18/02/2014
Muchachas
"Croupir dans un château en France, croupir dans une ornière à Aramil, c'est le même destin, le même manque d'amour de soi."
Dans Muchachas, Katherine Pancol se livre à une sorte de patchwork, alternant les passages consacrés à ses héroïnes déjà connues, Joséphine, Hortense et leur adjoignant une petite nouvelle, ferrailleuse de son état, Stella. On est bien loin de l'univers confortable de la mode et de la littérature !
Le propos se fait en effet plus grave, abordant la violence psychologique et physique faite aux femmes mais le ressassement des thèmes , les coïncidences arrivant bien trop opportunément , le lien artificiel entre Joséphine et Stella font que je me suis retrouvée quelque peu partagée devant un roman que j'avais tellement envie d'aimer.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : katherine pancol
12/02/2014
Lady Hunt
"L'avenir m'est interdit; le passé est un paysage gelé dans le brouillard; le présent où je vis est déjà loin de moi.Est-cela être malade du doute comme l'écrit l'article sur internet ? "
J'ai laissé passer quelques mois avant d'entamer la lecture de ce roman plébiscité par la critique "officielle", plusieurs semaines avant de le chroniquer et je me dois d’avouer qu'il ne me reste pas grand chose de cette lecture.
Les thèmes , le personnage féminin hanté par le rêve d'une maison et par un héritage génétique freinant potentiellement son avenir, le tout dans une ambiance de roman gothique, avaient pourtant beaucoup d'atouts pour me plaire mais je suis restée totalement extérieure à ce roman trop maniéré, frôlant parfois l'ennui poli. Dommage.
Plein d'avis sur babelio.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : hélène frappat
11/02/2014
Boy
"Elle ne s'était pas trompée en essayant de donner du corps et de la vie aux textes inaboutis du père. Ses héros sont venus le chercher."
Boy, appellation trompeuse pour une jeune femme qui refuse sa féminité et incarne dans le monde réel les personnages inventés par son père. Boy tombe amoureuse. Un homme, une femme l'aiment aussi et un tueur en série vient brouiller les pistes et faire basculer le récit dans la violence et la mort.
Roman noircissime Boy interroge les rapports entre fiction et réalité .Le style, volontairement saccadé, répétitif, scande cette quête éperdue d'amour où les fantasmes viennent bousculer le lecteur, le poussant dans ses retranchements. On a parfois envie d'arrêter sa lecture tant la violence qui se donne à lire est crue mais l'humanité de Boy l'emporte toujours. On sort de là un peu sonné par une telle intensité !
Boy, Richard Morgiève, carnets Nord, éditions Montparnasse, 280 pages intenses.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : richard morgieve
07/02/2014
Les bourgeoises
"Je suis encore en proie à une curiosité malsaine, ça me rassure de voir le dedans pauvre des riches au-dehors."
"Énervée, revancharde et impatiente", Sylvie Ohayon a su tracer son chemin de la Courneuve (qu'elle n'a pas reniée pour autant) jusqu'à Paris, territoire de la bourgeoisie.
"Rabouilleuse balzacienne, ambitieuse, tête chercheuse d'or et trouveuse d'emmerdes", l'auteure qui manie parfois les mots comme des nunchakus , alliant la verve des banlieues à l'amour de la littérature, brosse un portrait acéré des bourgeoises qu'elle a rencontrées. ça balance sec car l'univers feutré du XVI ème arrondissement s'accorde mal avec le franc parler qui fait voler en éclats l'hypocrisie de rigueur.
On se sent quelquefois gêné aux entournures devant la brutalité de ces textes qui allient formules à l'emporte pièces efficaces (on sent la publicitaire aguerrie !) et réflexions plus sensibles.Mais si la vision est parfois manichéenne , elle est toujours emplie d'une belle énergie et l"écriture toute cabossée" s'accorde parfaitement aux propos de l'auteure.
Sylvie Ohayon assume ses contradictions et termine par un autoportrait malin , sincère et qui nous la rend finalement des plus sympathiques ! Un livre revigorant !
Pocket 2014, 323 piquetées de marque-pages !
Du coup, j'ai hâte de lire la suite que je viens de commander !
L'avis de Cuné, qui avait préféré le premier. Moi, c'est l'inverse !
Du même auteur: clic
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : sylvie ohayon
05/02/2014
âme qui vive
"Et il est un fait que pendant ces visites ma solitude m'apparaît comme en relief,je la perçois clairement, distante de moi mais palpable, cependant j'ai définitivement cessé de me faire pitié, si bien que je ne m'en émeus plus."
Quatre hommes , très différents, que ce soit par l'âge, leur activité, leur passé (dont nous n'apprendrons que des bribes) expérimentent la solitude dans un univers de brouillard et de campagne un peu montagneuse.
Le narrateur qui ne s'exprime plus depuis un événement traumatique prend en charge le récit et observe la chorégraphie de ces personnages qui ,bien que solitaires, ne peuvent vivre sans maintenir des liens avec les autres.
Des événements ,minuscules ou pas, viennent briser l'austérité choisie de ces vies, avec une volonté de briser toute prévisibilité narrative. Amateurs de récits cadrés, formatés, passez votre chemin ! Un long paragraphe par chapitre, sans que pourtant le lecteur se sente étouffé, telle est ici la mesure de l'écriture de Véronique Bizot. On sourit, on s'étonne, on souligne , on s'émerveille devant plein de phrases comme celle-ci : "Les choses paraissaient plus solides que chez nous, comme absorbées dans une sourde densité qui tenait le monde à l'écart." Et le lecteur d'acquérir un regard neuf, à l'image du narrateur, plongé dans un univers à la fois si proche et si étrange.110 pages hors-normes, hérissées de marque-pages !
Âme qui vive, Véronique Bizot, Actes Sud 2014.
Du même auteur: clic
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : véronique bizot
27/01/2014
Réparer les vivants
"... c'est la première fois qu'ils nidifient une cavité de repli au sein de leur anéantissement..."
Réparer les vivants est "la somme des actions et la somme des mots, la somme des espaces et des sentiments" qui, partie du cœur de Simon Limbres, jeune surfeur de vingt ans, aboutira -ou non -à sauver la vie d'une receveuse en attente de transplantation.
Le roman de Maylis de Kerangal n'a rien d'un récit journalistique. Il acquiert une dimension quasi mythologique, brassant l'espace et le temps, replaçant l'organe dans sa dimension à la fois affective et symbolique. Il ne s'agit pas ici de réparer un organe défaillant mais bien de s'interroger sur les mots qui manquent pour exprimer l'émotion, les mots qui devront sonner juste pour convaincre les proches, mots qui parfois se mueront en chant pour mieux saluer le corps qui a encore une apparence de vie même si l'activité cérébrale a signalé sa mort, car il s'agit de creuser "ensemble dans cette zone fragile du langage où se déclare la mort.".
Cette trajectoire alterne les points de vue, y compris celui de la receveuse potentielle qui n'est pas sans interrogations, détaille aussi le ballet des intervenants médicaux, ne les réduisant pas à une fonction mais les inscrivant dans une humanité pleine de justesse.
Nous ressentons pleinement toutes les sensations , tous les sentiments qui bouleversent de fond en comble les personnages !
Le style précis, imagé et élégant,le récit tendu comme un arc et empli d'émotions sans jamais verser dans le pathos, font qu'une fois levés les a priori susceptibles d'entraver notre lecture, on ne peut quitter ce roman qui pulse et fait battre le cœur.
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
Un grand merci à Clara !
Réparer les vivants, Maylis de Kerangal, Verticales 2014.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : maylis de kerangal
25/01/2014
En finir avec Eddy Bellegueule
"Ne plus croire à une existence qui ne repose que sur la croyance en cette existence."
Pas de bol pour Eddy Bellegueule ! Il naît dans une famille où l'on vit à sept avec sept cent euros par mois, où l'avenir est tout tracé (l'usine est juste à côté de l'école), dans un milieu qui privilégie les valeurs masculines alors qu'il est efféminé.
Longtemps, son leitmotiv sera de correspondre au "nom de dur " qui lui a été attribué, Eddy Bellegueule donc. Mais les crachats, la violence physique et verbale qu'il subira deux ans durant au collège, l'attitude de sa famille qui ne sait comment faire face à sa différence, le sentiment de honte qui l'habite face à la pauvreté des siens, pauvreté aussi bien verbale qu'économique, font que cet adolescent "prisonnier de [son] propre corps", ne trouvera d'issue qu'en dehors de ce monde clos sur lui même.
Même si le mode de vie, de pensée, décrits dans ce roman à caractère autobiographique ( non assumé sur l'objet livre) pourraient de prime abord paraître d'une autre époque, nous nous situons ici à la fin des années 1990, début 2000, en Picardie. Eddy Bellegueule, vrai nom de l'auteur, s'il choisit de se renommer, n'en profite pas pour autant pour régler ses comptes avec les membres de sa famille. Il analyse de manière lucide ce qui les entrave d'un point de vue sociologique et ne les juge pas .
Il restitue de manière remarquable la langue fruste, les négligences de sa classe sociale, les arbitrages économiques, la méfiance vis à vis de la médecine, le manque d’intérêt pour l'école, tout ce qui creuse un fossé apparemment infranchissable entre "les petits" et "les bourges".
L'auteur partait dans la vie avec un double handicap (son milieu social,son homosexualité) mais il a réussi à En finir avec Eddy Bellegueule tout en nous offrant un texte magnifique sur ses origines et sa quête d'identité !
Edouard Louis - En finir avec Eddy Bellegueule -220 pages
Seuil - Janvier 2014
Merci à Séverine qui a su me éveiller mon intérêt pour ce que je croyais être à tort une histoire américaine de bas fonds (!) et à Aifelle qui a porté le coup fatal !
Si vous avez aimé Annie Ernaux ou Didier Eribon, à qui ce livre est dédicacé, vous adorerez Eddy Bellegueule !
Lu d'une traite ! Et zou sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans Autobiographie, l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (37) | Tags : edouard louis
24/01/2014
l'apiculture selon Beckett...en poche
"J'ai besoin des abeilles pour me rappeler que des choses merveilleuses sont possibles."
Journal imaginaire d'un doctorant embauché par l'auteur d'En attendant Godot,L'apiculture selon Beckett est un prétexte plein de charme et de fantaisie pour brosser un portrait du dramaturge irlandais à mille lieues des clichés qui lui sont attachés comme autant de boulets.Martin Page a fait son miel des points de vue originaux de Beckett sur les universitaires, les relations entre l'art et le monde mais aussi sur le personnage que , jeune auteur soucieux de crédibilité, il s'est créé. Il en brosse aussi un portrait ancré dans la quotidienneté. Imaginer le dramaturge confectionner des crêpes ou vêtu d'une tenue d'apiculteur est une vision plutôt rafraichissante !
Pour autant ce roman ne fait pas abstraction de la gravité inhérente à celui qui " ne pouvait être proche que de gens qui savaient que la guerre n'était pas terminée et ne se terminait jamais, qui vivaient sous un climat différent de la majorité. Des gens légers et graves, fiables et passionnés."
Une parenthèse enchantée de quelques mois pour le narrateur et de 86 pages pour le lecteur qui ne peut qu'espérer que le souhait suivant se réalise: "On devra oublier Beckett pour le redécouvrir et le lire comme il devrait être lu, sans la pollution de la renommée et de la réputation qui l'entoure aujourd'hui. Tout artiste est kidnappé. C'est lui rendre sa liberté que de l'oublier régulièrement, pour poser des yeux neufs sur son œuvre."
Déniché à la médiathèque.
L'apiculture selon Beckett, Martin Page ,Éditions de l'Olivier 2013, 86 pages piquetées de marque-pages car Martin Page et Beckett ont l'art de la formule ! Points seuil 2014.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : martin page
23/01/2014
Le réveil du coeur
"à défaut d'être musulmane rigoriste, elle est femme enceinte pratiquante."
Enfant d'un couple mixte divorcé, Malo va passer pour la première fois le mois d'août chez son Grand-Père, surnommé le Vieux . Ce dernier demande d'ailleurs à son petit-fils de six ans de l'appeler le Paria car, par son mode de vie misanthrope et coupé de la modernité du monde, il s'oppose souvent à son fils et à sa belle-fille.
La figure du grand-père champêtre et tonitruant mais qui cache un cœur d'or est ici revisité par François d'Epenoux avec une vigueur d'autant plus vive que le Vieux s'emporte (et souvent à juste titre) contre certains travers de notre époque. La description des moments partagés entre Malo et son grand-père est touchante, l'auteur a le sens de la formule mais le côté "c'était mieux avant", même s'il est nuancé à la toute fin du roman, m'a parfois un peu dérangée. Un bon moment cependant.
Le réveil du cœur, François d'Epemoux, Editions Anne Carrière 2014, 254 pages
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : françois d'epenoux
22/01/2014
à la vue à la mort
Une nouvelle couverture et une adaptation télévisée ce soir , scénario signé Françoise Guérin !
Loin des romans américains formatés,le premier roman policier de Françoise Guérin, A la vue , à la mort se joue des conventions du genre et fait éclater la structure classique : mise en place, meurtre,enquête.
Quand le récit commence, deux meurtres ont déjà eu lieu mais l'événement le plus important est sans conteste que le Commandant et profileur Lanester, chargé de l'enquête ,est devenu soudainement aveugle.
Cette cécité n'ayant aucune cause pathologique, Lanester va entreprendre, bon gré ,mal gré, une enquête sur lui même en commençant une analyse, tout en poursuivant le meurtrier en série qui a la charmante habitude d'énucléer ses victimes.
Rien de gore dans cette double enquête passionnante où l'on apprend au passage des trucs utilisés par les aveugles ainsi que quelques rudiments d'une technique de combat (ça peut toujours être utile). Autour de Lanester,évolue toute une faune de personnages pittoresques, que paradoxalement, ill n'apprendra à regarder que quand il sera aveugle...
Françoise Guérin écrit de manière fluide et nous fait partager son amour des mots. Elle a su créer un univers et faire exploser les clichés du genre, c'est sans doute pour cela que son livre a remporté le prix du premier roman du festival de Cognac !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10)