13/01/2024
Petite Sale...en poche
"Demest est semblable à ses champs: froid, dur à la tâche, gelé, animé par des projets plus grands, par des mouvements profonds."
Du 10 au 19 février 1969, la vie des habitants d'un petit village situé non loin du Chemin des dames va être bouleversée: la petite fille de 4 ans du potentat local a été enlevée. Une demande de rançon tombe. Des policiers parisiens sont envoyés en renfort . La dernière personne a avoir vu la petite Sylvie est Catherine. La Petite Sale c'est elle.
Ces qualificatifs expriment bien tout le mépris de classe envers cette jeune femme qui s'active à la ferme et à laquelle personne ne prête attention. Elle a d'ailleurs tout leur d'intérêt dans ce monde d'hommes à ne pas avoir un corps attractif...
Nous sommes donc en 1969 mais nous pourrions être un siècle plus tôt, comme le remarque un personnage, car la modernité ne semble pas être arrivée dans cette campagne où M. Demest fait la pluie et le beau temps , tenant les habitants sous sa coupe, étant le seul à leur offrir du travail. C'est aussi un tyran domestique contre lequel rares sont les membres de sa famille sont ceux qui osent regimber.
Ce nouveau roman de Louise Mey est un magnifique roman d'atmosphère, une plongée dans la boue et le froid, mais aussi un roman policier qui fleure bon les enquêtes à la Maigret, repas au café du village parmi les habitants taiseux.
C'est enfin une magistrale dénonciation du patriarcat, s'exerçant à différents niveaux, dans un monde où les femmes commencent à peine à se forer leur place.
Le style est également magnifique, la construction impeccable et une grande place est accordée à la description des corps marqués par le travail, de ses corps auxquels on ne prête pas attention mais qui pourront peut être un jour se déployer. Du suspense et de l'espoir, un excellent cocktail. Et zou , sur l'étagère des indispensables.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : louise mey
05/01/2024
Qui-Vive
"J'imagine une vie qui serait une éternelle errance où je m'arrêterais devant chaque personne croisée et l'écouterais quelques minutes. "
Parce qu'il y a eu les attentats; le Covid, les confinements; le retour de la guerre en Europe; la découverte de feuillets énigmatiques après le décès de son grand-père, Mathilde est devenue insomniaque, a perdu le sens du toucher ,est obsédée par des vidéos de Leonard Cohen. Bref, Mathilde ne sait plus où elle en est. Et c'est fâcheux pour cette professeure d'histoire-géographie.
Laissant son mari et sa fille, elle part sur un coup de tête en Israël, entame un périple où elle se frotte à des réalités contrastées, bien éloignées de son quotidien. L'occasion de retours en arrière, de changements de perspectives dans ce pays où sa famille n'a pas choisi de vivre mais dont elle parle néanmoins la langue. Un récit où L'Histoire affleure tout le temps. Un récit sensible et poignant qui prend une dimension encore plus grande au vu de l'actualité.
Éditions de l'Olivier 2024, 169 pages.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7)
26/10/2023
L'enterrement de Serge...en poche
Serge Blondeau aura enchaîné les échecs jusqu'au jour de son enterrement , auquel peu de gens assistent , et sera même inhumé avec retard, à cause d'une grève.
Sa veuve, sa mère, sa sœur, son beau-frère et leur fille, sans oublier une voisine et un ami du défunt, devront donc cohabiter dans un petit hôtel, en attendant que la situation se décante. Tensions, révélations seront au menu dans ce huis-clos involontaire.
Les péripéties se succèdent jusqu'au dernier moment, mais j'ai lu ce roman avec moins de plaisir que les précédents car ces personnages manquent singulièrement de chair, sans compter que l'auteur use et abuse des rêves pour tenter de tromper le lecteur.
06:00 Publié dans Humour, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : stéphane carlier
12/10/2023
Monument National...en poche
" D'une pierre trois coups, elle devint mère, affirma sa position d'épouse entièrement dévouée à sa famille et à la paix dans le monde, et s'assura la matière d'un compte Instagram bien nourri. "
Le monument national dont il est ici un question est un monstre sacré, acteur "rival et frère " d'Alain Delon depuis plus de quarante ans, mais il emprunte beaucoup aussi à un vieux rockeur nanti, au fil du temps, de plusieurs épouses , dont la dernière beaucoup plus jeune que lui, et d'une progéniture dont les derniers représentants furent adoptés.
Peu à peu Serge Langlois, car c'est ainsi qu'il se nomme dans le roman de Julia Deck se voit considéré comme un objet, tant par ses conquêtes féminines que par le couple présidentiel qui veut lui rendre hommage. La situation va se dégrader rapidement, aidée en cela par le Covid mais aussi par l’introduction d'un personnage en apparence inoffensif dans ce microcosme où règne l'apparence...
C'est à un joyeux jeu de massacre que nous convie Julia Deck et sa plume assassine nous régale de formules mettant à mal tous ces fantoches qui s'agitent sous nos yeux. Un roman hautement jubilatoire.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : julia deck
10/10/2023
Hors d'Atteinte
"Elle ne peut pas continuer comme ça, à ne rien faire d'autre que marcher, courir, pour se prouver qu'elle est forte, toujours plus forte. Mais elle a encore envie de repousser le moment où elle va devoir sortir d'ici, se montrer au monde , elle ne se sent pas encore tout à fait redressée. "
Après des années d'emprise psychologique auprès d'un homme, Erin parvient à trouver la force de partir dans un petit village des Pyrénées. Là, au contact de la nature, se réappropriant progressivement son corps, ses émotions, elle va peu à peu "se redresser".
C'est sur le seul nom de l'autrice, dont j'avais adoré Les Orageuses , que j'ai acheté ce court roman. Est-ce parce que son héroïne n'a semblé particulièrement terne, parce qu'il y avait peu d'enjeux dramatiques ? En tout cas, je suis toujours restée à distance de ce texte qui, à première vue, avait tout pour me plaire.
Éditions Cambourakis, collection Sorcières 2023.
Les Orageuses: clic.
05:55 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : marcia burnier
30/09/2023
Samouraï...en poche
J'ai bien cru abandonner ce roman de Fabrice Caro, mais finalement j'en suis venue à bout sans réel plaisir ni déplaisir. On y retrouve les ressorts habituels de l'auteur, un antihéros dilettante confronté à un univers qui bascule dans l'absurde. Lu il ya quelques semaines, il ne m'en reste pas grand chose.
11:19 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : fabrice caro
29/09/2023
Maman à moi...en poche
Ayant beaucoup de sympathie pour Valérie Bonneton et pour les chiens en général, c'est sans aucune retenue que j'ai craqué pour ce nouvel opus de la collection" Bestial".
Et j'ai bien fait car ce roman, sans prétention m'a fait passer un très bon moment, l'autrice ayant réussi à se glisser dans la peau (et les poils) de son chien Gaston, un adorable bichon maltais qui tombe fou amoureux d'elle dès qu'elle l'achète.
Gaston accompagne Valérie partout, sur les castings et/ou les tournages, pendant une période très sombre où l'actrice tourne peu, doit pourtant faire face aux factures et surtout à la leucémie de son fils.
Le père est aux abonnés absent et Gaston se rêve en "homme " de la maison pour défendre sa maîtresse. Mais l'horizon va heureusement se dégager et Valérie sera engagée pour la fameuse série "Fais pas ci, fais pas ça".
C'est à la fois drôle, pudique et touchant, l'autrice ne nommant jamais ceux qui l'ont humiliée pendant sa période de vaches maigres, préférant célébrer les acteurs avec qui s'est nouée une véritable complicité ainsi que la solidarité dont a fait preuve sa voisine. Une photo montrant Valérie et son chien, tous deux hilares, permet aussi de réjouir le lecteur.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0)
28/09/2023
Et vous passerez comme des vents fous
" Tout ici n'était qu'engendrement et dévoration, putréfaction et floraison, joie et douleur. Parfois, il se sentait si intégré à ce magma organique qu'il lui semblait participer de ces transformations en cascade, par lesquelles les plantes, les corps, les minéraux, étaient également décomposés , rendus à la terre, dans un même mouvement dont seules les échelles de temps variaient."
Un montreur d'ours parti faire fortune au début du XXème siècle, un berger traumatisé par un accident survenu l'été précédent , une jeune éthologue travaillant pour le Centre national pour la biodiversité, une ourse et ses deux oursons, tels sont les personnages centraux de ce roman se déroulant dans les Pyrénées.
La réintroduction de l'ours dans cette vallée où le dressage des ours était jadis une tradition ne va pas sans heurts et sans drames mais tout le talent de l'autrice est de nous présenter les différents points de vue de manière nuancée, sans jamais les caricaturer.
Solidement nourri de références scientifiques et historiques , qui se fondent avec bonheur dans le récit, ce roman bénéficie aussi d'un souffle romanesque qui nous fait éviter le "roman à thèse". La nature y a évidemment la part belle et les personnages, principaux ou secondaires, sont parfaitement dessinés. On suit avec passion l'intrigue et on sort de là profondément revigoré, sans pour autant baigner dans un optimisme béat. J'attends déjà avec impatience le prochain roman de cette autrice.
Actes Sud 2023
Merci à l'éditeur et à Babelio.
L'avis de Kathel : clic
05:20 Publié dans Rentrée 2023, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : clara arnaud
30/08/2023
Le jour et l'heure
"Le monde qui semblait se refermer sur nous depuis des mois s'ouvrait enfin. Le monde que je croyais perdu à tout jamais me revenait grâce à l’art, aux traits, aux couleurs. "
Le temps d'un week-end, une famille va rejouer le scénario d'un départ en vacances d'enfance : les parents, les quatre enfants , devenus adultes, à l'arrière.
Direction la Suisse où la mère de famille, Edith, a décidé de se rendre pour qu'on puisse l'assister à mourir car elle se sait condamnée.
Durant ce trajet, à cause de la situation bien particulière, mais aussi du temps qui a passé, la constellation familiale va évoluer et les rôles vont peut être se redistribuer.
Si j'ai apprécié , comme toujours, la manière dont Carole Fives scrute les familles et les interactions qui s'y mettent à jour, je suis restée un peu sur ma faim quant au thème principal.
Antigone est plus enthousiaste : clic
Merci à l'autrice et à l'éditeur qui m'ont envoyé ce livre.
Je n'ai pas été rémunérée pour ce billet.
06:00 Publié dans Rentrée 2023, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : carole fives
28/08/2023
Pauvre folle
"Mise en joue par son père, pupilles dans les pupilles, fusil de chasse pointé. Une longue hésitation, puis elle fut épargnée, rien sur le plan physique. Mais d'un point de vue psychique, la balle est bien partie. C 'est le dedans de la tête qui a été touché, le dedans qui a explosé , sur les parois de son crâne, il y en avait partout .Des bouts du Moi de Clotilde qui s’appelait encore Valérie. "
Le temps d'un voyage en train (direction Heidelberg), Clotilde extrait de son crâne, sous forme de gouttelettes aux formes et textures variées, des souvenirs qui, espère-t-elle lui permettront de comprendre pourquoi il y a dix ans elle est tombée amoureuse d'un gay, Guillaume.
Tous deux s'étaient créé, grâce aux mots ,un univers parallèle, où leurs identité fusionnaient. Depuis dix-sept mois, Guillaume a fait sa réapparition, et bien que ses ami.e.s ne cessent de lui dire qu'elle est dans le déni et que Guillaume ne quittera jamais son amoureux, Clotilde s'obstine.
Clotilde/Chloé prend à bras le corps le fil de sa vie , du premier choc esthétique grâce à la poésie , en passant par le féminicide de sa mère ,sa bipolarité, évoque sans honte (et avec humour) son passé de pute pour masochistes (souvent très fatiguant physiquement) et embarque le lecteur dans ce voyage chatoyant mais sans pathos.
Elle nous régale aussi avec sa "petite typologie du mâle hétérosexuel post # Me Too" car Clotilde est bien sûr féministe et n'hésite pas à tacler au passage le milieu du cinéma auquel appartient Guillaume. J'ai parfois pensé en la lisant à une autrice oubliée, Muriel Cerf, tant on sent que Chloé Delaume se régale à jouer avec les mots et à se bâtir , grâce à eux, un univers plus coloré, plus riche de sensations. D'aucuns y verront peut être du nombrilisme, mais j'ai été emportée par ce roman qui se joue de la bien-pensance.
Le Seuil 2023;
06:02 Publié dans Rentrée 2023, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : chloé delaume