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11/03/2025

Chiennes de garde...en poche

Dans le dossier d'investigation, on disait que sur le chemin du retour, tu t'étais fait surprendre par au moins trois types, qui avait essayé de te voler ton portable, mais que la situation avait dérapé. Dérapé ? Dérapé? Ça veut dire quoi, une agression qui dérape? J'ai demandé à l'enquêteur avec un nœud dans la gorge. Et je n'ai pas pu m'empêcher de faire la comparaison, Monsieur le Commissaire, si ç’avait été un homme, comment ça se serait passé, une attaque qui dérape? Il le tue, il le poignarde et voilà, fin de l'histoire. 

Waouh, quel uppercut ! Dès la première nouvelle, le ton est donné avec le récit d'une IVG médicamenteuse ( avec les moyens du bord ) par une jeune femme qui se dépeint sans chichis. Rien ne nous est épargné mais c'est fait sans voyeurisme, juste de manière clinique, si j'ose dire. ça passe ou ça casse .dahlia de la cerda,mexique
Nous entrons ensuite dans une série de récits dont les personnages se croisent au fil des nouvelles, où nous pouvons envisager des situations de différents points de vue, mais toujours féminins. Une fille de narco-trafiquant, bien dans sa vie, sa meilleure amie, une femme qui travaille dans une maquiladora, ces usines proches de la frontière nord du Mexique, une sorcière, des sœurs couturières, une voleuse...toutes tentent de (sur) vivre, se vengent, et même la mort n'en viendra pas à bout.
La tension culmine dans le dernier texte , véritable litanie de toutes celles qui sont assassinées dans une indifférence quasi totale car "Le Mexique est un énorme monstre qui dévore les femmes. Le Mexique est un désert fait de poudre d'os. Le Mexique est un cimetière de croix roses. Le Mexique est un pays qui déteste les femmes. " Radical et nécessaire.

  Editions du Sous-Sol, Points Seuil 2025.

 Traduit de l’espagnol (Mexique) par Lise Belperron.

08/03/2025

Vrouz...en poche

Voici du VROUZ ! annonce le bandeau de couverture. Du Vrouz? Un mot-valise  plein d'énergie créé par l'acteur Jacques Bonnaffé (avec Sardine Robinson et Adèle Cockrobin) pour désigner V(alérie) Rouz(eau).
Et de l'énergie il y en a dans ce recueil de poèmes qui m'a enthousiasmée du début à la fin !71sQsIoB7HL._SL1500_.jpg
L'auteure fait feu de tout bois et recycle avec un humour parfois caustique les messages  formatés de notre quotidien, qu'ils figurent sur une emballage de cigarettes , une notice de médicaments, voire une feuille de résultats d'analyses ! Elle nous entraîne dans son univers, qui pourrait être le notre, celui d'une quadra qui s'affirme dès le premier vers "Bonne à ça ou rien" , énumère ses incapacités  , parfois cocasses, parfois plus sombres ,avant de conclure
"Pas fichue d'interrompre la rumeur qui se prend
 Dans mes feuilles de saison"
et c'est tant mieux !
Une grande liberté aussi dans l'incorporation des citations d'auteurs chéris (et dûment répertoriés dans les notes de fin de volume- la dame est fort honnête et nous invite par la même occasion à emprunter de nouveaux chemins -) dans l'utilisation des registres de langue, voire de mots anglais. N'oublions pas en effet que Valérie Rouzeau est traductrice et spécialiste de Sylvia Plath.
Ces jeux sur les sons et les rythmes entraînent parfois la suppression des déterminants et des rencontres lexicales parfois brutales pour dire le monde où les humains sont réifiés, aussi interchangeables et remplaçables que leur téléphone (page87) sonnant dans une poubelle.
Les tonalités diffèrent donc, mais si les nuages et la pluie semblent omniprésents, le temps n'est pourtant pas à la mélancolie facile. L'auteure se livre sans fards , laissant deviner les marques de l'âge, les découragements devant cette "époque médiatique" si creuse et nous offre un très joli autoportrait (page 156) où elle affirme:

"Ne suis pas très causante encore moins conviviale
 Quand vos paroles sont tellement toujours les mêmes
 Interchangeables et creuses formules des tics en toc"

et renouvelle page 114 le thème de la Supplique pour être enterré en demandant :

"Plantez un chêne pour la rouzeau
 Du vertical pour l'horizon
 Puis de l'herbe bien folle autour
 Plutôt qu'un gazon dormitif"

Une bien dynamique façon d'envisager le paysage qui abritera son corps !
Pour conclure une dernière citation :

"J'ai l'amour spontané de mon prochain sauf quand
 Mon prochain s'intéresse de trop près à mon goût
 à ma personne  gentille et froide et solitaire
 Alors là je m'éloigne à grande enjambées
 Du buffet dînatoire où j'étais conviée
 Et je rentre chez moi savourer mon congé"

Un recueil tout bruissant de marque-pages (un paquet y est passé !)

Vrouz, Valérie Rouzeau, La table ronde 2012, 169 pages toniques et jubilatoires !

 Réédition 2025.

Et zou , le voici promu d'emblée livre de chevet !

06/03/2025

#LHôtel #NetGalleyFrance !

"Elles cherchent à filmer l'incertain, l'étrange, la trace de quelque chose, le signe d'un double fantomatique, le secret. Ce qu'on ne remarque pas , ce sont les phrases cachées sous d'autres, les mots dissimulés. "

Raconter l'histoire d'un hôtel depuis son érection sur des terres maudites à une époque où les femmes étaient encore ouvertement traitées de sorcières (et tuées pour cela) jusqu'à nos jours, convoque immédiatement la figure du bâtiment de Shining.daisy johnson,roman gothique
Mais dans le roman de Daisy Johnson, composé de courts chapitres dont les héroïnes et/ou les victimes sont principalement des femmes, cet hôtel est en activité, connu pour les phénomènes étranges qui s'y  déroulent (principalement dans la chambre 63) et majoritairement les clients  le fréquentent en toute connaissance de cause.
L'hôtel ici absorbe,  contamine ses hôtes ou celles qui y travaillent, créant des doubles fantomatiques, révélant des secrets ou ne se manifestant absolument pas, selon les cas. Il y a une sorte d'interpénétration entre le bâtiment et les héroïnes et l'écriture virtuose de l'autrice, multipliant les métaphores ciselées et surprenantes , nous emprisonne dans cette atmosphère parfois suffocante.
Un roman qui file sur l'étagère des indispensables.

 Il faut tout lire de cette autrice: clic, reclic,

Stock 2025, traduit de l'anglais par Lætitia Devaux. daisy johnson,roman gothique

 Merci à l'éditeur et à Netgalley.

 

05/03/2025

34M2

"Dans sa cuisine ce matin, est-ce qu'elle a mal, oui elle a mal , mais au début c'est la familiarité qui l'écrase le plus, cette impression  d'être revenue au point de départ, d'être encore dans un autre appartement, une autre cuisine, devant d'autres tasses à café, enfermée, engluée dans ce que cet homme appelle de l'amour, une succession de jours flous, orageux, à marcher sur la pointe des pieds et à respirer à demi en attendant que la violence éclate. "

34 mètres carrés , c'est la superficie de l'appartement que partagent Juliette et sa fille de  huit mois, Inès.  Un refuge. Une vie reconstruite après une situation d'emprise que Juliette décrit comme un "entourbillon" qui était "un cataclysme silencieux, une catastrophe naturelle, un barrage lentement rempli jusqu'à l'inondation, l'engloutissement, le glissement avait été inéluctable et imperceptible et puis soudain il avait été trop tard[...]".louise mey
 
Ce matin, Juliette est un peu désorientée, mais savoure la matinée : elle a pu dormir tout son saoul? On sonne à la porte. Juliette attend Clare, sa voisine. Elle ouvre: c'est lui. 
Commence alors un suspense insoutenable où , en 139 pages, l'autrice joue avec nos nerfs, nous coupe le souffle  tout en ménageant de nombreuses révélations et en analysant avec finesse le mécanisme de l'emprise. Les personnages sont denses, complexes et la fin est ...Je ne vous en dis pas plus. Dévoré en quelques heures et relu dans la foulée. Un incontournable.

 Editions le Masque 2025.

11/02/2025

Et nos yeux doivent accueillir l'aurore...en poche

« Nous n'étions pas de ces familles où on se pardonne les uns aux autres, où on se demande pardon, où on essaie d'enterrer la hache de guerre ou de discuter. Chez nous, c'était soit le silence, soit la violence... »

Celle qui s'exprime ainsi, sans faux-fuyants, est la narratrice du roman, Georgette, dite George, issue d'une famille dysfonctionnelle et très pauvre. Grâce à l'obstination d'une enseignante , elle a réussi à intégrer l'université . C'est là, en 1968, à New-York, qu'elle fera la connaissance d'Ann, issue d'un milieu extrêmement privilégié qu'elle rejette avec violence. Les relations sont d'abord tendues mais George se laissera ensuite séduire par le charisme et les convictions de sa colocataire.sigrid nunez
Mais une telle intensité ne peut que déboucher sur une rupture et, ce n'est que des années plus tard que George entendra parler d'Ann qui vient de tuer un policier. 
Jouant avec la temporalité, multipliant les points de vue sur Ann, Sigrid Nunez s'écarte avec brio  des attendus du roman d'amitié féminine et brosse les portraits nuancés de femmes qui  se révèlent surprenantes à bien des égards, sans pour autant user de pathos. Un grand coup de cœur.

 De La même autrice: clic.

Elle est aussi l'autrice du roman Quel est donc ton tourment?, (beaucoup aimé, mais pas de billet) , roman adapté récemment au cinéma par Almodovar sous le titre La chambre d'à côté.

06/02/2025

#Labaronneperchée #NetGalleyFrance !

" Tout ce qu'il avait envie de lui dire, c'était "je t'aime", mais on n'était pas dans ces séries américaines où les personnages se font de grandes déclarations quatre fois par épisode. "

Billie, douze ans,  inspirée par sa lecture du roman d'Italo Calvino, Le Baron perché, décide d'aller s'installer dans un parc d'accrobranche abandonné, histoire de voir comment va réagir son père. Celui est "visiblement fragile et un peu trop porté sur la bouteille, mais à priori bienveillant" et il élève seul sa fille qui a vite appris à être indépendante. delphine bertholon
Inquiétude, recherche, mise au jour de secrets de famille, les rebondissements sont nombreux dans ce roman sensible et délicat qui souligne bien qu'il y a une grande marge entre l'aventure idéalisée et la réalité car "C’était bien joli, les grands gestes romanesques, mais c'était frustrant. "
Un roman qui fourmille de références littéraires et de formules qu'on s'empresse de souligner et un grand bonheur de lecture car les personnages sont fouillés, jamais manichéens et pleins de vie. Un livre qui donne le sourire et où traîne même un beagle... Et zou, sur l'étagère des indispensables.

On soulignera aussi la magnifique couverture d'Amandine Bourbon-Toulan. qui ne peut que faire craquer.

 

Buchet-Chastel 2025delphine bertholon

13/01/2025

Ilnajamaisététroptard #NetGalleyFrance !

" Loin d'un monde régi par des algorithmes  à la logique éprouvée, capables de deviner les films, les chansons qu'on est censé aimer, nous sommes une addition de gracieuses incohérences, de penchants illogiques. Une kyrielle de "je" aux pensées étranges, aux décisions incompréhensibles, aux désirs répréhensibles, aux esprits tortueux en forme d'escalier. De perpétuelles ébauches. Des inconnus à nous-mêmes. "

Pendant deux années, 2023, 2024, à la demande de "Libération", Lola Lafon a rédigé des chroniques, rassemblées dans ce recueil.
L'occasion pour nous de revenir sur des faits oubliés, ou pas, parfois comiques, parfois dramatiques et surtout de porter sur l'actualité  et sur notre société un regard à  la fois chaleureux, plein d'humanité mais aussi très aigu. lola lafon
Elle ne pose pourtant pas un regard surplombant, n'hésitant pas à remettre en cause ses propres comportements dictés  par une société qui sollicite "notre goût de la sanction, du classement", à déterminer qui sont les "bons" et les "méchants" morts ou pauvres. Un regard nécessaire porté par une écriture toujours aussi belle. A lire absolument pour croire (encore un peu) en l'humanité. lola lafon

 Stock 2025

06/01/2025

Champs de Bataille / L''histoire enfouie du remembrement

"Une façon de faire uniforme était appliquée partout en France. Ils traçaient des traits, clac, clac, comme on l' a fait en Afrique pendant la colonisation, en ignorant les conditions locales, les usages. "

Dans les manuels d'histoire géographie, le remembrement qui a impacté les campagnes françaises et, en particulier, la Bretagne est présenté de manière factuelle, en ignorant les conséquences écologiques ( érosion des sols, disparition des oiseaux et donc nécessité d'utiliser des produits chimiques pour remplacer ce que la nature faisait gratuitement avant). inès léraut,pierre van hove
Se basant sur des multiples archives, sur des témoignages  et sur la thèse, en cours de rédaction, de Léandre Mandard, Inès Léraud a mené une enquête fouillée et édifiante sur cette histoire . Elle  met à jour, en particulier les conséquences humaines, trop souvent ignorées et d'une grande violence. Elle met aussi en lumière les tentatives de résistance des agriculteurs , occultées, minorées ou réduites par la force.
Se lit enfin, en pointillés, le parcours de René Dumont, fervent partisan du remembrement et qui prendra seulement conscience à 70 ans des dégâts occasionnés, de leur ampleur et de leurs répercussions. Un remembrement-démembrement, un chaos, comme il est écrit dans cette enquête qui file sur l'étagère des indispensables.

 

Editions Delcourt 2024

 

 

02/01/2025

Devenir zéro...en poche

Il sait que, une fois sacrifiée, l'intimité ne pourra plus être reconquise[...]. "

Envie d'un bon gros roman addictif , intelligent et bien mené? Alors précipitez-vous sur Objectif Zéro. L'intrigue ? Le test d'une intelligence artificielle qui, pour assurer la sécurité des États-Unis, dispose de moyens insensés pour retrouver n'importe qui n'importe où . Grâce à votre démarche, vos habitudes, la possibilité de fouiner dans votre passé, de transformer n'importe quel objet en micro qui vous trahira? C'est ce qu'affirme en tout cas Fusion qui pour valider cette application de surveillance des citoyens doit avoir l'aval de la C.I. A et lance donc un Bêta test. Dix participants ,ayant accepté les règles du jeu, tentent donc de remporter la somme de trois millions s’ils échappent à l'équipe de Fusion, ses algorithmes, ses caméras de surveillance et ses drones. Celle qui paraît la moins bien placée pour gagner est une insignifiante bibliothécaire et pourtant c'est celle qui leur donne le plus de fil à retordre...Anthony McCarten
Si la première partie du livre  m'a donné une furieuse envie de vite me glisser à nouveau dans le roman pour voir qui de David ou de Goliath allait l'emporter, la deuxième m'a nettement moins enthousiasmée, les enjeux étant totalement différents. Il n'en reste pas moins que ce roman évoque des thèmes  d'actualité cruciaux, sait ménager le suspense tout en brossant des portraits nuancés de ses personnages. Il file donc sur l'étagère des indispensables.

 

 Éditions Denoël 2023, 464 pages. Traduit de l’anglais par Frédéric Brumen.

26/11/2024

L'agent

"Observant les convives, Anthony ne put s’empêcher de se dire que leurs vies valaient moins cher qu'une voiture d'occasion.  Ça sautait aux yeux, à leurs vêtements, leur façon de parler, leurs dents mal alignées, et au simple fait qu'ils passaient leurs vacances dans un camping à Vierzon. Des vies méprisées et bradées par la société. Comme sa mère autrefois, qu'on laissait poireauter des heures derrière un guichet administratif et qu'on regardait sans aucune considération. "

Que voilà un attelage bizarre : à ma gauche, Anthony, agent de tueurs à gages, forcé, après une opération calamiteuse de prendre la poudre d'escampette; à ma droite, Thérèse, soixante-quinze ans, directrice d'une agence matrimoniale au bord de la faillite , qui se remet d'un AVC ,  prête à tout pour échapper à l’Ehpad. pascale dietrich
Comment ils vont se rencontrer et aller se mettre au vert ensemble dans un camping à Vierzon n'est qu'une des nombreuses péripéties de ce roman à la fois drôle et caustique où ça défouraille à tout va entre des réflexions sur une société où "Les gens sont prêts aux plus viles manipulations du langage pour ne pas égratigner leur univers petit-bourgeois". Société où la vie de certains vaut largement plus que d'autres.
Il y est aussi question de solitude et de la nécessité de faire bloc, ensemble pou affronter le réel. Un bien joli programme mené tambour battant par Pascale Dietrich à son meilleur.

 

Liana Levi 2024, 190 pages à dévorer d'abord puis à relire attentivement, en n'oubliant surtout pas les nombreuses citations qui l'agrémentent.