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12/01/2011

Dos à dos

"Marcher en fermant les yeux au milieu d'un champ de mines était une discipline qu'il maîtrisait parfaitement (...)."

Arnaud, gueule d'ange et comportement de voyou, débarque sans prévenir chez ses parents : Gabriel  futur ex-romancier et Esther mère -poule aveuglée par l'amour. Le temps de commettre un nouveau forfait et le voilà reparti, entraînant sa famille dans une course-poursuite dont le jeune homme ne mesure pas la gravité.41Ib3H9S-VL._SL500_AA300_.jpg
En assignant à un écrivain "à moitié tué" par "le grand bazar de l'écriture" un rôle principal, Sophie Bassignac en profite pour nous livrer, mine de rien, une des clés de son roman : "J'appâte les lecteurs avec un meurtre ou une disparition  et quand ils sont ferrées, je leur parle d'autre chose".
Ferrés nous le sommes sans problème par ces personnages qui ne manquent pas de chair et , même si parfois l'intrigue perd parfois un peu de rythme, la vigueur et la vivacité de l'écriture emportent totalement l'adhésion. Sophie Bassignac confirme ici tout le bien que j'écrivais déjà d'elle ici.
Les reflexions  sur l'écriture qui jalonnent le roman sont à recueillir avec jubilation par tous les amoureux de la littérature !

Dos à dos, Sophie Bassignac, Jean-Claude Lattès, 2011, 233 pages funambules.

 

10/01/2011

Serena

"Faut dire qu'on avait encore jamais vu sa pareille dans nos montagnes."

Quand Serena rencontre Georges Pemberton, riche exploitant forestier, elle est persuadée d'avoir enfin rencontré quelqu'un à la mesure de son ambition et de sa personnalité, forte, implacable. Les deux époux entendent bien dévaster à leur profit la forêt que tentent de préserver quelques écolos avant l'heure (nous sommes dans les années 30 aux Etats-Unis), en créant un parc national.516B3E90v2L._SL500_AA300_.jpg
Que Pemberton fasse mine de préserver la vie du bâtard qu'il a conçu avant son mariage va bientôt changer la donne car on ne se met pas impunément en travers du chemin de Serena.
A la lecture de la scène initiale du roman de Ron Trash, le lecteur , à peine remis du choc,  a un doute, se croyant au temps du Western tant la violence semble banalisée et quasi impunie. Mais ce sont bien les années de la crise de 29,  qui entraînent des hordes de chômeurs dépenaillés à se présenter en rangs serrés pour remplacer les bûcherons dont l'espérance de vie est très réduite, étant donné leurs conditions de travail, qui sont ici décrites avec souffle et puissance.
La destruction de la forêt - et de toutes les formes de vie qu'elle hébergeait- ainsi que le comportement de prédateurs des époux Pemberton, qui usent indifféremment de la violence ou de la corruption, sont commentés par une équipe de bûcherons qui assume le rôle de choeur dans cette tragédie moderne. Leur langue truculente et leurs commentaires acérés insufflent un peu d'oxygène dans une atmosphère qui emprunte à la fois au thriller quand la traque se met en place et au réalisme magique, tant la figure de Serena évoque celle de la femme maléfique et ensorcelante. On a le coeur qui bat la chamade , on étouffe devant tant de noirceur et on ne peut s'empêcher de penser que la situation décrite trouve des échos dans notre XXI ème siécle tout aussi destructeur, avide et gaspilleur. Magistral.

Serena, Ron Trash, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Béatrice Vierne, Le Masque 2011, 404 pages redoutablement prenantes.

Bon, maintenant je suis cuite: il ne me reste plus qu'à lire Un pied au Paradis !

09/01/2011

La peine du menuisier...en poche

"Le Menuisier ne parlait pas."

Le Menuisier,  nous l'apprendrons au fur et à mesure du récit, c'est le père de la narratrice, cette enfant née tardivement au sein d'un foyer où l'amour circule mais pas forcément les mots. Nous sommes dans les années  cinquante, en Bretagne , dans une famille modeste , où la mort est toujours présente , que ce soit par les photos des disparus ,la proximité du cimetière ou les décès que l'on ne cache pas aux enfants.
La narratrice, devenue adulte et ayant réussi à devenir  professeur, ce qui la place un peu en porte -à- faux  par rapport à ses  origines, ressent toujours un profond malaise par rapport à celui qu'elle ne désigne que par sa fonction, comme si elle voulait le tenir à distance. Pourquoi ?517AF9FXfZL._SL500_AA300_.jpg
Elle sent  confusément qu'elle appartient à un lieu "où je n'ai pas  vécu mais dont l'histoire circule ne moi, dans ce corps exhibé, élastique et souple,  insolent  de jeunesse  et de fraîcheur." mais également qu'un secret pèse sur la famille paternelle, empesant leurs relations. Il lui faudra beaucoup de temps pour remonter au jour cette hstoire familale dont elle est prisonnière car "Nous ne sommes  pas seulement les héritiers d'un patrimoine génétique, mais d'un nombre infini d'émotions transmises à notre insu  dans une absence  de mots, et plus fortes que les mots."
En phrases sobres, comme gravées dans le granite breton, Marie Le Gall  nous emprisonne dans cette atmosphère étrange et envoûtante. On pense parfois au roman d'Annie Ernaux, La  place, pour  ce qui est du décalage entre la modestie  des origines et l'ascension sociale de la jeune femme mais Marie Le Gall privilégie  davantage cette recherche obstinée et patiente du secret familial afin d ecomprendre La peine du Menuisier., qui est aussi la sienne.Un premier roman lent et fascinant. Une langue superbe.

30/12/2010

La cote 400

41TP-08uMaL._SL500_AA300_.jpg"La pire, c'est l'angoisse de la fantaisie."

Une bibliothécaire , comme une petite souris, recluse- ou presque -dans un sous-sol où seuls des étudiants viennent la déranger ,découvre un jour un malheureux lecteur qui s'est endormi dans son domaine.
Elle va alors l'abreuver d'un soliloque fleuve, ressassant ses idées fixes et son parcours de célibataire ayant fait un trait sur l'amour mais qui ne peut s'empêcher de rêver sur la nuque du beau Martin, un étudiant bien plus jeune qu'elle...
Pas de paragraphes, pas d'échappées possibles, le lecteur est lui aussi captif de cette situation de communication perturbée où s'exprime un seul personnage, engoncé dans ses névroses et ses angoisses qui s'échauffe petit à petit avant de retomber comme un soufflé dans sa petite vie , son "combat homérique" pour rêver encore un peu à la venue de Martin.
Tour à tour agaçante, amusante, furtivement sympathique, cette bibliothécaire rigide, à la limite du mépris parfois , a finalement emporté mon adhésion et c'est le sourire aux lèvres que j'ai terminé cette lecture à épisodes (nécessité pour moi de "souffler" face à ce bloc de 65 pages denses) , pleines d'informations et qui surtout réussit la performance de faire vivre un personnage par la seule force de ses mots. Un texte qui mériterait d'être mis en scène !

Merci Cuné !

  Ps :Je m'en vais de ce pas, le prêter à mes amis bibliothécaires !

La cote 400, Sophie Divry (qui se présente avec beaucoup d'humour), les Allusifs 2010, 64 pages pleines d'un humour grinçant.

Plein d'avis chez B.O.B !

27/12/2010

Le doigt coupé de la rue du bison

"Pauvre bête, elle n'a pas eu de chance, elle aurait pu être française comme vous et moi."

"L'exemple même de la fausse enquête" que cette affaire de doigt coupé de la rue du Bison qu'un berger allemand rapporta au bar parisien Le Boyard.
Et voilà le commissaire Pauquet, aux faux airs de Maigret en train d'interroger tout un tas de zigs plus bizarres les uns que les autres dans une capitale pas encore remise de la 2nde guerre mondiale. Le tout avance languissamment car tout est prétexte à jeux de mots, allusions et contraintes oulipiennes que le lecteur aura soin de deviner. Ou pas.51t5RChauyL._SL500_AA300_.jpg ce qui génère parfoisn un sentiment d'exclusion.
Les personnages sont insipides ou presque et les paroles (heureusement rares) de l'adjoint de Pauquet ont eu le don de m'agacer: " de bord d'eau" pour de Bordeaux...Reste la couverture, très sympathique mais c'est un peu maigre. Un monde en noir et blanc et fort empoussierré.

Le doigt coupé de la rue du bison, François Caradec, Livre de poche 2010.186 pages qui sentent un peu la naphtaline.

L'avis de Cathe.

22/12/2010

Missak

"Une loupe posée sur des insectes."

11 ans se sont écoulés depuis l'exécution de Missak Manouchian par les Allemands.
A l'occasion de l'inauguration d'une rue au nom de ce résistant communiste arménien, le journaliste Louis Dragère est chargé par le parti communiste de retracer le parcours de ce héros.
Rapidement Louis se rendra compte que la dernière lettre de Manouchian a été censurée et , au fil de ses rencontres, il mettra à jour une histoire bien différente de l'histoire officielle.51EYtLLfiBL._SL500_AA300_.jpg
Même si l'enquête est parfois touffue, ployant un peu sous le poids des documents mentionnés, c'est tout le Paris des années 50 avec au coin d'une rue des affiches de Brel, des films américains sur les écrans des cinémas, sans oublier les inondations qui perturbent les déplacements du héros qui revit ici.
Les blessures de la guerre ne sont pas encore cicatrisées et le lecteur, par les yeux du journaliste, va découvrir une époque où les hommes peuvent à la fois être des héros et des salauds, des êtres gris.
Si la toile de fond est très savoureuse, (on croise même de manière fugace un certain Christophe Bevilacqua qui ne chante pas encore et un peu plus longuement le débutant Charles Aznavour) l'enquête se termine de façon un peu abrupte mais le lecteur gardera en mémoire des images très fortes de Louis Aragon ou d'Henri Krasucki et plus globalement d'une époque encore troublée.

Missak, Didier Daeninckx, à partir de 13 ans, Pocket2010, 275 pages pédagogiques.

L'avis de Dasola

 

 

21/12/2010

Une année avec mon père

"Nous serrons les dents, nous serrons les dents."

Seul rescapé de l'accident de voiture qui a vu périr son épouse, un père  âgé, accompagné par sa fille,  se remet ,bien trop lentement à son goût !51pKba7lKpL._SL500_AA300_.jpg
Quel personnage que ce père juif, intraitable et charmant ! Comme le roseau de la fable, il semble plier mais ne pas rompre, et cette dernière année de vie, racontée par sa fille est à la fois touchante et drôle.
Tendresse et brusquerie alternent entre les deux protagonistes, le père défendant farouchement sa volonté d'indépendance  et de liberté , même quand sa mémoire commence à défaillir et son corps à lâcher prise...Difficle d etrouver la bonne distance, d'établir de nouvelles relations...
L'auteure puise dans les mots la force de résister à l'insensibilité de l'administration et des hôpitaux face à la souffrance et au deuil mais se retire avec pudeur quand la souffrance se fait trop aigüe : "...mourir fait autant de mal que naître." Un récit qui dit l'indestructible et le précaire .

Une année avec mon père, Geneviève Brisac, Editions de l'Olivier 2010, 178 pages qui m'ont réconciliée avec G. Brisac !

Emprunté à la médiathèque.

14/12/2010

Tout près le bout du monde

"Fais pas la gueule, mamie, je rajouterai des courgettes calcinées pour te faire plaisir !"

Trois jeunes , aux parcours très différents, sont envoyés dans une maison de vie, perdue au milieu des champs. Là, Marlène, une femme presque aussi cabossée qu'eux, va avoir l'idée de leur faire tenir un journal. Ce sont ces pages ,aux voix très distinctes ,que nous donne ici à lire Maud Lethielleux.
Et ça fonctionne très bien. Les parcours de Malo,le plus jeune, à la mère si particulière, de Jul, qui s'est perdue dans un amour mortifère, de Solam, le plus déluré mais pas le moins sensible, se révèlent peu à peu et s'organisent sous nos yeux. Leur évolution se lit à la fois dans ce qu'ils révèlent mais aussi dans leur aisance et l'apaisement que leur apporte l'écriture. La violence n'est ici pas niée mais tenue à distance , évoquée mais jamais montrée directement. Ce qui évite à la fois édulcoration et voyeurisme, reproches que l'on peut souvent faire aux texte destinés à la jeunesse .51M5DSLE+gL._SL500_AA300_.jpg De l'humour (parfois vachard) et beaucoup de tendresse retenue allègent l'atmosphère de cette maison où va bientôt se créer une drôle de famille mais une famille quand même,partageant un art de vivre  qu'on devine cher à Maud Lethielleux.
L'auteure s'est visiblement très impliquée dans l'écriture de ce texte et même si, parfois, j'ai trouvé un peu trop affectée l'écriture de Jul, j'ai lu d'une traite ce roman chaleureux et généreux.

Tout près le bout du monde, Maud Lethellieux, Flammarion 2010, 509 pages qui se tournent toutes seules et réchauffent le coeur.

Leiloona  a aussi beaucoup aimé.

Saxasoul aussi.

21/11/2010

France 80

"Il est beau, elle n'aime pas la poésie."

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Deux parcours dans les années 80 : celui d'une ado de la classe moyenne , habitant près de Nantes, Claire Berthelot ,et celui d'un commercial , coureur de jupons même pas répugnant, chargé de placer des abonnements pour la chaîne cryptée qui vient de voir le jour. Ils ne se croiseront que fugitivement.
Pour les lecteurs ayant connu les eigties ce livre est une vraie mine de souvenirs, entrelaçant marques de produits aujourd'hui parfois disparus (existe-t-il encore du shampoing à la pomme verte ? ) et citations de chansons se fondant dans le texte et par là même inaccessibles à ceux n'ayant pas vécu à cette époque. Il nous offre aussi un portrait très juste de la vie de la classe moyenne et ce n'est pas si souvent que ça arrive.
Le tout pourtant est extrêment distancié, frôlant le clinique, et le lecteur qui s'intéresse malgré tout aux personnages se sent frustré de les laisser brusquement en plan. Ce roman distille également une sourde tristesse comme si l'auteure avait à tout prix voulu éviter l'effet nostalgie . "Hypnotique", estime Cuné, oui mais laissant aussi un peu la gueule de bois. Un anti " la Boum" et autres "Diabolo menthe"  et c'est tant mieux !

Merci Cuné !

Merci aussi à Amanda qui a joué les passeuses !

France 80, premier roman de Gaëlle Bantegnie, une auteure que j'aurai plaisir à lire de nouveau. Gallimard 2010, 220 pages râpeuses.

18/11/2010

Apocalypse bébé

"ça les change des velus, les pauvres."

Deux simili détectives privées, dont une lesbienne forte en gueule- mais pas que- sont lancées sur les traces d'une pauvre petite bourge à papa "Toute de traviole et raturée." qui se révèlera pourtant être une"Vaillante boule de flipper".Elles la recherchent tout aussi mollement que les parents de la dite donzelle. L'enquête n'est bien évidemment qu'un prétexte. Car, de la même façon que les détectives sont là pour faire parler les différents personnages de la gamine, le roman se donne pour objet de faire le 51OOY+wB0KL._SL500_AA300_.jpgportrait d'une société. Pas joli joli, évidemment on est chez Despentes qui ne fait pas dans la dentelle mais dans les yeux lourdement cernés, la violence et le sexe. Quoique la volonté de choquer qu'on sentait dans ses premiers romans , laisse ici la place à un humour féroce qui dézingue à tout va mais laisse apparaître néanmoins une certaine tendresse. L'écriture s'est bonifiée, a gagné en maturité, et jusqu'à l'avant dernier chapitre on suit avec jubilation les pérégrinations de la (au début) si peu lumineuse Lucie-"Une limace hébétée"- et de la si féroce et si attachante Hyène. La fin est un tantinet ratée, trop fourre-tout, comme si l'auteure avait voulu brader en un seul lot les obsessions d'une époque mais bon, pour tout le plaisir procuré à la lecture du reste du roman, on en fera volontiers abstraction. Me voici réconciliée avec Virginie Despentes !

J'arrive après la bataille : tout le monde ou presque a lu, aimé ou détesté Apocalypse bébé.

Un grand merci à Antigone ! (qui a su balayer mes a priori)

Cuné avait préparé le terrain !:)

Theoma a eu l'excellente idée de recencer et classer les billets, merci aussi !

Prix Renaudot 2010.