11/10/2014
Je tue les enfants français dans les jardins..en poche
"Je me lève le matin pour aller passer quelques heures sous les crachats et puis je rentre."
"N'essayez même pas de faire cours, Mademoiselle. Sauvez votre peau.", tel est le conseil que son inspecteur a prodigué à Julia Genovesi, jeune prof d'italien dans un collège marseillais. Voilà qui est bien loin des attentes de la jeune femme et qui ne lui sera pas d'une grande utilité. Le jour où un des semi-délinquants qui "chauffent" les places de sa classe ira trop loin, Julia ne pourra s'appuyer ni sur ses collègues "ratatinés" ni sur sa hiérarchie, débordée, et ne voulant surtout pas faire de vagues. Elle ne pourra compter que sur elle-même et sur la haine qui l'habite, sentiment qui lui fait horreur.
Roman noir, très noir, Je tue les enfants français dans les jardins analyse de l'intérieur ce formidable gâchis qui est en train de se dérouler dans certains collèges.
La narratrice réfute avec vigueur les thèses généralement avancées et balance par dessus bord bons sentiments et langue de bois. Le style est vif, acéré et sensible à la fois. Un premier roman comme un coup de poing.
Déniché à la médiathèque.
Je tue les enfants français dans les jardins, Marie Neuser, L'Ecailler 2011, Pocket 2014, 164 pages dérangeantes et c'est tant mieux!
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : marie neuser
06/10/2014
Les enfants de la dernière pluie
"Xavier fait carrière dans la psychose, un domaine où les chances de promotion sont un peu limitées."
Rendant visite à son frère, hospitalisé en psychiatrie, le commandant Lanester est témoin d'un homicide , immédiatement suivi d'un suicide. Le meurtrier présumé , un infirmier bien noté par ses supérieurs, a agi sous l'emprise d'un mélange de puissants psychotropes.
Accompagné par sa bande atypique et attachante, Lanester mène l'enquête au sein de l'institution psychiatrique, remontant le temps vers la figure emblématique d'un poète aliéné, Téophobe Le Diaoul.
Prévoyez de grandes plages de lectures pour savourer tout votre saoul ce roman qui se lit d'une traite tant les personnages sont attachants et l'intrigue bien menée. On ne s'ennuie pas un instant, on a le cœur qui bat , on se régale des touches d'humour et l'on attend déjà avec impatience le prochain volume de aventures de Lanester !
Un excellent moment de détente et beaucoup d'infos très intéressantes sur l'institution psychiatrique !
Les enfants de la dernière pluie, Françoise Guérin, Le Masque 2014.
Merci à Françoise Guérin .L'avis de Keisha qui vous mènera vers d'autres billets.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : françoise guérin
04/10/2014
Si tout n'a pas péri avec mon innocence
"Dans ma famille nombreuse, il n'y avait pas assez d'amour pour tout le monde: les grands se sont taillé la part du lion et les petits ont léché le plat, comme dans la comptine des cinq doigts que m'apprenait Claudette quand elle avait encore toute sa tête."
Kimberley est l'enfant du milieu d'une fratrie de cinq. Avant elle, deux sœurs aux prénoms slaves qui idolâtrent leur mère, flattant ainsi son narcissisme à toutes épreuves et il en faut pour assumer un bec de lièvre mal recousu. Quant aux deux petits frères, ils ont grandi dans une quasi indifférence maternelle et paternelle. Heureusement la grand-mère veille au grain , du moins tant que son passé ne la rattrape pas.
Rien de fixe, pas de cadre éducatif, alors Kimberley se donne régulièrement des objectifs et tente de sauver sa famille, se récitant des poèmes du XIXème,des alexandrins du grand Charles (comprendre Baudelaire) en particulier et va trouver une manière bien particulière de se sauver, faute d'avoir pu le faire pour le plus fragile de sa fratrie.
Une belle énergie, parfois marquée par l'outrance ,se dégage de ce récit de métamorphoses corporelles et psychologiques à la première personne, marqué d'emblée par la tragédie, qui tisse alexandrins et prose sans démarcations.
Kimberley, charnière de la fratrie, l'est aussi en matière de générations parce qu’elle va retrouver la fameuse sage-femme qui avait tant marquée sa grand-mère lors de son accouchement. Avec cette femme, un peu sorcière, dans un paradis végétal et animal, elle va se dégager de la gangue familiale mortifère.
Un roman à la fois sensible et dérangeant qui se lit d'une traite tant sa narratrice emporte l'adhésion malgré des prises de position extrêmes, propres à l'adolescence et qu'on en souhaiterait pas pour ses propres enfants ! Un univers où se retrouve des figures baudelairiennes, je pense au personnage de Charonne, aux images fortes et marquantes. Un coup de cœur !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : emmanuelle bayamack-tam
29/09/2014
Mon âge
"Ce qu'on pouvait raisonnablement espérer avoir en commun avec les enfants d'ingénieurs , c'étaient leurs polos. Il nous suffisait d'acheter les mêmes et nous avions les moyens , notre infériorité ne se mesurait pas à l'argent. Pas sûr que nos corps les aient portés avec la même superbe. Ce qu'il y a à l'intérieur des têtes porte les polos bien plus que les épaules et les torses."
Dans la lignée de Corps, ce nouveau roman de Fabienne Jacob se penche avec acuité et bienveillance sur notre relation au corps et au temps. Commençant par la description d'une femme qui se démaquille le soir, femme dont l'âge n'est pas précisé "Voilà mes yeux, voilà ma bouche, voilà mon âge, vingt-sept ans, trente-neuf ans, soixante et un ans". Else, il se clôt par une très jolie vision: celle de trois femmes âgées se baignant,nues, au clair de lune, car elles ont atteint La vie intérieure. Entre-temps, sera venu le temps du Détachement : "à présent que je ne veux plus séduire ni posséder, seule une chose m'importe encore, c'est vivre des moments sans temporalité. La question du temps ou plutôt du non-temps est la seule qui compte. Les autres questions ne sont plus des questions pour moi." Et de relater des moments où le temps n'entre pas , moments fugaces ou non, dans des endroits parfois inattendus, comme le supermarché, qui , décidément fait son entrée en littérature en cette année 2014.*
Si, dans un premier temps, j'ai été un peu déroutée par l'absence de précision chronologique, les âges ne sont jamais volontairement précisés mais on peut aisément les situer, j'ai été séduite par l'écriture de Fabienne Jacob, sa vision à la fois acérée, rien ne lui échappe, et tendre de la relation des femmes aux différents âges de leur vie. on n'oubliera pas de sitôt, entre autres, cette petite fille qui déchire la robe trop aimée, tant désirée !
J'ai aussi beaucoup apprécié la relation sensuelle, physique aux langues de la narratrice: "Dans ma langue maternelle, il y a un mot pour dire Se faufiler, Se glisser, mais un mot qui le dit beaucoup mieux. C'est le mot Schluffen. Il a quelque chose d'utérin que l'équivalent français n'a pas. Aucun mot français ne pourra jamais autant se faufiler ni autant glisser que dans le mot de la langue maternelle. Celui qui en français se blottit le plus est le verbe Se lover."
Un livre qui a rejoint ma réflexion personnelle sur l'âge, que je me suis approprié avec bonheur, un parfait cadeau d'anniversaire ! Merci Cuné !
Mon âge, Fabienne Jacob, Gallimard 2014, 165 pages hérissées de marque-pages !
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
* Annie Ernaux, Regarde les lumières , mon amour
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Rentrée 2014, romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : fabienne jacob
27/09/2014
L'ardeur des pierres
"Deux morceaux pétrifiés d'univers, avait-il murmuré en caressant leur surface à l'expression complexe."
Sidonie part en vacances au Japon. Elle est française est noire, deux qualificatifs qui ne vont pas de pair dans l’imaginaire de deux japonais qui vont la croiser. Ils l'envisagent plutôt comme une chanteuse de jazz américaine.
L'un d'entre eux, tente d’écrire un roman sur un tueur célèbre, pour s'inscrire d'une certaine façon dans la lignée d'un père qu'il na jamais connu, le célèbre sculpteur Isamu Noguchi. L'autre, son voisin du dessous, jardinier, est fasciné par les pierres interdites, les kamo-ishi et cède à la tentation : il en repère dans la nature et les vole.
Entre ces trois personnages vont se tisser des relations basées sur les malentendus et l’incompréhension respective. Quant aux pierres, dès leur arrivée dans la maison du jardinier, elles vont se comporter d'une bien étrange façon...
Il règne une atmosphère subtile et prenante dans ce roman de Céline Curiol. On se laisse fasciner par le désir qui monte progressivement entre les personnages, la tension induite par le sacrilège commis et l'étrangeté d'un pays où l'auteure a vécu six mois. Un bon moment de lecture comme promis par Aifelle.
09:30 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : céline curiol
17/09/2014
Grand chasseur blanc
« Décidément, depuis que j’étais dans ce pays, j’avais des problèmes avec mon identité. »
La cinquantaine bien entamée, Simon Sorreau se réfugie en Indonésie. Les raisons de de la cavale de celui qui naguère a été « une personnalité du Tout-Paris, un polémiste et producteur de talent et un auteur en devenir. » nous les découvrirons progressivement. Au début du récit nous savons juste qu’il a eu maille à partir avec la justice et que ceci est lié à son ex-femme.
Loin de ses parents, de son éditeur, avec qui il communique via skype, Didier se noue d’amitié avec un géant québécois, Bart, noue une relation amoureuse avec une française de passage, tente d ‘écrire un nouveau roman ,tout en éclusant des litres de bière.
Bilan mitigé concernant la lecture de ces 450 pages qui s’essoufflent parfois (et le lecteur aussi). Point de vue masculin sur les femmes, le couple, ce roman alterne complaisance (je suis comme je suis, un salaud mais je n’y puis rien) et autodérision. L’ambiance de Bali est très bien rendue, le regard sur les expats acéré. De jolis moments de lecture entachés parfois par des clichés mal venus.
Lu dans le cadre du prix Confidentielles.
L'avis de Brize
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2)
16/09/2014
Muette
"Il y a des histoires qui ne peuvent pas se dire. Parce que les mots n'existent pas pour les raconter.Les mots ne feraient que les affaiblir ou les banaliser. Les mots ne feraient qu'effleurer la surface de l'histoire, sans rien pouvoir atteindre de ses strates innombrables."
Une très jeune fille fugue dans la nature, emportant avec elle quelques affaires de première nécessité et "le fouillis désordonné de ses pensées."
Elle fuit un univers empesé, figé, où l'on nie sa parole depuis des années. Voilà pourquoi, bien que sachant parler, elle se revendique Muette.
L'héroïne va prendre possession de son corps en pleine mutation, au sein d'un vaste espace que l'auteur décrit avec une poésie intense, s'opposant avec l'univers familial étriqué et mortifère. L'écriture vibre, nous fait ressentir les plus petits bruits nocturnes ou diurnes de la nature sauvage,les odeurs, les lumières et l'on suit, émerveillé, Muette dans sa quête de liberté absolue.Une fin en forme de pirouette (et de clin d’œil), juste parfaite !
Lu dans le cadre du prix Confidentielles.
L'avis de Brize.
Un grand coup de cœur !
Muette, Eric Pessan, Albin Michel 2014.
Clara a aussi aimé !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : eric pessan
15/09/2014
Mon nom est Dieu
"Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi les hommes insistent pour faire de moi un être asexué, qui règne par la distance, qui vit dans le néant et qui est responsable de tout. Quelle métaphore triste..."
Un SDF, repéré lors de l'élection du Père Noël ,n'en démord pas : il s'appelle Dieu. Il réquisitionne Morgane ,une jeune journaliste, pour écrire sa biographie. Mais Dieu n'est pas commode. Dépressif, il affirme que les hommes ne l'aiment plus et s'avère souvent peu coopératif.
Tandis que les phénomènes mystérieux se multiplient à Los Angeles, là où Dieu manifeste sa mauvaise humeur, le leader d'une secte ne tarde pas à vouloir tirer parti de ce personnage hors-normes...
Un point de vue surprenant, iconoclaste, mais une problématique à laquelle je suis restée totalement extérieure, malgré le caractère original du roman, étant donné mon total manque de spiritualité.
Lu dans le cadre du prix Confidentielles.
L'avis de Brize qui vous mènera vers plein d'autres.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : pia petersen
13/09/2014
Une part de ciel
"-Tu te souviens trop, Carole. Il faut te dépolluer de tout ça."
Curtil, le père "pigeon-voyageur" a, une fois, de plus envoyé une boule de verre à ses trois enfants pour annoncer son retour. Sans fixer de date, bien sûr.
Mais les enfants sont maintenant adultes et chacun réagit de manière différente à cette convocation. Carole, la seule à avoir quitté sa vallée natale dans la Vanoise, revient s'y installer provisoirement, en profitant pour effectuer un travail de traduction sur la vie de l'artiste Christo. Elle renoue peu à peu avec les paysages et personnages hauts en couleurs de son enfance ainsi qu'avec sa sœur Gaby, qui travaille à l'hôtel et vit dans un bungalow, attendant le retour de son homme. Quant à leur frère, Philippe, garde-forestier, il tente de préserver sa vallée.
Carole est l'élément perturbateur de ce roman de l’attente et du souvenir. Elle seule veut revenir sur un incendie qui a bouleversé leur enfance et influé durablement sur leur vie.
Claudie Gallay excelle à peindre cette atmosphère d'une vallée comme coupée du monde que certains ne voudraient pas voir évoluer vers l'avenir. Elle peint avec finesse les relations fraternelles, les silences, les non dits, tout ce qui est prêt à se rejouer par delà les années. On se glisse avec bonheur dans ce roman-cocon qui nous enveloppe durablement tant il est riche d'humanité et de bienveillance. Un coup de cœur !
Lu dans le cadre du prix Confidentielles.
L'avis de Brize
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : claudie gallay
12/09/2014
Entre mes mains le bonheur se faufile
Un très joli titre jouant sur le double sens de faufiler puisque dans ce roman il est question d’une femme qui décide de vivre son rêve de jeunesse : devenir couturière.
Filant la métaphore, on pourrait dire, hélas, que ce roman est cousu de fil blanc et que d’avance le lecteur prévoit le destin de l’héroïne. Cela ne serait pas gênant, j’accepte d’emblée les règles du jeu dans ce type de roman qui fait du bien si les personnages ne m’avaient pas paru aussi prévisibles. Une déception donc.
Lu dans le cadre du prix Confidentielles.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : schtroumpf grognon le retour