10/05/2015
La petite communiste qui ne souriait jamais ...en poche
"Il n'a pas pu me briser parce qu'il n'a jamais su où étaient mes VRAIES limites, je ne les ai jamais dévoilées."
Aux Jeux Olympiques d'été de Montréal de 1974, une petite fée de 14 ans affole les ordinateurs car elle vient d'obtenir le note maximale de 10, jamais accordée auparavant. Nadia Comaneci entre dans l'histoire de la gymnastique, devient une star et l'emblème d'un pays communiste: la Roumanie alors sous l'emprise du dictateur Ceausescu.
La narratrice de La petite communiste qui ne souriait jamais imagine un dialogue entre elle-même et celle qui fut un temps l'icône de la planète avant de tomber de son piédestal. L'occasion de balayer les clichés sur un pays alors très fermé mais surtout de brosser le portrait d'une fillette "Puissante et impitoyable" qui semble n'avoir peur de rien , pas même de mettre à mal son corps.
J'ai été happée par l'écriture à la fois poétique et vigoureuse de Lola Lafon. Les échanges instaurés permettent de nuancer les propos (la Nadia du roman regimbe, boude, mais finalement revient toujours, sans pour autant éclairer toutes les zones d'ombre). Il s'agit en effet ici non pas d'écrire une biographie ni une hagiographie mais "d'entendre son parcours non réécrit y compris par elle-même." Un livre tout bruissant de marque-pages qui suscite un enthousiasme comparable à celui qu'avait engendré Nadia Comaneci. Et zou, un beau et grand coup de cœur !
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03/05/2015
D'argile et de feu
"Je cuis des mots. Il faut qu'ils soient ardents et justes."
Marie, qui "Durant des années, [a] été un point de silence et d'immobilité" se met un jour en route. Cette déambulation va lui faire croiser un autre itinéraire, celui d'une femme qui porte le même prénom qu'elle, une potière reconnue au siècle dernier.
Rédigeant alors deux cahiers, chacun consacré à l'évolution des deux femmes, la narratrice va peu à peu se rapprocher de l'univers potier et , ce faisant, apprivoiser un élément, le feu, qui jusqu'alors était pour elle synonyme de danger et de tragédie.
Céramiste et écrivain, Océane Madelaine retrace d'une manière à la fois sensuelle et épurée, ces deux renaissances de femmes qui, chacune à leur manière, la potière insufflant force et courage, par delà les années à son homonyme contemporaine, ont dû se frayer une place dans un monde qui ne leur était pas favorable au départ.
1er Roman Prix Première 2015
Découvert grâce au blog duPetit carré jaune.
Ptitlapin a beaucoup aimé aussi.
D'argile et de feu, Océane Madelaine, éditions des Busclats, 2015, 120pages ardentes.
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02/05/2015
L'euphorie des places de marché
"Elle savait d'instinct que tout en lui obéissait, même la coupe de ses costumes, à une loi supérieure du management inscrite de toute éternité dans la grammaire du monde."
Norbert Langlois. se délecte des chroniques boursières alarmistes des déclinologues de la radio. à la tête depuis peu d'une ancienne entreprise familiale, il aimerait procéder à un ajustement ,comprendre se débarrasser d'une secrétaire de direction par trop efficace dans l'art de ne rien faire, art qu'elle pratique avec zèle depuis plus de vingt ans. Les passes d'armes peuvent commencer...
L'opposition entre le trentenaire rigide (ne remettant pas en question les lois du marché)et la secrétaire tire au flanc (maîtrisant sur le bout des doigts tout un panel de stratégies (y compris "un vaste lexique suffisamment abstrait pour décourager toute curiosité hiérarchique" quand elle a décidé de quitter son travail plus tôt) ), et faisant preuve d'un aplomb admirable, est totalement jubilatoire.
L'écriture, à la fois fluide et élégante, est un pur régal .L'auteur se gausse avec une précision chirurgicale du monde de l'entreprise , maniant ironie et hyperboles avec dextérité. Un plaisir de lecture à s'offrir de toute urgence !
Du même auteur , tout aussi réjouissant : clic !
L'euphorie des places de marché, Christophe Carlier, Pocket 2015, 158 pages juste parfaites.
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23/04/2015
Faillir être flingué...en poche
"Il lui semblait parfois marcher pour dénouer ou atteindre en lui une place vide et douce, éloignée des courants, un apaisement."
Qu'elle s'attaque à bras le corps au roman épique médiéval (Bastard batlle) *ou au récit de science fiction Le dernier monde)* , Céline Minard a le chic pour s'emparer d'un genre et se l’approprier. Dans Faillir être flingué, c'est sur le western qu'elle a jeté son dévolu.
J'en vois d'ici certain(e)s faire la grimace, mais oubliez tous vos préjugés sur ce genre et précipitez-vous sur Faillir être flingué , un roman qu'on ne peut lâcher tant il est à la fois dense, fabuleusement écrit et fertile en rebondissements !
La romancière y alterne scènes contemplatives, scènes de genres (l'arrivée en chariot, l'attaque de la diligence , le héros solitaire dans la ville en butte à ses ennemis...) pour mieux les dynamiter et leur insuffler fraîcheur et énergie. Elle y observe aussi la sédentarisation de ses personnages ainsi que "la propriété, sa nature et sa circulation problématique". En effet, au gré des aventures, les objets passent de mains en mains, de même qu'amitiés et inimitiés évoluent au fil du temps. Nous sommes en territoire connu, du moins le croyons nous, mais Céline Minard se plaît à nous mener où bon lui semble et c'est tant mieux ! Purement jubilatoire !....,
*lus mais non chroniqués.
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20/04/2015
Dix-sept ans
"On m'accuse de désinvolture.On a raison Les critiques les plus acerbes sont les plus justes."
Lisant un entretien accordé par Annie Ernaux à l'Humanité où elle rappelle qu"une immense solitude entoure les femmes qui avortent.", Colombe Schneck a le sentiment que la romancière s'adresse à elle et qu'il est temps de raconter l'avortement qu'elle a subi à la veille de passer le bac ,en 1984.
Liberté, insouciance, protection, caractérisent le monde privilégié où évolue Colombe Schneck, à mille lieues donc de celui de l'auteure de L'événement.Pourtant , Colombe Schneck ne partagera pas son chagrin, sa souffrance avant 2015.
Elle pose des mots très justes pour évoquer son rapport au corps, évoque l'histoire de la lutte des femmes ayant abouti à cette liberté, souligne qu'elle toujours remise en question dans le monde .
J'ai été frappée par le flou qui entoure les circonstances précises de son avortement, comme si la mémoire se refusait à enregistrer , pour mieux diluer la souffrance.
Sous une apparente légèreté, en 91 petites pages, Colombe Schneck livre un témoignage sensible et pertinent sur un acte qui ne sera jamais anodin.
Bien évidemment, j'ai envie de lire le roman d'Annie Ernaux, L'événement.
Déniché à la médiathèque.
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09/04/2015
Le cadeau...en poche
"Il avait fait son propre malheur tout seul, comme un grand. Comme un grand couillon."
"Maniaco-dépressif de l'argent", alternant dépenses inconsidérées et radineries mesquines, Félicien est loin de se douter du tsunami que va déclencher dans sa vie l'achat d'une paire de bottes hors de prix pour l'anniversaire de son amie Laure.
Nous le suivons dans le maelström de sentiments qui vont s'affronter en lui, au gré de ses rencontres, certains le confortant dans son cadeau, d'autres le culpabilisant , voire l'agressant , et transformant ainsi en odyssée l'offrande du cadeau.
Chacun d'entre nous pourra s'identifier à ce Félicien cédant aux sirènes de la société de consommation, cherchant à toutes berzingues comment rattraper cette erreur. Un récit qui file à toute allure, drôle et léger et qu'on aurait aimé un tout petit peu plus grinçant.
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03/04/2015
Eux...en poche
"D'où viens-tu à la fin ? Pourquoi tiens-tu tellement à faire de nous des assassins ? La famille est un clan. La quitter est puni par une loi, celle du sang."
Être enceinte c'est s'inscrire dans une lignée, faire bouger d'un cran tous les membres de la famille. C'est aussi réveiller ici les voix des héréditaires qui envahissent l'espace sonore de la narratrice. Par leurs commentaires, tantôt ils attisent ses craintes, tantôt se soucient d'elle et de l'enfant à venir, houspillent, tancent, bref incarnent les remous magmatiques de l'inconscient familial.
En effet, "Chez mes parents, une naissance est toujours considérée comme le présage d'un décès." Lourd héritage qui explique sans doute que la mère de la narratrice se montre tout sauf encourageante...
à cela s'ajoute les craintes de la future mère qui envisage toutes les variations concernant la mort de son compagnon ,son "gars". Chargé ? Peut être.Mais tout cela est doté d'une formidable énergie, ponctuée d'humour " à cause de moi qui me fiche totalement de la baignoire en plastique qu'elle voudrait me transmettre pour mon enfant; si tu le laves, a-t-elle précisé ."et, sur le thème de la transmission et de l'identité familiale, Claire Castillon a écrit un roman qui incarne pleinement tout ce qui se joue d'inconscient (ou pas) dans une grossesse.
06:03 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : claire castillon
02/04/2015
Tom l'éclair
(Comment Thomas Leclerc 10ans 3 mois et 4 jours est devenu Tom l'éclair et a sauvé le monde)
"C'est que Tom n'est plus le même: il ne se demande plus ce que le Monde va faire pour lui, mais ce qu'il est prêt à faire pour le monde."
Au cœur des années 60, Tom est un enfant pas comme les autres,résolvant en un clin d’œil des problèmes de trains qui se croisent ,mais incapable de nouer des amitiés avec les autres collégiens.
Le déclic se fera par l’intermédiaire d'un comic book qui lui ouvrira les portes de l 'univers des super héros auxquels il s'identifiera immédiatement (ne sont-ils pas différents eux aussi ? ). Et Tom de s'inventer de super pouvoirs, pas toujours fiables, mais il fera avec les moyens du bord, pour aller petit à petit vers les autres et trouver des moyens bien à lui d'apprivoiser le Monde.
Paul Vacca se penche à nouveau sur le monde de l'enfance et recrée avec bonheur,par petites touches, les années 60, leur fraîcheur acidulée et leur optimisme confiant. Tout n'est pas rose, loin s'en faut, mais c'est un regard plein de bienveillance que l'auteur porte sur ses personnages et son récit coule tout seul , plein de tendresse et d 'émotion. On passe un excellent moment avec Tom , super héros ou pas !
Une manière fine et sensible d'évoquer l'autisme.
Tom l'éclair, Paul Vacca, Belfond 2015, 280 pages qui se tournent toutes seules !
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01/04/2015
Quarante tentatives pour trouver l'homme de sa vie
"Tout le monde a le cœur fendu, l'âme vacante et le désespoir épinglé dans le dos comme un poisson d'avril."
Voici trois ans que Lucie, instit',a largué Pascal. La solitude commence à lui peser et elle se lance à cœur perdu, mais corps vaillant ,dans la quête de l'homme de sa vie. Où se cache-t-il ? Au supermarché avec son petit panier de produits solo ? Au club de tango, au boulot, sur internet ? Faut-il renouer avec les vieilles passions avortées ? Écrire une lettre lyrique à un agriculteur télégénique ?
Rachel Corenblit passe en revue avec humour les us et coutumes des célibataires, pointant les ridicules et les travers avec une férocité réjouissante: "J'ai changé. Je ne suis plus le même homme. Une phrase avec laquelle on peut se balader en montgolfière tellement elle ne manque pas d'air."On s'émeut aussi devant le désespoir de cette jeune femme qui affirme : "Elle ne recherche plus, elle ne croit plus en ces vaines agitations. Elle va juste fumer, boire, se droguer et mourir vieille et abandonnée."Mais Lucie a de la ressource !
Le premier chapitre , "l'amour en général" égrène des instantanés au masculin ("celui qui"), le dernier "L'amour en particulier" lui répond avec l'énumération de "celle qui"et se termine sur une note d'espoir. Malgré tout !
Quarante tentatives pour trouver l'homme de sa vie, Rachel Corenblit, La brune du Rouergue 2015,189 pages toniques, piquetées de marque-pages, dévorées et que je vais prendre le temps de relire pour mieux les savourer !
Premier roman pour adultes d'une Toulousaine qui a beaucoup écrit pour la jeunesse: entre autres: clic et reclic.
18:19 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : rachel corenblit
28/03/2015
Il faut beaucoup aimer les hommes...en poche
"Les étranges et merveilleuses traces sur ma peau sont le signe que je n'ai pas rêvé-non le signe c'est l'entaille, l'attente, la route ouverte."
Solange, actrice française installée à Los Angeles, rencontre un acteur dans une soirée. Cet homme, en dépit d'une description extrêmement fouillée, nous ne l'apprenons pas immédiatement, est noir. Et alors ? , comme se demande la quatrième de couverture. Et alors, cela ne va pas de soi et Solange va en faire l'expérience.
Marie Darrieusecq place son roman sous l'égide de Marguerite Duras (par son titre, extrait d'une citation de l'auteure de L'amant) et effectivement on va retrouver ici certains des thèmes chers à Duras : les relations amoureuses interraciales, l'attente mais aussi la description de la Nature opiniâtre (la mer dans Un barrage contre le Pacifique, la forêt africaine ici). Mais Marie Darrieusecq, si elle analyse finement tout ce qu'implique cette relation entre une femme blanche et un homme noir, met aussi en scène un créateur habité par une vision : il veut à toutes forces adapter au cinéma le roman de Conrad, Au cœur des ténèbres et le réaliser en Afrique, bien évidemment. S'en suit une description hallucinée du tournage où Solange devra lutter pour trouver sa place.
L'écriture de Marie Darrieusecq est à la fois puissante et lumineuse. Elle sait aussi bien s'attacher aux détails , de superbes pages sur l'attente, que décrire la puissance inexorable de la nature africaine. Un roman souvent cruel mais où l'héroïne parvient toujours à conserver sa dignité.
Un roman enthousiasmant, tout hérissé de marque-pages ! Un énorme coup de cœur et un énorme merci à Clara !
Ps: Solange, adolescente ,était déjà l'héroïne de Clèves, un roman non chroniqué, au charme trouble qui m'avait moins convaincue.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : marie darrieusecq