29/08/2010
Vivement l'avenir
"La vie m'apprend de force, et c'est tant mieux."
Alex, jeune femme trentenaire volontairement sans amarres, a atterri un peu par hasard chez Marlène. Marlène , la forte en gueule qui malnène avec une belle ardeur la langue française et son mari , sans oublier celui qui lui pourrit un peu beaucoup ses rêves, son beau-frère handicapé, rebaptisé affectueusement Roswell par Alex.
Bien qu'elle s'en défende, la jeune femme va s'attacher de plus en plus à ce Picasso en volume ainsi qu'à deux autres garçons de son âge , Cédric et le Mérou, qui font le désespoir de leurs parents à osciller entre glandouille et chômage.
Cette rencontre sera peut être le déclic qui donnera envie à ces trentenaires angoissés de se lancer car "Combien de gens s'abonnent au malheur, tout seuls, comme des grands, et ne résilient plus jamais l'abonnement ? "
Des personnages sans prestige mais pas sans panache , une vie quotidienne parfois tristouille mais qu'il suffit de bousculer un peu pour la faire briller de nouveau, redonner un peu de lustre aux rêves du passé, voici un joli programme que nous propose Marie-Sabine Roger. On y croit le temps du livre et on collecte avec plaisir les citations comme autant de gri-gri pour les jours sans.
La construction alterne les points de vue et génère le sourire qand on voit comment une même situation peut être interprétée différemment par les protagonistes.
J'ai particulièrement apprécié le rapport aux mots qu'ont les personnages: Alex qui mine de rien rectifie les expressions de Marlène, qui s'enferre de plus belle, Le Mérou qui dispose de certains mots définitifs, mais aussi la poésie qui se fraie un chemin à travers le langage entravé de Roswell...Une écriture qui n'en fait jamais trop et ne tombe pas dans la joliesse, un très beau moment de lecture.
Vivement l'avenir, Marie-Sabine Roger, Editions du Rouergue, la brune 2010 , 302 pages Sschuper ! comme dirait Roswell.
Un grand merci Dame Cuné !
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : marie-sabine roger, amitié
27/08/2010
'Ta mère
Des fils, des mères, dont les destins s'entrelacent pour échapper à l'armée russe, pour échapper à la guerre en Tchétchénie, pour retrouver une mère dans une Saint-Péterbourg étouffant sous la chaleur et sous les bâches de la grande rénovation en vue du tricentenaire de la ville.
Mais peut-on échapper à son destin et à la violence dans une ville conçue pour que chacun soit exposé au regard de tous ?
'Ta mère tisse le destin de trois garçons qui peinent à trouver leur place dans un monde où toute échappatoire semble impossible. Des brèches semblent s'ouvrir mais c'est pour que les mâchoires d'un piège cruel se referment sur le fugitif . La violence est omniprésente, elle sature ce récit qui pourtant ne sombre jamais dans le voyeurisme ou la complaisance. Un récit qui orchestre différents points de vue , sans que l'on se perde, et établit un lien entre Brésil et Russie , justifiant ainsi que ce roman se déroulant à Saint-Pétersbourtg été écrit par..un Brésilien ! Un roman âpre et fort, où l'amour et la tendresse ne sont que de faibles lueurs mais dont les pages résonnent longtemps en nous.
A découvrir absolument !
'Ta mère, Bernardo Carvalho, traduit du brésilien par Geneviève Leibrich, Editions Métailié 2010, 216 pages ardentes.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : bernardo carvahlo, russie, brésil
24/08/2010
Corps
"Je suis pour elles une étrangère et une intime. Le paradoxe incite à la confidence."
Du corps de Monika, la narratrice qui travaille dans un institut de beauté, nous ne connaîtrons rien. Ou presque. Juste les souvenirs d'enfance, au seuil de l'adolescence ,quand la fillette mesurait sa féminité à l'aune des femmes qui l'entouraient, soeur, mère ou voisine.
Aujourd'hui, c'est elle qui regarde et surtout qui écoute des clientes jamais satisfaites de leurs corps. Un corps qui n'est jamais en adéquation avec les critères en vogue. Des corps dont Monika interprète la matière, la langueur, et pour qui elle a beaucoup d'empathie, à de rares exceptions près.
En tissant les souvenirs de l'esthéticienne aux confidences de ses clientes, Fabienne Jacob évite l'aspect "succession de portraits" et confère une vraie chair à son roman. Son style , parfois rude mais aussi sensuel, peut parfois heurter mais j'en retiendrai surtout son adéquation avec l'exploration de ce territoire de l'intime. Une jolie découverte que j'ai envie de poursuivre en lisant les recueils de nouvelles de l'auteure. Un livre, pour lequel j'aurais eu un vrai coup de coeur s'il avait davantage développé l'aspect tactile du métier évoqué.
Corps, Fabienne Jacob, Buchet-Chastel 2010, 157 pages.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : fabienne jacob, femmes
23/08/2010
Le chien boomerang
"C'était un sentimental inversé."
"C'est un vrai chien de chasse, un bleu bourru d'Auvergne" ainsi en a décidé , par intuition la mère d'Henri Cueco. Vrai chien de chasse ? A vérifier ,car Le chien boomerang (je vous laisse le plaisir de découvrir le bien-fondé de cette appellation), s'il chasse ce sont surtout les clients du petit commerce familial. Une vraie terreur, ce Loulou, et moche avec ça, mais pas question de le lui dire en face. Il se vexerait et se vengerait. Obsédé sexuel,voleur, mordeur, compissant la maison et les trottoirs, il se mêle de tout, dialoguant la nuit avec la seule qu'il aime et aux pieds desquels il est venu se coucher un beau jour, la mère de famille, veuve avec cinq enfants, qui lui passe tout, y compris les puces dont il infeste la maison.
Mais il y a une solution à tout, y compris à Loulou qui va contribuer à assurer la pitance de cette famille nombreuse au sein de laquelle il joue un vrai rôle en bon chien dominant qu'il est...
Truffé de dialogues incisifs et caustiques, rappelant tout à la fois la Toutouque de Colette ou les saynètes campagnardes de Jules Renard, Le chien Boomerang est bien comme l'indique la quatrième de couverture "Une histoire de famille" car à travers les frasques de Loulou se lit en creux le portrait d'une tribu jugée bohême par son voisinage. Un texte court où l'absurde le dispute à l'humour grinçant...
Mais après nous avoir fait rire avec cet inénarrable Loulou, Cueco enchaîne avec un deuxième texte, tout aussi savoureux mais consacré cette fois à un chat,Caramel, un fieffé voyou, rouleur de mécaniques , qu'un accident rendra plus tendre. Et le récit de se teinter de poésie et d 'émotion.
Seule la troisième partie, très courte, consacrée à l'explication d'une injonction maternelle énigmatique, m'aura laissée de marbre.
Bref, un livre destiné à tous ceux qui aiment l'humour caustique et pas seulement aux mérotes à chien et/ ou à chats !
Le chien Boomerang, Henri Cueco, JBz & cie 2010, 155 pages pour avoir la larme à l'oeil, de rire ou d'émotion.
06:00 Publié dans Humour, rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (10)
21/08/2010
Twist...en poche !
"Ma petite fille en fer blanc".
Delphine Bertholon, dans le roman Twist,traite d'une de nos angoisses les plus profondes quand on est mère ou père de famille : l'enlèvement d'enfant. Mais heureusement il ne sera pas question de pédophilie ici : R. qui a enlevé Madison, 11 ans, est bien évidemment un être dérangé mais il n'a pas l'intention de faire le moindre mal à la fillette qu'il gardera prisonnière durant cinq longues années.
Même si ce roman fait écho à des faits d'actualité, l'auteure dépasse le simple fait-divers en l'envisageant de manière polyphonique. Par le biais d'abord des lettres que la mère écrit secrètement à sa fille qu'elle refuse de croire morte, par les cahiers que Madison parvient à extorquer à son ravisseur car "Ecrire (...) m'emploie les mains et la cervelle, ce qui m'évite de taper dans les murs et de tourner sur moi même jusqu'à ne plus tenir droit."En effet, elle a du répondant Madison, elle a du caractère et ce qui lui permet de tenir bon et de manipuler tant bien que mal R.
Le dernier point de vue , qui prendra toute sa signification à la fin du livre, est celui du professeur de tennis pour qui la fillette avait le béguin. A la fois proche et extérieur, il offre un regard plus distancié: "Son prénom devint une marque déposée, le code-barre en sept lettres d'une société déglinguée".
L'évolution psychologique des personnages et particulièrement bien rendue et l'apect dramatique de la situation est contrebalancé par des pointes d'humour qui évitent tout pathos : "(Et un mec qui lit Auto-moto pour s'endormir ne peut vraiment pas être normal.)"
A mille lieues du thème exploré dans son précédent ouvrage, Delphine Bertholon confirme tout le bien que j'avais pensé d'elle car, tout en finesse, elle réussit à établir la bonne distance entre émotion et pathos. Une totale réussite même si j'ai trouvé le roman un tout petit peu trop long.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : delphine bertholon
18/08/2010
Le coeur régulier
"J'ai tant d'admiration pour ceux qui se relèvent."
Après la mort de son frère, sorte de mouton noir de la famille, une jeune femme part au Japon sur les traces du défunt, laissant en France un mari et des enfants adolescents qui semblent s'être éloignés d'elle. A moins que ce ne soit l'inverse...
Le coeur régulier est un creuset des différentes thématiques abordées dans les précédents romans d'Olivier Adam : le décès d'un frère marginal aimé, une femme que sa vie familiale ne satisfait plus vraiment, le suicide . L'auteur les revisite sans que le lecteur éprouve de déplaisir , au contraire, mais faute de cohérence et d'approfondissement le lecteur demeure perplexe.
En effet, le Japon n'est ici qu'un décor que quelques mots étrangers jetés de- ci ,de-là ,ne suffisent pas à camper et l'atmosphère créée autour de cette falaise d'où se jettent des gens à bout de force pourrait être aussi bien française que nipponne.
Quant à son héroïne, elle souffre d'un manque d'inscription dans une quelconque réalité sociale. On ignore quasiment tout du métier qu'elle exerce , semblant flotter dans une abstraction qui fait perdre toute profondeur à sa souffrance. On attendait ainsi, par exemple ,plus de mordant dans la description du stage de motivation auquel elle participe.
Bref, tous ceux qui ont aimé les précédents romans d'Olivier Adam ne seront pas dépaysés mais resteront un peu sur leur faim.
Le coeur régulier, Olivier Adam, Editions de l'Olivier 2010 , 232 pages .
Clara a beaucoup aimé.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (24) | Tags : olivier adam
17/08/2010
Le royaume minuscule
"J'étais un ingrédient trempé à toutes les sauces."
La narratrice, jeune française vivant à Londres, ne supporte pas sa voix et peine à se faire une place dans un monde vaguement menaçant, auquel elle a du mal adapter les fluctuations de sa personnalité. Il lui faudra aménager un placard dans l'appartement de son compagon , Seymour, pour parvenir à se créer un Royaume minuscule où elle pourra écrire en toute sérénité et peu à peu s'intégrer au monde extérieur sans trop de perturbations.
Il m'a fallu m'y reprendre à deux fois pour terminer ce premier roman.En effet, le début , comme indiqué par L'Ogresse, sent à plein nez le récit semi -autobiographique d'une drôlesse d'une trentaine d'années qui tente de nous faire passer pour passionnante sa vie quotidienne. Et puis, j'ai passé ce cap et je me suis positivement ré-ga-lée car même si sa narratrice est souvent agaçante, le style de l'auteur, original, plein de panache pour raconter les micro événements de la vie de son héroïne prend le dessus et l'on déguste ce roman plein d'inventions et de cheveux coupés en quatre qui, finalement , donnent le sourire !
Le royaume minuscule, Nataska Moreau, editions Léo Scheer, 2007, 282 pages acidulées.
Le billet de l'Ogresse qui m'avait donné envie, clic.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : nataska moreau
11/08/2010
Made in china
Victime de la malédiction du second roman, J.M Erre ?
En tout cas Made in China possède un titre fort approprié à son contenu : clinquant et de mauvaise qualité.
Cette loufoquerie de Série Z n'arrive pas à décoller malgré les clins d'oeil (lourdingues) au lecteur. On se soucie comme d'une guigne de cette quête d'identité de Toussaint Legoupil et on n'attend qu'une chose: voir le bout des tribulations de ce"Chinoir"* en Chine.
A oublier très vite. Privilégier Série Z et Prenez soin du chien, nettement plus drôles et aboutis.
* Noir né en Chine.
Cuné a aimé. Et elle ne doit pas être la seule, tout le monde en dit le plus grand bien, dénoncez-vous les filles et les gars, je vous mettrai en lien !:)
Voici ce que j'écrivais sur Prenez soin du chien :
Plein de surprises dans ce roman échevelé, doté, comme le précise Max Corneloup, l'un des héros ,d"une intrigue téléphonée" ; Max Corneloup qui, pour échapper à ses soucis va passer deux nuits sur la plage de Saint-Valery-sur-Somme (en décembre !) et proclame "Je reviendrai grand, fier et fort.Requinqué à la tarte au Maroilles".
Bon, la tarte au Maroilles, Max, c'est plutôt dans L'Avesnois mais pas grave, on te pardonne !
Comme on pardonne à l'auteur de nous faire quitter si tôt tous ces personnages qui nous avaient donné le goût du roman feuilleton, plein de rebondissements et de mise en abyme...
Requinquant comme la tarte au Maroilles!
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : j.m.erre, schtroumpf grognon le retour
08/08/2010
Désordre et sentiments
"C'était plus qu'un chagrin, c'était un crève-coeur."
Doté de nombreux clins d'oeil -dont le titre évidemment- à Jane Austen, Désordres et sentiments est une "fantaisie" sororale que l'on pourrait qualifier de pochade si l'on est de mauvais poil ou de , je cite la quatrième de couv' rédigée par Anna Gavalda elle même, "un moment de complicité joyeuse".
Disons que ces 71 pages, format petit carnet ,destinées aux lecteurs d'un club de lecture se situent quelque part entre les deux.
La langue oralisée et relâchée, les nombreux borborygmes ne m'ont pas vraiment gênée, non, ce qui m'a le plus agacée c'est cette volonté de différer indéfiniment l'explication de la situation rocambolesque dans laquelle se sont fourrées deux soeurs en goguette.
Les évocations chaleureuses et pleines de charme de scènes familiales m'ont davantage convaincue que le récit de cette vengeance un peu lourdingue .
Gavalda patauge parfois dans la facilité (voir pour s'en convaincre la description des amoureux de sa soeurette) et on l'a connue plus en forme. A réserver aux afficionados.
Désordre et sentiments, Anna Gavalda , France Loisirs 2010, offert au début de l'été comme cadeau promotionnel.
L'avis de Laure.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : anna gavalda, soeurs
07/08/2010
Mon évasion
Une grand dame du féminisme et une grande dame tout court. A découvrir d'urgence si ce n'est déjà fait car son avant dernier opus vient de sortir en poche...
Benoîte Groult est un électron libre plein d’humour et c’est pour cela qu’on l’aime, cette charmante vieille dame aux yeux pétillants.
Elle n’a jamais appartenu à un part politique, jamais fait partie d’un groupe féministe, on ne lui a même pas demandé de signer le fameux manifeste des « 143 salopes » , comprendre le manifeste où des femmes reconnaissaient publiquement avoir avorté à une époque où l ‘IVG était interdite, et pourtant elle était concernée !
Non, elle ne rentre pas dans le moule, ses romans font scandale auprès des vieux barbons machistes mais connaissent un succès formidable car les femmes se rectrouvent dans ce qu’elle écrit. Quand j’entends un ministre proposer de revenir aux couches lavables pour bébés, j’ai envie de le renvoyer à le lecture des Vaisseaux du cœur où Benoîte Groult fait une description proprement apocalyptique de la quantité de travail que représentait ces couches aujourd’hui « écologiquement correctes »..
Dans son autobiographie, Mon évasion, elle revient ,sous une forme éclatée (récits mais aussi entretiens avec Josyane Savigneau, où l’on sent que s’établit une réelle complicité entre les deux femmes) sur ce qui l’a amené à prendre conscience de sa réelle personnalité, de ses réels besoins, dans une société encore lourdement misogyne.
Jamais amère, elle revient à la fois sur ses mariages , ses combats (la lutte contre l’excision, le droit à mourir dans la dignité) et nous propose aussi un récit la montrant à la fois en grand-mère indigne et tendre. Elle ne se pose jamais en modèle, mais on a diablement envie de l'imiter,en espérant être comme elle à son âge !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : benoîte groult