03/09/2012
Que nos vies aient l'air d'un film parfait
"Des mots qui forcent le passage, qui entrent dans la tête pour t'obliger à faire ce qu'ils disent..."
Un petit frère, une grande soeur, victimes collatérales du divorce de leurs parents. La mère , peu équilibrée et très manipulatrice, le père , aimant mais dépassé par les événements, la soeur, qui bien malgré elle va causer l'éloignement de la fratrie, prennent tour à tour la parole. Chacun présente sa version des faits, seul le cadet se tait. Pendant de longues années. La dernière partie du roman , sous forme de lettre viendra remettre en perspective cette séparation.
Très peu de pages, 119, mais une émotion à fleur de peau et une écriture qui tord le coeur du lecteur. Un livre avec en toile de fond les années 80 et en bande sonore les ritournelles pop sucrées et légèrement désenchantées de cette époque. Un de mes coups de coeur de cette rentrée littéraire !
Que nos vies aient l'air d'un film parfait, Carole Fives, Editions le passage 2012.
Du même auteur: clic et reclic !
06:00 Publié dans rentrée 2012, romans français | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : carole fives, divorce
29/08/2012
Marcus
"Mais mon petit dictionnaire de la vie s'appelait Marcus."
Hélène, toxicomane, avant de mourir, a confié son fils, Marco dix ans, à son meilleur ami, Pierrot. Ce dernier, la trentaine,mène une vie laborieuse sur les marchés de la région lilloise et devenir père de substitution ne figurait certes pas à son programme. Mais la fraternité et le soutien de ses amis vont aider ce célibataire au coeur tendre à faire une place à ce gamin craquant,et l'on se plaît à rêver de bonheur. Jusqu'à ce que le passé rattrape Pierrot.
Les grincheux souligneront le scénario cousu de fil blanc mais ils se priveraient ainsi d'un roman lumineux qui peint, sans misérabilisme ni guimauve le monde des petites gens, ces "graines "... qui se changent tout de suite en herbes folles .[...] On passe la tête entre les dalles, on s'accroche comme du lierre aux pierres qu'on trouve. Parfois on tient, parfois on décroche. ça dépend pas que de nous, mais il faut faire comme si."Il y est beaucoup question de chaleur humaine et de familles qu'on se bricole quand la vie n'a pas toujours été généreuse, le tout raconté dans dans une langue mêlant registre familier, courant , émaillée de quelques régionalismes.
Si la troisième partie connaît une petite baisse de rythme, lançant une intrigue secondaire qui ne débouchera pas sur grand chose, on reste néanmoins scotché par ce livre généreux, fluide et dont on l'impression d'avoir déjà croisé les personnages dans un quartier populaire lillois. Un roman tendre, facile à lire (et ce n'est pas une critique) qui fait passer un excellent moment !
Marcus, Pierre Chazal, Editions Alma 2012, 328 pages qui se lisent d'une traite !
Et hop pour le challengeVivent nos régions de Lystig ! ...,
06:02 Publié dans Les livres qui font du bien, rentrée 2012, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : pierre chazal, ensemble, c'est mieux
24/08/2012
Un week-end en famille
"Une civilisation nouvelle se faisait jour. Elle aurait pour mot d'ordre une médiocrité de tous les instants. La seule solution serait de construire un barrage et d'engloutir la région."
"Je venais de me marier avec Aurélie à Las Vegas, dans la foulée d'une perte monumentale au poker, en me disant qu'il valait mieux rassembler toutes les conneries possibles sur un seul jour." Excessif le narrateur ? Croyez-vous ! Et ce n'est que le début d'un Week-end en famille où il fera la connaissance de sa belle-famille et de la peu riante région de Samouse. Le vendredi, , il est pourtant plein de bonne volonté , mais que voulez-vous, son beau-père et lui vivent sur deux planètes différentes et rapidement ce que les autres considèrent comme du cynisme et le héros comme "quelques saillies de moraliste modéré" va se donner libre cours ! Il aura beau gober des Zolpidem pour calmer le jeu, la situation va très rapidement partir en vrille et prendre des proportions cataclysmiques , avec un zeste de mysticisme dominical pour couronner le tout !
Accrochez vos ceintures et dévorez illico ce roman, à la croisée de Fantasia chez les ploucs et de Delivrance ,qui brise "les idoles les plus sacrées" à savoir la maison et la voiture, et de manière générale s'en prend à "tout ce qui fait de l 'homme moderne un esclave aux mains des usuriers."Un jeu de massacre totalement politiquement incorrct (et donc jubilatoire), le tout en baguenaudant à Andouillé, Carbonnat-les-Cayrouses ou Barais-Bussoles, des noms de localité plus vrais que nature !
De plus, le décalage entre le récit imposé au lecteur par le narrateur et les fragments de réalité qui parviennent à surnager est totalement hilarant et l'on ne peut lâcher ce roman qui dézingue à tout va !
François Marchand confirme ici son talent de manière magistrale !
Du même auteur : clic !
Un week-end en famille, François Marchand, Le Cherche-Midi 2012, 112 pages qui dépotent ! ....,
06:00 Publié dans rentrée 2012, romans français | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : françois marchand
22/08/2012
Acharnement
"dans le plaisir, également, quelque peu fébrile et grisant de manier des paroles qui détiendraient la puissance de se transformer en faits, de nommer (car tel est l'apanage de la langue du pouvoir) des actes et des décisions qui auraient une incidence directe et concrète dans le réel."
Longtemps speech writer d'un ministre,Müller vit désormais retiré à la campagne. Là, entre feuilletons télé et verres de Chartreuse, il tente de composer Le discours parfait.Sa solitude est à peine troublée par la présence quasi mutique de son jardinier, Marceau, seul lien qui le relie au village voisin. Pourtant,la tranquillité des lieux sera brisée par des suicidaires qui viennent se jeter du viaduc surplombant le jardin de Müller.
Commencé de manière quelque peu austère, Acharnement prend rapidement son rythme de croisière et brosse par petites touches d'abord, par grands pans ensuite, le portrait d'un homme, praticien de la langue et observateur lucide des moeurs politiques actuelles. Ceci nous vaut quelques portraits au vitriol de politicards tocards, quelques scènes croquées sur le vif mettant à jour la fatuité et l'histrionnisme de certains, morceaux de bravoure forcément réjouissants. Pour autant, même si l'on peut facilement mettre des noms sur certains personnages , tel n'est pas l'essentiel.
En effet, c'est surtout à l'usage dévoyé de la langue que s'attache l'auteur, fustigeant ces hommes politiques qui méprisent leur auditoire, auquel "il n'est même pas besoin de s'adresser en disant ce que l'on pense, mais simplement, ce que l'on croit qu'elle (cette masse) veut entendre, c'est à dire une adjonction de stéréotypes et de slogans, de tournures immuables , de grandes considérations morales creuses et d'émotions primaires". Aux speech writers d'alimenter en allocutions et réponses toutes prêtes, en bouillie de mots, ces hommes qui , dans la colère peuvent parfois se lâcher dans "une longue diatribe informe, décousue, mue par une rage sanguine et syncopée, traduisant (...) la bousculade des idées et des sentiments dans [leur] esprit" avant de retrouver leur self contrôle.
Le style est ample, le vocabulaire soutenu et le décalage, entre l'univers de Müller et celui du monde politique qu'il a quitté ,radical. Un roman acéré et vif, un regard nécessaire sur le monde politique actuel.
Un de mes coups de coeur de cette rentrée !
Acharnement, Mathieu Larnaudie, Actes Sud 2012, 199 pages corrosives.
Lu dans le cadre de l'opération On vous lit tout , organisée par Libfly et le Furet du Nord . Merci ! ....
06:00 Publié dans rentrée 2012, romans français | Lien permanent | Commentaires (13)
16/08/2012
La dernière nuit de Claude Eatherly
"C'est comme un sujet sur une photo qui n'arrêterait pas de bouger. (...) J'arrive pas à le saisir."
Quand la jeune photographe-reporter Rose Carter croise la route d'un certain Claude Eatherly en 1949 au Texas, elle est loin de se douter que ce vétéran de l'armée de lair occupera ses pensées pendant trente ans.
Fascinant, insaisissable, joueur de poker à ses heures- et peut être même au-delà- cet homme est le pilote de l'avion qui s'est assuré des conditions météo avant le bombardement d'Hiroshima. Mais le retour à la vie civile est loin d'être glorieux et, torturé apparemment par la culpabilité, Claude enchaîne petits braquages et séjours en hôpital psychiatrique.
La description de la relation trouble qui s'établit entre les deux protagonistes est finement analysée, riche en rebondissements et passionnante. Les informations sur l'utilisation de l'énergie atomique et ses conséquences, dans le monde de la guerre froide sont tout aussi éclairantes et c'est un pan entier de l'Histoire qui renaît ici à travers la vision sélective de Rose Carter.
Le style est impeccable, riche en notations dûment soulignées, et le temps passe trop vite en compagnie de Rose et de Claude. Un excellent cru !
La dernière nuit de Claude Eatherly, Marc Durin-Valois, Plon 2012, 340 pages.
L'avis de Clara
Celui d'Ys.
....
06:00 Publié dans rentrée 2012, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : marc durin-valois, bombe atomique
14/08/2012
Cliente
"Mais c'est quelqu'un de léger, qui ne pèse pas."
Judith, pimpante quinquagénaire, animatrice d'une émission de téléachat, n'éprouve aucune honte à utiliser les services tarifés de jeunes hommes pour combler le vide sexuel de sa vie. Elle a établi des règles très claires qui vont quelque peu vaciller quand elle rencontre Marco, escort-boy occasionnel.
Ce dernier n'a rien dit à sa jeune femme Fanny car tous deux galèrent pour obtenir leur indépendance financière et cet argent facilement gagné , en apparence, leur est plus que nécessaire. Mais évidemment, Fanny va découvrir le pot aux roses...
Je n'ai pas vu le film réalisé par Josiane Balasko, mais , vu la couverture du livre, j'ai tout de suite prêté les traits de Nathalie Baye à Judith et cela ne m'a en rien gêné car cette actrice possède à la fois la classe du personnage et cette capacité à assumer ces choix avec assurance et liberté. Comme Judith, on l'imagine autant à l'aise dans une boui boui infâme à se bâfrer de pizza que dans un cinq étoiles !
Josiane Balasko n'est en rien une styliste mais elle conduit de main de maître son récit, campe des personnages plus vrais que nature et n'hésite pas à appeler un chat un chat sans pour autant sombrer dans la vulgarité. C'est couillu et sensible à la fois, un mélange rare !
Cliente, Josiane Balasko, Livre de poche 2005, 251 pages pleines de vie !
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : josiane balasko, les quinqua sont sympa
03/08/2012
Du vent dans mes mollets...de nouveau en poche et ...
...le 22 août au cinéma. Tentée je suis, ne serait-ce que par la présence d'Agnès Jaoui, Denis Podalydès, Isabelle carré !
Attirée par la couverture initiale et le titre, rebutée par la 4 ème de couv' qui convoque à la fois Le petit Nicolas et Zazie dans le métro , j'hésitais toujours. mais j'ai sauté dessus quand je l'ai vu à la médiathèque et j'ai bien fait !
La préface d'Howward Buten m'a mise en confiance et et j'ai vite été prise par l'histoire de cette petite Rachel qui observe le monde des adultes avec acuité et impertinence,"C'est bien ce que je dis,décidément les parents heureusement qu'ils filent pas dans leur chambre chaque fois qu'ils sont à côté de la plaque, parce que sinon, il resterait plus grand monde à table". Sa copine , Hortense n'est pas en reste d'ailleurs, elle qui constate avec une logique imparable : "Les péchés font partie des obligations de l'existence, figure-toi Rachel.Si j'ai rien à confesser,soit le père Nérac sera déçu, soit il me prendra pour une menteuse, et je ne peux pas trop me permettre de le contrarier avant ma première communion si tu vois ce que je veux dire."
Le récit est rythmé par les séances avec Mme Blabla "psychologue pour enfants persécutés" et on est partagé entre le rire et l'émotion , par les efforts de Rachel pour s'intégrer tout en gardant sa liberté de ton.
Il y avait Du vent dans les branches de sassafras et désormais il y a Du vent dans mes mollets et une auteure, Raphaële Moussafir, que je vais suivre, j'en suis certaine avec ce titre, toujours dans la collection "les mues", décidément fort riche .
(Rien que le titre m'enchante !)
La bande annonce ici.
Du vent dans mes mollets, Raphaëlle Moussafir, J'ai lu.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : raphaelle moussafir
27/07/2012
Arrête de mourir
"C'est quoi ce bordel, ce désordre, ce foutoir, où les mères retombent en enfance alors que leurs enfants en sont à peine sortis ?"
L'année du bac pour Samuel. Mais il a bien d'autres soucis en tête car d'une part il est amoureux de la Pauline et d'autre part et surtout sa mère adopte un comportement de plus en plus irrationnel. La famille va devoir se rendre à l'évidence : la mère de Samuel et Caroline est atteinte de la maladie d'Alzheimer et ce à l'âge de 49 ans.
Refus d'admettre la réalité, colère puis acceptation, l'adolescent qui nous livre son point de vue passe par toutes ses étapes, scandant son récit des couplets de la chanson de William Sheller, Maman est folle.
81 petites pages, un concentré d'amour et d'émotion pour dire la maladie et ses répercussions sur de jeunes adultes. L'écriture est magnifique, tour à tour familière et imagée et ne sombre jamais dans le pathétique. Un texte "à murmurer à l'oreille d'un ami à hurler devant son miroir, à partager avec soi et le monde", un texte de la collection "D'une seule voix". à laisser infuser.
Arrête de mourir, Irène Cohen-Janca, Actes Sud Junior 2011.
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : irène cohen-janca, alzheimer
23/07/2012
Clair de loups
"- C''est une habitude dans votre famille ?
- Quoi donc ?
- De faire lire des manuscrits..."
Un écrivain déchiqueté par les lions du zoo de Maubeuge (Nord), voilà qui est pour le moins surprenant ! La police mène l'enquête, aidée en cela par Solange Kieffer, une amie du défunt et maubeugeoise de surcroît, qui a décidé de faire lire son journal intime au policier chargé de l'enquête.
Il aura fallu les challenges de Liliba et de Lystig, plus un courriel de Sylvie enthousiaste au sujet d'un autre roman de l'auteure, pour que je me décide à lire un des Polars en Nord !
Grand bien m'en a pris ! On s'attache à tous ces personnages qui entretiennent des liens plus complexes qu'il n'y paraît à première vue et on prend beaucoup de plaisir à identifier des lieux que l'on a déjà fréquentés. L 'évocation de la construction de l'université de Lille III dans des champs, qui ont aujourd'hui disparus, paraît follement rétro !
Un seul regret : le zoo reste un décor autour duquel on tourne, sans jamais y entrer, l'enquête se préoccupant davantage des personnages et de leurs parcours. Un roman des plus sympathiques !
Clair de loups, J(osette). Wouters, Ravet-Anceau 2008, 253 pages made in Nord !
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11)
20/07/2012
Supplément à la vie de barbara Loden
"Barbara ne fait des films que pour ça. Apaiser. Réparer les douleurs, traiter l'humiliation, traiter la peur."
Barbara Loden, actrice des sixties mais aussi réalisatrice d'un unique film Wanda, dont elle incarne le personnage éponyme (car "Tout ce que je fais c'est moi." ) est le sujet de la notice que doit rédiger la narratrice du roman.
Mais, très rapidement, à force d'accumuler la documentation , cette dernière qu'on devine très proche de l'auteure, prend sa mission de plus en plus à coeur et laisse aller son texte vers l'autobiographie, quoi qu'en dise son éditeur. Elle approfondit son enquête, n'hésitant pas à contacter l'entourage de Barbara Loden, se laissant fasciner par la personnalité de cette femme troublante.
De la même manière que la notice se détourne de sa direction initiale, entrelaçant la biographie de Barbara, le film Wanda et les réactions de la narratrice et de sa mère, Nathalie Léger nous offre le portrait de femmes à la dérive. Son écriture est à la fois précise et hypnotique, elle tisse son texte avec maestria et envoûte le lecteur. Un texte qui reste longtemps en mémoire et résonne en nous.
Un extrait :
"A quoi puis-je reconnaître ce qui me lie à Wanda ? Je n'ai jamais erré sans domicile, je n'ai pas abandonné d'enfants, je n'ai jamais remis le cours de mon existence ou simplement celui de mes affaires à un homme, le cours quotidien de ma vie, je ne l'ai jamais confié à quiconque, me semble-t-il, j'ai abandonné des hommes, et parfois brutalement, avec la joie vibrante qu'o éprouve à bifurquer, à s'évanouir dans une foule, à sauter sans prévenir dans un train, à faire faux bond, le plaisir aigu et rare de se dérober, de se soustraire, de disparaître dans le paysage-mais pas celui de se soumettre. [...] mais il m'est arrivé surtout de me laisser faire, d'attendre que ça passe, de préférer le malentendu à l'affrontement-impossible dans ces moments de penser que la défense et l'illustration de mon corps puisse en valoir la, peine, et d'ailleurs qu'est ce que ça signifie "mon corps" , à quinze ans, seul signifie ne pas être seule, ne pas être abandonnée."
Merci à Clara pour le prêt !
Supplément à la vie de Barbara Loden, Nathalie Léger, POL 2012, 150 pages denses.n livre qui mérite d'aller, zou sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : nathalie léger, prix du livre inter 2012