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03/01/2018

Le pouvoir

"Le pouvoir de nuire, de faire mal ,est une forme de richesse."

Les femmes, grâce à un organe apparu au niveau d'une clavicule, possèdent un nouveau pouvoir: celui d'infliger une douleur fulgurante, et même la mort. Elles ne sont pour autant pas invincibles, mais la peur a changé de camp et les hommes sont devenus le sexe faible.
Aux États-Unis, en Arabie Saoudite,dans un petit État d'Europe de L'Est et bientôt aux quatre coins du monde, les femmes s’organisent, une nouvelle religion apparaît . Mais celles qui détiennent désormais le pouvoir vont-elles se comporter mieux que les hommes ?naomi alderman
En choisissant de suivre le destin de quatre personnages, dont les destins vont évidemment se croiser, Naomi Alderman axe son roman sur la politique, la religion, les médias et le banditisme. Elles montrent les liens que ces puissances entretiennent mais ne perd pour autant pas de vue le côté humain de Tunde ,jeune journaliste nigérian et unique héros masculin, Allie jeune métisse américaine au parcours chaotique, Roxy fille d' un truand anglais ou bien encore Margot, ambitieuse femme politique divorcée et mère de famille américaine.
L’enthousiasme est très présent dans la première partie montrant le"Grand Changement", tandis que la tension monte dans la seconde qui relate les dérives du pouvoir.
Les textes qui encadrent ce qui est présenté comme un "maudit livre" rédigé par un homme, augmentent la sensation de réel du roman et l’inscrivent dans une démarche présentée comme historique qui ne peuvent que susciter la réflexion. Une grand plaisir de lecture, un roman qui se dévore d'une traite et que la grande Margaret Atwood qualifie  de "fulgurant", quoi de mieux pour se précipiter  ?

Le pouvoir, Naomi Alderman, Calmann-Lévy 2018,  traduit de l'anglais (G-B) par Christine Barbaste, 392 pages époustouflantes.

02/01/2018

#LesLoyautés #NetGalleyFrance

 "Il est l'enfant de la séparation des corps et des biens, de la rancœur, des dettes irréparables et de l'alimentation pension : il connaît les règles de la diplomatie."

Les conflits de loyautés, Hélène connaît bien. Dans sa chair même, ils se sont inscrits. Aussi quand cette prof de collège repère la pâleur excessive de Théo,  jeune garçon de douze ans,son épuisement, elle essaie de tirer la sonnette d'alarme au sein de son établissement. Mais peut être son expérience personnelle a-t-elle biaisé son identification du problème et ses propres réactions.delphine de vigan
Les loyautés dans le couple, dans les relations amicales, Delphine de Vigan les explore en un roman choral qui donne la parole à toute une constellation de personnages évoluant autour de cet enfant en danger. Ces loyautés, ajoutées à des difficultés de communication,  elles nous empêtrent, elles vont peut être empêcher de  sauver Théo.
Court roman qu'on ne peut lâcher, Les Loyautés ne donne jamais la parole à son personnage principal dont les actions, les réactions, les sentiments sont pris en charge par un narrateur extérieur. Comme s'il n'était déjà plus un sujet agissant , tout englué qu'il est dans une situation qui le le dépasse.
On s'identifie, on entre en empathie et on tourne sans s'en rendre compte les pages de ce roman aussi réussi dans son analyse psychologique que dans son écriture.

Les Loyautés, Delphine de Vigan, jean-Claude Lattès 2018 delphine de vigan

01/01/2018

Bonne année !

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31/12/2017

L'aube sera grandiose

"Elle l'a serrée très fort et j'ai senti passer, entre elle et moi, comme un courant électrique puissant, une onde chargée d'un incroyable désir de vivre que rien ne pourrait empêcher. Pas même le chômage. Pas même la pauvreté. Pas même la solitude."

Quand Titania, écrivaine, embarque sans prévenir sa fille de seize ans, Nine, vers une destination inconnue, une cabane cachée au bord d'un lac, cette dernière regimbe. Sans réseau, comment supporter ce huis-clos avec sa mère ?anne-laure bondoux
Ce que Nine ignore c'est que Titania rejoue avec elle une scène qu'elle-même a vécue quand sa propre mère, Rose-Aimée ,lui a dévoilé un secret familial. Dorénavant, c'est à Titania de passer le relais et de narrer à sa propre fille une histoire familiale pleine d'amour et de cahots.
Récit d'une nuit blanche, L'aube sera grandiose est un roman fluide qui nous tient en haleine, une magnifique histoire de transmission, une magnifique  histoire d'amour entre des mères atypiques et leurs enfants. L'occasion aussi de se replonger, pour qui les ont connues, dans les années 70, là où tout était plus lent, là où l'ennui n'était pas sauvagement combattu à l'aide d'écrans. Un grand coup de cœur pour terminer l'année.

 

Je vous souhaite à toutes et à tous des aubes grandioses en 2018.

30/12/2017

Défense de Prosper Brouillon

"Qui s'aventure dans un livre de Prosper Brouillon doeric chevillardit s'attendre à éprouver quelques secousses. Ce n'est pas une lecture de tout repos. La vérité vous saute à al gorge  comme un lynx et vous lacère le visage de rides profondes : vous avez vieilli d'un coup, à moins plutôt que ces rides ne soient les cicatrices attestant une sur-sollicitation des muscles zygomatiques affectés à des tâches  qui excèdent leurs forces (utilisez de préférence vos biceps dorénavant pour soulever des enclumes)."

Un centon nous rappelle Wikipédia,  est une œuvre littéraire et/ou musicale constituée d'éléments repris à une ou plusieurs autres, et réarrangés de manière à former un texte différent.
Ce n'est pas exactement ce à quoi s’emploie ici Eric Chevillard qui, réutilisant les citations d’œuvres romanesques qu'il avaient critiquées dans ses chroniques du Monde, leur invente un auteur commun: Prosper Brouillon, romancier éreinté par la critique (qu'il tacle aussi au passage), mais adulé par les lecteurs. Il feint donc ici ironiquement de prendre sa (leur) défense, pour mieux l'(les) éreinter avec humour. Usant d 'un langage parfois pompeux, abusant des hyperboles, Chevillard se livre à un réjouissant jeu de massacre, citations à l'appui.
Grâce à l'efficacité d'un moteur de recherche, je me suis amusée à identifier les trois -quarts environ des auteurs des sus-dites "perles". En voici quelques-uns: Eric Neuhoff arrive en tête des citations misogynes rien moins que puantes (au sens propre du terme hélas), talonné de près par Beigbeder (qui semble vouer une rancune tenace à Chevillard). Alexandre Jardin est lui aussi abondamment cité. Deux femmes, dans des genres très différents dans ce palmarès: Eliette Abécassis et Denise Bombardier.

Un grand plaisir de lecture pour terminer l'année en beauté et ne pas oublier que la gloire est souvent éphémère.

Papillon m'avait donné envie: clic.

29/12/2017

à l'ouest

C'est d'abord un livre que l'on tient bien en main. Une petite brique sympathique dotée d'une jaquette en papier kraft. Du soin, de la qualité, de l'attention.anne wolfers
Un carnet de croquis tenu au fil du temps de l'évolution d'une dépression vécue par l'auteure. Une image par page ,dessinée au Bic noir Slickpen nous apprend Anne Wolfers dans l'unique page retraçant la raison d'être de ce carnet de bord, quasi au jour le jour, sorte de bulletin météo de l’âme et du corps de l'autrice-narratrice.
On y voit les fluctuations de la vague, métaphore de la dépression , du mal être ayant entraîné cette hospitalisation en psychiatrie.
Les légendes sont laconiques, les croquis rugueux, ne mettant jamais en valeur la personne dont il est question. On est ici dans un dessin brut, frôlant le naïf, mais jamais complaisant.
Parfois une échappée vers la lumière se manifeste ,par exemple sous la forme d'une corde à linge comme une guirlande où voltigent joyeusement des vêtements d'enfant ou de la présence réconfortante d'un petit chien. La narratrice n'occulte rien des échecs, des conséquences sur son corps des traitements , mais aussi du retour vers le sourire, vers la vie. Un bel objet artistique, sensible et lumineux.

 

 Un grand Merci à Babelio et aux Éditions Esperluette.anne wolfers

06:00 Publié dans Autobiographie, BD | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anne wolfers

28/12/2017

Les passeurs de livres de Daraya

"Au fond du gouffre, un divan virtuel pour apaiser les âmes torturées."

delphine minoui

Pendant quatre ans, de jeunes syriens voulant incarner une troisième voie ,alternative à Daech et au régime dictatorial de Bachar al-Assad , ont exhumé des décombres de la banlieue rebelle de Daraya des livres. Ils ont ainsi organisé une bibliothèque clandestine, devenue ensuite un lieu de savoir, où des cours étaient donnés, une manière de lutter avec des mots, de se réapproprier un passé mis sous tutelle par le régime en place. Une respiration entre deux bombardements, une revendication allégorique de la liberté.
Delphine Minoui qui a entretenu une correspondance hachée avec eux, fait de son récit un lieu à la mémoire de ces combattants pacifiques.
Comment ne pas être enthousiasmée par un tel récit, célébrant le pouvoir des mots ? Comment aussi ne pas se sentir  impuissant face à une telle situation ?
Mais comment aussi ne pas remarquer cette confiscation du savoir par les hommes ? Aucune femme, aucun enfant dans cette bibliothèque. Les hommes leurs rapportent des livres dans les appartements où ils sont supposés être en sécurité. Ce qui n'est pas précisément le cas aux dires de Minoui. Les femmes ont le droit de risquer leur vie mais pas pour assister à des cours. Elles réapparaissent au détour d'une missive poignante adressée au monde entier ou encore quand elles sortent quasiment de terre, lors d'une trêve. Leurs souffrances sont certes évoquées, mais d'une manière assez générale car tel n'est évidemment pas le propos de ce récit. Un bémol donc mais un texte qui fait prendre conscience de la réalité d'un conflit au plus près.

Lu dans le cadre du grand prix des lectrices de Elle.

06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : delphine minoui

27/12/2017

Rêver

Une psychologue criminologue atteinte de narcolepsie cataplexie, voilà qui n'est pas courant. Abigaël , qui enquête sur la disparition d'enfants, porte dans sa chair les traces des chutes occasionnées par sa maladie. C'est aussi son corps qu'elle utilisera pour garder les traces d'événements dont elle aura validé la réalité, le médicament qu'elle utilise ayant tendance à brouiller la frontière entre rêve et réalité.franck thilliez
Jouant avec la chronologie (mais fournissant obligeamment à son lecteur, un axe chronologique au début de chaque chapitre), Franck Thilliez malmène son héroïne (et nos nerfs) avec son talent habituel. Il mêle avec virtuosité deux intrigues qui, prises indépendamment, auraient été plutôt classiques,  pour mieux nous perdre.
Le fait que l’action se déroule dans le Nord-Pas-de Calais, dans plusieurs lieux que je connais (j'ai même habité Rue Danel à Lille !) ajoute encore au plaisir de la lecture.

 

Merci à Julie et Noémie qui m'ont remise en selle avec ce roman addictif.

21/12/2017

Chacune de ses peurs

Kate, qui se remet avec peine de sa dernière relation amoureuse avec un ex-fiancé à la jalousie pathologique, accepte comme une échappée belle la proposition de son cousin américain :échanger,  non pas leurs mamans ,mais leurs logis.peter swanson
Corbin hérite donc pour six mois d'un appartement londonien bohème et minuscule . Kate semble gagner au change puisqu'elle occupera un superbe appartement à Boston , confortable et immense mais à la déco surannée (fort potentiel donc pour Stéphane Plaza et Valérie Damidot).
Pas de chance, la voisine, Audrey est retrouvée assassinée .Pas de chance toujours, deux hommes commencent à tourner comme des vautours autour de Kate: un agité du bocal et un séduisant voyeur. D' incroyables fiancés potentiels ? L’héroïne aura donc toutes les raisons de pleurnicher qu'elle n'attire que les psychopathes. Le pire c'est qu'on s'en fiche et qu'on a juste envie de lui dire qu'elle devrait peut être se poser les bonnes questions avant de geindre sur son sort .
Thriller psychologique, Chacune de ses peurs se révèle être un puissant somnifère, se satisfaisant d'une trame sans aucun intérêt (impression de l'avoir vu/lu cent fois) et dont les personnages n'ont ni épaisseur ni crédibilité. L'auteur, après avoir décrit à longueur de pages la fragilité de Kate se croit obligé d'écrire "L'anxiété qui marquait sa vie avait ceci de paradoxal: quand elle jouait avec le feu, elle se sentait souvent on ne peut plus normale." Mouais. Il ne suscite aucune empathie, bien au contraire : j’avoue j'en ai assez des femmes présentées comme des victimes et limite à la fin, j'aurais préféré qu'elle ne s'en sorte pas (mince ,j'ai divulgâché !)
Peter Swanson reprend donc de vieilles recettes mais il serait temps que ses amis le dénoncent auprès de Norbert pour qu'il vienne à sa rescousse tant le résultat est insipide.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de Elle.

Si quelqu'un vous offre ce livre à Noël, c'est qu'il ne vous aime vraiment pas ...

08/12/2017

Tension extrême

Des jumeaux décédés simultanément alors qu'ils se trouvaient à des endroits différents. Des cyberattaques paralysant la PJ de Nantes et s’infiltrant , via les objets connectés, dans l'intimité des policiers, voilà qui constitue un bel accueil pour la jeune commissaire qui vient d'être nommée !
Classique et bien menée, l'intrigue tient ses promesses, alternant enquête et brèves incursions dans les vies privées des policiers.sylvain forge
Cependant, comme dans tous les récits, qu'ils soient filmés ou écrits, mettant en scène les pouvoirs quasi infinis des cyberattaques, j'avoue être restée de marbre , un peu comme si cette omnipotence anesthésiait toute empathie.