13/01/2014
La carapace de la tortue
Disgracieuse, maladroite, Clotilde a vite compris qu'elle désespérait sa famille et l'a quittée très jeune. Quand elle revient habiter chez sa tante, surnommée la Vilaine, c'est pour reconquérir son estime de soi, fort mise à mal par son obésité et les agressions qu'elle suscite.
C'est grâce à l'art et à l'aide de certains des habitants de cet immeuble bordelais que Clotilde va commencer à s'épanouir.
J'ai passé un bon moment avec ce microcosme bordelais mais certains tics de style (phrases nominales courtes, voire très courtes), un peu trop de joliesse dans l'écriture, utilisation des italiques durant tout le journal intime de Clotilde (G. Delacourt est sûrement à l'origine de cette allergie !), manque d'une charpente narrative un peu plus solide ont fait que je n'ai pas été aussi enthousiaste que Laure.
Comme elle, j'ai pourtant apprécié que l'auteure ne cède pas à la facilité dans l'épilogue. Un premier roman prometteur et un joli moment de lecture .
Sylire est aussi plus enthousiaste.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : marie-laure hubert nasser
08/01/2014
La petite communiste qui ne souriait jamais
"Il n'a pas pu me briser parce qu'il n'a jamais su où étaient mes VRAIES limites, je ne les ai jamais dévoilées."
Aux Jeux Olympiques d'été de Montréal de 1974, une petite fée de 14 ans affole les ordinateurs car elle vient d'obtenir le note maximale de 10, jamais accordée auparavant. Nadia Comaneci entre dans l'histoire de la gymnastique, devient une star et l'emblème d'un pays communiste: la Roumanie alors sous l'emprise du dictateur Ceausescu.
La narratrice de La petite communiste qui ne souriait jamais imagine un dialogue entre elle-même et celle qui fut un temps l'icône de la planète avant de tomber de son piédestal. L'occasion de balayer les clichés sur un pays alors très fermé mais surtout de brosser le portrait d'une fillette "Puissante et impitoyable" qui semble n'avoir peur de rien , pas même de mettre à mal son corps.
J'ai été happée par l'écriture à la fois poétique et vigoureuse de Lola Lafon. Les échanges instaurés permettent de nuancer les propos (la Nadia du roman regimbe, boude, mais finalement revient toujours, sans pour autant éclairer toutes les zones d'ombre). Il s'agit en effet ici non pas d'écrire une biographie ni une hagiographie mais "d'entendre son parcours non réécrit y compris par elle-même." Un livre tout bruissant de marque-pages qui suscite un enthousiasme comparable à celui qu'avait engendré Nadia Comaneci. Et zou, un beau et grand coup de cœur !
Lu en avant-première grâce à Libfly et aux éditions Actes Sud. Merci !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : lola lafon, nadia comaneci
06/01/2014
La première chose qu'on regarde
Scarlett Johansson frappe un soir à la porte d'un jeune garagiste français qui ressemble à Ryan Goslin "en mieux". ça tombe super bien car depuis l'enfance le dit garagiste est obsédé par les femmes à forte poitrine.
"On s'attend à la lumière et à la grâce." et on n'obtient qu'un salmigondis indigeste d'enfances cabossées, de réflexions définitives et grotesques, de personnages vulgaires, de parenthèses informatives (à vocation humoristique ?) où surnagent péniblement de nombreuses citations de Jean Follain. Sans compter que l'auteur semble avoir coincé le bouton italiques -agaçant au possible-, oublié au passage que les coiffeurs utilisent des ciseaux et que les nains sont obligatoirement petits.
"C'est joli, dit Jeanine Foucamprez. Non, c'est nouille."
Emprunté à la médiathèque.
06:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, romans français | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : grégoire delacourt, schtroumpf grognon le retour
28/12/2013
Les gens heureux lisent et boivent du café
Un titre qui sonne presque comme une assertion : pour être heureux, lisez et buvez du café. Attirant, donc pour qui remplit ne serait-ce qu’une de ces deux conditions.
En fait, il s'agit d'un café-librairie dont s'occupe vaguement l'héroïne, Diane, avec son meilleur ami, Félix. Elle s'en occupera encore moins après le décès simultané de son mari et de sa fille dans un accident de voiture.
Diane déprime sévère- on la comprend- et décide de partir là où son mari aurait voulu se rendre : en Irlande. Et là, devinez-quoi, braves gens, elle va se prendre la tête avec son voisin, plus mal embouché tu meurs (euh de mauvais goût mais j'assume !) , diablement séduisant quand même. Bien sûr. Rajoutez par dessus des cuites, un comportement immature en diable, un quiproquo qui prend la forme d'une Irlandaise rivale qui réapparaît juste au moment où..., rajoutez quelques clichés concernant le meilleur ami gay, une héroïne plus tête à claques qu'émouvanteet vous obtiendrez un roman paru d'abord en version numérique en auto-édition, puis qui, vu le succès , a été repéré par un grand éditeur , été édité version papier et acheté par 18 pays. Tant mieux pour l'auteure.
Merci à A & F. pour le prêt.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : schtroumpf grognon le retour
26/12/2013
Un homme effacé
"Une menace pesait sur son identité. Quelque chose de visqueux prenait possession de lui. Ce suintement infiltrait ses veines, épaississait son sang, engluait jusqu'aux battements de son cœur."
Des images pédopornographiques ayant été trouvées sur son ordinateur Un homme effacé, professeur de philosophie dans un université cossue est embarqué par la police. Tout (paroles, comportement photographie banale) va alors être réinterprété à charge et bien que se sachant innocent, Damien North en viendra à plaider coupable sur les conseils de son avocat.
Cette première partie est déjà passablement effrayante (elle m'a fait penser aux premières images du film évoquant l'affaire d'Outreaux, "Présumé coupable") mais l'affaire se corse encore quand le roman envisage ce qui se déroule ensuite...
Mensonge, vérité, tout est ambigu dans ce roman à la mécanique implacable où le héros en vient à douter de lui-même mais qui pêche un peu par son style trop neutre. Un bon début néanmoins !
Prix Goncourt du premier roman.
Le billet de Cuné, la tentatrice.
Déniché à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : alexandre postel
17/12/2013
L'homme idéal (en mieux)
"Si tu es sarcastique, je suis rassurée, c'est que tu n'es pas à l'article de la mort."
Entre sa fille, ses copies, sa copine libraire chez qui elle squatte, Émilie, 35 ans, n'a pas une minute à elle. Elle trouve quand même le temps de siroter des cocktails aux noms évocateurs (je vous laisse le plaisir de les découvrir !) avec ses copines aussi délurées qu'elle et de débattre avec elles de celui qu'elle vient de rencontrer, Samuel Winterfield. Craquera ou pas ? Mais voilà que son ex, Diego, sentant le vent tourner, décide de faire le siège de celle qu' il avait quittée...
Haute en couleurs, pétillante, Émilie est une jeune femme ultra attachante qui a un système de classement de livres bien à elle, un appétit de vivre qui fait plaisir à voir et un humour sans faille ! On ne peut qu'aimer ce personnage qui semble avancer tambour battant mais qui révèle aussi bien des failles. Mais notre Émilie est loin d'être une sainte n'y touche (manquerait plus que ça à notre époque !) et cela nous vaut quelques scènes waouh qui savent être précises sans tomber dans le ridicule ou le vulgaire. Du grand art !
Angéla Morelli sait créer un univers bien à elle, sa narration est fluide, dynamique, bourrée d'humour et saupoudrée de quelques jurons qui ont fait mes délices par leur originalité Comment ne pas craquer ?!
Dévoré d'une traite, un coup de cœur !
Le billet aussi enthousiaste de Cuné qui a eu la chance de participer à la création !
Du même auteur : clic !
17:40 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : angela morelli
07/12/2013
La belle année...en poche
""Tout gâcher, c'est ta spécialité, Tracey Charles "je me suis dit."
" -T'as de la chance de t'appeler Tracey. Toi au moins, tes parents t'ont gâtée". Pas si sûr que ça . Parce que la mère de Tracey c'est tout un poème ! Au lieu de se réjouir d'avoir une fille douée qui vient d'entrer en sixième et d'entamer, saison après saison ce qui va devenir sa Belle année , elle la tarabuste sans cesse, passe son temps à se plaindre et on se demande comment après avoir largué son premier mari, le père de la pré-adolescente, elle ait réussi à se dénicher un nouveau compagnon !
Mais Tracey ,en fille intelligente, sait s'accommoder des humeurs de sa mère, voire en tirer partie. Elle porte un regard aigu sur le monde qui l'entoure, la banlieue, mais une banlieue qui échappe à tous les clichés sans pour autant tomber dans l'angélisme (il n'est que de voir la description des cours dans le collège !). L'espace urbain joue en effet un rôle important dans ce roman, à travers les déplacements de Tracey mais aussi à travers la manière dont son père va, petit à petit le réinvestir, faisant fi de sa phobie qui le contraint à rester chez lui.
C'est en effet toute une faune haute en couleurs qui gravite autour de Tracey . Que ce soit ses parents, son beau-père japonais, sa famille ou ses amis. Tout un monde attachant qui se compose petit à petit à travers le récit de Tracey.
La Belle année c'est aussi le récit de la métamorphose à petits pas, d'une enfant dont "Les accès de violence sont le plus grand problème" , qui ne supporte pas qu'on la touche (vu la manière dont sa mère la bouscule, on comprend pourquoi...) et qui va apprendre, mine de rien, à s'ouvrir aux autres. un récit plein de fraîcheur et d'humour.
12:43 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : cypora petitjean-cerf
06/12/2013
Kinderzimmer
"Tenir encore, malgré l'hypothèse du gaz."
Lors d'une intervention dans un établissement scolaire, la question d'une jeune fille vient perturber le discours bien rodé de Suzanne Langlois venue témoigner de son internement dans un camp de concentration en 1944. "Alors quand avez-vous compris que vous alliez à Ravensbrück ?"Elle prend alors conscience de l'ignorance qui était la sienne à cette époque et émet le souhait: "Oh, retrouver Mila, qui n'avait pas de mémoire. Mila ,pur présent."
Mila qui est enceinte à son arrivée au camp et se demande si cette grossesse peut influer positivement ou non sur sa survie. Mila qui se raccroche à des faits ténus-le fait qu'un chien SS ne l'ait pas mordue- pour ne pas se jeter sur les barbelés électrifiés . Mila qui va découvrir l'impensable: cette chambre des enfants, Kinderzimmer, oasis de survie dans un univers voué à la destruction.
J'ai tout aimé dans ce roman : la manière dont est relatée l'arrivée ,le fait que pour la jeune femme "rien n'a encore de nom", que "le camp est une langue" , "Le camp est une régression vers le rien, le néant, tout est à réapprendre, tout est à oublier." Comment évoquer de manière plus juste ce qui a dépassé l'entendement ?
La solidarité, "Vivre est une œuvre collective", le sabotage minuscule mais efficace, l'humour-mais oui !-l'imagination font qu’un des moments les plus beaux et les plus forts du roman est l'effervescence des détenues créée par l'accouchement de la jeune résistante : chacune apporte sa contribution et leurs paroles "tissent un châle de voix melliflues autour de Mila revenue". La joie parvient à forer son chemin dans cet univers où la mort peut surgir à tout instant.
Valentine Goby revient aussi sur un de ses thèmes de prédilection, le corps des femmes, mais sans voyeurisme ni pathos. Avec son écriture sensible et imagée, elle tient la note juste tout au long de son roman et parvient à faire sien l’univers concentrationnaire sans tomber dans les pièges inhérents au thème en soulignant toute l'ambiguïté des situations. On y bascule en effet de la tendresse à la cruauté en un clin d’œil et il faut l'accepter.
Il se dégage de ce roman une force exceptionnelle et un pouvoir quasi envoûtant (je n'ai pas pu le lâcher une fois commencé). Je redoutais le caractère effroyable des situations (et il existe bien sûr) mais ce que je retiendrais finalement de ce livre c'est sa formidable force de vie.
Plein d'avis sur babelio ! Promis les filles, je collecte vos billets dès que j'ai 5 mn !
Trois mois ont été nécessaires pour que je saute le pas (il m'avait fallu plusieurs années pour ce roman là (clic) ! Merci aux copines qui, par leurs billets, ont su faire taire mes craintes !
Un livre revigorant- qui m'a sortie en outre d'une panne de lecture- et un grand coup de cœur !
Du même auteur: clic !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (30) | Tags : valentine goby
21/11/2013
Narcogenèse
"Il se souvenait très exactement pourquoi il détestait l'idée de famille: il avait toujours l'impression d'avoir été invité à un grand banquet qu'il ne pourrait pas quitter tant qu'il n’aurait pas payé l'addition."
Un enfant de la DDASS disparaît et les chemins de la famille Gaucher, grande famille bourgeoise qui reste sur son quant à soi, vont croiser ceux d'un flic, Simon Larcher. Ce dernier ne sait pas encore que Louise Gaucher, grâce à sa capacité à voyager dans "le monde des rêves", plus horrifique qu'onirique, pourra l'aider dans son enquête.
Secret de famille, peurs enfantines, infanticides, abandons, c'est toujours l' enfance qui est au cœur de la problématique de ce roman qui mêle habilement fantastique et thriller. Une atmosphère pesante, angoissante, et un monde à portée de rêve où l'on pourrait sombrer pour notre plus grand malheur font qu'on ne lâche pas ce roman, même si, comme moi, on n'est pas familier de ce type d'ouvrage. Une vraie découverte !
Narcogenèse, Anne Fakhouri, l’Atalante 2011 ,312 pages fascinantes.
Découvert grâce à une rencontre d'auteurs en médiathèque.
11:10 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : anne fakhouri
14/11/2013
Petites scènes capitales
"Son écorce est brunâtre, sillonnée de crevasses et rugueuse au toucher. Les feuilles plates et trapues, sont infusées de lumières, saturées de jaune franc; certaines sont tachetées de rouge-orangé, à peine. Au moindre souffle de vent, le feuillage frémit et répand une formidable sonnaille de jaune, un cliquetis d'or , de soufre, de paille et de safran. Barbara est saisie d'une allégresse aussi plein et aussi nue, aussi pure que cette trémulation de lumière."
Comment ne pas être pétri d'admiration devant un style aussi ciselé et sensuel ? Ces Petites scènes capitales, vignettes pour dire les moments forts de l'évolution d'une d'abord toute petite fille orpheline de de mère qui va, sa vie durant, conquérir son identité et sa place au sein d'une constellation familiale pour le moins chaotique, sont un pur régal de lecture !
Néanmoins, je dois avouer que l'aspect un peu trop morcelé fait que je n'ai pas été aussi enthousiaste quant à la structure du livre. Elle nuit en effet un peu à l'attachement que l'on pourrait porter aux personnages. Un roman constellé de marque-pages !
Le billet tentateur d'Aifelle !
06:00 Publié dans rentrée 2013, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : sylvie germain