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07/05/2017

C'est où le Nord ?

"-Parle-moi d'autre chose. C'est l'heure de la sortie des écoles : si je saute, je tue quatre gosses."

Ella, 24 ans, enseigne le français dans un collège catho du 18 ème arrondissement de Paris. Petit budget, petit appat', petit ami qui bientôt met les voiles pour retourner dans leur ville d'origine: Dunkerque.
Ella reste seule avec un poisson rouge, des doutes, quelques amis hauts en couleurs, des collègues quelque peu azimutés et des élèves  plutôt drôles et charmants.sarah maeght
Premier roman, C'est où le nord ? possède les défauts de ses qualités: plein de fraîcheur et d'humour, le récit pêche un peu par le côté sombre qu'il veut parfois se donner.
Il n'en reste pas moins que j'ai ri à plusieurs reprises (les élèves sont croqués à ravir !) et que j'ai dévoré d'une traite ce roman dont les personnages sont attachants, drôles et pleins de vie.

Ah, oui, pitié: une prof de français qui oublie qu'une négation a toujours deux éléments a eu le don de m’exaspérer...On ne se refait pas !

Un petit extrait, pour la route, c'est cash , comme les élèves (et les profs entre eux) !

 "-Il a refusé de disséquer les moules.

Le directeur ferme les yeux, agacé.

- Il m'a demandé  ce que je dirais , moi,  si on me pêchait en pleine ovulation.

Annick Caroulle grogne:

-Écoute Jojo, tu veux qu'on mette quoi ? "Refuse de disséquer la moule de sa prof de sciences " ? "

04/05/2017

Roland est mort ...en poche

"J'inspire. J'ai les bras en croix, un caniche qui m'attend pour aller pisser, un trou dans ma chaussette gauche, et toujours aucune perspective d'avenir professionnel. Le gros faisan m'applaudit."

Roland est mort, c'est d'abord le contraste du titre et de la couverture rose bonbon., contraste parfaitement justifié , on le verra plus loin.C'est aussi le leitmotiv qui ouvre chaque chapitre, sorte de memento mori pour le narrateur car "Je bois pour oublier que demain, Roland c'est moi."
En effet, si leur seul point commun était leur mur mitoyen, le narrateur est peut être sur le même chemin que Roland, mort seul chez lui, dans l'indifférence quasi générale. Pour tout bien, Roland laisse une caniche prénommée Mireille, en hommage à Mireille Mathieu dont Roland écoutait les chansons en boucle.
Voilà donc le voisin qui hérite de Mireille, puis de l'urne funéraire , calamités successives dont il lui faudra bien s'accommoder.Nicolas Robin
Ce pourrait être tragique, c'est follement comique car le voisin, non content d'accumuler les héritages encombrants et incongrus, est un looser fini (largué par sa copine, viré de son boulot, nanti d'une famille de frappadingues ). Le principe d'accumulation fonctionne à plein régime et le style bourré d'humour de Nicolas Robin fait le reste. Pas de bons sentiments mais un zeste de tendresse pour ce quadragénaire à qui sa grand-mère demande sans cesse "-Alors, pourquoi t'es pas marié?", "ça la chiffonne. C'est le pépin. Ne pas être marié à quarante ans, c'est la tuile dans la famille.ça cache un problème.à son époque, les hommes non mariés étaient forcément curés ou homosexuels. On demandait aux uns de parler de l’Évangile, aux autres de se taire.Mamie exige la vérité. Elle veut savoir envers qui je suis dévoué: Dieu ou Burt Reynolds."*
Nous nous permettrons juste de donner un indice: être fan de Mireille Mathieu peut présenter des avantages...Un petit plaisir déniché à la médiathèque, 183 pages dévorées le sourire aux lèvres.

02/05/2017

Le saut oblique de la truite

"A force d'efforts, de privations et d'orgueil, je n'ai réussi qu'à atteindre l'authentique statut de raté. Je n'ai pas trente ans; j'ai fait vite."

à deux doigts de ne  pas "pouvoir faire autrement que de devenir architecte", alors qu'il se rêve romancier, le narrateur se rend à un rendez-vous avec son maître ès liberté, Olivier. Olivier, pour qui il a "la plus grande affection parce qu'il y a, sous le tissu de névroses qui l'enserre quelque chose de vaste, de beau et de bleu. Comme une aspiration non négociable à la liberté."jérôme magnier -moreno
Las, l'ami n'est pas au rendez-vous. Commence alors un périple solitaire sur le GR20 corse, entrecoupé de parties de pêche à la truite et de rencontres éphémères.
Placé sous le signe de la couleur, ce roman lumineux est tout à la fois une quête initiatique d’un jeune homme à la croisée des chemins et un récit qui embarque son lecteur dans des paysages magnifiques. Avec une grande économie de moyens, des descriptions par petites touches efficaces, sans oublier quelques touches d'humour pleines d'auto-dérision, une construction maîtrisée qui fait naître l'émotion, ce premier roman est une formidable découverte.
Comme la truite, qui par un saut oblique parvient à tromper le pêcheur, le narrateur, dont on devine  qu'il a beaucoup de points communs avec l'auteur, par ce roman est parvenu à conserver sa liberté, tout en prouvant son envie de vivre, ce qui n'est pas rien !

Le Saut oblique de la truite, Jérôme Magnier- Moreno (qui signe aussi la magnifique couverture), Phébus 2017.

Le billet de Ptitlapin.

01/05/2017

Le châle de Marie Curie

"Elles devinent qu'à dormir côte à côte, elles deux si dissemblables vont échanger quelque chose à leur insu."

L'une est musulmane, kabyle, mère de douze enfants. L'autre est française, juive et reporte son affection sur son unique nièce. Tout semble donc les opposer mais le fait de partager une chambre à l'institut Curie, où elles vont être opérées d'un cancer du sein le lendemain matin , va créer entre ces femmes une subtile osmose qui les fera se rencontrer par delà les différences.déborah lévy-bertherat
Ce roman baigne dans une atmosphère onirique, empreinte de magie,et on ne s’étonne pas de rencontrer, entre veille et sommeil, le fantôme de Marie Curie, dont le châle crée un lien entre les deux femmes d'une manière originale, par delà les frontières et les années.
En 135 pages, emplies d'humanité et d'empathie, Déborah Lévy-Bertherat nous  fait partager cette nuit cruciale pour ces deux femmes, qui nous deviennent vite très proches. On embarque à leur suite dans cette traversée dénuée de tout pathos mais riche d'émotions et on en sort le cœur battant. à découvrir sans plus attendre !

 

Le châle de Marie Curie, Déborah Lévy-Bertherat, Rivages 2017.

27/04/2017

Sanglier

"Quand il y a un coup de vent les ondulations deviennent une sorte de course folle, mais qui fait du surplace,- il n'empêche que parfois, on se surprend à croire que le champ va sauter la haie du fond.Cela fait une chorégraphie de bancs de poissons, en plus élégant."

Pourquoi son employeuse a-t-elle prêté à Sybille, clerc de son état, sa maison de campagne dans le Morvan pour une semaine ? Le mystère demeure entier et peu importe.dominique rameau
Ce qui importe est la manière dont la jeune citadine (qui ne connaît que quelques noms de végétaux et d'animaux), va progressivement lier connaissance avec les quelques habitants et surtout va se fondre dans la nature, redécouvrant son corps , les éléments et les sensations. Un parcours initiatique qui parlera à tous les amoureux de la nature et du style. On a souvent envie de suivre Sybille, voire de l'imiter...
En apparence,il ne se passe presque rien, l'écriture ne fait pas d'effets de manches mais distille une vraie poésie  qui fait qu'une fois le roman dévoré d'une traite, je l'ai aussitôt relu pour mieux le savourer. Un grand coup de cœur !

Sanglier, Dominique Rameau, éditions José Corti 2016.

 

Et zou sur l'étagère des indispensables !

Un premier roman écrit par un écrivain né en 1947,roman  déniché à la librairie du Cyprès à Nevers, où il était mis en valeur. Là, j'ai trouvé ce que je ne cherchais pas, rejoignant ainsi sans le savoir ce qui était écrit dans le  texte de Dominique Rameau...

Laissez-vous enchanter à votre tour.

20/04/2017

La clé sous la porte...en poche

"S'il faut toujours penser qu'il y a pire pour se dire que ça va bien, c'est que quelque chose cloche sérieusement."

Et pour clocher,ça cloche sérieusement ! Que ce soit pour Ferdinand, pris en tenaille entre une épouse volage et sa fille, ado atroce; José retraité solitaire et endurci; Auguste, dont les parents abusent tout à la fois de sa gentillesse et de sa disponibilité, idem pour Agnès, dont la vie amoureuse est un désastre, mais sur qui ses frères comptent bien pour qu’elle se rende au chevet de leur mère qui agonise pour la énième fois.
Rien de glorieux donc, mais rien que de très normal et de très humain. Seulement cette fois nos anti-héros ont assez et vont ruer dans les brancards, chacun à leur manière, plus ou moins radicale .
Quel régal que ce texte à la fois tendre et caustique ! Un feu d'artifices de remarques qui sonnent juste et qui donnent la pêche !pascale gautier
Sans illusions, ni sur eux-mêmes ni sur les autres, Ferdinand, Auguste et les autres agissent enfin pour secouer leur joug et envoyer valser tout ce qui les forçaient à "abdiquer d'[eux-mêmes]". Tonique et jubilatoire !

La clé sous la porte, Pascale Gautier, , 191 pages  pour "ne pas désespérer de l'humaine espèce."

05/04/2017

Bons baisers de Mesménie...en poche

"- Je m'appelle Chlobak Androv Peranovski et j'arrive à pied de la Russie. J'ai faim et j'ai froid , madame. Je ne voulais pas abuser de vos poules."

Vous n'avez jamais entendu parler de la Mesménie ? Normal car c'est "un petit territoire nordique [...] pustule marécageuse pour ainsi dire, dans la mer balte.", "une des régions les plus pauvres de l'URSS qui en comportait pourtant beaucoup".
 Thomas Lagrange , suite à une petite annonce cherchant un traducteur "pour le mesmène vers le français" va se trouver embarqué dans une série d’aventures qu'il ne va guère maîtriser, bien loin de sa petite vie plan plan et parisienne.fabienne betting
Tout va partir de sa traduction catastrophique d'un roman mesmène, langue dont il ne possède que quelques rudiments, et de la pression qu'il va se mettre à rendre son travail rapidement. En effet, notre ami Thomas, tout "immature ", "irresponsable " et "inconséquent " soit-il est aussi  doté d'une belle imagination qui l'entraîne à violer allègrement toutes les règles de la traduction,ce qui m'a valu de nombreux éclats de rires !
Si le voyage en Mesménie est un peu moins réussi à mon goût, tournant un peu trop vite à la farce lourdaude, et ralentit un peu le rythme,il n'en reste pas moins que la description psychologique des personnages est très réussie et très drôle (voir comment Télématin rythme la matinée de sa copine est un pur régal...).
L'évolution de Thomas est aussi très intéressante et Fabienne Betting réussit à brosser un portrait nuancé de ce velléitaire professionnel, ce qui, au début, n'était pas gagné d'avance...
Un premier roman qui, malgré quelques maladresses, nous offre un bon moment de lecture! embarquez vite pour la Mesménie !

01/04/2017

les ennemis de la vie ordinaire...en poche

"Être addict, ça ne me défrise pas. Je suis addict , et alors. Le problème, c'est de se donner les moyens de son addiction."

Voici une jolie"bande d'irréductibles, d'asociaux [...] de fous furieux" réunie par une thérapeute résolue à bouleverser le monde de la thérapie en réunissant dans un groupe de parole transversal  des gens de milieux sociaux très différents et accro qui au sexe, qui à la drogue, qui au sport, entre autres.
Un mélange détonnant qui ne va certainement pas atteindre les résultats escomptés et ce, pour le plus grand plaisir du lecteur qui se laisse embarquer dans ce récit où l'on croise un prêtre accro à la coke, sosie du pape François, célébrant une messe inoubliable et qui m'a fait éclater de rire. Car oui, si l'on n'est pas adepte du politiquement correct, on rit et sourit beaucoup en lisant ce roman qui ose beaucoup  (mais sait aussi ménager quelques délicates ellipses). héléna marienské
Des personnage féminins très forts, qui, comme Mylène, sont des "guerrières, des ennemies de la vie ordinaire", même si au départ, elles se considèrent plutôt comme des épaves.
Seul petit bémol: toutes les subtilités du poker , dont il est beaucoup question dans la dernière partie du roman, m'ont totalement échappé , mais ce n'est pas bien grave. un roman tonique, iconoclaste et drôle.

Les ennemis de la vie ordinaire, Héléna Marienské , 319 pages jouissives.

26/03/2017

Ecorces

"Chacun veillait sur son territoire sans se soucier de celui plus vaste qui subissait mille attaques et se mourait au-delà de son portail. Comment s'en soucier quand déjà,  ils avaient tant à faire pour entretenir leur jardin, avaient-ils l'habitude de me répondre."

La forêt est en danger de mort mais, dans le Comté où le shérif Ahmed s'est réfugié pour fuir une tragédie familiale, tout le monde s'en fiche. Ou presque. Il faudra que la forêt recrache le cadavre atrocement mutilé d'un animal non identifié pour que tout s'emballe...xavier gloubokii
Faux polar mais vraie tragédie en trois actes, Écorces distille un humour pince sans rire et un fantastique discrets mais enthousiasmant : "La mauvaise humeur était leur meilleur carburant et ils étaient loin d'être à court."
Ici le héros qui défend discrètement la forêt alors qu'il est officiellement chargé de lutter contre les écolos radicaux , va entrer en osmose avec l'univers sylvestre dans une scène hallucinante et hallucinée.Il n'oubliera pas pour autant de  mener son enquête .
 Aucune localisation précise n'est donnée,(seules les mentions du shérif et du Comté pourraient évoquer les États-Unis), ce qui confère une dimension universelle à ce texte où se lit un réel amour de la forêt. Les personnages sont parfaitement croqués et en 170 pages et une formidable économie de moyens, Xavier Gloubokii réussit un premier roman utilisant les codes de différents genres avec une belle maîtrise !

Écorces, Xavier Gloubokii,  Éditions Liana Lévi 2017.

 

25/03/2017

à la place du coeur saison 2

"C'est vrai: on ne va pas cesser d'être cette jeunesse qui entend aller au bout de son insouciance."

Niels ne comprend pas pourquoi son cousin Caumes peine à renouer avec tous leurs rituels estivaux. Il ignore encore que ce dernier a été fortement marqué par une tragédie et qu'il se saborde consciencieusement à tous points de vue.arnaud cathrine
Esther prend à son tour la parole. Esther qui comprend la douleur de son amoureux mais pas pourquoi il la rejette systématiquement.
Les ados ont grandi, le bac est derrière eux, ils vont tous poursuivre leurs études à Paris et tenter de se frayer un chemin vers l'avenir. Mais les attentats de novembre 2016 vont bientôt les rattraper et les confronter une nouvelle fois à l'horreur...
Pas de bons sentiments, pas d'idéalisation de la jeunesse, mais des jeunes adultes ancrés dans le réel, dont les préoccupations et les sentiments sonnent justes.
Écrit à fleur de peau, ce roman qui nous ménage une surprise narrative, totalement justifiée et s’insérant parfaitement dans l'évolution de Caumes, le roman d'Arnaud Cathrine m'a même mis les larmes aux yeux dans sa relation des attentats de novembre 2016.  J'attends déjà avec impatience la saison 3 pour voir comment nos héros auront encore évolué. Un grand coup de cœur !

 

à la place du cœur, Saison 2 Arnaud Cathrine, Robert Laffont 2017arnaud cathrine

Saison 1 : clic