23/01/2023
Terminus Malaussène
"(Il ne faut jamais profiter du sommeil des aimés pour retourner vivre tout de suite. Attendre un peu. Le temps qu'il faut. Mon seul principe éducatif. ) "
La Tribu Malaussène est de retour. Est-ce vraiment pour la dernière fois comme semble le suggérer le titre de ce nouvel opus ? Rien n'est moins sûr.
Ce qui est certain en revanche, c'est que les aventures rocambolesques de cette famille hors-normes s'enchaînent à vive allure, avec force retournements de situations liées , ou non, à des situations passées. On y utilise l'analyse de texte pour tenter de brosser le portrait du dénommé Pépère,dont la cruauté et l'intelligence perverse sont inversement proportionnelles à l'aspect bonhomme de son surnom. On y évoque au passage des sujets d'actualité (scandale des Ehpads, pandémie, guerres...) bref, on sent que le narrateur s'en donne à cœur joie, soulignant même le côté " aussi délibérément convergeant de son récit" . Un plaisir de lecture, un peu tempéré par quelques longueurs.
Gallimard 2023.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : daniel pennac
16/01/2023
Fille en colère sur un banc de pierre
"Profitez de votre enfance, le monde se chargera de vous briser le cœur bien assez tôt. "
Parce qu'elle a été estimée responsable de la disparition de sa petite sœur, alors qu'elle même n'était qu'une enfant,Aïda a été ostracisée par son père et ses deux sœurs ainées, puis exfiltrée par sa mère.
La paria sera néanmoins contactée par ses sœurs lors du décès du père de famille, le Vieux. L'occasion de se confronter au passé et de peut-être trouver la vérité...
L'action se déroule sur une île italienne écrasée de soleil, au sein d'une famille atypique comme les affectionne Véronique Ovaldé, tout à la fois baroque et tragique.
Malgré l'atmosphère très réussie, je n'ai pas vraiment apprécié ce roman dont l'intrigue m'a rappelé celle d'Une souris bleue de Kate Atkinson et j'ai trouvé le temps long.
Flammarion 2023.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : véronique ovaldé
13/01/2023
Sortir au jour
"Le deuil est devenu une affaire individuelle avec des étapes à franchir. Mais nous ne sommes pas des êtres linéaires. Il y a toujours des retours en arrière. "
Dans une librairie, Amandine Dhée rencontre une thanatopractrice, Gabriele. Pour cette dernière, en quête de sens , ce métier est une reconversion qui suscite bien des étonnements, voire des rejets.
Entre les deux femmes s'instaure un dialogue , entrecoupé par des extraits du verbatim d'une émission : Vis ma vie de thanatopracteur.
Quelle drôle d'idée un livre sur la perte, pourrait-on penser. Mais l'autrice, mêlant ses réflexions sur la mort, mais aussi la création et la volonté de transmission instaure un échange fécond , souvent surprenant, mais riche d'humanité.
Elle y évoque, souvent avec humour, aussi bien le confinement et ses conséquences ,"Ce soir , le président de la République nous pousse à l'intérieur de nos maisons et nous ordonne d'y rester. Il nous invite même à lire, c'est dire si la situation est grave. " que sa famille , "On parle de liens du sang, mais les familles sont d'abord faites de beurre et de sucre, n'en déplaise aux scientifiques et aux diététiciens. "
Le ton se fait parfois plus grave, mais la tendresse règne toujours quand il s'agit d'évoquer ses enfants ou de rendre un hommage à France Gall.
Quant à Gabriele, elle nous permet de voir l'envers d'un décor qui trop souvent est occulté .Elle aussi sait se montrer drôle mais se révolte aussi contre les hypocrisies sociales qui veulent passer la beauté de sa profession à la trappe.
Un livre plein de vie qui ferait presque la nique à la mort.
Éditions La Contre Allée 2023.
13:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : amandine dhée
12/01/2023
#PetiteSale #NetGalleyFrance !
"Demest est semblable à ses champs: froid, dur à la tâche, gelé, animé par des projets plus grands, par des mouvements profonds."
Du 10 au 19 février 1969, la vie des habitants d'un petit village situé non loin du Chemin des dames va être bouleversée: la petite fille de 4 ans du potentat local a été enlevée. Une demande de rançon tombe. Des policiers parisiens sont envoyés en renfort . La dernière personne a avoir vu la petite Sylvie est Catherine. La Petite Sale c'est elle.
Ces qualificatifs expriment bien tout le mépris de classe envers cette jeune femme qui s'active à la ferme et à laquelle personne ne prête attention. Elle a d'ailleurs tout leur d'intérêt dans ce monde d'hommes à ne pas avoir un corps attractif...
Nous sommes donc en 1969 mais nous pourrions être un siècle plus tôt, comme le remarque un personnage, car la modernité ne semble pas être arrivée dans cette campagne où M. Demest fait la pluie et le beau temps , tenant les habitants sous sa coupe, étant le seul à leur offrir du travail. C'est aussi un tyran domestique contre lequel rares sont les membres de sa famille sont ceux qui osent regimber.
Ce nouveau roman de Louise Mey est un magnifique roman d'atmosphère, une plongée dans la boue et le froid, mais aussi un roman policier qui fleure bon les enquêtes à la Maigret, repas au café du village parmi les habitants taiseux.
C'est enfin une magistrale dénonciation du patriarcat, s'exerçant à différents niveaux, dans un monde où les femmes commencent à peine à se forer leur place.
Le style est également magnifique, la construction impeccable et une grande place est accordée à la description des corps marqués par le travail, de ses corps auxquels on ne prête pas attention mais qui pourront peut être un jour se déployer. Du suspense et de l'espoir, un excellent cocktail. Et zou , sur l'étagère des indispensables.
Le masque 2023.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : louise mey
10/01/2023
#Lheuredesfemmes #NetGalleyFrance !
"Oui, pourquoi les femmes ne profiteraient -elles pas de ce formidable élan de vie pour prendre enfin leur place dans cette société en pleine mue ? "
De nos jours, une jeune femme est chargée par une amie éditrice de collecter des informations sur celle qui , à l'heure de la sieste, sut donner la parole aux femmes et surtout les écouter : Menie Grégoire. En 1967, à la radio on dialoguait à propos"de thèmes sociétaux importants dont personne ne parlait publiquement à l'époque. Il y avait la sexualité bien sûr. Mais aussi la contraception, l'avortement , les problèmes de couple, de famille, l'éducation des enfants. Sans parler de l'inceste dans les familles. "
A une époque où les femmes , pour la plupart n'avait aucune éducation sexuelle, aucun accès à la contraception et enchaînaient les grossesses , où l'avortement entraînait la mort de très nombreuses femmes, c'était révolutionnaire.
Et pourtant, Menie était une femme d'origine bourgeoise, capable d'organiser de grands dîners , d’élever ses deux filles et d'écouter avec empathie, sans juger les femmes de toutes origines sociales.
C'est un grand plaisir de la retrouver par le biais de ce roman écrit par sa petite fille, Adèle Bréau. Ni hagiographie, ni portrait à charge, mêlant fiction et réalité, de l'aveu propre de l'autrice, ce roman nous rend Menie Grégoire proche et formidablement vivante. Les récits qui s'entremêlent et donnent à voir le destin de femmes modestes qui croisèrent celle qu'on appelait "La dame de cœur" sont aussi très réussis , un peu moins celui-mettant en scène le personnage principal, car trop démonstratif à mon goût. Une réussite néanmoins qui permettra de (re) découvrir cette grand dame dont la voix résonne encore à mes oreilles.
Jean-Claude Lattès 2023.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : adèle bréau
05/01/2023
Les Sources
" [...] elle va avoir trente ans et sa vie est un saccage, elle le sait, elle est coincée, vissée, avec les trois enfants, il est le père des trois enfants , il les regarde à peine mais il est leur père, il est son mari et il a des droits. "
D'amour conjugal, il ne sera jamais question dans ce récit en trois actes qui commence le samedi 10 et dimanche 11 juin 1967. Une tragédie est en marche, on le devine à la tension quasi insoutenable qui irrigue les 80 premières pages du roman. Tension entre la narratrice et le tyran domestique qu'elle a épousé. Trois enfants, trois césariennes successives ont saccagé son corps. Les coups, aussi. Et surtout les mots dont il use pour faire "autant de dégâts que les coups, peut-être même davantage parce qu'ils ne la lâchent pas pas et lui tombent dessus au moment où elle s'y attend le moins, quand elle pourrait être à peu près tranquille et penser à autre chose. "
Mais, elle aussi commence aussi à mettre des mots sur ce qu’elle vit. Elle possède le permis de conduire et une famille qui pourrait ne plus fermer les yeux. Parviendra-t-elle à sortir de l'emprise de cet homme toxique à une époque où une femme divorcée subit l'opprobre de la société ?
La deuxième partie, sept ans plus tard, donne cette fois la parole au mari et le roman se clôt en 2021 par le constat d'un des enfants revenu dans cette ferme du Cantal où tout a commencé.
Un roman court, une centaine de pages, mais qui concentre des émotions d'une rare puissance, sans pathos mais en étant au plus près des corps. On n'oubliera pas de sitôt ces personnages, témoins d'une époque et d'un lieu. Un roman qui file, bien évidemment, sur l'étagère des indispensables.
Buchet-Chastel 2023.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : marie-hélène lafon
15/11/2022
Porté Disparu
" Il s'est passé le meilleur, le vif, le brillant, le sensible, l'intelligence pure, il s'est passé le courage, la liberté, la générosité, mais aussi la fougue du désespoir, et c'est ce dont je me souviens. "
Par le truchement d'un exposé sur Magnus Hirschfeld, un médecin juif allemand qui militait pour l'égalité entre hommes et femmes et les droits des homosexuels, Livio va faire voler en éclats les certitudes et provoquer un beau remue-ménage au sein de la classe. Cela n'ira pas sans hostilité et le jeune homme à l'issue de cet exposé est porté disparu.
Reprenant ses personnages du roman Un jour de Courage, Brigitte Giraud revient sur les répercussions intimes de différents protagonistes: les camarades de Livio, ses parents, sa professeure d'histoire-géographie.
Sans manichéisme, elle peint des adultes et des adolescents souvent désemparés qui n'ont pas su ou pu faire face à ce que Livio avait révélé en sous-texte de son exposé. Une manière sensible et délicate de prolonger la lecture et/d'amener de plus jeunes lecteurs (mais pas que) à faire l'enrichissante connaissance de Livio.
Éditions École des Loisirs 2022.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : brigitte giraud
14/10/2022
l'enfant parfaite...en poche
"Roxane souffrait d'une anxiété de la performance. La réussite scolaire semble être le modèle familial des Blanchard et la jeune fille tentait désespérément de s'y conformer. "
Fille de parents divorcés, Roxane a toujours joué un rôle de facilitateur entre eux et réussi à l'école avec aisance . Mais les choses se corsent quand elle entre en classe de première : son cerveau ne semble plus aussi bien fonctionner, les boutons dévorent son visage et la jeune fille commence à perdre pied en secret.
Un traitement controversé contre l'acné sera finalement le déclencheur du drame.
Vanessa Bramberger entrelace le parcours de Roxane et celui de François, médecin prescripteur et ami de la famille en entretenant la tension.
Elle peint ici avec vigueur le portrait d'adolescents tiraillés : "On nous demande d'être à la fois autonome et obéissant, détendu et performant. Résultat, nous allons mal plus tôt et plus longtemps. On nous balance qu'être ado c'est être à la fois unique et semblable aux autres. Mais moi, je suis une volaille qui ne sait pas voler, une partition inachevée. Je ne veux pas être moi, je veux être Rose ou Lyna. Putain d'adolescence qui n'en finit pas . "
Un roman où le rythme des mots est essentiel, ça claque, ça slame, ça dézingue à tout va et le langage adolescent (merci au lexique destiné aux darons et daronnes) sonne juste. Chacun des adultes en prend pour son grade mais n'est-ce pas plutôt ici le procès d’une société qui en demande trop à une certaine jeunesse ?
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vanessa bamberger
11/10/2022
#LesCouleurs #NetGalleyFrance !
"Je n'avais pas compris que les élèves en face de moi étaient, eux, des passeurs. Des passeurs de douleurs. "
Enseignante certifiée en Français Langue Étrangère auprès d'élèves migrants , Amandine doit jongler entre les contraintes institutionnelles, les destins cabossés de ses élèves aux prises souvent avec l'administration française, des difficultés économiques voire des handicaps physiques et/ou mentaux, le tout, bien évidemment qui ne rentre pas dans les cases prévues.
Il lui faut donc accepter l'improvisation pour apprivoiser certains jeunes, réussir à inculquer quelques bribes de français pour certains ou s'émerveiller des fulgurances d'autres. Ils apparaissent, disparaissent parfois, certains sont adorables, d'autres, il faut bien l'avouer, insupportables. Amandine, doute. De sa capacité à être une bonne mère, une bonne prof. A parfois envie d'abandonner mais"Je n'avais pas d'éponge donc je n'en ai pas jeté. "
Elle brosse par petites touches sensibles les portraits de ces jeunes qui ont traversé sa vie et cette galerie de portraits restera dans nos mémoires. Avec poésie, humour parfois, elle dépeint un quotidien toujours à rebâtir, laisse parfois percer son découragement et souligne les défaillances du système. Un roman vrai qui ne laissera pas indifférent.
Les Avrils 2022
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : amandine hamet
16/09/2022
Maman à moi
Ayant beaucoup de sympathie pour Valérie Bonneton et pour les chiens en général, c'est sans aucune retenue que j'ai craqué pour ce nouvel opus de la collection" Bestial".
Et j'ai bien fait car ce roman, sans prétention m'a fait passer un très bon moment, l'autrice ayant réussi à se glisser dans la peau (et les poils) de son chien Gaston, un adorable bichon maltais qui tombe fou amoureux d'elle dès qu'elle l'achète.
Gaston accompagne Valérie partout, sur les castings et/ou les tournages, pendant une période très sombre où l’actrice tourne peu, doit pourtant faire face aux factures et surtout à la leucémie de son fils.
Le père est aux abonnés absent et Gaston se rêve en "homme " de la maison pour défendre sa maîtresse. Mais l'horizon va heureusement se dégager et Valérie sera engagée pour la fameuse série "Fais pas ci, fais pas ça".
C'est à la fois drôle, pudique et touchant, l'autrice ne nommant jamais ceux qui l'ont humiliée pendant sa période de vaches maigres, préférant célébrer les acteurs avec qui s'est nouée une véritable complicité ainsi que la solidarité dont a fait preuve sa voisine. Une photo montrant Valérie et son chien, tous deux hilares, permet aussi de réjouir le lecteur.
JC Lattès 2022.
06:04 Publié dans Rentrée 2022, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : valérie bonneton