31/03/2011
Un jardin sur le ventre
"A travers notre bonheur, tu parvenais à ressentir le tien."
Une histoire toute simple: la mort d'une femme, épouse d'un homme infidèle, narcissique , histrion et ne dédaignant pas à l'occasion être violent, tant en paroles qu'en actes. L'histoire d'une mère aussi, vivant à travers ses filles un bonheur par procuration. L'histoire d'une fille enfin, non désirée, non aimée et qui toujours souffrira de ce manque impossible à combler. Trois identités pour une même femme.
Une vie comme en ont vécu, au moins partiellement, beaucoup de celles qui avaient vingt ans dans les années soixante.
Un récit à fleur de peau, sensible et émouvant que j'ai beaucoup aimé mais dont je me suis sentie tenue à distance par ce "Tu" répétitif qui klaxonnait à mes oreilles.
Un jardin sur le ventre, Fabienne Berthaud, Jbz & Cie 2011, 286 pages qui se lisent d'une seule traite.
Merci à Clara pour le prêt et à Mirontaine qui a joué les passeuses.
Plein d'autres l'ont lu ! Laissez-moi vos liens, les filles!:)
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : fabienne berthaud
29/03/2011
G 229
"Ils se demandent ce qu'ils vont faire de moi."
J'ai failli rester à la porte de la salle G 229 quant à la page 41, l'auteur évoque "le petit bois derrière l'école dans laquelle j'habitais quand j'étais enfant." Un prof d'anglais , fils d'instit, pfff , l'impression d'avoir déjà lu ça cent fois. Mais j'ai pioché plus loin avant de revenir page 41 et de boucler en un rien de temps ma lecture.
Car oui, ce roman, qu'on devine bien évidemment largement autobiographique, n'est pas un énième livre écrit par un prof visiblement accro à son boulot mais aussi le constat d'un homme qui n'en revient pas de voir filer le temps à toute allure, de voir grandir et partir ses élèves tandis que lui reste depuis 20 ans dans SA salle,celle qui donne son titre au roman.
L'auteur pêche parfois par excès de sensibilité mais on lui pardonnera volontiers ce défaut et on se régalera de ce roman optimiste et sincère.
J'ai entendu un jour Odon Vallet dire que les élèves avaient toujours le même âge tandis que le professeur vieillissait, c'est ici un peu l'autre côté de la pièce.
G 229, Jean-Philippe Blondel, Buchet-Chastel 2011, 240 pages pleines d'humanité.
L'avis de Laure
de Cuné, de Saxaoul qui vous emmènera chez d'autres...
L'avis de Gwenaëlle.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : jean-philippe blondel
26/03/2011
Sacrée kornebik
"J'aime les cornes, les biques et les cas."
Luce n'aime plus son prénom. Peut être sans se l'avouer ne supporte-t-elle plus surtout ses parents qui font assaut de perfection tant dans leur comportement (pas de disputes) que dans leur alimentation (bien équilibrée, fruits et légumes à volonté !). Bien sûr ils l'aiment mais un peu de folie ne peut nuire et si un jour un grand coup de vent souffle sur le marché où se rendent les parents de Luce, madame Kornebik, qui résout tous les problèmes y est sans doute pour quelque chose...
Un livre malicieux, plein de fraîcheur et d'humour, à lire aussi bien par les enfants qui commencent à lire tout seuls que par leurs parents...
Les illustrations , pleines de poésie, de Dorothée de Monfreid accentuent cette atmosphère magique.
Sacrée Kornebik, Nathalie Kuperman, Mouche de l' Ecole des Loisirs 2011
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : nathalie kuperman
24/03/2011
Une lointaine Arcadie
"Les animaux sont la représentation de mon enfance."
Fi de la ville, de sa librairie ! Matthieu, quitté par sa femme, se réfugie au fin fond de la Creuse. Là, il deviendra une sorte d'ermite, espérant faire l'économie du désir, ne vivant qu'en compagnie des animaux qui l'entoure et en particulier d'une vache.
Mais bien évidemment, l'arrivée d'un couple de randonneurs va tout remettre en question.
Si j'ai beaucoup aimé la description de cette vie quasi monacale et la place faite aux animaux dans la mythologie toute personnelle de l'auteur, les références -jamais pesantes mais parfaitement intégrées- aux textes antiques, la conclusion m'a laissée quelque peu perplexe. Mais je vais la ruminer et remâcher en bonne vache que je suis !
L'avis plus enthousiaste de Dominique.
Sur le thème de la solitude, je vous conseille bien évidemment le roman Julius Winsome mais aussi le document Femmes retirées loin des villes. (pas de billet).
Une lointaine Arcadie, Jean-Marie Chevrier, Albin Michel , 2011 ,218 pages hérissées de marque-pages.
Ps: rencontré au Salon du livre de Paris, l'auteur, très sympa, m'a confié qu'une classe, dérangée par la fin avait participé à un atelier d'écriture pour la modifier !:)
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : jean-marie chevrier
17/03/2011
Si loin, si près
"Il existait des liens secrets, des ferveurs en partage."
Adèle a quarante six ans mais "Elle n'avait pas seulement son âge mais tous ses âges empilés coexistant, 20 ans parfois, 35 le plus souvent et même 60, certains jours...Tous étaient présents à des degrés divers, se manifestant par surprise."
Premières phrases du livre et d'emblée Adèle nous devient familière. Nous ne pourrons plus la quitter au fil de cette année 2009 , année de crise qui verra tant de bouleversements dans sa vie, d'incendies ,aux sens propre et figuré.
A quelle distance se tenir des gens qu'on aime, de ceux que l'on croit être ses amis ? Faut-il profiter de sa solitude ou faire un pari sur l'avenir et sur les autres ?
Confrontée à différents accidents de la vie, qui pourraient nous arriver à tous, Adèle avance en tâtonnant, ploie ,mais toujours se relève et finira par essayer "de se traiter avec beaucoup de douceur et pas trop d'importance."
On retrouve ici avec bonheur la prose lumineuse de Catherine Leblanc, qui scrute avec acuité et bienveillance aussi bien la ville d'Angers, où se déroule l'action (et la description qu'elle en fait donne tout de suite envie d'aller se plonger dans les lumières de cette ville) que les aspirations de son héroïne : "un espace libre de tout jugement, surtout du sien." Un roman que je n'ai pu lâcher, sauf pour en corner de multiples pages...
Si loin, si près , Catherine Leblanc, Editions du Petit Pavé 2011, 202 pages pleines d'émotion, à savourer.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : catherine leblanc, femme
14/03/2011
Tombée sur la tête
"Quand il s'agit de faire n'importe quoi, je ne suis jamais loin."
Tour à tour (et parfois simultanément) anorexique, cramée aux UV, acheteuse compulsive, obsédée par les dents,souffrant de trichollomanie (toc consistant à s'arracher les cheveux), anxieuse en un mot, Léna quand,pour la troisième fois ,sa voiture atterrit dans le mur de son parking,se décide à consulter une dame chez qui elle" laisse parler [sa] tête."
Mais elle n'arrive pas à lui confesser ce qui, selon elle, est la source de tous ses dysfonctionnements: elle est tombée sur la tête- au sens propre- quand elle était enfant.
Leslie Bedos décrit avec finesse, précision et humour une femme qui est tout sauf parfaite et se dénigre avec une belle ardeur: " Cette semaine, après deux lavages, j'ai fait grandir un pull de trois mètres. sans parler des manches que je ne retrouve plus. La veille, en posant mon vélo n'importe où, je n'ai pas remarqué qu'une saleté de gouttière avait pissé sur mes papiers d'identité. Des dommages heureusement réparés , après quatre de séchage sur mes cuisses brûlées.Dans la vie bien réglée des Catherine, les documents importants ne trâinent pas sous la flotte. Et les pulls qui poussent, ça n'existe pas.",une femme qui a hérité d'une histoire familiale très lourde et semble la transmettre à son tour à sa propre fille.
Alternant passé et présent, le roman donné comme étant la confession sur papier de Léna va loin, très loin, voire trop loin ("j'étouffe de la touffe", j'avoue avoir tiqué ) dans ce portrait d'une femme qui n'arrive pas à se remettre d'une relation pour le moins perturbée à sa mère.
Si le roman se termine d'une manière un peu abrupte et trop artificielle à mon goût, la description carte sur table du comportement de Léna place le lecteur dans une situation très inconfortable car il ne sait s'il doit sourire (l'autodérision est au rendez-vous) ou s'angoisser à son tour. Et c'est tant mieux.
Tombée sur la tête, Leslie Bedos, Jean-Claude Lattès 2011, 139 pages dérangeantes.
L'avis de Libouli chez qui vous trouverez un passage que j'avais également repéré , une analyse très fine de l'achat compulsif.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : leslie bedos, mère fille mode d'emploi
11/03/2011
Pfff
"Walter n'est pas en pleine forme, il oxymore follement, il a le chiasme en délire, il trope à s'en écorcher l'âme."
Attention : soit vous adorerez ce livre, soit vous le laisserez tomber en expirant sont titre : Pfff !
Je l'ai moi-même abandonné dans un premier temps , trouvant les personnages un peu trop pimpants, mécaniques, comme ces personnages de baromètres qui sortent tour à tour et ne se rencontrent jamais mais je ne sais quoi dans le style, m'avait donné envie de lui redonner une chance et j'ai bien fait !
Car oui, les personnages évoluent dans un tout petit univers , un quartier, quelques immeubles et deux bistrots mais ils sont versatiles, plus complexes qu'il n'y paraît à première vue, changeant de noms ou de prénoms au détour d'un paragraphe , au fur et à mesure de leur évolution, discutent des subtiles couleurs des cachemires , posent des caméras indiscrètes ou assassinent sans état d'âme avant que d'écouter un fado.
Il est beaucoup question d'amour, de littérature et on fait le grand écart entre Belle du seigneur qu'abhorre un personnage, rêvant de le jeter au fond d'une poubelle de restaurant pour que personne en vienne l'y chercher ,même avec des pincettes et les petits livres bleus que rêve d'éditer Odile, lectrice pour une maison d'édition.
C'est délicat, parfois coquin, plein de charme et de fantaisie, la langue est riche mais sans affectation, (on rêve d'un cachemire fuligineux ) et on cherche le nom adéquat pour un magasin ou pour un animal avec une précision exemplaire.
Le style est ample et délié, on devine l'auteure gourmande de mots, et une fois intégré les nombreuses surprises du texte, on se laisse porter par ce récit qui ne cède jamais à la facilité du tout-beau-tout-rose et se conclut par une dernière pirouette qui clot le livre sur lui-même. "C'est aussi délicieux que le toboggan à quatre ans, le grand huit quand on en a douze , que le premier crime quand on est un tueur débutant."
Pfff, hélène Sturm, Editions Joëlle Losfeld 2011, 234 pages délicieuses.
Merci à BOB et aux Editions Joëlle Losfeld
06:00 Publié dans Humour, Objet Littéraire Non Identifié, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : hélène sturm, surprenant, fascinant, pétillant
10/03/2011
A la recherche du paon perdu
"Maurice avait raison,on ne pouvait pas être deux minutes tranquille dans cette maison ! C'était pire que dans ma chambre, ici ou quoi ?"
Mollux n'a rien d'un super héros: c'est un adolescent grand dévoreur de mousses au chocolat et de dictionnaires, cette dernière caractéristique lui permettant d'affubler ses profs de surnoms assez bizarroïdes. Tout aussi étrange est son père, qui ne lui a parlé que deux fois, ce qui lui vaut le sobriquet de Sauf2fois.
Oui mais voilà ce paternel plutôt mutique va rapporter un jour, en douce, à la maison un paon ! Paon qui va bientôt disparaître. Ainsi que Sauf2fois peu de temps après. Commence alors une folle aventure où Mollux va entraîner son compère l'inénarrable Procopé et où il gagnera bien plus que la solution d'une énigme: la découverte-au moins partielle- de son père.
Attention, bouclez vos ceintures avant d'embarquer dans le monde complètement foldingue de Mollux et de sa famille ! Entre la mère (l'Outarde) qui se lance dans de hasardeuses créations culinaires ("un délicieux mélange d'endives un peu brûlées, de farine, d'eau, de cacahuètes et de tranches de jambon élastiques" , Procopé qui "vit en altitude, et [dont] le haut de la tête a la forme d'une roquette antichar", le chat SoupeChaude et tous les autres personnages farfelus en diable vous n'aurez pas le temps de souffler une seconde !
Mollux , roi de l'autodérision,"Pendant que j'hésitais devant le présentoir (Matières grasses végétales hydrogénées, sirop de glucose, extraits de malt,lécithine de soja, lactosérum en poudre, comment choisir parmi tant de merveilles? )" porte un regard moqueur sur le monde des adultes "Un divorce, une baraque en pente et un petit divan en skaï. les adultes ont parfois des rêves un peu rétrécis, vous n'êtes pas d'accord avec moi? " et a le chic pour croquer en quelques lignes acérées quiconque croise sa route,( surtout ses profs, mais c'est de bonne guerre !).
Angélique Villeneuve passe à la moulinette la vie d'une famille en apparence des plus ordinaires mais en profite aussi pour rappeler que si l'adolescent est parfois une énigme pour ses parents, l'inverse est aussi vrai. Un cocktail d'humour et de tendresse pour un roman que les parents chiperont à leurs rejetons !
A la recherche du paon perdu, Angélique Villeneuve, Les grandes personnes, 2011, 189 pages dans lesquelles vous allez adorer vous glisser !
06:00 Publié dans Humour, Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : angélique villeneuve
04/03/2011
Légers arrangements avec la vérité
"Un poil de vulgarisation et ensuite ils auront l'impression d'être au coeur de la bête."
"Tu valorises ce qui est anecdotique, tu bémolises ce qui est chiatique, tu visualises ce qui est abstrait, tu euphémises ce qui est blessant, tu dramatises, tu enjolives..."; voici quelques uns des conseils fort avisés qu'"une ancienne punk en rupture scolaire précoce" prodigue à Simon Saltiel, maître de conférences à Paris XV-Val d'Ourcq, où entre deux grèves, il s'efforce d'enseigner la littérature comparée. En effet, Simon vient d'accepter d'écrire un ouvrage de commande sur Iouri Zaïtsev, brillant intellectuel post-soviétique.
Commence une enquête qui avait tout pour être tranquille mais qui va rapidement prendre une allure bien plus inquiétante. Nous plongeons ici dans les coulisses des maisons d'éditions à succès comme dans celles de quelques grandes institutions académiques parisiennes et il faudra bien une toute bande d'amis "amateurs de romanesque et rats de bibliothèque, tous persuadés que les mots peuvent changer les choses à condition de savoir les assembler correctement " et un tour du monde raté pour venir à bout de cet imbroglio qui évoque avec beaucoup d'humour et une apparente légèreté des sujets rien moins que sérieux.
Pierre Christin a le sens et l'amour des mots et se régale (et nous par la même occasion) avec ce roman qui nous propose de révéler quelques uns de ces Légers arrangements avec la vérité. Ainsi, la comparaison entre l'entretien enregistré et la retranscription travaillée avec maestria par une pro de la réécriture est-elle un pur moment de jubilation !
Un bonheur à ne pas se refuser : 10 euros et hop, dans la poche !
Légers arrangements avec la vérité, Pierre Christin, Métailié noir, 185 pages pour plonger dans le monde des mots.
Ps : ce roman est la suite de Petits crimes contre les humanités (pas encore lu) mais il peut se lire indépendamment.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : pierre christin, oui le scénariste de bd !
03/03/2011
Malo de Lange, fils de Personne
"Mais si je n'aidais que les saints, je serais au chômage, comme disait Jésus à son papa."
Malo de Lange poursuit ses aventures et, de déguisements en mauvaises rencontres, échouera dans l'enfer du bagne de Brest, ce qui nous vaudra au passage l'explication du juron si cher au capitaine Haddock.
Il aime aussi et ses amours sont bien évidemment contrariées car son rival n'est autre que le fils du préfet de police.
Un pied chez Dickens et l'autre chez Vidocq, l'inspiration de Marie-Aude Murail ne s'essouffle pas et nous donne un roman plein de pittoresque mais où les sentiments sont un peu moins présents. On ne s'ennuie pas une minute même si l'effet de surprise a disparu. Un roman confortable et qui tient toutes ses promesses !
Malo de Lange, fils de personne, Marie-Aude Murail, Ecole des Loisirs 2011, 243 pages qui fleurent bon l'arguche !
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : marie-aude murail