10/01/2019
#Bonne élève#NetGalleyFrance
"Je sais très bien qu'il n'y a plus de place en moi pour la peur. Ni pour la faiblesse. Parce que c'est ma dernière chance de grandir et de me réaliser avant qu'il ne soit définitivement trop tard."
La narratrice n'a plus qu'un an pour se trouver un emploi en Angleterre et ainsi tirer parti du diplôme d’histoire de l'art qu'elle a brillamment obtenu dans ce pays il y a quelques années. Sans quoi, retour à la case départ dans son pays d'origine, l’Argentine.
Les pressions sur cette jeune fille brillante sont nombreuses: celle de l'argent de l'héritage paternel qui lui est bien évidemment compté, celle de sa mère restée au pays, celle de son père que, par-delà la mort elle continue entendre et surtout celle qu'elle se met elle-même, infligeant à son corps à la plus petite tentative de relâchement , de supposée faiblesse, de multiples et variées mutilations.
Cette tension irrigue tout le texte, faussant jusqu'à la vison des événements qu'a la narratrice concernant son propre comportement. Elle n'en reste pas moins lucide sur l’opposition existant entre les étudiants autochtones issus de milieux favorisés qui auront l'embarras du choix d'un travail favorisé par la réputation de l'université et par les relations familiales.
Un roman parfois suffoquant et d'une puissance extra-ordinaire.
Éditions Noir et blanc 2019
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : paula porroni
09/01/2019
#Foulques #NetGalleyFrance
"Femmes sorties de leur histoire par l'âge, troupeau de plus en plus nombreux de veuves, divorcées, célibataires, sans enfants, les enfants partis, qui peuple les voyages organisés, les conférences, les cours de gymnastique, les soirées culturelles. Nous en étions, et ce n'était pas gai.Femmes qui s'inscrivent, qui adhèrent, cohorte parmi laquelle Foulques recrutait encore de nouvelles amies sympathiques, tandis qu'il recourait à de jeunes escort pour les choses sérieuses, les choses vitales."
Quel drôle d'oiseau que ce Foulques ! Pauvre ou riche, il est toujours sans réel emploi, solitaire, mais s'entoure de gens tout aussi seuls que lui, dont la narratrice.
Cette dernière, enseignante à la vie plutôt terne, revient à la fois sur l'histoire de son affection fluctuante avec cet être opaque avec qui elle s'est brouillée, puis rabibochée dix ans plus tard et sur ses propres histoires d’amitié et d'amour.
Qu'il offre de luxueux cadeaux et /ou voyages à la troupe dont il s'entoure, Foulques n'en demeure pas moins solitaire et sans véritables sentiments. L'argent, loin de faciliter sa vie, lui offre trop de possibilités, trop de choix, même quand il s'agit d'envisager le lieu de son dernier repos.
La narratrice analyse ainsi , sans concessions , les relations perturbées par l'argent, la lâcheté, qui unissent les membres de cette troupe improbable dont le seul facteur commun est Foulques. Un roman à la fois drôle et acide.
Jean-Claude Lattès 2019.
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06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : véronique boulais
08/01/2019
Le Nord comme ils l'ont aimé
Articulée en cinq grandes parties, cette anthologie dégage une grande impression de luminosité, de chaleur humaine et d'amour, comme annoncé dans le titre.
Richement illustrée de tableaux (qui pour la plupart m'étaient inconnus), gravures et autres photographies,on y croise des auteurs éclectiques, certains connus (Michel Quint, Jean-Louis Fournier...), d'autres plus oubliés mais aussi certains romanciers ou romancières inattendus comme Edith Wharton par exemple.
La poésie et la chanson ne sont pour autant pas oubliées et c'est un panorama riche de (re) découvertes que nous propose ici Annie Degroote.
A noter que si cette anthologie se concentre sur le Nord et le Pas-de-Calais, la Belgique est aussi parfois évoquée tant est poreuse la frontière entre ces deux entités aux nombreux points communs.
Un pur régal !
Merci aux Éditions Omnibus et à Babelio .
06:00 Publié dans Autobiographie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : annie degroote
07/01/2019
Le dimanche des mères...en poche
"...en ce jour unique entre tous, où c'était le monde à l'envers, se placer, lui seigneur des seigneurs qu'il était, dans le rôle du serviteur."
Angleterre, printemps 1924. C'est Le dimanche des mères (rien à voir avec ce qui sera instauré plus tard),le jour où les aristocrates donnent congé à leurs domestiques pour qu'elles puissent visiter leurs mères. Un jour où il fait exceptionnellement beau, de quoi donner à Jane, la femme de chambre orpheline,envie de lire au soleil un des romans d'aventure que lui prête son employeur, ou de parcourir la campagne à bicyclette. Elle rejoindra plutôt le fils des aristocrates voisins, dernier survivant d'une fratrie fauchée par la guerre 14.
Arrivés là, vous vous dites qu'on peut déjà dérouler à l'avance le fil de l'histoire et, comme moi, vous aurez tort. D'abord, parce que la relation qui s'établit ce jour-là entre les deux amants est très particulière, emplie de sensualité , de liberté, de renversement de situation comme annoncé dans la citation de ce billet. Ensuite parce qu'au milieu du roman, un événement surgit, qui va totalement changer la donne et sera même l'occasion à la fin du roman d'une nouvelle interprétation. Enfin, parce que Graham Swift titille notre curiosité en parsemant son texte d'indices qui donnent à penser que la destinée de Jane va prendre une toute autre direction.
De magnifiques images, celle d une femme nue s'appropriant une demeure où elle n'a pas sa place, la peinture d'un monde déliquescent, où les seuls véritables vivants sont les domestiques, une domestique intelligente et primesautière qui saura prendre son destin en main, font de ce roman un indispensable !
Le dimanche des mères, un roman de 144 pages lumineuses, commencé sur la seule foi du nom de l'auteur, traduit de l'anglais par Marie-Odile Fortier-Masek,
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : graham swift
06/01/2019
Summer ...en poche
"C'est donc ça. La réputation de ma famille, une fois de plus, l'image que nous donnons, de supériorité et de pouvoir."
Summer, dix-neuf ans, blonde, solaire, disparaît lors d'un pique-nique au bord d'un lac suisse. Vingt-cinq ans plus tard, son frère cadet, Benjamin, ne parvient plus à avancer dans la vie, bloqué qu'il est par le souvenir de cet été et par cette disparition inexpliquée.
"Et toujours en été" a-t-on envie de fredonner en lisant ce roman de Monica Sabolo tant l'impression de lumière prévaut dans ce texte. Pourtant, cette luminosité est contrebalancée par la métaphore filée de l'eau, à la surface certes brillante sous le soleil, mais dont les profondeurs se révèlent bien plus troubles et boueuses.
Ainsi en est-il de la vie de cette famille à qui tout semble sourire, où la superbe Summer, tel un cygne blanc attire tous les regards, tandis que son cadet se vit davantage comme le vilain petit canard dont chacun pense peut être en secret que c'est lui qui aurait dû disparaître.
Aveuglé par la colère envers ses parents, tout autant que par son amour pour Summer, Benjamin va remonter le fil du temps et mettre à jour tout ce qu'il avait occulté.
Roman poétique et entêtant, Summer distille au fil du texte des notations fugitives, comme autant d'indices qu'il faudra réagencer pour réinterpréter les fait a posteriori. Un texte qui a su me séduire, alors que j'avais beaucoup d'a priori en le commençant, craignant par-dessus tout que ce ne soit qu'un roman d'atmosphère et que je demeure frustrée par la fin. Rien de tel, bien au contraire.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : monica sabolo
05/01/2019
Le grand jeu ...en poche
"J'ai investi cet environnement et ces conditions qui me permettent de n'être pas dans l'obligation de croiser tous les matins un ingrat, un envieux, un imbécile. Qui me laissent le loisir de penser à tout autre chose, dans une action utile et mécanique."
Une femme s'isole dans un refuge high tech, épuré, accroché dans la montagne. La fatigue, la faim font partie de ce qu'elle appelle "[mon] traitement." Elle n'est pourtant pas malade : "Je ne me suis pas détachée par erreur , ni par lassitude, ni par aveuglement. Je travaille à mon détachement. Je suis en pleine santé."
Elle entend confronter son corps et son esprit aux éléments, s'entraîner tant physiquement que mentalement et répondre à cette question : comment vivre ?
Elle a tout prévu, tout organisé et s'emploie à tirer le meilleur parti de son espace, cultivant, pêchant, explorant, interrogeant ses relations aux animaux. Tout prévu, sauf la présence d'une nonne ermite. Impossible de l'ignorer. à la moitié du livre s'enclenche donc une nouvelle dynamique qui culminera dans un finale à la fois logique et extrême, Le grand jeu.
Récit de la découverte progressive d'une pratique, Le grand jeu est un roman qui en déroutera plus d'un mais qui m'a enthousiasmée au plus haut point. C'est encore dans un nouvel espace que nous entraîne Céline Minard. On y retrouve son goût d'un vocabulaire précis, celui lié à tous les sports d'escalade et d'équilibre, son style aiguisé.
Ponctué de nombreuses interrogations, le texte incite son lecteur à la réflexion et lui offre de vivre, par procuration ,une expérience ontologique de retraite dans une nature extrême. On en ressort transformé.
Et zou, sur l'étagère des indispensables.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : céline minard
04/01/2019
Point cardinal ...en poche
"Je suis dans une impasse. Comment réunir ma peau d'homme avec la femme que je suis à l’intérieur, ses formes, son esprit, ses désirs ?"
Laurent est heureux en couple avec Solange et leurs deux enfants. Pourtant si "Rien ne dépassait dans [leur] histoire", Laurent va tout faire éclater.
En effet, il n'en peut plus de ne pas faire coïncider l'homme qu'on voit et la femme qu'il se sent être.
Ce qui est extrêmement intéressant dans le roman de Léonor de Récondo c'est qu'elle choisit de nous montrer les répercussions que cela entraîne non seulement pour son héros, mais au sein de sa famille - et les réactions seront extrêmement différentes pour son fils et pour sa fille- et de ses collègues.
On pourrait reprocher au texte son manque d’aspérités, tout paraît aller de soi ou presque pour Laurent, mais la romancière a choisi de se situer au moment où le héros a atteint un point de non-retour . Reste à parcourir le chemin vers le changement de sexe, parcours hérissé d'obstacles en France.
Léonor de Récondo traite avec sa délicatesse habituelle ce sujet sensible et souligne que si Laurent veut devenir une femme, il m'en reste pas moins un père pour ses enfants et n'a pas perdu perdu ses sentiments pour son épouse. Il leur reste à inventer leur vie...
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : leonor de récondo
03/01/2019
#OnDiraitQueJeSuisMorte #NetGalleyFrance
"Il comptait parmi ces gens chanceux: il était sorti de l'enfance en un seul morceau et son passé n'était pas une énorme masse inamovible dotée d'un climat propre."
Mona, jeune femme de ménage (elle adore les aspirateurs !) distribue le soir des préservatifs et des seringues aux drogués. C'est là qu'elle tombe amoureuse de celui qu'elle surnomme M. Dégoûtant, artiste raté et édenté. Au vu du titre de cette première partie , Le Trou, on se doute bien de l'issue de cette relation.
Mais Mona n'a pas dit son dernier mot et la voilà bientôt en route pour le Nouveau-Mexique où, au fil de rencontres (voisins, clients, amis, hauts en couleurs et éclectiques), elle parvient progressivement à se libérer d'un passé qu'on devine toxique, d'après des bribes qu'elle nous a distillés.
Ce pourrait être trash, mais c'est plein d'émotion et de retenue.La langue est métaphorique, surprenante et Jen Beagin, dans ce premier roman, réussit un pari fou: créer un univers et des personnages pleins de vie, attachants , sans jamais tomber dans le glauque. Tout est sur le fil du rasoir mais Mona fait toujours un léger pas de côté in extremis pour éviter le sordide et choisir le camp de l'humour ,de la surprise ou de l'art. On n'oubliera pas de sitôt Yoko et Yoko, Jésus, Betty, et Mona , bien sûr. Une vraie découverte !
Un roman enthousiasmant traduit brillamment de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy qui avait su attirer mon attention sur ce roman .
Buchet-Chastel 2019, 275 pages qui donnent la pêche !
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jen beagin
02/01/2019
Bacchantes
Le vin est devenu un investissement , soigneusement gardé ,dans d'anciens bunkers à Hong-Kong. Alors qu'un typhon menace, faisant grandir la tension dramatique, trois femmes réussissent à s'introduire dans ce lieu ultra sécurisé. Commence alors un face à face entre les braqueuses ultra chic retranchées à l'intérieur et les forces de police dirigée par Jackie Thran...
En un peu plus d'une centaine de pages , Céline Minard revisite le film de braquage, en une version ultra sophistiquée, qui bouleverse les règles du genre. Ses héroïnes sont de contemporaines Bacchantes qui redonnent tout son sens au breuvage célébré par Bacchus. C'est élégant et mené de main de maître.
Éditions Rivages 2019.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : céline minard
10/12/2018
Dictionnaire amoureux du Nord
"Finalement, les gens du Nord, il sont comme les autres. Mais en mieux..."
Comment ne pas se sentir flatté, dans un premier temps, par cette citations de Jean-Louis Fournier, extraite de l'article "Gens"?
Moi qui adore tout à la fois les dictionnaires, l'auteur de Où on va papa ? et ma région , je croyais dévorer à belle dents ce magnifique pavé d'un peu plus de 500 pages.
Comme le reconnaît lui-même l'auteur, il est d'abord plus habitué aux formats courts que longs, et ça se sent. De plus, le côté "informatif" (et plat, stylistiquement) du dictionnaire l'emporte parfois un peu trop sur le côté "amoureux" annoncé dans le titre de la collection, même si l'auteur n'hésite pas à distribuer coups de cœur et de griffes, ainsi qu'à évoquer ses souvenirs familiaux.
Mais, cette fois, hélas, le mélange des genres n'a pas pris , en ce qui me concerne. Il n'en reste pas moins que j'ai appris plein d’informations sur la région des Hauts de France (appellation digne d'un promoteur immobilier).
09:35 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jean-louis fournier