06/04/2021
Chez le véto
"Ils appartenaient à un monsieur dépressif, qui ne s'en occupait plus, dit-elle. Et qui a fini par se suicider. Elle raconte l’épisode sans émotion apparente, comme elle parlerait du divorce de sa coiffeuse. Mimi et Bibi sont chez eux et c'est tout ce qui compte."
La salle d'attente d'un cabinet vétérinaire est peut-être bien le dernier endroit où l'on cause. En tout cas, c'est dans celle d'un cabinet suisse que la journaliste Béatrice Guelpa s'est posée, recueillant les témoignages des humains à propos de leurs lézard, poule, hérisson, serpent, oiseaux en tous genres, sans oublier les plus classiques chiens et chats.
En quelques traits, elle croque le portait des drôles d'oiseaux sans plumes qui passent dans ce sas, toutes générations et classe sociales confondues: la femme aux rats, le spécialiste des perroquets, ceux qui sont parfois prêts à se priver de vacances, car oui, soigner un animal a un prix et parfois fort élevé.
Coup de foudre, passion dévorante et inexpliquée pour des animaux parfois rejetés, tristesse contenue et angoisse aussi, la journaliste rend compte des émotions mais aussi des joutes verbales qui ont parfois lieu dans la salle d'attente. Un microcosme décrit avec brio.
Merci aux Jardins d’Hélène pour la découverte : clic.
Éditions Favre 2021
06:00 Publié dans chroniques | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : béatrice guelpa
11/11/2019
Chroniques du hasard
"La parole écrite peut engendrer des versions cinématographiques très variées, mais une version cinématographique de haut niveau s'impose avec une telle force et une telle précision, que, une fois produite, elle barre la route à toute autre œuvre de qualité."
Finesse, précision, intelligence sont au rendez-vous de ces chroniques hebdomadaires qu'Elena Ferrante a tenu dans The Guardian en 2018 et qui sont ici élégamment traduites par Elsa Damien.
Qu'elle évoque son rapport à la maternité, à sa propre mère, aux autres femmes, l'écriture, le cinéma, la politique italienne, les plantes, l'auteure de l'Amie prodigieuse, est toujours enthousiasmante.
On devine chez elle une belle énergie, qu'elle a su maîtriser, et ce qu'elle peut révéler de personnel, elle si jalouse de son identité, a ici toujours valeur d'universel.
La chronique intitulée Nationalité linguistique ravira les amoureux des mots et en particulier les traducteurs et traductrices qui pour elle sont "des héros".
Qu'elle fustige les points d'exclamation car "Dans l'écriture au moins, il faudrait éviter de faire comme ces fous qui gouvernent le monde et qui menacent, trafiquent, traitent et, quand ils gagnent, exultent, en truffant leurs discours de ces minuscules missiles à tête nucléaire qui concluent chacune de leurs misérables phrases." ou évoquent plus trivialement Les Odieuses (les connasses, quoi ), elle suscite toujours l'intérêt et la réflexion.
J'ai parfois pensé à Virginia Woolf ou à Doris Lessing, dont elle partage le féminisme et j'ai été ravie de découvrir cette auteure (dont je n’avais pas réussi à lire le roman précédemment cité ) car elle a suscité chez moi l'"apprentissage voluptueux, [l']apprentissage qui nous modifie de façon intime et même dramatique, sous le choc de paroles aussi lucides que passionnées."
Le tout est présenté de manière raffinée et illustré de manière à la fois élégante et suggestive par Andrea Ucini, ce qui fait de cet objet un cadeau idéal à glisser sous le sapin. mais,en attendant, il file sur l'étagère des indispensables.
Gallimard 2019,
06:00 Publié dans chroniques, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : elena ferrante, andrea ucini, elsa damien
11/02/2019
Dernières nouvelles de la science/éditos carrés
"Pour laisser une trace dans l'histoire,
Brossons-nous les dents matin et soir,
Car on pourrait un jour tomber entre les main
D'un paléogénéticien."
Si à 7h20 chaque matin, vous avez un billet d'excuse pour sécher l'édito carré matutinal de Mathieu Vidard sur France Inter, ,si vous en avez raté certains, ou si petits gourmands, vous en demandez davantage, réjouissez-vous celui qui arrive à faire aimer la science même à des littéraires pur jus vient de rassembler et d'enrichir ses chroniques.
Vous saurez ainsi que "Peu de temps après sa naissance, un poussin sait compter au moins jusqu'à cinq."(De quoi clouer le bec à la primipare persuadée qu'elle a engendré un surdoué...) ou découvrirez enfin pourquoi les enfants nous épuisent (Ils ont "Une disposition à éliminer rapidement certains déchets métaboliques, comme le lactate; en conséquence, l'apparition de la fatigue est retardée et la récupération se fait plus vite"). Inversement, la science nous explique également pourquoi nos adolescents sont tout le temps fatigués (non, ils ne mentent pas).
C'est éclectique, bien écrit, souvent passionnant, de quoi commencer chaque journée en étant un peu moins bête.
Grasset France Inter 2019, un petit bréviaire à picorer de 379 pages.
06:00 Publié dans chroniques, Document | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : mathieu vidard
17/10/2018
Une année lumière
Écrites pour le quotidien La croix, ces chroniques hebdomadaires évoquent souvent le passé mauricien de Nathacha Appanah, mais aussi le rôle de la fiction, son activité d'écrivaine, ses relations avec ses pairs. Il y est aussi beaucoup question de poésie, dont on la sent vraiment nourrie.
Par dessus tout, il s'y révèle une modestie et une sincérité qui font mouche et tranchent singulièrement avec le microcosme parisien de l'écriture.
Attention aux autres, à la nature, on savoure ces textes qui disent un monde lumineux malgré tout.
Gallimard 2018, 140 pages.
06:00 Publié dans chroniques | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : nathacha appanah