22/04/2022
Les femmes aussi sont du voyage
"Sans le concours des esclaves, domestiques, cuisiniers, interprètes et autres subalternes , un grand nombre d'explorations auraient été rendues impossibles. "
Aujourd'hui encore le voyageur est majoritairement un homme, blanc et occidental de surcroît. Pourtant, bien que reléguées dans la sphère domestique, des femmes ont enfreint les règles de la société et se sont lancées dans des voyages.
Une femme ayant réalisé un périple suscite de nombreux avertissements avant, voire le soupçon après (a-t-elle vraiment réalisé cet exploit? ) et si elle part en couple ou en famille, elle sera reléguée dans l’ombre de son compagnon.
Changeant de perspective, étayant ses propos de nombreux exemples, Lucie Azema démontre en deux parties les liens du voyage avec la démonstration de la virilité et la misogynie qui lui est inhérente.
Elle pointe aussi du doigt la nécessité de décoloniser le voyage et la fétichisation du corps des femmes dans les récits de voyage, que ce soit dans l'évocation des harems ou des bordels.
Elle affirme enfin l'effet émancipateur du voyage pour les femmes ainsi que les mensonges et les approximations dont se rendent souvent coupables certains grands voyageurs dont la misogynie peut mettre en péril la vie de celles qu'ils accompagnent.
Un essai qui suscite l'envie de dévorer une brassée de récits de voyages ...au féminin !
Flammarion 2021.
06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : lucie azema, femmes, voyages
02/12/2019
Notes à usage personnel
"J'ai peur d'être cette femme qui dérange. Et peur de ne pas déranger assez.
J'ai peur. Mais je le fais quand même."
Dans ces Notes à usage personnel, Emilie Pine évoque d'abord les souvenirs qu'elle a gardé d'une crise familiale: celle où son père, volontairement exilé en Grèce, a failli mourir à cause de son addiction à l'alcool.En filigrane, elle dépeint le portrait d'un homme, écrivain, autocentré et bien peu concerné semble-t-il par ses filles. Avec franchise, courage, c'est aussi le dialogue entre un père et sa fille, en perpétuelle évolution, avec ses hauts et ses bas ,qui se donne aussi à lire et l'essentiel est qu'il continue.
Dans les cinq autres essais, Emilie Pine va encore au plus près de son intimité puisqu'elle évoque tour à tour son infertilité (alors que sa sœur est enceinte), son sentiment de solitude quand ses parents sont séparés dans une Irlande qui n'autorisait pas encore le divorce, son anorexie et de manière plus générale son rapport difficile à la douleur et au corps , les violences faites au femmes, son addiction au travail et la dépression.
Féministe, elle l'est mais ce n'est pas pour autant facile de d’admettre, même a posteriori ,qu'elle a été violée, tant la question du consentement était alors biaisée, et le reste encore trop souvent. Ce n'est pas non plus facile de lutter contre le sexisme ambiant , même quand, comme elle, on occupe un poste de professeure de théâtre contemporain au sein d'une université.
Un parcours poignant, au plus près du corps et des émotions, sans fards qui bouleverse m,ais donne aussi à réfléchir. On se réjouit que l'auteure, à qui son père avait fait promettre quand elle était enfant, de ne pas écrire , n'ait pas respecté cette promesse.
Traduit de l'anglais (Irlande) par Marguerite Capelle. Delcourt 2019, 188 pages puissantes.
06:00 Publié dans Essai | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : emilie pine, irlande, femmes
28/01/2017
Culottées t1 et t2 Des femmes qui ne font que ce qu'elles veulent
"Accepte le fait que tu es beaucoup plus que tu penses être." Cheryl Bridges (athlète)
Un énorme merci à Pénélope Bagieu qui avec ces Culottées nous présente avec humour et délicatesse des femme connues ou pas (j'en ai découvert une flopée),originaires d'Europe, d'Amérique du Nord ou du Sud mais aussi d'Inde, d'Afrique ou d'Afghanistan.
Contemporaines ou non, elles ont pour point commun d'avoir dû lutter pour imposer leurs idées dans un monde d'hommes, lutter pour obtenir leur liberté,leur singularité ,lutter pour vivre tout simplement
.Nous en connaissons certaines, mais pas forcément sous tous leurs aspects. Ainsi Hedy Lammar, sex- symbole par excellence (elle a été l'héroïne totalement dénudée du film "Extase" en 1931 à l'âge de 17 ans) a-t-elle été à l'origine de plusieurs inventions, d'abord méprisées par l'armée américaine (une actrice, pfff)!J
J'ai particulièrement été touchée par la très discrète Giorgina Anzulata, (1908-2001) qui, avec très peu de moyens, mais beaucoup de bonnes volontés, a réussi à sauver un phare de l'ensablement. Quant au parcours de de la jeune rappeuse afghane Sonita Alizadeh qui a réussi à échapper à plusieurs mariages forcés , il est marqué par la réification du corps des femmes, qui n'est envisagé que comme marchandise.
Pénélope Bagieu ne se gêne pas pour tacler au passage certains hommes célèbres. Ainsi Haroun Tazieff qui , à plusieurs reprises rabaissa le travail des volcanologues Katia et et Maurice Krafft ou de souligner au passage que c'est sous Barack Obama que l'avocate Jesselyn Radack se retrouva au cœur d'un véritable cauchemar car elle avait été une lanceuse d'alerte.
C'est donc tout un panel de femmes courageuses, intelligentes et inventives qui s'offre à nous, de quoi offrir de beaux exemples à nos filles et garçons.
- Pénélope Bagieu a réalisé ici une œuvre d'utilité publique en nous offrant tous ces modèles valorisant de femmes.
Culottées T1 et 2, Pénélope Bagieu, Gallimard 2016 et 2017.
06:00 Publié dans BD | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : pénélope bagieu, femmes
13/06/2013
La fréquentation des à-pics
"On rejoint les adultes au seuil de l'explication du monde et on voit bien qu'ils n'en savent pas plus."
Épouses, mères, grands-mères ou petites-filles, de l'immédiat après-guerre au XXIème siècle, Catherine Charrier s'attache à nous peindre ces femmes qui connaissent La fréquentation des à-pics.
Rien de spectaculaire pourtant mais des situations sur le fil du rasoir, des prises de consciences infimes mais marquantes, des vies simples capturées dans la durée ou en un fragment et qui possèdent une intensité extrême. Des détails capturés, un bisou sur une nuque paternelle dans une 403, et c'est tout l'amour d'une ex-petite fille qui reparaît. Cela peut être aussi un regard suffisamment aigu pour prendre conscience d'une injustice, d'une violence banale et l'on bascule dans la "désillusion sombre et imbécile des adultes." Mais ce sont également des repères lumineux qui apparaissent dans la trame des jours, une amie qui tend la main quand le monde se dérobe sous vous, des éclaircies dans le malheur.
On sent beaucoup d'empathie de la part de l'auteure car toutes ces histoires, vécues par elle ou qui lui ont été confiées, sont racontées avec pudeur et sensibilité. J'ai mis du temps à entrer dans la première nouvelle, Irène, car je craignais la caricature, l'histoire déjà rabâchée (une jeune française s'entichant d'un GI noir) mais , au fil du récit, les descriptions pleines de luminosité et de sensualité ont fait que j'ai pu accepter l'attitude de cette femme libre, plus femme que mère. Une très jolie découverte !
Lu dans le cadre de Masse critique.
La fréquentation des à-pics, Catherine Charrier, Kero 2013 , 225 pages sensibles et poétiques.
Merci à Babelio et à aux éditions Kero !
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : catherine charrier, femmes
08/05/2011
Un été sans les hommes
"Le temps est une question de pourcentages et de convictions."
Abandonnée par son mari, Mia, poétesse rousse aux cheveux frisés a "pété les plombs" s'est retrouvé un court moment en hôpital psychiatrique . L'été venu, la quinquagénaire part se réfugier auprès de sa mère qui réside dans une maison de retraite du Minnesota.
Là, au contact de la vieille dame et de ses amies qui profitent de la vie avec une réjouissante férocité, Mia va se reconstruire peu à peu, au fil de ses rencontres avec des femmes de tous âges.
Un été sans les hommes est un roman qu'il faut prendre le temps de savourer, tant pour ses réflexions sur le temps, la vie des femmes et ce quel que soit leur âge, les différents rôles que la vie leur fait endosser mais aussi pour la très grande énergie et la compassion qu'il dégage.
Il faut absolument faire la connaissance d'Abigail ,nonagénaire brodeuse rebelle, qui "maintient qu'à force de pétiner ses désirs on les déforme." et assister aux cours de poésie que donnent Mia à de pas si charmantes adolescentes que cela.
Les mots et leur pouvoir tiennent en effet un grand rôle dans ce texte , envolées féministes mettant à bas des préjugés sexistes , mots chuchotés pour distiller un pernicieux venin mais aussi citations poétiques qui sont autant de balises par temps agité...
Un été sans les hommes, Siri Hustvedt, traduit de l'américain par Christine Le Boeuf, actes Sud 2011
216 pages réconfortantes et une sublime couv' qui vont filer, zou, sur l'étagère des indispensables !
Un coup de coeur aussi pour Cuné,
L'avis de Fashion
18:50 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : siri hustvedt, femmes
07/12/2010
Traité culinaire à l'usage des femmes tristes
"Il est des jours où tu te lèves avec une tête de tempête..."
Des femmes il en sera beaucoup question. De cuisine un peu moins. Et la tristesse dans tout ça ? Elle est provoquée généralement par les hommes qui, ici, n'ont pas le beau rôle !
"Le travail est la cachette qu'ont trouvée les hommes pour ne pas vivre sur un rythme plus humain et plus décent. C'est leur façon de pouvoir être seuls sans avoir à dire qu'ils veulent être seuls.", affirme l'auteur..
Héctor Abad Faciolince , de manière tantôt posée, tantôt poétique, avec humour aussi (difficile de trouver de la viande de mammouth!) prodigue ses conseils aux femmes tristes et les incite à accepter leur âge mais aussi à savoir profiter de la vie. C'est rempli de bon sens et j'ai rarement lu une telle défense des femmes et une telle incitation, à mots couverts, à l'infidélité et au mensonge par omission !
Sous couvert de références scientifiques dont on est en droit de mettre en doute l'authenticité , mais qui s'avèrent savoureuses, il titille notre curiosité (cf le linguiste mentionné en passant et ses histoires de mots hantés) et nous concocte un pot-au feu-, sancocho dans le texte. Quelques banalités relevées de pépites.
Traité culinaire à l'usage des femmes tristes, Héctor Abad Faciolince, traduit de l'espagnol (Colombie) par Claude Bleton, Jean-Claude Lattès 2010, 178 pages qui ne m'ont pas totalemnt convaincue.
06:00 Publié dans Objet Littéraire Non Identifi | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : héctor abad faciolince, femmes
24/08/2010
Corps
"Je suis pour elles une étrangère et une intime. Le paradoxe incite à la confidence."
Du corps de Monika, la narratrice qui travaille dans un institut de beauté, nous ne connaîtrons rien. Ou presque. Juste les souvenirs d'enfance, au seuil de l'adolescence ,quand la fillette mesurait sa féminité à l'aune des femmes qui l'entouraient, soeur, mère ou voisine.
Aujourd'hui, c'est elle qui regarde et surtout qui écoute des clientes jamais satisfaites de leurs corps. Un corps qui n'est jamais en adéquation avec les critères en vogue. Des corps dont Monika interprète la matière, la langueur, et pour qui elle a beaucoup d'empathie, à de rares exceptions près.
En tissant les souvenirs de l'esthéticienne aux confidences de ses clientes, Fabienne Jacob évite l'aspect "succession de portraits" et confère une vraie chair à son roman. Son style , parfois rude mais aussi sensuel, peut parfois heurter mais j'en retiendrai surtout son adéquation avec l'exploration de ce territoire de l'intime. Une jolie découverte que j'ai envie de poursuivre en lisant les recueils de nouvelles de l'auteure. Un livre, pour lequel j'aurais eu un vrai coup de coeur s'il avait davantage développé l'aspect tactile du métier évoqué.
Corps, Fabienne Jacob, Buchet-Chastel 2010, 157 pages.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : fabienne jacob, femmes
20/03/2010
Couleur femme
Juste quelques notes pour vous signaler au passage trois livres de chevet (et/ou de sac) qui m'accompagnent en ce moment et viennent de paraître:
*Quelqu'un plus tard se souviendra de nous qui de Sapphô à Kiki Dimoula en passant par Emily Dickinson ou Sylvia Plath, regroupe des "tranches" d'oeuvres poétiques écrites par des femmes, parues aux Editions Gallimard. Rien de bien neuf donc mais un aperçu permettant de donner envie d'aller plus loin dans la lecture.
*Couleur femmes, bien plus intéressant car présentant des auteures francophones contemporaines dont certaines ont confié des inédits. Des textes écclectiques montrant la force et la diversité des écritures. Une très intéressante biobibliographie pour poursuivre la découverte. Un indispensable.
Poèmes de 57 femmes et une préface de Marie-Claire Blanquart, au Castor Astral.
* Pas revoir suivi de Neige rien de Valérie Rouzeau aux éditions de La petite Vermillon. Des textes très abordables qui disent la mort du père sans aucun pathos, en disloquant les phrases, en triturant les mots mais en livrant une émotion intacte.
Valérie Rouzeau a traduit Sylvia plath et a écrit des textes pour Indochine.
06:00 Publié dans challenge des saisons, Poésie | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : printemps, femmes, poésie
08/03/2010
Drôles de femmes
Yolande Moreau, Sylvie Joly, Anémone, Amélie Nothomb, Florence Cestac, Michèle Bernier, Maria Pacôme, Tsilla Chelton, Dominique Lavanant sont de Drôles de femmes rencontrées par Julie Birmant et croquées par Catherine Meurisse.Cela donne un album chaleureux où Julie Birmant se met en scène, donnant à voir l'admiration ou l'amour qu'elle éprouve pour ces femmes hors du commun. Chacune d'entre elles a dû prendre la vie à bras le corps, forcer son destin, lutter contre les préjugés, que ce soit Tsilla Chelton que son éducation ne destinait en rien à jouer Ionesco ou l'inoubliable Tatie Danielle, Anémone, rejetant le système du cinéma français ou Michèle Bernier qui a su imposer à la fois un physique atypique et une pièce , le fameux Démon de midi prenant à rebrousse-poil les discours convenus...
Anecdotes hilarantes ou confidences se succèdent au fil des rencontres et même si on sent parfois que le courant n'est pas toujours passé avec la même intensité, il n'en reste pas moins que chaque portrait est à la fois respectueux et riche.
A lire et relire, y compris par les plus jeunes qui ne se rendent pas toujours compte du chemin parcouru par les femmes, y compris dans le monde de l'humour. C'est la journée de la femme, les filles, je prends le droit de faire ma féministe !:)
Un énorme merci à Cuné, qui d'autre pouvait dénicher une telle pépite ? !
Drôles de femmes, Julie Birmant, Catherine Meurisse , Editions Dargaud 2010
06:00 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : humour, femmes, julie birmant, catherine meurisse
24/02/2010
Heureuse ou presque
Les héroïnes de Heureuse ou presque se marient- ou pas-, ont souvent une soeur jumelle, jalousent leur fille trop belle, ne ressentent aucun amour pour leur nouveau-né, bref explorent toute la palette-parfois dérangeante- des sentiments de la sphère féminine. On a parfois l'impression de feuilleter un catalogue ou de regarder tourner un manège sans rien pour retenir notre attention car le style est très plat et, aussitôt lues ,ces 94 pages ont été aussi vite oubliées. Reste une appétissante couverture.
06:04 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : isabelle lortholary, femmes, gemellité, schtroumpf grognon le retour