imaginer le bruit , les odeurs, la promiscuité, la violence, le froid, il faut lire ce témoignage cru.
Il faut aussi deviner entre les lignes et les quelques détails qu'elle donne, presque en passant, la reconstruction de cette femme, qui ne pouvait se défaire de l'habitude prise au camp de baisser les yeux, qui a fait deux dépressions mais qui se réjouit de ce que ses sœurs ne l'aient pas considérée comme une déportée. Un récit nécessaire.
06:02 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : ginette kolinka
25/02/2020
Le lambeau...en poche
"Les chirurgiens n'aiment guère que leurs patients ne justifient pas leurs efforts et Chloé supportait mal l'échec."
Survivant de la tuerie de Charlie Hebdo, Philippe Lançon raconte de manière incroyable l'attentat, on a vraiment l'impression d'y être, choisissant de raconter du point de vue parcellaire qui était le sien.
Gravement blessé au visage, il relate dans Le lambeau sa lente reconstruction, tant chirurgicale que psychologique, de manière très crue, très franche aussi, n'ayant pas peur de ne pas paraître sympathique.
Les arts (littérature, cinéma, peinture...) l'aident beaucoup dans ce retour à la vie, ainsi que les soignants et les policiers qui le gardent, dont ils brossent des portraits pleins de vivacité et d'empathie.
L'écriture est superbe d'un bout à l'autre de ces 510 pages. Un texte couvert, à jute titre, de prix.
Couverture chez Folio de Fabienne Verdier.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : philippe lançon