11/04/2018
A la place du coeur saison 3
"On cherche tous la même chose: un vivant à proximité, une âme à portée de la main, un baume à consommer sur place."
Le roman de Caumes, extrêmement autobiographique, vient de paraître. Il y relate ce que les saisons précédentes racontaient: ses réactions face aux attentats de novembre, son histoire d'amour avec Esther. Mais changer juste les prénoms des véritables protagonistes est-il suffisant ?
Esther réagit violemment à cet étalage de sa vie privée et quitte Caumes. Le voilà donc tiraillé entre une célébrité naissante (et encombrante) et sa volonté de reconquérir celle que l'écriture lui a fait perdre.
Toujours aussi à fleur de peau, Caumes nous embarque cette fois encore dans un maelstrom de sentiments et dans une actualité proche: les dernières élections présidentielles.
Un roman passionnant- qui se lit d'une traite- sur la jeunesse contemporaine.
Robert Laffont 2018.
Saison 1
saison 2
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09/04/2018
Le chagrin d'aimer
"- Je ne me résignerai jamais à avoir engendré un être aussi conventionnel que toi, dit-elle en égrenant un rire perlé et en montrant les dents."
Quelle personnalité que celle de la mère de Geneviève Brisac ! Petite fille gréco-arménienne, elle se marie, écrit des feuilletons pour la radio tout en fumant comme un sapeur, appelle les CRS mon chou, vole la vedette à sa fille lors d'un atelier d'écriture que cette dernière est censée animer ou s'exhibe en maillot de bains sur le trottoir d'un magasin alors qu'elle est déjà très âgée.
Oui, mais voilà, certaines femmes ne sont sans doute pas destinées à devenir mère et si elles le deviennent, ce n'est pas une sinécure pour leurs enfants...
Geneviève Brisac nous propose ici, sous forme de chapitres parfois courts, un portrait éclaté de sa mère. C'est vif, enlevé mais il y sourd parfois Le chagrin d'aimer qui donne son titre à l'ouvrage. à lire d'une traite ou à picorer.
Grasset 2018.
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06/04/2018
Tant bien que mal
"Je lui dois le petit peuple de mes cauchemars. Je lui dois une myriade de troubles obsessionnels.Je lui dois mon inaptitude chronique à la décision.Je lui dois des litre de sueur. Je lui dois des idées noires et quelques crise de nerfs."
Il n'en a parlé à personne. Pourtant ce petit garçon qui a accompagné l'homme à la boucle d'oreille dans la Mondeo blanche pour l'aider à retrouver son chat n'a pas oublié. Comment le pourrait-il ?
Quand vingt-trois ans après les faits, il reconnaît la voix de l homme, comment va-t-il réagir?
En 90 petits pages, Arnaud Dudek relate le parcours d'un renversement subtil et efficace de situation. Tout est suggéré et donc bien plus efficace et poignant. On suit, pas à pas, le récit de ce futur père et écrivain et on a le cœur serré.Tout est dense et pudique, parfaitement réussi dans le dosage de l'émotion.
En plus, dans "lignes de suite"comme d'hab', l'auteur nous donne des nouvelles, histoire de mieux maintenir le lien avec son lecteur. On peut le rassurer: il nous a bien fait tanguer. Une pure réussite qui file sur l'étagère des indispensables.
Alma Éditeur 2018.
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05/04/2018
La femme murée
"Disons qu'elle fait un avec sa construction. Qu'elle a autant le bâti dans le corps que le bâti est elle. Une double carapace. Elle n'a jamais fait la différence entre sa constitution et sa construction. C'est peut être une maladie..."
Marginale, "méconnue, méprisée, incomprise.[...] Orpheline tout court", telle est Jeanne Devidal (1908-2008).
Surnommée la folle de Saint Lunaire, elle bâtit inlassablement une maison faite de bric et de broc qui débordait sur la route et abritait un tilleul en ses murs.
Si cette passion bâtisseuse n'est pas sans évoquer celle d'un facteur Cheval, Fabienne Juhel nous immerge dans la pensée de cette femme qui n'a pas du tout les mêmes motivations que le créateur du palais idéal.
L'auteure édifie, chapitre après chapitre, les différents éléments de cette construction atypique. Elle est pleine d'empathie pour cette femme qui se dit en contact avec ceux qu'elle appelle "les Invisibles" , ce qui lui vaudra plusieurs séjours en hôpital psychiatrique , électrochocs à la clé. Ce qui nous apparaît d'autant plus intolérable quand on apprend le passé de celle qui fut une résistante torturée par les Allemands durant laSeconde guerre mondiale.
C'est par une série de coïncidences que Fabienne Juhel a eu connaissance de cette"Sisyphe femelle des temps modernes" qui ne possédait même pas une pierre tombale à son nom. Mais nul doute que cette rencontre par-delà le temps était inévitable tant l'auteure de La femme murée , avec son style sensible et poétique ,a su nous rendre proche et inoubliable Jeanne Devidal. Un texte dont on pourrait corner toutes les pages tant l'écriture est belle et poignant le personnage de Jeanne dont le destin est emblématique de tant de femmes courageuses, marginales que la société s'employa à faire céder.
Un texte qui file, bien évidemment, sur l'étagère des indispensables.
le Rouergue 2018
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15/03/2018
Pouvoirs magiques...en poche
"Ce qui n'apparaît pas sur les photos, ce sont ces choses vues et entendues chaque jour, qui n'impriment aucune pellicule mais pénètrent le fond de l'âme et s'y déposent, la tapissent."
Née à la fin des années 60, Cécile nous raconte sa vie, celle d'une fille souriante (cela exaspère certains), joyeuse, pleine de vie et d'entrain. Il y a les parents, hauts en couleurs, issus de milieux sociaux différents leur union chaotique, la grande sœur Catherine, admirée par Cécile mais qui va progressivement s'éloigner de sa cadette au grand désarroi de celle-ci. Les rôles que nous imposent insensiblement la famille, la société, mais toujours cette volonté de rompre, de faire un écart pour mieux se retrouver.
Cécile Reyboz nous livre ici une autobiographie voilée (au sens où un roue peut l'être), jamais ennuyeuse, toujours savoureuse (la description de sa remise du prix de la Closerie des Lilas est hilarante!), qui évite tous les écueils du genre et nous entraîne à sa suite entre émotion et pudeur dans une lecture effrénée ! Dévoré d'une traite !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : cécile reyboz
09/03/2018
Un avenir...en poche
"Quittez cet endroit, me direz-vous , mais j'ai laissé passer le moment où c'était encore possible, a dit la femme, dans la plupart des cas, nous laissons passer ce moment."
Paul, malgré un "rhume colossal" parcourt les 300 kilomètres le séparant de la demeure familiale, pour vérifier qu'un robinet a bien été purgé. C'est en effet le prétexte qu'a trouvé son frère Odd- qui lui a annoncé par courrier qu'il disparaissait pour un certain temps- pour le faire revenir à la maison .
Bientôt la neige va bloquer Paul qui aura ainsi tout le loisir de revenir sur son passé et de reconstituer progressivement l'histoire de sa famille, une famille haute en couleurs !
"Cascade narrative" annonce la quatrième de couverture et c'est tout à fait cela. On se retrouve embarqué dans un récit où les identités se constituent par petites touches, souvent par paires qu'on devine potentiellement interchangeables, où les destins se jouent à peu de choses, évoluent de manière surprenante et où les lieux et les moyens de transport (parfois saugrenus) jouent un rôle essentiel ...La boucle sera bouclée mais nous serons entre temps passés des paysages alpestres enneigés aux terrasses monégasques sans oublier un petit détour par la Malaisie.
Il faut accepter de perdre ses repères pour embarquer dans le récit de Paul et le laisser décanter pour mieux le savourer.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : véronique bizot
08/03/2018
La daronne...en poche
"Nous étions entre nous, appartenant au grand flou des classes moyennes étranglées par ses vieux. C'était rassurant."
A part une brève parenthèse de bonheur marital, on ne peut pas dire que la vie de notre narratrice ait été marquée par la joie de vivre. Lasse d'être employée au noir par l’État comme interprète judiciaire, de n'avoir ni sécu ni retraite en vue, lasse d'avoir bossé pour payer les études de ses filles, puis maintenant pour l'EPHAD de sa mère, elle saisit l'opportunité de se glisser dans un monde qu'elle connaît bien pour le suivre via des écoutes téléphoniques : celui du trafic de drogue.
Et là, elle revit, jonglant avec la langue qu'elle connaît depuis l'enfance, "la langue d'avant Babel qui réunit tous les hommes", à savoir l'argent. Elle endosse avec jubilation l'identité de La daronne, délicieusement amorale, fustigeant notre société et ses hypocrisies. Usant d'une langue tour à tour soutenue puis argotique, "elle, au contraire, avait l’œil émerillonné de celles qui aiment le biff", Hannelore Cayre se régale visiblement à ponctuer son récit de remarques vachardes et délicieuses à nos yeux de lecteurs: "Je me suis très mal conduite avec lui, mais il faut dire que son honnêteté à toute épreuve en faisait un sacré boulet."
Enfin, une héroïne en colère, amorale et qui ne trouve pas son salut dans l'amooouuuur, voilà qui fait bien fou ! (Plein de femmes fortes d'ailleurs dans ce roman , chacune dans leur genre !).
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : hannelore cayre
06/03/2018
La douleur fantôme
"Clarissa Clark et elle se rendent service mutuellement: grâce à elle, la star revit, tandis qu'elle-même se cache derrière l'actrice avant de décider qui elle va devenir. Elle est son abri avant de repartir."
Victime d'un accident, la narratrice est défigurée. La chirurgie reconstructrice lui octroie un nouveau visage dont elle s'accommode mal.
Elle décide alors de détruire toutes les photos de son passé et part ainsi à Los Angeles où elle a passé une parie de sa jeunesse, ville où son destin croisera celui d'une star du muet, Clarissa Clark.
Quête d'identité entremêlée de réflexions sur le corps des femmes et sur l'univers du cinéma, La douleur fantôme est un roman bien mené , bien pensé, qui à mes yeux pêche juste par le petit côté ésotérico-fantastique auquel je n'ai pas du tout été sensible. Il n'en reste pas moins que La douleur fantôme est un roman prenant offrant des réflexions intéressantes.
Fayard 2018.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : garance meillon
05/03/2018
Ni tout à fait une autre
"La vie est faite de renoncements infimes, si minuscules qu'on ne les remarque que quand on en fait la somme."
Par amour, la narratrice s'est dévouée à Iggy, star de la musique hard-rock. Au fil du temps, elle a endossé tous les rôles , mais de moins en moins celui d'amante. Quand Iggy meurt d'une overdose, Iris, se retrouve meurtrie et vide. Un nouvel amour se profilant à l'horizon ,la quinquagénaire saura-t-elle sortir de ses schémas et vivre enfin pour elle ?
Iris n'a rien d'une femme soumise ni idiote, elle comprendra a posteriori les réactions d'Iggy et brossera d'elle-même un portrait sans concessions.
Le style est vif, souvent acéré (l'entrevue avec la future belle-mère est un pur bonheur de vacheries cash) et Iris sait nous entraîner à sa suite dans une vie d'épouse de rock- star sans jamais nous perdre. Attention la dernière partie du roman donne tout à la fois une furieuse envie de manger et d'aller au Japon !
Les escales 2018, 200pages qui se tournent toutes seules.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : caroline vié
02/03/2018
La solitude des femmes qui courent...en poche
"Ma vie n'est pas satisfaisante. Je suis seule, j'ai un travail qui me frustre. Adèle est mon unique réussite, la personne qui donne un sens à ma vie." Ainsi parle Justine Trévise , divorcée, la petite quarantaine, qui s'échine à courir dans Paris entre une entreprise qui bat de l'aile, ses amies fidèles et sa petite fille.
Revenir s'installer dans le village de son enfance lui permettra peut être de repartir de zéro, de retomber amoureuse et d'élucider les non-dits familiaux.
Romance fortement axée sur l'amitié entre femmes, La solitude des femmes qui courent est un roman qui obéit aux lois du genre, tout en ménageant un certain suspense. Si l'histoire est bien menée, les dialogues qui l'émaillent sonnent faux, ce qui enlève toute harmonie au texte. Dommage.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : julie printzac