01/11/2011
L'honorable société
" L'honorable société" désigne en général la mafia mais il n'y sera fait qu'une très légère allusion dans le roman de Manotti et Doa qui joue ici sur le double sens de l'expression car c'est dans le monde de la politique que nous entraînent les deux auteurs. L'assassinat d'un employé du Commissariat à l'Energie Atomique entre les deux tours de l'élection présidentielle en France va en effet semer le trouble dans plus d'un état major...
"Les Atrides à la française, une histoire pleine d'adultères et de fric." Cet aspect n'est qu'ébauché dans le roman de Manotti et Doa ,les auteurs lui privilégiant la description de la main-mise du privé sur le secteur ultra sensible du nucléaire. Le tout avec la bénédiction d'un futur président nerveux et colérique. Toute ressemblance ne serait évidemment pas une coïncidence et les auteurs ne se privent pas de quelques clins d'oeil en forme de crocs de boucher pour renforcer la connivence avec le lecteur. Etre plongé dans ce roman et, en allumant la radio, entendre soudain la voix du principal protagoniste est d'ailleurs une expérience assez troublante...
Le roman dépeint bien la confusion ambiante et la manière dont chacun essaie à la fois d'en tirer parti et de feindre de l'organiser , l'intrigue est bien menée, les personnages bien campés, ça se lit sans déplaisir mais on reste un tantinet sur sa faim tant on a l'impression que tout cela aurait gagné à être plus dense.
L'honorable société, Manotti et Doa, Série noire gallimard, 2011, 329 pages qui ne réconcilient pas avec les politiques.
Emprunté à la médiathèque.
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31/10/2011
La centrale
"On a bu deux bières ensemble, et ça m'est tombé dessus."
"Chair à neutrons, Viande à rem.", voilà ce que sont les ouvriers intérimaires qui travaillent dans les centrales nucléaires en France. Pas de "collectif de travail", rien que des hommes qui se croisent, cohabitent parfois, travaillent dans des conditions extrêmes,jusqu'à ce que la pression soit trop forte. Trop de radiations, mais aussi trop de confinement (ha cette impression d'étouffement que l'on ressent en lisant ce roman !) et pourtant cette fascination sourde pour ces centrales qui les coupent du monde extérieur. Loïc sera notre guide dans cet univers si particulier. Nous le suivrons au cours de quelques missions et nous partagerons son quotidien et ses angoisses.
Travail dangereux, parcellisé, sous-traité pour éviter toute "vague", travailleurs instrumentalisés, prêts non pas à être dévorés par le Voreux de Zola, mais sourdement contaminés par ces radiations invisibles, en lisant La centrale, je n'ai pu m'empêcher de penser à Germinal, car peu nombreux sont les romans qui décrivent le monde du travail . Pas de style lyrique cependant ici mais une description toute en retenue d'un monde quasi inconnu , une analyse de cette puissance "Dont on connaît bien les effets dévastateurs. Mais qui a sur les hommes, du moins certains hommes, une force d'attraction incomparable."qui fera date.
Un livre court (132 pages dans l'édition folio) mais dont on ne sort pas indemne.
La centrale Elisabeth Filhol, folio 2011.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : elisabeth filhol, prix france culture télérama
15/10/2011
Nagasaki ...en poche
"Cette femme était à maudire. A cause d'elle le brouillard s'était levé."
Quelques indices lui ont mis la puce à l'oreille. Alors Shimura-san qui vit seul et mène une vie bien réglée entre la station météorologique où il travaille et sa maison, va installer une webcam dans sa cuisine. Bientôt l'impensable va se donner à voir...
Partant d'un fait-divers survenu au Japon, Eric Faye sonde avec finesse l'ambivalence des sentiments de ce personnage bien falot et interroge la notion d'intimité . Il souligne aussi l'absence de liens dans une société vieillissante où les androïdes seront de plus en plus amenés à se substituer aux humains.
Ni fantastique ni poétique le récit avance à l'image se son personnage principal, tout en retenue , suscitant d'abord l'étonnement et levant beaucoup d'interrogations chez le lecteur.Mais à trop vouloir boucler son récit bien proprement, l'auteur , tout à la fin ,lui fait perdre de son intensité. Dommage !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : eric faye
14/10/2011
Veuf
"Tu as été ma plus belle qualité, j'espère ne pas avoir été ton plus gros défaut."
Jean-Louis Fournier et moi c'est une longue histoire d'amour, teintée d'humour et de mélancolie. Je l'avais trouvé un peu acrimonieux dans son dernier opus mais on ne se refait pas , j'ai craqué quand j'ai vu Veuf en librairie.
Et j'ai bien fait. Car le récit de la vie après le décès de sa femme Sylvie est une merveille de délicatesse. Fournier y navigue à vue," souvent au cap Horn, au fond de [son] petit bateau malmené par la mer"entre humour- politesse- du -désespoir du veuf qui doit affronter le quotidien lui rappellant sans cesse l'absente et "les mots doux et légers" pour" ranimer nos souvenirs heureux" de ces textes courts .
Courts mais fertiles en formules et les post-it ont émaillé quasiment chaque page de ce récit où Fournier ne se présente jamais à son avantage et se montre d'une sincérité désarmante.
Il égratigne au passage les "veuvages mode d'emploi" et toutes les manifestations stéréotypées entourant la mort, soulignant pourtant les marques d'affection qui l'ont touché. On le sent écorché vif et l'humour noir est son bouclier favori contre la douleur.
Pas de panégéryque obligé et figé de la défunte ,même si on voit bien qu'elle fut une belle personne à travers ce qu'il nous en dit.Fournier la célèbre d'une façon bien plus élégante et vivante ,soulignant aussi la complicité qui les unissait.
Un livre qui nous rappelle aussi qu'il faut chérir les moments partagés avec ceux que l'on aime, tant qu'il est encore temps.
"Tu étais le pôle positif, j'étais le pôle négatif. ça faisait de la lumière , et souvent des étincelles."
Veuf, Jean-Louis Fournier Stock 2011, 157 pages qui font beaucoup de bien.
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien, rentrée 2011, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : jean-louis fournier
21/09/2011
Personne ne bouge
"La plus belle fois, ce fut un samedi."
Imaginez que le temps s'arrête , que tout se fige autour de vous, en plein mouvement . Et surtout qu'un silence absolu s'installe. Que feriez-vous ? Voler, commettre quelques farces ? Antoine , même s'il esaiera bien de corriger les trop nombreuses fautes de sa dictée, découvrira bientôt que cette sitaution anormale peut se réveler encore plus utile, surtout si l'on est deux à partager ce secret...
Un texte tout à la fois ancré dans le réel (voir la description des relations parents/ado , les réflexions pleines de saveur du narrateur) et plein de poésie. Une petite merveille pour s'imaginer au bord de l'eau, dans un silence absolu ,devant une mer figée en plein mouvement. Pour se creuser une parenthèse au creux du temps.
Personne ne bouge, Olivier Adam, l'école des loisirs 2011, 92 pages pour rêver.
L'avis de Gaëlle.
Celui de Clarabel
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : olivier adam
20/09/2011
Rien ne s'oppose à la nuit
"L'écriture ne peut rien. Tout au plus permet-elle de poser les questions et d'interroger la mémoire."
Plus que l'histoire de cette femme, très belle dès l'enfance, mais qui n'a jamais su s'ancrer dans l'existence car elle était bipolaire, c'est le rapport à l'écriture qui se donne à lire dans ce texte ouvertement autobiographique qui m'a intéressée.
L'écriture ici est un combat qui malmène physiquement Delphine de Vigan, ce n'est pas une entreprise de lissage qui prétend éclairer toutes les zones d'ombre, révéler la Vérité sur sa mère. Non, dans ce work in progress qui s'intercale avec le récit , l'auteure nous précise bien qu'il y a différentes versions, qu'il a fallu choisir, elle nous livre ses scrupules vis à vis des membres encore vivants de cette tribu hors-normes dont elle est issue.
Des pans entiers de l'histoire de l'auteure seront passés sous silence et c'est cela qui m'a plu. ça et l'extrême sensibilité qui domine ce texte emprunt de souffrance sans jamais tomber dans le pathos. On n'est ni dans l'hagiographie ni dans le règlement de compte mais dans une entreprise quasiment de salut familial: comment fonder une famille et avancer sans crainte avec un tel passé ?
à noter aussi une très jolie évocation des années 70.
Un grand merci à Clara !
L'avis de Mango
Qui d'autre ? :)
06:00 Publié dans rentrée 2011, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : delphine de vigan
19/09/2011
La femme et l'ours
"Dès que je sais si c'est un teckel ou un tueur, je lui apprends la politesse."
Bix, le narrateur, donné comme double de l'auteur, se tient loin des bistrots de son jeune temps, (d'ailleurs il sort très peu de chez lui ) entre une femme névrosée souvent sur le point d'exploser et un enfant très sage qui sait mieux que son père affronter les sautes d'humeur féminines. Rien de bien folichon donc. Une dispute conjugale va mettre le feu aux poudres et faire retomber Bix dans ses travers. Commence alors une sorte de descente quasi aux enfers, où l'épopée de Bix va prendre comme points de repère une histoire incroyable arrivée à un SDF de sa connaissance (racontée dans un premier chapitre qu'il vaut mieux passer) et une légende pyrénéenne mettant en scène le fruit des amours d' une femme et un ours. Bix suivra-t-il la même trajectoire que le clochard ou sera-til aussi valeureux que le héros du conte ? Les repères sont pour le moins étranges en tout cas...
Les noms évocateurs de ses compagnes, rencontrées au fil des jours ,Milka Beauvisage (idiote au corps sublime) et Pompe Tout (échangiste insatiable),donnent le ton. Le narrateur est un libidineux qui perd de sa drôlerie sous les flots de whisky et de bière qu'il ne cesse d'ingurgiter. On s'englue peu à peu dans ce récit qui perd toute drôlerie (et pourtant le début est un pur régal !), on est sur le point de baîlller même, bref on s'ennuie vaguement. La fin est télescopée (on se demande bien ce que vient faire là cette touche de thriller) , on patauge dans le graveleux, on frôle le pathos, bref on mélange un peu toutes sortes de tonalités pour terminer de manière assez plate. Dommage.
La femme et l'ours, Philippe Jaenada , Grasset 2011,311 pages qui partent en eau de vaisselle.
06:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, rentrée 2011, romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : philippe jaenada, schtroumpf grognon le retour
12/09/2011
Le premier été
"à partir de cet instant, je deviens sale et ignoble, je deviens une personne normale, je bascule du bon côté et je ne me le pardonnerai jamais."
Vider la demeure des grands-parents décédés, c'est aussi pour Catherine l'occasion de se rappeler un été particulier, celui de ses seize ans, d'évoquer un souvenir dont elle a honte. Un souvenir qu'elle n'a jamais partagé, même pas avec sa soeur aînée.
Commencé comme un évocation plutôt classique -la petite soeur qui se sent toujours déplacée par rapport à son aînée toujours en harmonie avec le monde , avec les autres-le roman prend bientôt une tournure nettement plus sensuelle et plus lourde de sens.
La description de l'éveil de la sexualité et de la sensualité est décrite d'une manière parfaite, à la fois non édulcorée et respectueuse. On vit cet été-charnière bruissant de chansons et d'insectes, étouffant, on est surpris par la révélation de la culpabilité possible de l'héroïne, ce qu'elle porte en elle et qui, on le devine à demi-mots, l'empêche d'aller de l'avant. La cruauté qui était de mise pour se faire accepter devient ainsi fardeau...
Un roman sensible et puissant qui confirme tout le talent et la sensibilité d'Anne Percin. à découvrir absolument.
163 pages , dont les dernières m'ont serré la gorge et mis la larme à l'oeil. Rouergue 2011.
06:00 Publié dans rentrée 2011, romans français | Lien permanent | Commentaires (20) | Tags : anne percin
10/09/2011
Si peu d'endroits confortables ...en poche
"-Oui, j'aime bien l'hiver. C'est une saison où on peut se blottir contre les gens sans qu'ils te demandent pourquoi. Tu te blottis parce que tu as froid et les gens n'ont pas besoin de savoir que le courant d'air est à l'intérieur."
Si peu d'endroits confortables, et tellement de manques, de douleurs, de tristesses. Paris n'est pas la Ville-Lumière où Joss espérait peindre, s'exilant loin de chez lui. Paris n'est que la ville triste et grise où Hannah erre en écrivant à la fille qu'elle aime et qui est partie, dans un carnet bleu qui déborde parfois sur les tables mais aussi sur tous les endroits où Hannah va laisser ce leit-motiv donnant son titre au roman , leit-motiv qu'elle ne va bientôt plus maîtriser.
Quand Hannah et Joss se rencontrent , chacun va essayer de réenchanter le monde pour l'autre mais leurs deux solitudes sauront-elles annuler l'absence de celle dont nous ne connaîtrons jamais le prénom ?
Alternant les points de vue, sécrétant une poésie à la fois douce et mélancolique, Si peu d'endroits confortables est un de ces textes un peu magique, qu'il faut prendre le temps de savourer pour se glisser dans son atmosphère si particulière. Une écriture qui prend le temps de réinventer le monde .
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : fanny salmeron
06/09/2011
Nu rouge
"Mais qu'est-ce que ça change à nos vies tous ces gens qui font de l'art ? "
Camille termine une thèse sur le peintre Edouard Pignon, et , pour mieux s'imprégner de son univers, elle part découvrir le Nord-Pas-de-Calais. Mais à sa vision préétablie va se substituer celle de Jean qui va lui faire découvrir la réalité des luttes sociales de cette région. Bouleversée, Camille décidera alors de s'engager à sa façon...
On ne regarde jamais que ce qu'on a envie de voir et la vision qu'a Frédéric Touchard de ma région ne m'a pas du tout parlé. Elle est pourtant très documentée -j'ai appris plein d'information passionnantes- mais mes terrils sont verdoyants et je ne me lasse pas de regarder la variété des nuances du ciel...J'ai par ailleurs été rebutée par tous ces mots en italiques et l'histoire d'amour languissante ne m'a pas non plus convaincue. A trop vouloir être didactique, on perd en émotion ce que l'on gagane en informations. Dommage...
Nu rouge, Frédéric Touchard, Arléa 2011.
Merci à News Book et aux éditions Arléa.
06:00 Publié dans rentrée 2011, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : frédéric touchard, édouard pignon, nord