05/02/2019
Alto Braco
"On ne voulait pas vivre à Lacalm mais on voulait y mourir."
Deux sœurs dures au travail , Douce et Granita, ont élevé leur petite fille, maintenant trentenaire, Brune, tout en tenant de main de maître, leur café parisien.
Originaires de l'Aubrac, ces trois femmes sont très fortement marquées par ce territoire si particulier, même si la plus jeune s'en défend. La mort de Douce et son enterrement dans le pays de sa jeunesse vont faire ressurgir tous les secrets du passé.
Sur un schéma classique de retour au pays, Vanessa Bamberger multiplie les révélations en cascade (pas moins de trois révélations), tout en décrivant à merveille les paysages de cette région âpre et sauvage où les paysans et leurs bêtes ont bien du mal à survivre.
Si l'auteure s'est visiblement bien documentée (en particulier sur les vaches) et réussit à introduire de manière fluide ces informations dans le récit, ce dernier manque en revanche de densité et connaît quelques baisses de régime.
Un roman que j'ai néanmoins pris plaisir à lire.
Liana Lévi 2019.
L'avis d'Hélène
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : vanessa bamberger, vaches, aubrac
04/02/2019
Présumée disparue
"Recherche: philanthrope amateur de lecture, avec formation de psychothérapie, qui sache monter des étagères. Lunettes de vue tolérées."
Manon Bradshaw , enquêtrice de la police du Cambridgeshire, 39 ans, est à la recherche d'une jeune femme de très bonne famille présumée disparue et, accessoirement aussi, d'un amoureux.
Présumée disparue réunit tous les ingrédients qui font un bon polar à l'anglaise, pas trop angoissant (pour les petites natures comme moi on évite les descriptions gore sans réelle utilité, merci), avec une dose d'humour, un dose de polar social (le sort peu enviable des enfants dans les centres d'accueil, les différentes classes sociales...), des personnages bien croqués et rapidement attachants. Le tout avec une alternance de point de vue qui permet de varier les plaisirs. Plaisir que je ne boude donc pas, même si je m'attendais un peu à mieux niveau suspense.
Un bon gros polar anglais mâtiné de chick Litt, pourquoi pas ?
je suis un chouïa plus enthousiaste que Cuné et un chouïa moins que Clara !
Editions Équinoxe les arènes 2018, traduit de l’anglais par Yoko Lacour.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : susie steiner
31/01/2019
Pars, s'il le faut
"(J'aime bien m'autoapitoyer ,parfois. Si je ne le fais pas, qui va le faire ? ) "
Cette fois, elle a quitté Paris, qu'elle aime tant, et s'est installée à Sète. Mais ce n'est jamais facile de "tout quitter". Pas facile de se recréer un lieu à soi, d'apprivoiser une nouvelle ville, surtout quand on a pris la décision saugrenue de ne plus avoir de chien.
Parce que les chiens (et les chats aussi) , tiennent une place important dans la vie de Marie-Ange et qu'elle en parle toujours avec beaucoup de tendresse et d’humour (la page 149 où elle croque tour à tour chien et chat est un pur régal !) Sa marque de fabrique l'humour et cela lui permet de tenir en équilibre, elle qui se sent si peu équipée pour la vie, et ce depuis l'enfance.
Alors, c'est l'occasion de revenir sur certains épisodes de sa vie, parfois joyeux avec les copains de "Pilote", parfois douloureux ( cette rédactrice en chef d'un magazine féminin qui lui tient un double discours pour mieux la déstabiliser et la virer) avec "Elle" qui appartient au passé et "Je"qui tente de se bricoler une nouvelle vie, vaille que vaille.
Ouvrir un roman de Marie-Ange Guillaume, c'est comme avoir des nouvelles d'une amie chère, qu'on a un peu perdue de vue, mais avec qui la conversation reprend aussitôt, de manière fluide, parce qu'avec ses failles, ses remarques si pertinentes, sa franchise souvent désarmante: "J'ai toujours eu une belle nature de toxicomane. L'addiction est mon hobby.", elle possède une manière bien à elle de manier les mots et on en redemande. *
Merci à l'éditeur Le Passage et à Babelio.
*Du coup, je me suis commandé un des ses livres et un autre qu'elle cite
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : marie-ange guillaume
30/01/2019
Les rêveurs...en poche
"...la même absence de liberté, et surtout d'intérêt de leur famille à l'égard de de ce qu'ils étaient vraiment."
Une fille-mère et un bisexuel comme parents , même dans les années 70, voilà qui n'était pas courant. Famille hors-normes donc pour des enfants qui ne rêvent que de normalité, mais qui, bon an , mal an vont devoir s'accommoder d'une drôle de famille où l'amour et l'art sont très présents.
La douleur, la dépression, deux tentatives de suicide mais la vie qui malgré tout reprend le dessus et une écriture très touchante font de ce premier roman, à tendance autobiographique, une entrée en littérature plutôt réussie.
Isabelle Carré,dont le sourire lumineux joue beaucoup dans le formidable capital sympathie dont elle bénéficie, révèle à demi-mots ses failles mais montre aussi que les enfants d'homosexuels ne vont ni moins bien ni mieux que ceux d'hétéros. Un très bon moment de lecture.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : isabelle carré
29/01/2019
Psychologie de la connerie
Cet essai sur la connerie, sous des dehors en apparence légers, investit des champs tout à fait différents et passionnants, allant de l'école, l'entreprise, la politique à plus étonnant : nos rapports aux animaux.
La connerie est partout, mais, c'est bien connu, nous pouvons tous être le connard de quelqu'un d'autre, mais seuls les vrais cons ne veulent pas s'en rendre compte car la connerie est en effet liée au narcissisme exacerbé.
Comment faire face aux cons ? De nombreux auteurs semblent quelque peu découragés devant l'ampleur du phénomène, accentué et amplifié par les réseaux sociaux.
Mais quelques uns nous offrent des solutions : la culture, la création voire même des cas concrets déjà appliqués par des compagnies aériennes ou des hôpitaux,et qui ont porté leurs fruits.
Un panorama éclectique et riche qui confirme ce qu' Audiard affirmait déjà : "Les cons, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît."
06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jean-françois marmion
28/01/2019
à la ligne / Feuillets d'usine
"L'usine bouleverse mon corps
Mes certitudes
Ce que je croyais savoir du travail et du repos
De la fatigue
De la joie
De l'humanité"
D'abord il y a la forme, à mi-chemin entre prose et poésie, une longue phrase sans point final, organisée en 66 séquences, la forme imposé par le rythme de la ligne de production où travaille l'auteur-narrateur. Pas le temps de réfléchir, la machine impose sa vitesse et les aléas mécaniques doivent sans cesse être compensés par les efforts humains.
Adaptabilité des horaires, adaptabilité des corps, l'usine règne en maîtresse absolue . Il ne faut pas déplaire aux petits chefs, ne pas refuser les missions d'intérim, sans quoi on se retrouve sur le carreau, main d’œuvre infiniment remplaçable.
Pour tenir le coup, l'auteur puise dans sa culture (il a fait des études de lettres, a été dans une autre vie éducateur social, mais en Bretagne où il a choisi de vivre avec sa femme, il travaille dans une conserverie de poissons ou aux abattoirs), culture littéraire ou populaire, les chansons tenant une place importante sur les chaînes de production.
Il dit la fatigue qui empêche de retrouver la phrase trouvée au boulot, "Mes mots peinent autant que mon corps quand il / est au travail ", la solidarité entre certains ouvriers ,mais aussi l'énervement contre les tire-au flanc. Il a aussi des réflexions surprenantes quand il compare les effets de la psychanalyse et de l'usine sur lui-même.Il pose surtout des mots forts et vrais sur tout ce qu'on ne peut pas raconter, comme le dit sa tante page 93.
Un texte nécessaire et inoubliable.
Évidemment sur l'étagère des indispensables.
La Table Ronde 2019,263 pages piquetées de marque-pages.
06:00 Publié dans Feuillets d'usine, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : joseph ponthus
25/01/2019
Les chemins de la haine...en poche
"Il y avait des milliers d'Andrus Tombak qui faisaient vivre les immigrés dans des conditions que ne tolèreraient jamais jamais ceux qui déversaient leur haine sur eux."
Un homme est mort dans l'incendie d'une cabane de jardin de Peterborough. Il s'agit d'un travailleur immigré estonien, Jaan Stepulov. Un parmi tous ceux qui arrivent des pays de l'Est dans ce qu'ils croient être un Eldorado mais qui se révèle bien trop souvent un enfer.
Nouveaux esclaves, ils sont exploités sans scrupules et haïs par la population locale.Les deux policiers qui mènent l'enquête, Zigic et sa partenaire, Ferreira ,immigrés de la deuxième génération ont eux-mêmes , à des degrés divers, été en butte à ce racisme plus ou moins larvé de la part des Britanniques de souche.
Les chemins de la haine possède tous les ingrédients d'un formidable roman noir: personnages parfaitement croqués, intrigue à rebondissements et surtout un arrière-plan social passionnant. Addictif ! On a d'emblée hâte de découvrir le prochain roman de cette auteure.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : eva dolan
24/01/2019
#Belle-Fille #NetGalleyFrance
"Je suis orpheline. Je le suis peut-être d'autant plus que c'est à l'instant où je te perds que je comprends que tu avais été un père."
Son nom ne figure jamais dans le texte de cette lettre jamais envoyée (c'est le principe de cette collection), mais la photographie du bandeau et les indices disséminés identifient clairement celui dont l'autrice est La belle-fille : Jean Carmet.
Comment une adolescente, puis une femme arrive-t-elle à louvoyer entre un père génétique épisodiquement présent (vu son métier et son parcours) et l'amant de sa mère qu 'elle rejette d'emblée dans un premier temps mais avec lequel seront tissés des liens d'affection profonds ?
Et pourtant, il n'est pas toujours facile à vivre Jean Carmet ! Tour à tour généreux ou tyrannique, vivre à ses côtés n'était pas une sinécure . Ceux qui cherchent un portrait fouillé de l'acteur en resteront pour leurs frais, car il n'est ici envisagé que par le biais de sa relation à l'autrice.
Soyons honnête, c'est plus pour cet acteur atypique que pour le thème en lui-même que j'ai lu ce livre, mais au final la manière dont Tatiana Valle , fille d'artistes , comédienne, épouse de metteurs en scène et mère de comédiens (même si les prénoms sont changés, en un clic on les identifie) relate sa vie souvent chahutée a su me toucher.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : tatiana vialle
23/01/2019
Le paradoxe du bonheur
"Comme dans son monde à elle , il n 'y avait pas forcément de règles strictes; parfois, il valait mieux laisser les situations s'équilibrer d'elles-mêmes. Plus on intervenait, plus on risquait de perturber les variables infinies."
Sur un pont de Londres, un renard va, sans le savoir, rapprocher deux destinées: celle d'une américaine,Jean, fraichement divorcée, biologiste chargée d'observer les goupils qui se sont approprié le territoire urbain et celle d'Attila, ghanéen au nom de guerrier, qui intervient certes sur les lieux de conflits partout dans le monde ,mais en tant que spécialiste du stress post traumatique.
Ils sont solitaires, comme tant d'autres autour d'eux qui œuvrent dans les coulisses de la ville, mais la fugue d'un petit garçon établira des connexions inattendues et multiples entre des personnages riches d'humanité.
Des loups, des coyotes, des renards mais aussi des perruches effrontées traversent ce roman et , pour certains d'entre eux, la ville de Londres, nous rappelant qu'il nous faut composer avec la nature et non tenter inutilement de la détruire faute de pouvoir la dominer.
Quant aux personnages, on s'attache très vite à eux et des retours en arrière, nous permettent de mieux les comprendre,avec pudeur et émotion. La résilience est au cœur de ce roman, sans pour autant céder à la tentation des bons sentiments, et l'écriture, riche de métaphores et de réflexions pertinentes, nous offre ici un peu bonheur de lecture.
On apprend plein d'informations mine de rien dans des domaines très divers et l'on se sent plus riche d'humanité en refermant ce livre que j'ai trimballé partout le temps de sa lecture, ce qui est un excellent signe !
Le Paradoxe du Bonheur (Happiness)Traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Claire Desserrey, Editions Delcourt 2019, 411 pages piquetée de marque-pages.
Et zou un roman qui fait du bien sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : aminatta forna
22/01/2019
#Transcription #NetGalleyFrance
"Est-ce qu'ils élevaient ces filles dédaigneuses dans un incubateur spécial quelque part ? "
Kate Atkinson dans Transcription continue d'explorer la période de la 2 nde guerre mondiale , cette fois sous l'angle de l'espionnage. Son héroïne, Juliette Armstrong, en apparence naïve, est recrutée par les services secrets britanniques pour participer au démantèlement de la cinquième colonne, ces sympathisants locaux du nazisme.
Rien de bien glorieux car il s'agit dans un premier temps de retranscrire leurs propos, souvent obscurs, voire ennuyeux. Tout cela paraît assez bon enfant jusqu'à ce qu'enfin, les événements s'emballent et que Juliette ne soit amenée à devenir une espionne comme elle le rêvait.
Entremêlant à son habitude avec virtuosité les époques, parsemant son texte de touche d'humour et nous gratifiant d'un revirement final assez efficace, Kate Atkinson, n'a pourtant pas réussi à me captiver comme elle le fait d'habitude.La tension dramatique n'est pas suffisamment efficace et l'intrigue un peu trop paresseuse à mon goût.
Gageons que ce n'est que partie remise ! J'attends déjà avec impatience les nouvelles aventures de Jackson Brodie.
Cuné est déçue. Clic
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : kate atkinson