11/09/2014
J’ai rencontré quelqu’un
« Mon Dieu …est-il possible que l’on puisse se tromper sur le compte des gens qu’on aime ? Est-il vraisemblable que nous les réduisions aux attributs que la relation que nous avons à eux sollicite le plus souvent ?
Jean Toulemonde mène une existence bien ordonnée entre sa femme qu’il adore, ses enfants et son laboratoire. Las, un verdict médical tombe : il doit absolument découvrir le sens de l’humour pour sauver sa vie. Ce diagnostic va chambouler la vie de cet homme tranquille et l’amènera à faire une rencontre…
Réflexion sur le couple en forme de fable souriante et menée tambour battant, J’ai rencontré quelqu’un scrute avec bienveillance les cœurs de ses personnages, joue sur les mots et évite les écueils inhérents à ce thème. Un roman léger et distrayant.
Lu dans le cadre du prix Confidentielles.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : emmanuelle cosso-merad
08/09/2014
La langue des oiseaux
"Je m'étais fourrée dans une curieuse histoire à m'intéresser d'aussi près aux annonces de Kat-Epadô et à la Langue qui brillait au-dessus de nous deux."
ZsaZsa , romancière, organise sa retraite d'une année dans un logement minimaliste au cœur de la forêt vosgienne. Elle n'a emporté que des livres , son ordinateur ,un dictionnaire de chinois et de quoi identifier les oiseaux. Sa solitude choisie va très vite être rompue quand elle va entrer en contact, via un site d'annonces sur internet ,avec une jeune japonaise vendant, dans un français à la fois fruste et poétique des vêtements de Comme Des Garçons.
Une relation virtuelle s'établit entre les deux femmes...
On retrouve dans ce roman les thèmes chers à l'auteure, l'écriture, la nature, le besoin (ou la nécessité )de se limiter à l'essentiel, de se préserver une vie à l'écart de la société mais la langue, toujours aussi poétique, introduit aussi quelques ruptures de ton avec l'utilisation ponctuelle d'un registre familier qui détonne un peu.
Si j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman, j'ai été aussi un peu frustrée par l'irruption de la vie trouble de la jeune japonaise qui, selon moi, pêche par son manque d'intensité. Bilan en demi-teinte donc.
06:00 Publié dans Rentrée 2014, romans français | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : claudie hunzinger
06/09/2014
Ils désertent...en poche
"Tout a été alors très différent, les livres avaient ouvert une brèche , laissé les portes ouvertes."
Elle vient enfin d'être embauchée à un poste auquel la destinait son diplôme de commerce , diplôme acquis à force de travail. Elle va donc pouvoir acquérir à crédit ce qui aurait fait la fierté de son père: un appartement, en l’occurrence trop grand pour elle et désespérément vide. Très vite, elle va comprendre la vraie raison de son embauche: licencier un vieil employé surnommé l'ancêtre, ou l'Ours, en raison de son caractère.
Mais les relations entre celui qui vit "dans une sorte d'entre-deux permanent " et celle qui doit le débarquer vont prendre un tournant auquel la direction de l'entreprise ne s'attendait guère. En effet, les mots,entre autres ceux d'un voyageur de commerce nommé Rimbaud dont les lettres accompagnent l'ancêtre, vont changer la donne et injecter de la poésie et de l'humanité dans des existences qui en semblaient tragiquement dépourvues.
Thierry Beinstingel fait évoluer ses personnages, jamais nommés, mais désignés uniquement par des pronoms, Vous pour l'ancêtre, Tu pour la jeune femme dans un univers singulièrement désincarné et peu décrit : celui des grandes zones commerciales, celui des aires de repos où surnagent quelques îlots de rencontres éphémères. Ce qui pourrait être une succession de clichés devient ici une évocation surprenante de la vie d'un commercial atypique qui transforme une vente de papiers peints en expérience quasi artistique et fascinante !
Si j'ai été un peu heurtée au début par la désignation des personnages , je suis pleinement entrée dans cet univers méconnu de ceux qu'on appelait autrefois les voyageurs de commerce. Une évocation réussie même si un tout petit peu moins puissante que dans Retour aux mots sauvages car un peu prévisible.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : thierry beinstingel
01/09/2014
Je suis très sensible
"C'est dur de décider quand on a peur de se tromper de décevoir. [...] Chaque jour on fait des choix, dit Agathe...Donc chaque jour on peut se tromper . Si on se trompe chaque jour, c'est la vie entière qui est une erreur."
Le bonheur, pour Grégoire, c'est de pouvoir se coucher se bonne heure, nirvana qu'il a atteint depuis qu'il travaille. Le bonheur, c'est aussi de veiller sur Agathe, prof de philo, qu'il a séduite involontairement par sa simplicité et son sourire. Le jeune couple semble évoluer dans une petite bulle de bonheur mais la parfaite mécanique de leur univers va insensiblement se détraquer...
Quel personnage attachant, Grégoire ! Délicat, sensible, il semble flotter au dessus du sol, ne voyant que la beauté du monde (ainsi admire-t-il les paysages d'un film et gomme la réalité de sa violence) et ne s'inquiète pas de ce que le lecteur repère immédiatement, le cœur serré.
Ce décalage, Isabelle Minière, le rend de manière subtile, ne faisant de son personnage principal ni un imbécile heureux ni un inadapté social. Pas d'étiquettes donc, mais un roman tout en nuances qui confirme ici tout le talent d’Isabelle Minière.
Du même auteur : clic, reclic !
Je suis très sensible, Isabelle Minière, Éditions Serge Safran 2014, 170 pages à part.
Un très grand merci à Clara !
Le billet de Martine.
06:00 Publié dans Rentrée 2014, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : isabelle minière
31/08/2014
Gary tout seul
« On pense changer avec le temps, s’aguerrir et prendre de la hauteur sur certaines choses, et puis vous réalisez que non, et que peut être toute votre vie vous continuerez à vous débattre comme une pauvre souris dans un pot de crème. »
New-York .Gary, jeune américain plein d’ambition, a réalisé ses rêves : « Je bosse dans un grand fonds d’investissement, j’ai un beau poste, je suis marié à une fille fantastique et très belle ! ».Mais a-t-il vraiment dépassé la peur et l’amertume qui avaient marqué sa jeunesse à Cleveland ?
La réapparition de certains témoins de son passé vont raviver son insécurité et le forcer à prendre conscience des trahisons commises et de la peur d’abandon qui ne l’a pas quitté.
Roman classique par ses personnages et son écriture, Gary tout seul se lit avec aisance, sans déplaisir mais ne marque pas les esprits pour autant.
Lu dans le cadre du prix Confidentielles.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : sophie simon
30/08/2014
Le bal des pompiers
« Finalement, les boules puantes, c’est moins nauséabond que les malentendus. »
Mourmelon, 1958. Même si la guerre semble loin, elle marque encore les esprits et rien n’a été oublié. La base américaine a remplacé le camp allemand mais les troufions fréquentent toujours autant les nombreux cafés et chacun se prépare pour l’évènement phare de la ville : Le bal des pompiers.
Une tragédie viendra l’entacher-un assassinat-mais plus que la recherche de la vérité (enquête rondement menée) c’est surtout le portrait d’une époque que s’attache à brosser avec verve l’auteur.
Il restitue ainsi toute la saveur de la fin des années cinquante, avec ses personnages emblématiques, comme sortis d’un film en noir et blanc. Si la profusion d’exclamations et d’adresses au lecteur m’ont un peu agacée au début du roman, j’ai néanmoins pris beaucoup de plaisir à lire ce texte dont on sent que l’auteur s’est régalé à l’écrire.
Lu dans le cadre du prix Confidentielles.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jerôme bellay
29/08/2014
Le premier été...en poche
"à partir de cet instant, je deviens sale et ignoble, je deviens une personne normale, je bascule du bon côté et je ne me le pardonnerai jamais."
Vider la demeure des grands-parents décédés, c'est aussi pour Catherine l'occasion de se rappeler un été particulier, celui de ses seize ans, d'évoquer un souvenir dont elle a honte. Un souvenir qu'elle n'a jamais partagé, même pas avec sa sœur aînée.
Commencé comme un évocation plutôt classique -la petite sœur qui se sent toujours déplacée par rapport à son aînée toujours en harmonie avec le monde , avec les autres-le roman prend bientôt une tournure nettement plus sensuelle et plus lourde de sens.
La description de l'éveil de la sexualité et de la sensualité est décrite d'une manière parfaite, à la fois non édulcorée et respectueuse. On vit cet été-charnière bruissant de chansons et d'insectes, étouffant, on est surpris par la révélation de la culpabilité possible de l'héroïne, ce qu'elle porte en elle et qui, on le devine à demi-mots, l'empêche d'aller de l'avant. La cruauté qui était de mise pour se faire accepter devient ainsi fardeau...
Un roman sensible et puissant qui confirme tout le talent et la sensibilité d'Anne Percin. à découvrir absolument.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : anne percin
27/08/2014
Morteparole
« …qu’ils n’aimaient pas, au fond, l’expérience somnambule de la lecture, la mort à soi-même, l’égarement dans la voix intérieure des écrivains, surtout, ces furieux de parole, et n’en être que l’écho, l’ombre. Ils révélaient tout jeunes, dès vingt ans, qu’ils allaient tomber dans l’un des vices puissants du siècle : la crainte panique du livre, le dégoût de ce qu’il montre. »
Giovan, anarchiste par nature, regimbe mais assiste à ce qu’il croit être une cérémonie destinée à célébrer son ami d’enfance, Paul, l’amoureux des mots. Las, devant la parole figée, aigrie, qui se donne à entendre, Giovan replonge dans leur passé commun d’enfants d’origine modeste, à la campagne, relançant ses réflexions au gré des mots que parvient à lui glisser Paul. Nostalgie d’une époque où les accents chantaient, où les mots se donnaient à voir et vibraient.
Que sont-ils devenus ces amis, qu’est devenue leur relation aux mots ? Dans une langue riche et précise Jean Védrines célèbre le pouvoir des mots et fustige ceux qui les figent et leur dénie tout pouvoir. Un régal !
Morteparole, Jean Védrines, Fayard 2014.
Lu dans le cadre de On vous lit tout! Merci à Libfly !
06:00 Publié dans Rentrée 2014, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : jean védrines
25/08/2014
Parle-moi du sous-sol
"Personne n'admettait jamais que la moitié de sa vie lui était insupportable, personne en m'avait prévenue. Jusqu'à la nausée, on nous avait rabâché de faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux, principe de réalité inculqué dans l'espoir de nous épargner une existence tragique, par exemple celle de Charlotte qui souffrait pour trois."
La narratrice, sur- diplômée en histoire de l'art, enchaîne les petits boulots tout en essayant de terminer sa thèse. Embauchée pour un CDD au sous-sol d'un grand magasin parisien, sa maîtrise de la caisse la fait bientôt remarquer. Des jours meilleurs- ou pires- se profileraient-ils à l'horizon ?
La narratrice analyse avec lucidité le microcosme du grand magasin, sorte de fourmilière représentative de la société extérieure dont elle est, pour l'instant exclue, reléguée au sous-sol.
Elle pointe la "communauté factice et contrainte" des autres employés, la morgue des clientes aisées qui livrent d’elles-mêmes plus qu’elles ne voudraient le croire ,que ce soit par le contenu de leurs sacs, leurs bavardages entre elles où leur comportement car "Pour elles, nous étions quantité négligeable, inoffensives, nées pour nous taire, sûres de ne jamais croiser leur chemin ailleurs, à la lumière." Une forme de violence sourde aussi par l’empreinte du magasin s'exerçant sur la narratrice qui utilise involontairement sa voix sur-aimable de caissière dans sa vie quotidienne.
Elle dit aussi l’embarras des parents devant cette situation hors-normes où le mécanisme d'ascension sociale s'est bloqué.
La fatigue, le découragement sont palpables dans ce roman, sorte de Bonheur des dames inversé. Mais toujours la narratrice conserve son acuité et se demande où se trouve la frontière entre ses aspirations légitimes , ses compétences et le côté scandaleux de sa condition. Parviendra-t-elle à la franchir ? Un roman coup de poing, coup de cœur . Une belle entrée en littérature !
Parle-moi du sous-sol, Clotilde Coquet, Fayard 2014, 215 pages piquetées de marque-pages.
06:03 Publié dans Rentrée 2014, romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : clotilde coquet
23/08/2014
On ne voyait que le bonheur
"On pense à notre place.On ne doit pas se plaindre.ça ne fait pas de jolies vies, tout ça."
Scandée par les chiffres,les évaluations, telle est la vie d’Antoine, expert auprès des assurances."Plusieurs fois grisé à l'idée de changer la vie des autres.", il se rend néanmoins compte, un soir, que sa lâcheté atavique l'empêche de briser les règles intransigeantes de son emploi qui font fi des sentiments, des émotions . Son bilan familial n'est pas plus brillant d'ailleurs.
Une prise de conscience douloureuse et tragique qui l'entraînera du Nord de la France à la côte ouest du Mexique avec l'espoir de peut être se reconstruire sur d'autres valeurs.
Itinéraire d'un homme blessé dès l'enfance, On ne voyait que le bonheur est un roman tendre et cruel qui prend son temps pour mettre en place ses personnages, pour lesquels on ressent beaucoup d’empathie de la part de l'auteur. Livre qui fait du bien, on lui pardonnera quelques facilités narratives pour ne retenir qu'une douceur, une bienveillance fort bienvenues et de très jolis portraits .
On ne voyait que le bonheur, Grégoire Delacourt, JC Lattès 2014, 362 pages qui se tournent toutes seules.
06:00 Publié dans Rentrée 2014, romans français | Lien permanent | Commentaires (25) | Tags : grégoire delacourt