28/01/2010
Fugues
"Ma vie était soudain traduite, plus facile à comprendre."
Tout le charme (au sens fort du terme) de ces neuf histoires composant le recueil Fugues repose sur l'atmosphère particulière qu'excelle à créer Lauren Groff.
Qu'elle situe son action en 1918 à New-York, de nos jours dans la petite ville de Templeton* ou durant la seconde guerre mondiale en France, qu'elle évoque une vie entière ou un instant fort, Lauren Groff fascine toujours le lecteur par sa capacité à le troubler.Peut être est-ce dû à son style imagé , alternant poésie et rudesse mais aussi à sa capacité à souligner à la fois la force et la vulnérabilité de ces héroïnes. Ces dernières assument leur sensualité tant bien que mal dans une société où la découverte d'un bordel va jeter le discrédit sur toute la population masculine d'une petite ville provinciale...
On ne trouvera pas ici de nouvelles à chute comme souvent chez les français , mais bel et bien un écho des textes si insaisissables de Lorrie Moorre (d'ailleurs créditée dans les remerciements).
On se laisse envoûter. Ou pas. Seul le dernier texte , qui m'a trop fait penser à "Boule de Suif " de Maupassant m'a vraiment déçue,le reste du temps je me suis laissée bousculer d'un univers à un autre, le sourire aux lèvres.
Fugues, Lauren Graff, éditions Plon, 264 pages .
* Déjà évoquée dans son premier roman, billet ici. (sortie au format poche en mars)
Cuné a été déçue.
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : lauren groff, femmes
18/11/2009
Mort en lisière
"Selon son bon plaisir, elle mettait le feu aux toits et s'enfuyait avec le butin."
Elles attaquent fort les nouvelles de Margaret Atwood ! Pour ferrer le lecteur et l'embarquer dans ces récits traitant des relations hommes /femmes avec le regard aigu que l'on connaît à la grande écrivaine canadienne.
Ce sont des mondes disparus, les années 60/70, mais les situations ont-elle vraiment évolué? A la journaliste qui a réussi, est devenue une vedette du petit écran, un ami confie: "Ils veulent savoir si tu portes des dessous de caoutchouc. Si tes crocs brillent la nuit. Si tu es vraiment une super salope. Alors Percy se met à bafouiller et dit qu'il t'arrive de te montrer sympa."Toute ressemblance...
En outre, "C'était ce qu'ils voulaient : se libérer du monde de leurs mères, du monde des précautions, des fardeaux, du destin et des lourdes contraintes que les femmes faisaient peser sur la chair.Ils voulaient une vie sans conséquences. jusqu'à une époque récente, ils étaient parvenus à leurs fins." Mais le monde finit par rattraper les inconséquents et leurs vies basculent soudain...Les femmes ne sont pas pour autant des victimes, elles ne sont pas dupes ,sont pleines d'énergie ,savent lutter mais soudain, leurs forces semblent laminées, anéanties et le pire, ou quelque chose qui pourrait l'être, advient...
Constat doux-amer qu'il faut prendre le temps de savourer à petites doses.
Mort en lisière, Margaret Atwood, pavillons poche, 371 pages toujours actuelles.
06:00 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : margaret atwood, femmes
07/10/2009
Ce que je sais de Vera Candida
"Ne te prends pas pour un tremblement de terre."
Est-il besoin encore de résumer l'histoire de ces trois générations de femmes, chacune d'elles enfantant sans pouvoir révéler le nom du père ? Si ces personnages sont hauts en couleurs, le lieu dans lequel se déroule l'action est tout autant remarquable: une île, Vatapuna, où se dresse un rêve inachevé de marbre, au sommet d'un immense escalier, comme une pyramide maya menant à un autel sacrificiel...
Seule Vera Candida brisera la fatalité et osera rejoindre le continent,quelque part en Amérique du Sud, devinons-nous. Là, elle rencontrera une sorte de chevalier blanc qui tentera d'apprivoiser celle qui se donne des allures d'amazone.On craint le pire en commençant ce roman: l'exotisme de pacotille, les grosses coutures du conte annoncé, mais Véronique Ovaldé s'empare avec jubilation de son décor tropical et de sa faune pour mieux explorer "les territoires du secret et de la dissimulation dont elle [connaît] bien les contours et les lois.", à l'instar de son héroïne.Ses personnages ne sont jamais caricaturaux et on s'immerge avec bonheur dans ce récit qui brasse à la fois le réalisme (la condition faite aux femmes) et le fantastique qui se vit ici d'une manière tout à fait anodine. On s'attache à ces heroïnes tour à tour victimes et rebelles et on ne peut plus les lâcher. un enchantement au sens fort du terme.
Livre lu dans le cadre du Goncourt des lycéens.
L'avis de Cuné, en état de grâce.
Celui d'Amanda
et de Marie
et de Fashion,
06:00 Publié dans Rentrée 2009 | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : véronqiue ovaldé, femmes, amérique latine
31/08/2009
trois femmes puissantes
"Quel démon s'était assis sur le ventre de sa soeur ? "
Menteurs dans le meilleur des cas, lâches,"subtilement malfaisants","mal charmants" , traîtres,voire tranquilles massacreurs de vies de femmes et d'enfants ,tels apparaissent les hommes dans le très beau roman de Marie Ndiaye, Trois femmes puissantes.
Pourtant ces femmes ne récriminent pas. Elles agissent. Avec obstination. Se tenant droite uniquement par la force d'une dignité à laquelle elles tiennent plus que tout. Ainsi Norah qui quitte la France où elle est née et a toujours vécu pour rejoindre un père africain qu'elle a à peine connu, possède une "inépuisable colonne des griefs à l'encontre de son père, sachant bien qu'elle ne lui ferait part ni des graves ni des bénins, sachant bien qu'elle ne pourrait jamais rappeler dans la réalité du face -à- face avec cet homme insondable dont elle ne manquait pas au loin pour l'accabler de reproches, et de ce fait mécontente, déçue par elle même et plus fâchée encore contre lui de plier le genou, de n'oser rien lui dire."Pourtant cet homme elle le rejoint et accomplit la mission qu'il lui confie pour délivrer sa famille du démon qui l a ravagée, démon qui prend sans doute la forme d'un oiseau puique tel lui apparaît son père lors de son arrivée...
C'est un quartier africain et une prison qui établissent un lien apparemment ténu avec la deuxième partie du roman où s'exprime un homme, un homme fou d'amour pour Fanta qu'il a emmenée en France et qu'il est en train de perdre.La chaleur l'accable tout au long de cette journée où il part en vrille, se remémorant tout ce qu'il a commis à l'encontre de celle qu'il a trahie , lui faisant miroiter un avenir qu'il se complaît à saborder. Saura-t-il lui aussi lutter contre l'oiseau qui le harcèle et redonner le sourire à Fanta ?
Fanta , seule vague référence donnée à Kady Demba si elle parvient à rejoindre la France où l'expédie sa belle-famille après le décès de son époux. Mais la route est longue , hérissée de périls que n'envisage même pas celle qui a pour tout viatique son nom,nom auquel elle se raccroche farouchement tout au long de son chemin de croix.
Il se dégage du roman de Marie Ndiaye une atmosphère lourde, saturée de lumière et de chaleur. On se laisse prendre au piège de ses longues phrases sinueuses qui ne diluent pas la violence mais la rendent plus sournoise. Accablante. On frémit, on enrage et on a le coeur serré en refermant ce livre qui dit le malheur et la force des femmes liées à l'Afrique. Trois femmes que nous n'oublierons pas.
06:10 Publié dans Rentrée 2009 | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : marie ndiaye, femmes, afrique
02/05/2009
"Heureuse ,aussi, que la vie ait ses côtés moches, sales, qui rendent la perfection plus supportable."
Trente ans que Nell, oenologue accomplie, n'a pas mis les pieds en Irlande où vivent sa fille, Ali et sa petite fille, Grace. En femme indépendante et qui a réussi sa vie, Nell ,qui chérit pourtant les femmes de sa famille , les protège et les fait régulièrement venir en France où elle s'est installée , entend bien néanmoins maintenir une distance entre elle et le reste du monde. Son vieil amoureux, Henri risque aussi d'en faire les frais, alors qu'il lui annonce qu'il va quitter son épouse, ce que Nell ne lui a jamais demandé de faire.
Un coup de fil nocturne va tout faire basculer et obliger notre héroïne à affronter un passé dont témoignent Les Pierres de mémoire., ces pierres que sa propre mère ramassait à chaque moment important de sa vie.
Avec ce roman, je poursuis ma découverte de l'oeuvre de Kate O'Riordan, commencée ici avec un énorme coup de coeur et je ne suis pas déçue. J'y ai retrouvé la finesse de l'analyse psychologique, ici des relations qui unissent cette famille matrilinéaire, et une construction habile qui distille révélations et rebondissements. La tension dramatique est soutenue et les personnages sont plein de facettes. Le style est à la fois charnel et poétique, avec de superbes descriptions de la pluie irlandaise , ou plutôt des pluies, comme l'auteure s'attache à le préciser. Aussi attachant et chaleureux que le pub où se déroule une grande partie de l'action.
Kate O ' Riordan, Pierres de mémoire, Editions Joëlle Losfeld.347 pages apaisantes.
06:05 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : pierres de méméoire, kate o'riordan, irlande, femmes, relations mère fille
05/12/2008
"Faites des bêtises, mais faites les avec enthousiasme !" Colette
On n’a jamais fini ! Que celle qui n'a jamais prononcé cette phrase se dénonce !:) Entre les bobos des maris ,"Je ne connais pas d’hommes capables d’un simple rhume"(Lisa Rochambeau –Lapierre), le bazar , "Ranger la maison tant que les enfants ne sont pas élevés c’est un peu comme de déblayer les congères devant la porte tant que la neige continue de tomber."(Phyllis Diller) certaines se résignent :"Je mettrai un peu d’ordre dans ce souk quand les enfants auront quitté la maison ."(Erma Bombeck).Nous trouvons néanmoins-miraculeusement- le temps de quelques Papotages, même si comme l'affirme Marilyn Monroe : "Une jeune fille de bonne famille c’est quelqu'un qui sait jouer au tennis et au golf, jouer du piano et surtout jouer les muettes." Après tout ,Les femmes aiment les choses simples…les hommes par exemple ! et Helen Exley le sait bien, elle qui nous présente ces trois volumes de citations humoristiques et pétillantes , illustrées de manière tonique. A offrir... ou à s'offrir !
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : humour, femmes, hommes, helen exley
25/11/2008
"Tous avaient triomphé à leur façon. Simplement en vivant, en parvenant à leur âge."
Les héroïnes de Mary Gordon craignent souvent de se faire rattraper par un passé qu'elles considèrent comme peu glorieux, vaguement humiliant. Par conséquent , elles ne mentionnent même pas la présence , pourtant évidente,de celles qui incarnent "Celle que nous craignons de devenir quand nous aurons perdu notre prospérité.
Celle que nous sommes réellement."
Ce sentiment d'imposture les taraude , tout comme les erreurs d'interprétation qu'elles commettent ou qu'on commet à leur encontre, même si cela leur serait favorable.
Elles cherchent à se "créer un monde exempt de perturbations" mais évidemment se prennent la réalité en pleine figure. Il ne leur reste donc plus qu'à se préserver un semblant de dignité pour continuer à avancer...
Les petites filles des nouvelles de Mary Gordon débusquent les intentions cachées derrière la bonté apparente des adultes et ne se veulent redevables de rien. Elles observent le monde avec acuité , et leur vision parcellaire n'en est pas moins dérangeante pour leur entourage.
Tout ceci pourrait être sinistre,il n'en est rien car la plume de Mary Gordon est alerte , pleine d'humour et d'empathie pour ses personnages.
Kathleen, Nettie, et tous les autres, sans oublier Le mari de la Traductrice, apprécient la douceur d'une pluie , s'entendent comme larrons en foire et savent faire souffrir sans remords ou presque.
Fil rouge entre tous ces récits, une narratrice écrivaine , situation qui ne la préserve pas du sentiment d'imposture , qui donne à voir en action le travail de création littéraire.
Vingt et une nouvelles aux tonalités très différentes mais qui réchauffent le coeur. Une écrivaine à découvrir sans tarder, foi de livre corné !
Mary Gordon. Le mari de la traductrice. Quai Voltaire.408 pages
05:50 Publié dans Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : mary gordon, le mari de la traductrice, femmes, sentiment d'imposture, nouvelles
24/11/2008
"Il voulait savoir comment elle fonctionnait."
Envie de vous (re) plonger dans les sixties ? Alors vite précipitez-vous sur La femme comestible de la candienne anglophone Margaret Atwood !"69 année érotique" nous susurrait alors Jane B., mais rien de tel dans ce roman où les femmes portent encore des gaines , même si elles n'ont pas de problèmes de poids, engoncées qu'elles sont dans un moralisme dévastateur ; une époque où la pilule est autorisée mais soupçonnée par certaines de modifer leur personnalité et où des propriétaires d'appartement veillent farouchement sur la bonne moralité de leurs locataires femelles.
Se marier et enchaîner les grossesses ? faire un enfant toute seule ? En tout cas certainement pas devenir une de ces vierges en col blanc avec lesquelles elle travaille ! Irrésolue, Marian a parfois des réactions impulsives qui traduisent son mal-être, mais tout va s'accélérer quand ses fiançailles avec Peter vont devenir officielles. La jeune femme va rejeter la nourriture , non pas parce qu'elle se trouve trop grosse, mais par un rejet beaucoup plus viscéral que cela ,rejet qu'elle ne contrôle d'ailleurs pas.
La première partie du roman , je l'ai d'abord envisagée un peu à la manière d'un document sociologique mais très vite Marian et tous les gens qui gravitent autour d'elle me sont devenus familiers.
La construction du roman, en parfaite adéquation avec l'évolution de la jeune femme , m'a séduite et j'ai particulièrement apprécié l'humour décapant de Margaret Atwood( après cette lecture, vous n'envisagerez plus votre passage chez le coiffeur de la même façon, je vous le garantis ! ).
Un roman que j'ai dévoré le sourire aux lèvres car hommes et femmes y sont croqués sans façons, avec un humour corrosif et efficace.
La femme comestible. Magaret Atwood.521 pages . Editions Robert Laffont, collection Pavillons poche.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : la femmecomestible, margarte atwood, sixties, femmes, humour pétillant, ah que j'ai souri !, quête d'identité
09/09/2008
Bande de vieilles taupes
"Vestiaire de rugby",ring de boxe ? Non , Cabine commune d'essayage dans une boutique de luxe.
Sous forme de dialogues enlevés, sans une ligne de description, Delphine Bertholon réussit le pari de croquer sur le vif, les clientes (ou clients) et le personnel de ce magasin de vêtements féminins.
De bizarres tribus s'y croisent le temps d'un essayage: "Celle-qui-veut-tout-pareil-que-la- voisine", les "Princesses", celles qui ont un problème avec leur corps : elles vont perdre deux kilos, elles n'ont jamais mis de 40 de leur vie... Elles mettent les nerfs des vendeuses à rude épreuve , vendeuses qui prédisent que "Bientôt les meurtres en boutique par des vendeurs excédés vont se généraliser(...) Un mal nécessaire, quoi !".
Unité de temps, une semaine, unité de lieu, la cabine, ce cadre bien précis donne toute leur force à ces mini-drames qui se donnent à voir.
Beaucoup d'humour (et de patience) sont nécessaire au personnel du magasin pour faire face à ces clientes , telle celle-ci qui affirme tout de go:"-Le mohair ça grattouille l'angora ça peluche la soie c'est fragile le cachemire ça fait des bourres et le mérinos ça rétrécit.
- Vous êtes sûre que vous voulez de la laine? ".
Néanmoins ces cabines ont un avantage pour certaines: "Je ne viens pas pour acheter. mais voir tous ces corps défraîchis à côté du mien, ça me remonte le moral ! Vos cabines communes, c'est ma cure de jouvence!". On peut quasiment en dire autant du roman de Delphine Bertholon : on en sort le sourire aux lèvres, toute ragaillardie !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : femmes, humour, delphine bertholon, cabine commune
05/09/2008
séance de rattrapage
06:03 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : littérature anglaise, femmes, rachel cusk, arlington park