06/05/2018
Génération ...en poche
Le mariage est une tombe pour la femme."
Centré sur le printemps et l'été 2010, Génération est un roman choral qui évoque aussi le passé (1958), 2016 et se projette même en 2027, un peu difficile à résumer sans en révéler trop.
Ses personnages sont variés mais ont souvent comme point commun d'avoir quitté leur pays d'origine, de façon provisoire ou définitive. L'une des héroïnes est une irlandaise, Aine, qui envisage de s'installer dans une ferme bio au cœur de l'Illinois, pour travailler gratuitement , échapper à sa vie étriquée de femme divorcée. Tant pis si elle ne connaît que trop superficiellement Joe, le propriétaire de la dite exploitation, qui se révèle beaucoup moins avenant que prévu , voire potentiellement dangereux.
Avec subtilité, Paula Mc Grath tisse des liens entre les époques et les personnages, sans jamais perdre son lecteur en route. On s'attache immédiatement à chacun d'eux, parfaitement croqué, on a plaisir à les retrouver au fil du texte et à constater leur évolution. L'écriture est précise et,pour un premier roman, on ne peut qu'admirer la perfection de la narration. Un grand coup de cœur !
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05/05/2018
Nos premiers jours ...en poche
"[...]quelque chose était né à partir de rien-une vieille maison se retrouvait remplie, ne serait-ce que pour une soirée, de vingt-trois univers différents, dont chacun était riche et mystérieux."
De 1920 à 1953, nous suivons la vie d'une famille , les Langdon, et plus précisément le jeune couple formé par Walter et Rosanna qui veulent s'installer à leur compte ,dans leur propre ferme, en Iowa.
Aléas climatiques, drames familiaux, mais aussi crise économique et conflit mondial , tels sont les écueils auxquels ils seront confrontés.
Nous verrons évoluer les différents membres de cette famille, peints dans leur vie quotidienne, au plus près de leurs sensations et de leurs sentiments et tous, personnages principaux ou secondaires , nous deviendront proches, sans que jamais le lecteur ne se perde parmi eux. Jane Smiley parvient même à deux reprises à se glisser dans la peau de très jeunes enfants et rend compte de leurs perceptions d'une manière troublante.
Évolution des pratiques agricoles, changements des mentalités, les différentes générations présentes dans cette saga y font face chacune à leur rythme et leur manière. Des caractères forts sortent du lot et on a hâte de les retrouver dans les autres volets de cette trilogie.
Quel plaisir de retrouver Jane Smiley que j'avais découverte dans les années 80 !Si les sagas ne sont pas vraiment ma tasse de thé, c'est sur la seule foi de son nom que j'ai lu, puis dévoré Nos premiers jours. Un très grand plaisir de lecture !
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04/05/2018
Aujourd'hui tout va changer...en poche
"Elle m'a demandé: Quel est le secret d'un mariage qui dure ? " J'ai réfléchi une seconde, et puis j'ai répondu :"Rester mariés."
Eleanor Flood ne s'en rend sans doute pas compte mais bien des gens pourraient envier sa vie .Pourtant, elle ne s'en satisfait pas et, entre cours de poésie (pour éviter la solitude) et cours de yoga, elle a décidé ce matin qu 'Aujourd’hui tout va changer. Rien que ça. Fini les grossièretés, le programme d'une journée parfaite en tête, elle conduit son fils Timby à l'école.
Mais un grain de sable va se mettre dans les rouages de ce rêve de changement radical et va s'enclencher une véritable journée catastrophe pour la jeune femme, qui va commencer à douter de la fidélité de son époux. De surcroit , la découverte d'une veille bande dessinée va faire ressurgir son histoire familiale, histoire qu'elle a tout fait pour oublier.
Avec un sens magistral de la composition, Maria Semple malmène son héroïne ,qui parvient malgré tout à préserver son sens de l'autodérision . On suit ses tribulations ,entre comédie et émotion, avec un plaisir fou, un tout petit cran en dessous cependant de Bernadette a disparu
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03/05/2018
Station Eleven...en poche
"Ce qui a été perdu lors du cataclysme: presque tout, presque tous. Mais il reste encore tant de beauté: le crépuscule dans ce monde transformé, une représentation du Songe d'une nuit d'été sur un parking, dans la localité mystérieusement baptisée St Deborah by the Water, avec le lac Michigan qui brille à cinq cents mètres de là."
Un acteur s'effondre sur scène en pleine représentation du Roi Lear, à Toronto. Le point de bascule vers un monde qui ne sera peut être plus jamais le même. En effet, une pandémie ravage le globe et, en très peu de temps, la civilisation s'effondre.
Récit post-apocalyptique, Station Eleven se concentre surtout sur la volonté d'une poignée d'hommes et de femmes de faire perdurer l'art et la culture, en jouant du Shakespeare ou du Beethoven. Cette compagnie itinérante, qui se déplace dans la région des Grands Lacs ,est ainsi à même de constater les changements qui s'opèrent au fil du temps. Si la violence est présente, elle n'est jamais centrale, l'auteure préférant souvent la suggérer et se pencher plutôt sur la manière dont certains s'autoproclament prophète , pour mieux abuser de la crédulité des autres.
C'est un sacré défi que s'est lancé Emily St John Mandel, choisissant d'entrelacer- de main de maître- les destins de différents personnages, sur des décennies ,sans jamais nous perdre en route. Le souvenir est en effet un thème qui court tout au long de ce roman, l'humanité se scindant en deux groupes: ceux qui se souviennent des objets et de la société d'avant et les autres. Faisant le lien entre les deux, comme un fil rouge tout au long du texte, cette BD qui donne son titre au roman et un musée,fabuleux ou réel.
Je n'attendais pas Emily St John Mandel dans ce type de texte et c'est sur la seule foi de son nom que j'ai lu ce roman qui m'a emballée. Étant une petite nature- je n'ai toujours pas ouvert La route- j'avançais avec précautions, les récits post-apocalyptiques faisant en général la part belle à la violence. Tel n'est pas le cas ici où se donnent surtout à lire des émotions, par le biais de personnages qui nous deviennent vite familiers, dont les préoccupations pourraient être les nôtres. Un grand coup de cœur !
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02/05/2018
Maternité
"Comme elle te semble loin, à présent, la Clara d'avant la grossesse avec ses certitudes et sa lucidité sans faille ! En mettant au monde cet enfant, tu as dangereusement dévié de ta trajectoire."
Clara planifie tout, excelle dans son travail mais beaucoup moins dans l'expression de ses sentiments. Quand elle décide de programmer sa première grossesse, laisse-t-elle vraiment parler son désir ?
Dotée d'un mari compréhensif, aimant et doué pour les mots (il enseigne le français et adore le théâtre), qui de surcroît fait office de médiateur entre Clara et ses parents quelque peu particuliers, la jeune femme a tout pour mener à bien sa grossesse et élever son bébé.
Mais,elle,qui veut à tout prix être une mère ordinaire, ne parvient pas dans sa volonté de contrôle pour juguler l'angoisse,à accepter l'aspect qu'elle qualifie de" sauvage" de sa fille : "De cette mère qu'elle entend posséder , elle revendique la pleine jouissance et non l'usufruit que tu lui accordes. Elle n'est que pulsion illimitée." Il faudra d'ailleurs attendre la page 375 pour connaître enfin le prénom de cette enfant que ses parents appellent "la petite tigresse".
Avec cette naissance,Clara se trouve reliée à une histoire transgénérationnelle perturbée qui la verse dans la dépression, lui fait côtoyer la violence, voire la folie.
Françoise Guérin aborde ici sans tabous des thèmes puissants et dérangeants liés à la Maternité. Sans rien édulcorer, elle nous propose ici une vision débarrassée de tous les clichés liés à ce thème et , ce faisant, tend aussi la main à ces milliers de femmes " [...]silencieuses, honteuses. Des milliers à ne rien oser révéler de la chute vertigineuse que constitue, pour vous, la maternité."
Un roman intense, qui charrie les pulsions mises à l’œuvre dans ce chamboulement physique, hormonal , émotionnel qu'est une naissance. Dévoré d'une traite et piqueté de marque-pages, tant les formules abondent dans ce texte et tant l'écriture est évocatrice (la description du nouveau-né rampant à la découverte de sa mère est exceptionnelle !).
Albin Michel 2018.
Beaucoup d'entre nous connaissaient déjà Françoise Guérin pour ces romans policiers mettant en scène Lanester
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01/05/2018
La noyade pour les débutants
"- Difficile à dire. Elle n'avait pas l'air très guillerette, mais j'ai toujours l'impression qu'elle vient d'avaler une guêpe."
Il y a douze ans, le fils de Martha, Gabriel, est mort. Depuis, elle se sent coupable et ne parvient pas à surmonter son chagrin qui est, d’une certaine façon, devenue une addiction. Pour autant, elle n'a pas perdu son sens de l'humour et de l'observation, que ce soit pour ses patients (elle est psychothérapeute), ses amis hauts en couleurs, ou pour ceux qui fréquentent comme elle le cimetière où elle aime se promener.
Il n'empêche que, chaque matin, Martha se rend à la piscine de son quartier pour se noyer, sans pour autant y parvenir.
Au fil de rencontres, notre quadragénaire va peu à peu prendre conscience que ses émotions prennent trop le dessus, qu'il serait temps de faire la paix avec son passé et de se contenter de nager.
Le roman distille au fur et à mesure les informations concernant les circonstances tragiques de la disparition de Gabriel, instaurant ainsi un certain suspense et justifiant le dénouement qui, tout en restant très sobre dans l'écriture, m'a paru un peu trop optimiste (mais c'est l'affreuse cynique qui parle en moi).
En dépit de quelques longueurs (quand la narratrice évoque les vies imaginaires à partir des noms figurant sur les stèles funéraires), on passe un excellent moment avec ce roman feel good qui sait maintenir un parfait équilibre entre émotion et humour. à noter le récit d'un dîner particulièrement hilarant avec un convive imbuvable ! So british !
Traduit de l'anglais par Étienne Ménanteau. Actes Sud 2018
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30/04/2018
Un travail à finir
"Il n'était pas plus avancé sur son avenir, et en était réduit à mener en sous-marin une enquête qui n'en était pas une."
Qu'un pensionnaire d'une maison de retraite décède n'a rien d'étonnant. Mais que celui-ci ne possède pas de numéro de sécurité sociale, voilà qui attire l'attention de Lisa ( effectuant au sein des Épis bleus son service civique) et par-là même celle de son flic de père , le Lieutenant Andréani.
Ce dernier,usé par son travail mais toujours mu par la volonté sans faille de trouver un peu de justice, a dépassé les limites lors d'une intervention. Mis provisoirement sur la touche, il est contraint de rendre des comptes à une psy, chargée de l'évaluer. ce qui ne l'empêchera évidemment pas de mener l'enquête à sa façon.
D'emblée j'ai été ferrée par ce polar qui,s'il utilise des ressorts connus (faits historiques passés en lien avec les présent, par exemple),le fait avec beaucoup de fraîcheur et d'efficacité. Les personnages, y compris les secondaires, sont croqués à merveille, chacun avec leurs particularités, et on s'y attache très rapidement.
Dévoré d'une traite.A chaud, mon enthousiasme était vraiment très grand, à froid un peu moins, mais tout reste crédible et j'attends déjà avec impatience la suite annoncée.
Viviane Hamy 2018
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : eric todenne
27/04/2018
Une bobine de fil bleu...en poche
"- Connaissant maman, dit-elle, elle aurait refusé une intervention chirurgicale, de toute manière.
- C'est vrai. Sa première directive était, en gros, de l'abandonner sur une banquise au moindre ongle incarné."
La quintessence de la famille heureuse, les Whitshank ?Oui, mais au prix de petits arrangements avec la réalité, de secrets si profondément enkystés qu'on semble les avoir oubliés. Mais tout ce qu'on veut dissimuler inconsciemment, remonte toujours à la surface. Aussi quand la famille se réunit autour de la matriarche qui semble avoir quelques petits soucis avec sa mémoire, tout ne va pas se passer comme prévu.
Anne Tyler évoque avec empathie dans ce roman des thèmes qui nous concernent tous à un moment donné: la sensation dans une fratrie nombreuse de n'avoir pas reçu toute l'attention espérée, le devenir des parents âgés.
Si j'ai beaucoup aimé la partie contemporaine de ce récit et la volonté de ne pas expliquer à toutes forces le comportement de chacun des personnages (celui du fils rebelle en premier lieu ), la volonté d'en faire des personnages à multiples facettes plutôt que de les figer en quelques stéréotypes, les retours en arrière soudains m'ont déstabilisée. Le charme était brisé .Dommage. Bilan en demi-teintes donc.
06:01 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : anne tyler
26/04/2018
Sens averse (répétitions)
"Il va falloir chanter à la barbe de l’horreur
Il va falloir danser sous petite et grande ourses
Grand et petit chariots bien mieux que les autos
Comme de bonnes casseroles et de bonne volonté." (p.121)
- Ouvrir un recueil de poèmes c'est prendre tout à la fois des nouvelles du poète et du monde dans lequel il s'inscrit avec sa sensibilité.
Ouvrir Sens averse, c'est retrouver d'emblée le plaisir partagé de jouer avec les mots, de cueillir des brassées de plantes aux noms déjà déjà métaphoriques, d'évoquer les moments du quotidien (faire cuire des pâtes, patienter à la caisse du supermarché...) en faisant un pas de côté ,un pied de nez aux conventions, en inventant un escargot... Mais c'est aussi évoquer le sort des abeilles, de la planète, d'écrire un dizain au lecteur "qui est souvent une lectrice",de convoquer, aussi bien la Compagnie Créole que Jacques Higelin, de glaner chez d'autres poètes afin de composer d'autres bouquets de vers et d'avoir l'élégance de mentionner ses sources. Bref, de faire feu de tout bois.
De la caissière du Lidl à Dominique Rocheteau, des accidents du quotidien aux souvenirs de l'enfance, fêlures anciennes ou chagrins actuels, tous ont droit de cité et la forme ludique qu'emprunte le poème chez Valérie Rouzeau permet de faire la nique au malheur et à la tristesse. Ce recueil est pour moi un viatique, constellé de marque-pages, ancré sur ma table de chevet.
La Table Ronde 2018
06:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : valérie rouzeau
24/04/2018
Le monde selon Britt-Marie #netgalley
"-Sache que tu n'es pas le seul à mener une vie débridée. j'ai fumé plusieurs cigarettes dans ma jeunesse."
Les deux meilleurs amis de Britt-Marie sont le bicarbonate de soude et un flacon de nettoyant pour vitres. Faire le ménage est en effet pour cette sexagénaire- un brin psychorigide, malgré ses nombreuses dénégations -une thérapie sans pareille.
Pressée de trouver un travail, le seul emploi qu’elle déniche est dans une ville paumée, ville lourdement touchée par la crise où vit une faune haute en couleurs et encore plus selon les critères de Britt-Marie.
Pourtant, comme nous sommes dans un roman Feel good, bien évidemment, Britt-Marie va "se dégeler" peu à peu, surtout quand elle se retrouvera bombardée coach d'une équipe de football composée d'enfants plus nuls les uns que les autres, mais passionnés.
Le football comme modèle de vie ? Pourquoi pas. Car"Le football a ceci d'épatant qu'il oblige la vie à continuer."
En dépit de quelques naïvetés, longueurs et répétitions supposées être comiques (je ne suis guère sensible, je l'avoue, au comique de répétition), je me suis attachée à cette femme qui prend enfin conscience qu'elle a toujours fait passer les autres avant ses propres rêves.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fredrik bachman