18/01/2021
Ce matin-là
"Clara se dit qu’elle voudrait trouver un lieu où poser ce qui la transperce. Pour s'asseoir et écouter le silence."
Ce Matin-Là, son véhicule ne veut pas démarrer. Le corps de Clara non plus ne lui obéit plus. Incapable de prévenir qui que ce soit , la jeune femme peine à regagner son appartement. Ce matin-là et beaucoup d'autres ensuite, elle ne pourra plus "en découdre avec la vie".
Récit d'un burn-out qui ne dira jamais son nom, le roman de Gaëlle Josse cerne au plus près et en un peu plus de deux cents pages ce corps qui lâche, qui regimbe et force Clara à reconnaître sa fragilité, sa vulnérabilité.
Pourtant la "reverdie" s'amorcera progressivement, à partir d'un rien, un bouquet de tulipes qui tente la jeune femme , à partir d'une amitié fidèle par-delà les années.
Avec délicatesse, poésie même , Gaëlle Josse nous livre ici un livre précieux comme un talisman et qui atteint bien le but qu'elle s'était fixée en le rédigeant :
" J'ai voulu un livre qui soit comme une main posée sur l'épaule."
Un livre qui ne peut que filer sur l'étagère des indispensables.
Éditions Notabilia
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Les livres qui font du bien, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : gaëlle josse, burn-out
03/11/2020
Trois chemins vers la mer
"Elle s'était imaginé la vie comme un élastique, sur lequel il suffisait de tirer pour allonger le temps et faire durer les bons moments . Et voilà qu'elle était arrivée à un point où il était soudain trop tard pour beaucoup de choses. Les portes claquaient autour d'elle à la vitesse grand V."
"Le corps", "L’État", l'exil", tels sont les titres récurrents des chapitres qui viennent rythmer ces Trois chemins vers la mer.
Trois récit d’itinéraires féminins marqués par la perte mais non le renoncement, dont on perçoit très vite comment ils vont s'agencer avec beaucoup de douceur et de retenue, même s'ils évoquent des faits très douloureux, voire violents.
Il y a cette femme qui tente d'oublier son passé dans une réserve ornithologique où elle bague des oiseaux, fait de longues promenades avec sa chienne, traduit un texte de Dany Laferrière (sur l'exil) et n'entretient que très peu de relations sociales. Cette autre qui échange des courriers avec une administration bornée qui lui refuse le droit à l’adoption. Cette dernière qui traîne une valise contenant un chat mort...
Le corps féminin, les langages dont nous usons ou que nous subissons, mais aussi la nature sont au cœur de ce roman très court, 180 pages, qui exerce une réelle fascination sur le lecteur. Nous entrons au plus profond de l'âme humaine ,mais avec poésie, retenue et une sensualité diffuse. Tout est dans le presque rien, mais d'une manière efficace et pérenne. Un énorme coup de cœur ! Et zou, sur l'étagère des indispensables.
Traduit du norvégien par Hélène Hervieux, Delcourt 2020
09:25 Publié dans l'étagère des indispensables, Les livres qui font du bien, Rentrée 2020, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : brit bildoen, hélène hervieux
01/06/2020
#Gray#NetGalleyFrance
"Tel était son secret: son for intérieur ressemblait à la maison de Kenny. Rien n'y avait de place attirée. Rien n'allait à la poubelle. Voilà pourquoi il régnait un tel ordre sur son bureau. Ce soin maniaque obligeait le fouillis à rester à l'intérieur."
Un étudiant de Cambridge, féru d'escalade urbaine, a fait une chute mortelle. Suicide, accident ou meurtre ? Augustus Huff, enseignant et tuteur de la victime mène l'enquête car quelques détails troublants ont attiré son attention.
Lui, le trentenaire hyper ordonné (et souffrant de quelques Trouble Obsessionnels Compulsifs), hérite en outre provisoirement du perroquet gris de la victime. Gray, volatile entraîné, intelligent qui, aussi bien par ses remarques impertinentes et intempestives, que par sa manière peu orthodoxe de manger, va semer le chaos dans la vie d'Augustus.
Le contraste entre les deux héros et l'écriture enjouée de Leonie Swann font de cette enquête bon enfant un pur délice et l'on prend un grand plaisir à suivre "les méandres de l'esprit" de l'enquêteur improvisé. Un roman de pur divertissement qui se dévore le sourire aux lèvres. L'autrice de Qui a tué Glenn ? renoue avec ses thèmes de prédilection et met également en garde contre la tentation d'adopter un tel volatile.
Éditions Nil 2020, traduit de l'allemand par
De la même autrice: clic. (vient de ressortir en poche)
06:00 Publié dans Humour, Les livres qui font du bien, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : leonie swann
23/03/2020
#Modifié #NetGalleyFrance
"J'ai donc fait ce que toute femme avec un tant soit peu d'instinct maternel aurait fait en pareille circonstance: j'ai moi-même appelé les flics."
Martha, détective très privée, la quarantaine, faisant profession de détester les chiens de son compagnon, Allan, et de harceler la fille de ce dernier , Allison ("-Je ne la harcèle pas , je la soumets gentiment à la question. Libre à toi d'appeler des ...pressions, des attentions réitérées, des assauts verbaux voire...des agressions; et puis merde Allan !") qui voudrait s’incruster chez eux, n'est en rien une sentimentale.
Misanthrope, rugueuse, elle porte un jugement acéré sur la famille en général et sur la sienne en particulier.
Son chemin va une nuit croiser un adolescent particulier, fasciné par les chasse-neige et très doué pour déblayer lui-même la neige des allées, ce qui nous vaudra une scène désopilante de "duel" dans la neige !
Modifié, c'est ainsi qu'il veut qu'on l'appelle, va peu à peu s'incruster dans la vie de Martha et d'Allan et révéler les failles de la narratrice. Au récit de cette transformation se mêle aussi une enquête confiée à Martha: innocenter son jeune cousin qui fréquente le même lycée que Modifié et est accusé du meurtre de don entraîneur de soccer.
Les bons sentiments ne sont pas de mise ici et c'est avec beaucoup de subtilité et un humour ravageur que l'auteur mène son récit tambour battant, ne ménageant ni les péripéties ni les vacheries hilarantes : "Mon compagnon boxait dans la catégorie"meilleur voisin", Modifié dans la catégorie "rien à foutre"."
Un récit plein d'humour et de chaleur humaine à ne manquer sous aucun prétexte !
Grasset 2020
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Les livres qui font du bien, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : sébastien l. chauzu
01/04/2019
Vies de chien
"C'est souvent le point de rupture d'ailleurs : quand on se sent mal et que, soudain, se dévoile à nos yeux une secousse positive, on s'effondre."
En exergue de ce feel good book, une citation d'Alphonse de Lamartine, programmatique : "On n'a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n'en pas."
Et, en effet, c'est ce que va montrer ce roman, pétri de bons sentiments, en suivant deux parcours qui vont bientôt se croiser: celui de Tom, bouledogue français, confié à la SPA et celui de Maël jeune garçon de quatorze ans confié à une famille d'accueil chaleureuse, les Lion, qui ont eux- mêmes un fils du même âge : Pierre.
Le fait que Tom soit un des narrateurs du roman (les autres chapitres, consacrés aux différents personnages sont pris en charge par un narrateur omniscient) confère au texte un aspect à la fois naïf et espiègle, où l'on voit que le petit chien a plus d'un tour dans son sac pour se faire aimer, mais aussi pour prendre en charge, entant qu'"éponge émotionnelle" les états d'âme de ses deux jeunes maîtres.
Pas facile en effet pour les deux adolescents, très différents, de cohabiter et de faire face aux multiples aléas de la vie.
Prônant l'optimisme et la solidarité, ce roman, à l'écriture simple, où de jolies inventions côtoient parfois des tournures qui m'ont paru plus problématiques (dommage), offre aussi une présentation pleine d'humanité de l'univers de la SPA (organisme dont il est mentionné que nous le soutenons par l'achat de ce livre).
L'univers adolescent est dépeint de manière très crédible et , à l'instar de certains films, les dernières pages du livre nous proposent un "ce qu'ils sont devenus" qui nous tient au courant du destin des personnages secondaires, humains ou non. Un roman qui donne le sourire.
Laura Trompette, Éditions Pygmalion 2019, 430 pages où se faufile même une vieille chienne Beagle, en rôle secondaire.
06:01 Publié dans Les livres qui font du bien, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : laura trompette, bouledogue français
14/03/2019
J'irai danser (si je veux )
"Vous y direz, à votre client, que le voisinage en a plein son casque de ces maudits travaux de marde. Pis qu'y vienne pas se présenter avec une tarte aux pommes quand y va emménager, je risque de l'attendre avec une masse ! Qu'y e torche avec, sa maudite tarte !
- C'est noté, Madame."
A quelques jour de son vingt-cinquième anniversaire de mariage, Diane est dévastée par ce que lui apprend son mari : il a rencontré Quelqu'un. Forcément, une plus jeune, plus belle.
Diane passe ses nerfs à grands coups de masse sur divers meubles et/ou murs mais, aidée par son amie Claudine, qui elle aussi a été quittée, décide de mettre au point une stratégie originale pour retrouver le goût de vivre ."Quel roman revigorant ! Diane est drôle, énergique, inventive et m'a fait rire tout haut à deux reprises: quand elle se venge de la nouvelle femme de son mari et quand elle atomise littéralement sa belle-mère, rien qu' avec des mots bien choisis ! Et que dire de la langue québécoise et de sa saveur si particulière !De jolis moments d'émotion, pas niaiseux du tout et une fine observation des mœurs. Un pur régal !
Un grand merci à Cuné, qui a su me tenter !
De la même autrice: clic
06:00 Publié dans Humour, Les livres qui font du bien, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : marie-renée lavoie
26/11/2018
Les grands espaces
"Le mot le plus souvent prononcé à la maison était probablement le mot "bouture".
Placé sous les auspices de Pierre Loti, Marcel Proust ou encore George Sand, la BD De Catherine Meurisse qui revisite son enfance à la campagne fleure bon à la fois la littérature et la verdure.
Tout s'entremêle ici avec grâce et humour. On ne tombe pas dans une nostalgie sirupeuse, mais on se balade entre dénonciation des politiques agricoles erratiques, création de musées en herbe , nain de jardin qui parle et naissance d'une carrière de caricaturiste via le croisement entre une chèvre et Ségolène Royal...
Les dessins sont magnifiques et méritent d'être contemplés en détails. L'auteure s'amuse aussi à réécrire certains poèmes (sources mentionnées à la fin) et on prend un énorme plaisir à cette lecture revigorante.
Indispensable, bien sûr et une très belle idée de cadeau.
Dargaud 2018
06:00 Publié dans BD, l'étagère des indispensables, Les livres qui font du bien | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : catherine meurisse
16/10/2018
Valentine ou la belle saison
"Tu en connais beaucoup des familles où tout le monde s'aime, se parle sans hypocrisie ni jalousie, et ne cache rien à personne ? "
A l'aube de la cinquantaine, Valentine et son frère aîné, Frédéric, vont devoir faire face à de nombreux bouleversements.
Sur fond de campagne électorale présidentielle ,chacun d'entre eux va devoir affronter à sa manière et "digérer" des secrets de famille façon poupées russes , secrets d'autant plus violents qu’ils les obligeront à faire le deuil de l'image idéalisée de leurs parents.
Pour ne rien arranger, Fred comme Valentine doivent simultanément faire face à des tourments personnels...
Centré sur le personnage de Valentine, femme qui a bien du mal à accepter et son corps et la réalité, le roman d’Anne-Laure Bondoux se révèle addictif tant il excelle à croquer des personnages pleins de vie, de doutes mais d’énergie aussi.
Interrogeant les liens subtils, et parfois tortueux, qui unissent frères et sœurs, il brosse aussi en arrière plan le désenchantement d'une certaine gauche idéaliste.
Même si la fin me laisse dubitative, j'ai dévoré à belle dents ce roman qui fleure bon la joie de vivre malgré tout.
Fleuve éditions 2018, 407 pages.
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien, rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : anne-laure bondoux
25/06/2018
#MissionHygge #NetGalleyFrance
"ça n'est pas parce qu'on est triste qu'on est obligé d'être malheureux."
Plus habituée aux terrains de guerre qu'au confort douillet, la journaliste Chloé Savigny est envoyée, bien contre son gré, enquêter sous couverture dans le petit village danois de Gilleleje où les gens sont les plus heureux au monde .
Stressée, irritable, peu douée pour les relations sociales, souvent sarcastique, Chloé va peiner à trouver sa place au sein de la petite communauté danoise où elle va officier en tant que serveuse. Pourtant, peu à peu, à son corps défendant, Chloé va évoluer, s'ouvrir aux autres et admettre ses propres faiblesses.
Livre qui fait du bien, Mission Hygge remplit parfaitement son office tant son écriture est fluide, ses personnages sympathiques, même s'ils manquent un peu de profondeur, et sa lecture aisée sans tomber pour autant dans la facilité.
L'auteure sait nuancer son propos et ne fait pas du Danemark un pays de niais, bien au contraire. Elle souligne la rigueur des habitants mais aussi leur capacité à s'adapter aux conditions climatiques et aux difficultés en général. Elle n'omet également pas de préciser que le taux de suicide est hyper élevé dans ce pays , "Preuve que le bonheur n'est pas forcément contagieux."
Un bon roman de détente qui se lit d'une traite, à glisser dans sa valise estivale. 240 pages éditions First 2018.
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : caroline franc
04/03/2018
Quelle n'est pas ma joie
"Ce sont les abandonnés de l'amour qui doivent essayer de comprendre. Ce sont les délaissés qui doivent se montrer nobles et intelligents, pour saisir que l'autre, on ne l'a qu'en prêt."
Ellinor , soixante-dix ans, est veuve pour la seconde fois. Au grand dam des enfants de son mari, Georg, elle vend la maison familiale et retourne s'installer dans le quartier populaire de son enfance.
A ce moment charnière de sa vie, elle s'adresse, sans aucune acrimonie, à Anna, qui fut et demeure par-delà les années, sa meilleure amie. Celle qui fut aussi la maîtresse de son premier mari, Henning. Les deux amants sont morts accidentellement dans les années 60 et , insensiblement, un nouveau couple s'est formé, entre autres pour assumer l'éducation des jumeaux de Georg et Anna.
Une configuration singulière donc, tout comme le récit des origines d'Ellinor qui se découvre progressivement. Mais c'est une sensation de grand apaisement qui se dégage de ses pages où l'on retrouve l'écriture sensible de Jens Christian Grondhal. Un pur moment de bonheur. Et zou sur l'étagère des indispensables.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Les livres qui font du bien, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : jens christian grondahl