01/07/2024
Traverser les forêts
Il y a quelques mois, j'ai fait une petite fixation sur les forêts...
Voici donc en quelques lignes, du moins au plus apprécié, des romans traitant de ce thème.
Trois femmes, une forêt, celle de la dernière forêt primaire d'Europe, en Pologne. Nina, de retour d'Occident avec son fils et Nina, journaliste biélorusse , vivent, pour des raison différentes au cœur de cette forêt que tente désespérément de traverser Alma, exilée pourchassée par des militaires.
Même si l'écriture est fluide et agréable, il ne m'est pas resté grand chose de ce roman, trop classique à mon goût et dont les personnages m'ont paru bien artificiels.
Éditions du Rouergue 2024.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : caroline hinault, forêts
29/06/2024
Les autres ne sont pas des gens comme nous...en poche
" Je veux être considérée comme potentiellement monstrueuse, comme possiblement perverse, au moins autant que n'importe quel valide. "
Ainsi parle Julie, jeune femme tétraplégique qui, depuis, son fauteuil observe le monde comme une La Bruyère contemporaine.
Si elle se montre volontiers corrosive envers ses non-semblables, elle ne s’épargne guère non plus : "Suite à un accouchement difficile, j'ai hérité d'un corps à euphémismes: différent, singulier, en situation de handicap, en position de non-réalisation des habitudes de vie d'une personne. Le truc sympa, quoi (oui, j'ai aussi hérité d'un cerveau à antiphrases) ."
Les familiers de J. M. Erre retrouveront ici dans les différents textes écrits par Julie son amour des mots, sa volonté de pousser à l'extrême les travers de la société ainsi que des personnages (aux noms improbables) issus de ses précédents romans. Pas de quoi s'affoler pour ceux qui découvriraient cet auteur: vous ne serez pas exclus de la fête et cela vous donnera sans doute l'envie de découvrir les précédentes œuvres de l’auteur.
J.M. Erre célèbre ici, entre humour noir et amour de l'humanité malgré tout, les vertus et les défauts du récit : éviter de nous coltiner avec la réalité mais aussi accepter de se la prendre en pleine face.
200 pages piquetées de marque-pages.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : j.m. erre
17/06/2024
#VivaMolotov #NetGalleyFrance !
""Le secret c'est de chercher l'équilibre plutôt que la stabilité. " Cette pensée fait écho à sa propre expérience. Désirée réalise qu'elle est arrivée ici pour y construire une vie stable, sécurisante et qu'à la place, elle a trouvé un équilibre dont les ingrédients sont bien différents de ce qu'elle imaginait. "
Quand Désirée, infirmière de formation, revient à Troulou, le village de son enfance, elle ne s’attendait pas à une telle effervescence. Jugez un peu : des élections municipales anticipées ont réveillé tout à la fois les ambitions de certains et les vieilles rancœurs et chacun s'en donne à cœur joie pour essayer d'être élu... Des personnages hauts en couleurs, l'humour et l'énergie des 2 Freds alias Frédérique Martin et Frédérique Le Romancer font que dans un premier temps, on croit s'embarquer dans une plaisante comédie villageoise, mais très vite, on se rend compte que ce qui aurait pu être caricatural est beaucoup plus nuancé et plein d'humanité.
En effet, des thèmes graves sont eux aussi abordés (la dépression post-partum, le deuil, le corps et les désirs des personnes âgées, la politique dans le sens noble du terme, entre autres) et la comédie ne tourne jamais à la pochade. Un grand plaisir de lecture ! Dans la foulée, je me suis procuré le précédent volume : La méthode Molotov.
Éditions Fayard, 2024.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : frédérique martin; frédérique le romancer, les 2 freds
31/05/2024
Merci qui ? Merci mon chien...en poche
Avec tendresse, avec humour, le créateur de la Noiraude (la vache qui a des états d'âme et téléphone régulièrement à son vétérinaire ) rend hommage et remercie les animaux qui ont traversé sa vie, mais aussi tous les animaux en général (à l'exception des mites, mouches, moustiques et autres vecteurs de maladie).
Il fait appel à quelques auteurs (Tesson, Kundera, entre autres) pour appuyer ses propos mais ne tombe jamais dans le sentencieux.
C'est en apparence léger, pas toujours tout à fait exact (Je pense en particulier à la Suisse où en fait depuis 2008, la nouvelle loi sur la protection des animaux mentionne que les cobayes, tortues, lapins ou poissons rouges ne doivent pas vivre seuls , et non pas tous les animaux de compagnie comme il l'indique) mais ne chipotons pas, ne boudons pas notre plaisir et profitons pleinement de ce petit plaisir.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jean-louis fournier
30/05/2024
Et d'une vie toute animale
"Elle prend conscience de ce qu'un animal domestique doit encaisser, endurer, ce qu'il reçoit du poids des âmes humaines, toutes ces émotions mal rangées qu’il a pour charge de porter , transporter, tout ce qui se loge en lui du dépôt sauvage de nos névroses."
Une femme ,dont la profession est de recueillir les paroles des personnes en fin de vie, a l'occasion d'occuper temporairement un atelier d'artisan sur le causse du Quercy. Elle ne va pas rester longtemps solitaire dans ce lieu désolé car elle recueille un chien errant, bien mal en point.
Commence alors une vie simple, au plus près de la nature et des rares personnes avec qui elle entre en contact, avec délicatesse et intelligence. Mais c’est la nature qui la part belle ici, car la narratrice se montre attentive au plus petit frémissement, au plus petit changement qui intervient dans son environnement et son écriture, lumineuse, est un pur régal.
Un texte apaisant, sous forme de fragments car "Elle pense, avec Cioran, qu'écrire par fragments empêche le texte de subir ou d'exercer un pouvoir", ce qui ne gêne en rien la lecture, bien au contraire.
Un grand coup de cœur ! Et zou, sur l'étagère des indispensables.
Éditions Cambourakis 2024. 206 pages à lire et relire.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : sandrine bourguignon
15/05/2024
Géographie de la peur
"Le pire n'est pas d'être quittée par tous ou par tout le monde. Le pire est de ne pas pouvoir vivre avec soi. "
Maureen, 19 ans souffre d'agoraphobie et de Trouble Anxieux Généralisé. A l'orée de l'âge adulte, alors qu'elle devrait aller à l'université, toute sortie devient une expédition dangereuse car son cerveau la maltraite et lui fait envisager le pire.
Petit à petit, l'incompréhension de ce qui lui arrive réduit le cercle de ses amis et/ou les incite à interpréter son comportement d'une manière totalement inappropriée.
Le roman relate de l'intérieur le ressenti à la fois psychologique, mais aussi physique , et ce de manière très réaliste. L'humour n'est pourtant pas absent car Maureen, mine de rien, alterne entre autodérision et auto-apitoiement.
Un roman qui permet de comprendre une pathologie qu'on aurait trop facilement tendance à prendre à la légère: il/elle n'a qu'à prendre sur soi.
Scripto, Gallimard 2024, 165 pages .
06:01 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : claire castillon
13/05/2024
Ne jetez pas les sirènes avec l'eau du bain
"J'aimerais tellement, comme disait maman, qu'il pousse dans mon jardin ce que je n'ai pas semé."
Elles sont trois femmes, et un petit garçon, Elliott, sept ans, à se croiser dans une piscine municipale. La piscine comme une parenthèse dans leurs vies, parenthèse appréciée ou non. L'occasion de revenir sur leur enfance, dont Sidonie ne semble pas être sortie, mais aussi sur leurs corps (Laure n'a pas oublié qu'avant elle était dodue) ou leur relation avec leur compagnon (celui de Marion régente la vie familiale).
Rien de bien original ? Peut- être. Mais tout l'art de l'autrice de Du vent dans mes mollets, que nous retrouvons ici avec beaucoup de plaisir est de procéder par petites touches, de ne jamais forcer le trait et de doser au plus juste les émotions, sans oublier quelques traits d'humour dont elle est spécialiste.
Elle donnerait presque envie à ceux qui ,comme Sidonie,envisagent la piscine comme un enfer chloré d'aller y faire un tour. Un très agréable moment de lecture.
Robert Laffont 2024, 198 pages pleines de sensibilité.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : raphaële moussafir
12/05/2024
Croire aux fauves...en poche
"J'ai perdu ma place, je cherche un entre-deux. Un lieu où me reconstituer. Ce retrait-là doit aider l'âme à se relever. Parce qu’il faudra bien les construire, ces ponts et portes entre les mondes; parce que renoncer ne fera jamais partie de mon lexique intérieur."
Spécialiste des populations arctiques, l'anthropologue Nastassja Martin est attaquée par un ours le 25 août 2015. Tels sont les faits .
Mais la principale intéressée préfère évoquer l'événement en tant que rencontre et échange, car si l'ours l'a défigurée, emportant en lui une partie du visage de l'humaine , elle-même estime que les frontières entre humain et animal sont poreuses et qu'elle a donc gardé en elle quelque chose de l'ours.
En effet, l'ours n'est pas n'importe quel animal, il faisait partie selon l'auteure de sa destinée, de son rêve et la rencontre était inéluctable.
L'animisme est au cœur de ce récit exigeant et poétique qui raconte tout à la fois une reconstruction mais aussi la nécessité d'instaurer "une négociation au sujet du monde dans lequel nous allons vivre."
Un récit enthousiasmant.
09:43 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nastassja martin
10/05/2024
L'heure des femmes...en poche
"Oui, pourquoi les femmes ne profiteraient -elles pas de ce formidable élan de vie pour prendre enfin leur place dans cette société en pleine mue ? "
De nos jours, une jeune femme est chargée par une amie éditrice de collecter des informations sur celle qui , à l'heure de la sieste, sut donner la parole aux femmes et surtout les écouter : Menie Grégoire. En 1967, à la radio on dialoguait à propos"de thèmes sociétaux importants dont personne ne parlait publiquement à l'époque. Il y avait la sexualité bien sûr. Mais aussi la contraception, l'avortement , les problèmes de couple, de famille, l'éducation des enfants. Sans parler de l'inceste dans les familles. "
A une époque où les femmes , pour la plupart n'avait aucune éducation sexuelle, aucun accès à la contraception et enchaînaient les grossesses , où l'avortement entraînait la mort de très nombreuses femmes, c'était révolutionnaire.
Et pourtant, Menie était une femme d'origine bourgeoise, capable d'organiser de grands dîners , d’élever ses deux filles et d'écouter avec empathie, sans juger les femmes de toutes origines sociales.
C'est un grand plaisir de la retrouver par le biais de ce roman écrit par sa petite fille, Adèle Bréau. Ni hagiographie, ni portrait à charge, mêlant fiction et réalité, de l'aveu propre de l'autrice, ce roman nous rend Menie Grégoire proche et formidablement vivante. Les récits qui s'entremêlent et donnent à voir le destin de femmes modestes qui croisèrent celle qu'on appelait "La dame de cœur" sont aussi très réussis , un peu moins celui-mettant en scène le personnage principal, car trop démonstratif à mon goût. Une réussite néanmoins qui permettra de (re) découvrir cette grand dame dont la voix résonne encore à mes oreilles.
Jean-Claude Lattès 2023.
06:01 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : adèle bréau
08/05/2024
Far Ouest...en poche
Quel plaisir de voir enfin en poche ce roman sorti en ...2008 !
”Elle avait simplement voulu commettre un bonheur”
Oui, vous avez bien lu "Commettre" et non pas "connaître" un bonheur.Mais bien évidemment, quand Sixtine adopte Dalton, croisé de setter gordon et de lévrier afghan, emprisonné dans un refuge depuis de trop longues années, c'est le début d'une très belle relation entre la jeune femme éprise de liberté et le chien apparemment inapte au bonheur.
On sourit quand Sixtine "se dit qu'elle n'avait pas réalisé à quel point il était gênant de passer une soirée en tête à tête avec quelqu’un qu'on en connaît pas,qu'il fût humain ou pas. même s'il ne parlait pas, elle aurait au moins aimé qu'il manifeste plus d'enthousiasme en découvrant son nouveau confort, qu'il lui témoigne tout de suite plus de reconnaissance, qu'il se comporte comme une sorte d'acteur hollywoodien qui traverse le séjour en décrétant qu'il va prendre une bonne douche et se sert au passage un scotch on the rocks qui lui fait fermer les yeux de plaisir.". Ou quand elle trouve le moyen de contourner un règlement imbécile pour ne pas quitter son chien dans un magasin d'alimentation...On a les larmes aux yeux quand , enfin, Dalton " manifeste du bonheur , qu'il se révèle capable de quitter son monde des morts sans expression." Bien sûr le bonheur de l'un va déteindre sur l'autre car "Dalton était devenu un prétexte de bonheur. Ce que Sixtine n'aurait pas fait pour elle-même, elle le faisait pour Dalton."
En contrepoint, un peu artificiel à mon goût, nous suivons le périple de la sœur aînée de Sixtine qui, veuve, quitte les États-Unis et rentre en France avec le vague espoir de renouer avec celle qu'elle connaît à peine. Un peu caricatural mais amusant ce personnage devient peu à peu pathétique...
Quant à la fin du roman, elle m'a fait penser à celle, très poétique, du film "Crin Blanc"...
Les personnages de Far-Ouest ne sont pas être pas suffisamment fouillés mais en même temps cela nous donne tout le loisir de compléter à notre guise ce été esquissé et de passer un excellent moment sur les plages de l'Atlantique , en mangeant des chouquettes, en compagnie de ceux qui sont devenus nos amis, Sixtine,Dalton et la jument Fidèle .
Un premier roman sensible et émouvant de Fanny Brucker ,dédié à ...Dalton !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : fanny brucker