21/02/2012
La belle année
""Tout gâcher, c'est ta spécialité, Tracey Charles "je me suis dit."
" -T'as de la chance de t'appeler Tracey. Toi au moins, tes parents t'ont gâtée". Pas si sûr que ça . Parce que la mère de Tracey c'est tout un poème ! Au lieu de se réjouir d'avoir une fille douée qui vient d'entrer en sixième et d'entamer, saison après saison ce qui va devenir sa Belle année , elle la tarabuste sans cesse, passe son temps à se plaindre et on se demande comment après avoir largué son premier mari, le père de la pré-adolescente, elle ait réussi à se dénicher un nouveau compagnon !
Mais Tracey ,en fille intelligente, sait s'accommoder des humeurs de sa mère, voire en tirer partie. Elle porte un regard aigu sur le monde qui l'entoure, la banlieue, mais une banlieue qui échappe à tous les clichés sans pour autant tomber dans l'angélisme (il n'est que de voir la description des cours dans le collège !). L'espace urbain joue en effet un rôle important dans ce roman, à travers les déplacements de Tracey mais aussi à travers la manière dont son père va, petit à petit le réinvestir, faisant fi de sa phobie qui le contraint à rester chez lui.
C'est en effet toute une faune haute en couleurs qui gravite autour de Tracey . Que ce soit ses parents, son beau-père japonais, sa famille ou ses amis. Tout un monde attachant qui se compose petit à petit à travers le récit de Tracey.
La Belle année c'est aussi le récit de la métamorphose à petits pas, d'une enfant dont "Les accès de violence sont le plus grand problème" , qui ne supporte pas qu'on la touche (vu la manière dont sa mère la bouscule, on comprend pourquoi...) et qui va apprendre, mine de rien, à s'ouvrir aux autres. un récit plein de fraîcheur et d'humour.
La belle année, Cypora Petitjean-Cerf, Stock 2012, 317 pages hérissées de marque-pages !
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15/02/2012
Je renaîtrai de vos cendres
"Bref ,quitte à passer pour un monstre, une sans-coeur, une anti-tout, je préfère même me désolidariser de ce Polonais suicidé de Yanek[...] .Moi je dois réussir mon bac à tout prix, pour retouner vivre à Paris . Pas mécontente le jour où je quittrais la Place de la Jamais-Contente !"
Waouh ! Quelle énergie, Shosha ! Quelle colère ! Tout cela déborde de son journal mais bientôt cette jeune fille en classe de terminale va, à la suite d'un travail scolaire, s'interroger sur l'origine de son prénom, sur des bribes de souvenirs, sur des silences soudains et ainsi recomposer tout un pan d'une histoire familiale que les femmes de sa famille auraient préféré garder sous silence.
Dès le titre le lecteur adulte aura deviné de quoi il est question, mais le "secret" en lui même n'est pas l'aspect le plus intéressant de ce roman. C'est tout l'aspect "psychogénéalogique" qui m'a vraiment intéressée, la manière dont les secrets se transmettent malgré tout et pertubent , à distance, les descendants. Un roman plein d'énergie et de sensibilité. à noter les citations très pertinentes qui ouvrent chaque section du journal.
Je renaîtrai de vos cendres, Elisabth Brami, Flammarion 2012, 244 pages.
L'avis de Stephie.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : elisabeth brami
11/02/2012
Danbé...en poche
"On souffre tout seul et sans bruit et il n'y a personne alentour pour le voir ni pour l'entendre."
Née en France de parents maliens, Aya connaît une enfance plutôt heureuse, même si ses parents ne disposent pas de tous les codes leur permettant d'intégrer la vie en France.
La mort,dans un incendie criminel, de son père et de sa petite soeur va métamorphoser la petite fille : plutôt rebelle à l'école, ellle reste néanmoins fidèle au danbé, la dignité en malinké. La boxe lui offrira aussi une échappatoire et elle enchaînera les titres avec une apparente facilité.
Portrait troublant d'une jeune fille qui ne semble tirer ni plaisir ni orgueil des victoires sur le ring. Très peu de descriptions d'ailleurs de ses combats, Aya attache plus d'importance aux personnes qu'elle rencontre qu'à la manière de combattre.
Récit troublant aussi d'une vie où le mot "racisme" n'apparaît jamais mais où on ne peut s'empêcher de penser que si cette famille avait été blanche, elle aurait été logée dans un immeuble plus décent, traitée de manière moins désinvolte par certains avocats ou médecins et aurait ainsi évité bien des drames.
Un récit plein de dignité, sans pathos, mais qui m'a émue aux larmes.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : aya cissoko, marie desplechin
07/02/2012
Au pays des kangourous
"Il n' a jamais vu maman et m'a demandé si elle existait vraiment.
-Je ne sais pas, j'ai répondu. Je me le demande aussi."
Une mère, ambitieuse pour deux, qui vit la plupart du temps Au pays des kangourous ;un père, Paul, ghostwriter et papa poule à plein temps; entre les deux un petit bonhomme de neuf ans, Simon, le narrateur de cette histoire.Tout pourrait continuer à tourner tant bien que mal ainsi si , tout à coup, Paul ne plongeait sa tête dans le lave-vaisselle et la dépression. C'est donc la grand-mère paternelle, haute en couleurs, aidée de ses amis tout aussi excentriques, qui va prendre le relais et protéger, autant que faire se peut, tout à la fois Paul et surtout Simon.
J'ai entendu l'auteur sur France Info dire qu'il avait voulu écrire un livre drôle sur la dépression. Perso, j'ai souri à quelques formules mais les marque-page sont restés bien rares,( mais bon, j'ai tendance à trouvé poignant ce qui souvent fait rire d'autres lecteurs) . De plus j'ai trouvé quelque peu lourde l'intervention d'un personnage à visée explicative sur le fonctionnement de la dépression. Quant aux dialogues , ils m'ont paru artificiels, à cent lieues de ceux nettement plus réussis d'Autobiographie d'une courgette, dont j'avais fait mon miel il y a quelques années.
Laure a aimé .
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : gilles paris, schtroumpf grognon le retour
06/02/2012
La liseuse
"Un prochain jour, les gens auront peut être un livre en douce, comme j'ai un couteau. Inutile et rassurant."
La liseuse est un roman destiné aux amoureux du livre. Et aux amoureux tout court . En effet, en arrière-plan de cette histoire de vieil éditeur qui va découvir la liseuse électronique et monter avec toute une bande de stagiaires un projet pour (re) donner envie aux gens de découvrir la littérature, se donne à voir en pointillés une histoire d'amour tout aussi attachante.
Que ce texte ait la forme d'une sextine, multiplie les citations masquées et nous régale d'un vocabulaire choisi tout en donnant de la chair et de l'épaisseur à ses personnages , sans oublier une pincée d'humour et d'émotion, voilà qui ajoute à notre plaisir !
La liseuse, Paul Fournel , POL 2012, 217 pages délicieuses !
Indispensable !
Cuné (merci !), Aifelle ont aimé bien sûr !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : paul fournel
04/02/2012
Les femmes du braconnier... en poche
"...pourquoi cette hécatombe autour de l'écriture ? "
La vie ardente de la poétesse et romancière américaine Sylvia Plath, son mariage avec un poète tout aussi charismatique, Ted Hughes, son suicide enfin, ont déjà donné naissance à de nombreuses études, voire à des romans ( dont le magnifique Froidure de Kate Moses que je recommande vivement).
Claude Pujade-Renaud, à son tour, revisite cette existence marquée par de grandes périodes d'exaltation suivies de non moins importants épisodes dépressifs. Mais la maladie mentale n'explique pas tout ,loin s'en faut. En choisissant de multiples points de vue, ceux des principaux protagonistes bien sûr, mais aussi des personnages plus extérieurs , tels une concierge ou un voisin, Claude Pujade-Renaud effectue ainsi un tour le plus complet possible de ces personnages hors du commun.
Des chapitres courts qui s'enchaînent avec fluidité , portés par l'intensité de l'écriture, une écriture traversée par de nombreuses figures animales . Le livre commence ainsi sur la vision d'un cheval qui s'emballe et se clôt sur une guenon se laissant mourir ; animaux que l'on trouve au départ aussi bien dans les poèmes de Sylvia( en particulier les abeilles liées à l'image paternelle) que dans ceux de de Ted, car comme le montre l'auteure, il y a eu , même au-delà de la mort, durant trente ans "un travail de tissage entre les textes " de ces deux poètes.En outre, deux scènes , l'une d'harmonie totale entre les amants et la Nature, l'autre d'une violence extrême , montrant Sylvia, essoufflée, alourdie par ses maternités, détruisant avec furie les collets des braconniers, tandis que Hughes se tait mais prend secrètement le parti des ruraux, fonctionnent en écho et symbolisent la rupture en marche...
Le sang, celui de la morsure initiale qu'inflige Sylvia à Ted, celui des règles, qu'elle refuse avec horreur, la couleur vermillon qu'elle emploie à tour de bras, tout ce rouge court au long de ce roman charnel, marqué également par les odeurs fortes liées à l'animalité et à la puissance.
Sous le couvert des différents narrateurs , on devine parfois la voix de l'auteure, quand sont rectifiés certains détails ou bien quand est fustigée l'attitude des féministes qui n'ont cessé de vouer Hughes aux gémonies, lui reprochant en particulier la censure exercée dans l'édition de certains textes de Plath, voire leur destruction totale .
Mais il ne faudrait pas oublier également le portrait , tout en nuances, que brosse Pujade-Renaud d'Assia, souvent présentée comme la briseuse de ménage, mais qui fut elle aussi fascinée tout à la fois par Hughes mais aussi par Sylvia et qui en paya le prix fort.
Une oeuvre riche et puissante montrant aussi les ravages et les bonheurs de l'écriture : "S'ajoutait le cauchemar de ne pas dormir .Ou si peu : je me réveillais malaxée, concassée par les rêves. La sensation d'avoir été lapidée par une grêle de météorites oniriques. Peut être n'avais-je pas droit à un sommeil réparateur puisque je n'avais rien produit? Ou mal. Ou pas assez. La perfection ou rien !"Un roman que j'ai dévoré avec passion, même si je connaissais ou croyais connaître l'histoire de Sylvia Plath.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : claude pujade-renaud, sylvia plath
03/02/2012
Le rêve de l'homme lucide
"Je croyais à la puissance des mots.J'étais convaincu que le verbe des artistes, , des médecins, des grands spirituels, des guerriers, de tous ceux qui avaient une force intérieure, était une formule agissante, un code qui entrait dans le programme du monde pour le modifier."
Simon Perse ne dort plus. Plus du tout. D'où des hallucinations qui le coupent brutalement de sa vie quotidienne de père de famille divorcé, d'écrivain et de psychanalysé. Il plonge ainsi au plus profond de lui même et exerce ainsi au plus près la lucidité qui lui fait rejeter avec violence la société dans laquelle il affirme jouer un rôle d'"anxiolytique social." Mais peut-on ne jamais dormir sans en payer les conséquences ?
Plein de chausse-trapes dans ce roman où le héros, (dont les initiales sont les mêmes que celle de l'auteur et qui a écrit les mêmes livres que lui ) est tout à la fois drôle, sarcastique et parfois terriblement poignant. Philippe Ségur ,en quatre parties : "l'eau, l'insondable", "La montagne, l'arrêt", "Le vent , l'invasion", "Le feu, le lumineux",parties elle-mêmes divisées en quatre chapitres, fait parcourir à son" double" un parcours initiatique tout à la fois cocasse et douloureux. On plaint cet athée convaincu dont l'ex- femme sort avec un diacre , de surcroît, fan de foot, tout ce qu'il exècre ! On espère pour lui qu'il n'a jamais rencontré un psychanalyste monté en boucle et on le suit dans ces montagnes russes sans jamais décrocher !
Le rêve de l'homme lucide, Philippe Ségur, Buchet-Chastel 2012, 390 pages qui secouent !
03:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : philippe ségur
01/02/2012
La liste de mes envies
"Mais je ne suis pas riche. Je possède juste un chèque de dix-huit millions cinq cent quarante sept mille trois cent un euros et vingt-huit centimes, plié en huit, caché au fond d'une chaussure. Je possède juste la tentation."
Lorsque Jocelyne Guerbette, mercière à Arras et rédactrice du blog dixdoigtsdor, réalise le rêve de beaucoup de gens, à savoir gagner au loto, elle ne se précipite pas . Ni pour encaisser son chèque, ni pour avertir son mari ou ses amies. Non, elle prend bien le temps de réfléchir car, malgré les orages conjugaux, les peines, les douleurs, elle se demande si elle a vraiment envie de quelque chose de différent. Mais les événements vont s'emballer plus vite que prévu et Jocelyne devra quand même affronter bien des changements dans sa vie...
Le gain d'une grosse somme d'argent au loto aurait pu donner lieu à des situations caricaturales . Mais Grégoire Delatour l'envisage d'une manière originale, pleine de tendresse pour son personnage féminin . Il brosse ici un très joli portrait de femme , une femme qui s'émancipe doucement, qui rit avec ses fofolles de copines, qui ne perd pas la tête devant tant d'argent, qui ne se laisse pas éblouir (il faut voir la modestie de La liste de [ses] envies: rien d'ostentatoire, rien qu'elle ne puiise vraiment s'offrir sans même avoir gagné au loto ), qui va renouer avec sa fille mais qui n'oublie pas pour autant ce qui l'a façonnée. Un roman plein d'humanité, construit de manière habile (je me suis faite avoir comme une bleue !) et dont le style, alerte et émaillé de formules, confirme ici tout le bien que j'écrivais déjà de cet auteur ici. à vous de noter ce roman sur la liste de vos envies !
La liste de mes envies, Grégoire Delatour, Lattès 2012, 186 pages qui font du bien.
Clara a aimé aussi !
06:01 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : grégoire delatour, gagner au loto
30/01/2012
Banquises
"...une terre qui s'efface, une femme qui disparaît."
Sarah en 1982 a quitté la France pour le Groenland. Elle n'est jamais revenue. Sa soeur Lisa part, vingt-sept ans plus tard , sur les traces de celle dont l'absence , pendant des années, a influé sur sa vie et celle de leurs parents.
"Les lieux ne retiennent rien, il dit. Lisa n'a pas envie de le croire." Et pourtant cette banquise qui disparaît , sous l'effet du réchauffement climatique et que l'auteure décrit longuement ,est bien le symbole de cette quête vouée à l'échec mais pourtant nécessaire pour clore une histoire qui n'en finit pas de ne pas finir. En effet les parents , surtout la mère ne peuvent se résoudre à admettre la disparition de leur fille aînée.
Valentine Goby peint avec acuité les révélations qui se fraient un chemin dans les paroles échappées, les souhaits impossibles à réaliser, la vie qui continue malgré tout, chacun adoptant des stratégies différentes pour supporter cette situation , peignant "les minces frontières [qui] commencent à séparer le père, la mère, Lisa. De fines cloisons par lesquelles ils se préservent les uns des autres, de la contamination, délimitant des territoires distincts et des espaces ténus pour se frôler."
Le père, peut être encore plus que la mère m'a infiniment touchée, dans sa manière pudique , poétique et pragmatique de trouver une issue de secours. Une écriture sur le fil du rasoir, un roman qui appuie là où ça fait mal.Une douleur exquise.
Banquises, Valentine Goby, Albin Michel 2011, 247 pages .
Déniché à la médiathèque.
L'avis de Cuné.
Celui de Choco.
de Clara.
et d'Aifelle.
06:00 Publié dans rentrée 2011, romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : valentine goby
24/01/2012
Des vies d'oiseaux
"Les raisons pour lesquelles on reste ne sont pas toujours faciles à expliquer , a fait remarquer rêveusement Taïbo."
Deux femmes, Vida , la mère "la reine du déni", Paloma , sa fille, moins policée ,vont par des voies différentes prendre leur envol, se séparer mais se croiser, faisant fi de la sécurité matérielle: "Si tu voulais des garanties, ma douce, il fallait acheter un toaster."
Véronique Ovaldé plante l'action dans un pays d'Amérique latine moins touffu que celui de Vera Candida, aère également ses chapitres, parfois fort courts, en profite pour leur attribuer des titres imagés , comme autant de clins d'oeil à des films ("Attache-moi" ou à des romans "Le K").
Tout ceci confère beaucoup de luminosité à un récit enjoué, une écriture fluide, où les métaphores et les comparaisons s'épanouissent en toute liberté, où tout reste léger, subtil, jouant sur des tonalités différentes. On ne peut qu'être fasciné par ce roman chatoyant.
Tout le monde ou presque l'a lu !
...
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : véronique ovaldé