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20/05/2011

L'armée furieuse

"Quand une alarme vitale se déclenche, la réplique humaine est impondérable et foudroyante."

Une armée furieuse , tout droit sortie des fins fonds du Moyen- Age, composée de chevaux et de cavaliers spectraux,  a été vue dans un village normand. L'effroi s'empare aussitôt de la population car cette apparition annonce une "fameuse secousse", à savoir des décès de gens ayant l'âme mauvaise...
C'est évidemment Adamsberg "[le] rustre,[le ] montagnard, [le]pelleteur de nuages" qu'on appelle et qui va devoir composer avec la manière particulière de s'exprimer des Normands pour élucider le mystère de cette Grande Chasse. Non content de s'étonner de l'immobilisme des vaches dans cette région écrasée par la canicule, il devra aussi frayer avec une fratrie pour le moins singulière tout en essyant de "trouver "un passage obscur"pour affronter "l'aigre réalisme d[une] affaire polico-financière" qui lui met de sérieux bâtons dans les roues.fred vargas,du sucre,des vaches,un pigeon
Si l'on retrouve ici" la composition de chimères et d'illusions"qui plaît tant au commissaire Adamsberg- et au lecteur par la même occasion-, celle-ci est nettement plus crédible que dans l'épisode précédent (Un lieu incertain) et nettement moins embrouillée. Je m'attendais à ce que les liens père /fils s'étoffent davantage mais c'était sans compter sans la légendaire lenteur d'Adamsberg ! Néanmoins on retrouve dans cet opus tout ce qui fait le charme de l'univers de Fred Vargas: des personnages atypiques , qui, se montrant solidaires, arrivent à adapter à leurs singularités un monde par trop normé, un policier plein d'humanité qui attache autant  d'importance à la mort d'une vieille obsédée du ménage qu'à l'entravement d'un pigeon et qui se réjouit (avec nous) de "triomphe[r] contre les colosses" !

L'armée furieuse, Fred Vargas, Vivaine Hamy 2011,427 pages à dévorer puis à relire pour mieux en savourer l'humour et la densité !

13/05/2011

Quinze kilomètres trois

"Elles ont fait ça ensemble, les filles."

Là, la lumière est "crue", les falaises crayeuses, le vent agaçant de liberté, la mer "inconsolable". là, c'est le cap Blanc-Nez du haut duquel deux très adolescentes se sont élancées.
Un fait-divers qui a bouleversé toute la région et qui sert de matrice au roman très court mais envoûtant de Martine Laval.martine laval,sucide,adolescents,pas-de-calais.
L'auteure choisit de ne jamais nommer ces très jeunes filles, qu'elle prend pourtant en quelque sorte sous son aile, les appelant "mes mignonnes",  et fait la part belle plus à l'atmosphère qu'à la psychologie proprement dite.  Le paysage devient ainsi un élément primordial du drame.
Tour à tour, une prof de français dépressive aux mots malheureux , une "autre fille", un cousin,une lectrice , sans oublier le paysage lui-même prendront la parole pour revenir sur l'incompréhensible. De ces récits par petites touches, sans pathos, se dégagent beaucoup d'émotion et le sentiment d'un lieu auquel il faut absolument échapper pour vivre et non survivre. Un roman très court , sobre qui sait faire vivre sous nos yeux tout un paysage et ses habitants qui possèdent "La patience des gens qui n'espèrent plus.". Une réussite !

Quinze kilomètres trois, Martine Laval (oui la critique de Télérama , originaire de Calais par ailleurs !), 57 pages sobres et balayées par le vent. Liana Levi Piccolo, 4 euros.

09/05/2011

Les mots qui tuent

"Pour la première fois, il y avait quelqu'un pour qui je comptais."

Instrumentalisée longtemps par sa mère couturière , pour qui elle joue" le mannequin permanent", Mara rêve de s'habiller enfin à son goût. Elle rêve aussi d'avoir une amie. Aussi, quand Clara la délurée croise sa route, l'ado trop longtemps bridée va se lâcher et , pour ne pas être en reste avec sa nouvelle copine, va prononcer des mots qui entraîneront la mort d'un innocent...agnès de lestrade,mensonge
Avec un style alerte et nuancé, Agnès de Lestrade peint une une tragédie involontaire en 59 pages qui vont droit à l'essentiel, sans que pour autant l'émotion se perde en route. Un seul bémol peut être  : que la conclusion soit un tantinet précipitée (j'aurais aimé connaître plus en détail le parcours de Mara après ) mais le format de la collection explique sans doute ceci. A découvrir sans plus attendre !

Les mots qui tuent, Agnès de Lestrade, Sarbacane, 2011

trop démonstratif pour Cathe

 

02/05/2011

Coeurs brisés

"Le vent noir qui souffle dans notre imaginaire."

Comme le souligne Rosetta Loy dans sa préface, les contes de fées sont parfois rassurants mais aussi parfois fort cruels, d'une "cruauté nue et crue." C'est pourquoi elle a adopté ce genre littéraire pour raconter deux faits réels, d'une violence absolue, qui se sont déroulés dans des lieux qui lui étaient familiers, en Italie.rosetta loy,cruautés,barbaries ordinaires,contes de fées sanglants
Pas de suspense, le lecteur connaît d'emblée les victimes et les coupables mais toute la force de ces deux récits très courts tient dans le style de l'auteure: sans sensationnalisme, elle décortique minutieusement les actes et rattache aux figures maléfiques des contes les protagonistes de ces faits divers , des gens que nous aurions pu côtoyer, qui auraient pu être nos voisins, nos enfants...Une efficacité redoutable en 81 pages qui balaient d'un revers de main bien des romans policiers. Un choc littéraire , une auteure dont j'ai déjà envie de poursuivre la découverte.

Coeurs brisés , Rosetta Loy, Le petit mercure 2010traduit de l'italien par Françoise Brun, 5 euros. A glisser immédiatement dans vos Pal.rosetta loy,cruautés,barbaries ordinaires,contes de fées sanglants

01/05/2011

Liberté, égalité, ...Mathilde

La classe de CM2 de Mathilde sera-t-elle sélectionnée pour participer au Parlement des enfants ? Que fera la petite fille si après une campagne qui n'a rien à envier à celle des adultes, elle est élue ?
Le roman de Sophie Chérer est un excellent rappel de l'initiative de Philippe Séguin (la création du Parlement des enfants) mais aussi une façon de ruer dans les brancards et de montrer la manière dont on tente de l'édulcorer et de le formater. Bien évidemment Mathilde parviendra à s'exprimer en toute liberté et en faisant fi des discours convenus...sophie chérer

Un roman dont la dédicace donne le ton : "Aux enfants qui , chaque année , viennent à l'Assemblée Nationale pour y prendre une leçon de démocratie, et en repartent en l'ayant donnée aux adultes."

Liberté, égalité...Mathilde, Sophie Chérer, Mouche de l'Ecole des Loisirs 2011, 69 pages toniques, vitaminées par les dessins malicieux de Véronique Deiss.

29/04/2011

Liliane, fais les valises

"Paf le subjonctif, pensa Liliane."

La fameuse injonction de Georges Marchais à sa femme est le point de départ qui a inspiré Jean-Bernard Pouy pour cette réjouissante satire , non pas du Parti Communiste Français , mais des colloques de Cerisy.jean-bernard pouy
Si la trame du récit est en elle même bien légère , les coups de griffe donnés aux universitaires coupeurs de cheveux en quatre sont bien portés et les annexes font à elles seules le bonheur du lecteur. On y découvrira entre autres le point commun entre le grand Charles et le catch, sans oublier un traducteur bien particulier... Mon annexe chouchou ? Celle étudiant avec un immense sérieux la place du suppositoire dans le roman français, tout un programme !

Une nouvelle d'anticipation sociale (j'avoue avoir un peu zappé le côté anticipation de l'oeuvre : les livres papiers ont disparu de la surface de la terre) faisant partie d'une nouvelle collection ayant comme point de départ, je cite" La phrase  qui s'installe dans la mémoire de chacun, car elle résume à elle seule un état de nos sociétés."Une jolie réussite !

 Liliane , fais les valises, Jean-Bernard Pouy, Collection quelqu'un m'a dit ( !)Les éditions de l'atelier In8 2011, 60 pages grinçantes et cocasses.

Merci Cuné !

23/04/2011

L'annonce ...en poche

Paul , quarante-six ans , paysan en Auvergne. Il vit depuis toujours ou presque en compagnie de sa soeur et de deux grands-oncles en quasi autarcie. Il ne veut pas finir sa vie seul.
Annette, trente -sept ans, a connu une histoire d'amour pleine de cris et d'alcool avec Didier. Sans métier, elle est prête à quitter Bailleul dans le Nord en compagnie de son fils, Eric, pour redonner un sens à sa vie. 51jAwmo7GPL._SL500_AA300_.jpg
Faisant la jonction entre les deux, une petite annonce.
Le roman de Marie-Hélène Lafon commence par un magnifique description de la nuit dans le Cantal et d'emblée le lecteur sait qu'il est captif. Cet homme qui veut "faire maison", cette femme qui sait qu'elle devra faire face à une quasi guerre de tranchées mais qui va petit à petit s'ajuster autant au paysage qu'au corps de cet homme, à sa vie même, nous ne pouvons plus les lâcher des yeux. Ils sont là devant nous et ce récit qui malmène la chronologie sans que pour autant nous perdions le fil, nous mène, tout en délicatesse à ce qui va devenir sans que jamais le mot soit prononcé une histoire d'amour.
Tous les personnages, y compris la gourmande et futée chienne Lola, prennent une densité intense quand l'auteure nous les montre dans leur quotidien. Ah la lecture du journal"La Montagne" par la soeur Nicole, Nicole farouchement décidée à conserver ses prérogatives, fût ce dans les détails les plus anodins...Ah la quasi vénération du magazine Thalassa "auquel les oncles convertis par elle vouaient une sorte de culte confinant à l'idolâtrie, pratique d'autant plus incongrue que Nicole, pas plus que les oncles , n'avait jamais vu la mer et n'en manifestait ni le désir ni le regret." La maison, théâtre de luttes sourdes mais jamais sordides, elle même devient un personnage.
Rien de superflu dans ce texte qui s'élance en amples envolées, supprimant au passage quelques virgule superfétatoires, pour mieux rendre compte de la vie, tenace, qui se donne à voir à l'oeuvre.
C'est l'amour d'un pays et de ses habitants qui donne toute sa saveur à ce roman qui nous prend par la main et ne nous lâche plus.

20/04/2011

Le voyage de Mémé

"Elle essayait de comprendre la France et Paris."

Ce n'est même pas sa grand-mère préférée mais c'est avec beaucoup de tendresse et d'humour que Gil Ben Aych nous relate cette traversée de Paris d'un nouveau genre.
La famille de l'auteure a quitté l'Algérie en 1956 et a eu le temps de s'habituer à un nouveau mode de vie (ce que raconte l'auteur dans L'essuie-mains des pieds). il n'en est pas de même pour Mémé qui vient, en 1962 de débarquer en france et se voit contrainte de déménager de Paris à Champigny. Une vingtaine de kilomètres qui vont devenir une véritable épopée car Mémé "ne pouvait prendre ni voiture, ni taxi, ni bus, ni métro, ni rien. Elle pouvait marcher, c'est tout. "  Le voyage sera d'autant plus mémorable que la dite grand-mère  se "croyait encore à Tlemcen. Elle n'avait pas vraiment compris qu'on était à Paris". Et Mémé de saluer tous les gens dans la rue, de s'offusquer des mini jupes et des femmes qui fument dans la rue...gil ben aych
Mais ce qui fait aussi la saveur de ce récit c'est l'oralité de la langue car Gil ben Aych restitue la manière de parler de sa grand-mère , ponctuée de " t'y as raison", de "mon fils" et mâtiné de mots arabes. On  l'entend cet accent pied-noir ! En chemin, la grand-mère évoque son passé, son mariage de raison devenu mariage d'amour, se repose, savoure le temps qui passe, s'étonne  beaucoup, découvre un univers qui n'a rien à voir avec le pays qu'elle a quitté il y a peu mais qui lui manque déjà cruellement...Une manière de faire comprendre avec délicatesse le déracinement...

Un classique de la littérature jeunesse réédité en 2011 par l'Ecole des Loisirs, Le voyage de Mémé, Gil ben Ayach, 93 pages tendres.

13/04/2011

Petits crimes contre les humanités

"Trop inutiles, trop trop coûteuses, trop paresseuses, trop mal pensantes...", les humanités sont donc devenues "le parent pauvre du savoir moderne, le quasi délinquant  de la grande famille universitaire."Pour preuve le manque de moyens tant au niveau du matériel que des locaux de cette université provinciale où des mails vengeurs vont venir semer la zizanie entre collègues et surtout causer la mort d'un vieux professeur émérite d'histoire de l'art.pierre christin,petit monde de l'université
L'enquête menée par Simon, jeune agrégé employé sur un demi-poste d'assistant temporaire, n'est bien évidemment qu'un prétexte pour brosser un portrait tout à la fois acide et bon enfant de ce monde universitaire français.
Mais à trop vouloir dézinguer à tout va et ratisser les moindres travers du mond euniversitaire, à trop utiliser le comique de répétition (l'estampillage Camif de chaque meuble ) la charge  s'avère un tantinet lourdingue.
Je suis d'autant plus sévère que j'avais beaucoup aimé la suite où là l'auteur semble avoir trouvé sa vitesse de croisière.

05/04/2011

Une jeune fille aux cheveux blancs

"La vie est courte, autant avoir les idées longues."

Malgré ses réticences, Caroline fraîchement retraitée, teste le club de loisirs pour seniors auquel ses filles l'ont inscrite. Elle qui rêvait d'oisiveté, la voici donc en train de prendre des cours d'oenologie et de poterie avec des résultats pour le moins surprenants...fanny chesnel,des vieux ? encore des vieux,toujours des vieux
Epouse, mère, grand-mère , belle-mère , Caroline cumule sans souci toutes ces étiquettes mais n'aurait-elle pas laissé en friche la jeune fille qui est enfouie en elle ? Sensualité, humour, ne sont pas des mots que l'on a remisés par devers soi à soixante ans et Caroline entend bien profiter de la vie quitte à découvrir sur le tard les" joies" de l'épilation "ticket de métro" dans une scène particulièrement hilarante. Beaucoup de tendresse mais aussi quelques coups de griffes sur les stéréotypes dans lesquels on voudrait commodément enfermer les personnes âgées.
Le discours de Caroline à ses filles m' a évoqué celui du personnage de Maria Pacôme dans la crise (et c'est un compliment), dans le même esprit de revendication tranquille. Seul bémol: la fin un peu ratée car trop télescopée et démonstrative à mon goût.Une bien jolie entrée en littérature néanmoins !

Une jeune fille aux cheveux blancs, Fanny Chesnel Albin Michel 2011, 217 pages pour passer un bon moment.

Merci à  Tamara pour le prêt et à Cuné pour avoir enfoncé le clou et joué les passeuses !

Clara a aimé la fin (mais pas que ! )