Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/06/2021

Le Homard...en poche

"Si on considère que la lecture est un voyage, alors mon mari était toujours en déplacement."

Envie d'un roman drôle (non amateur d'humour noir s'abstenir) , se déroulant en Bretagne, taclant les étrangers qui viennent faire grimper les prix de l'immobilier, où l'on croise un homard confident d'une femme qui fréquente plus souvent qu'à son tour les loteries du coin , un roman où rode peut-être même un serial killer ?
Alors procurez-vous vite ce galop d'essai de Pascale Dietrich 125 pages qui se dévorent  d'une traite.pascale dietrich

j'ai Lu 2021.

07/06/2021

Faut pas rêver

"La conversation se poursuivit en français sur des sujets anodins ,comme l'allaitement maternel, les placements immobiliers ou la crise des vocations chez les tueurs professionnels."

 

N'était sa propension à parler en dormant , tout en ayant des rêves fort agités, Carlos cocherait toutes les cases du compagnon et futur papa parfait: tendre et attentionné , il a même eu la bonne idée de se reconvertir en sage-femme.
De plus, il attise la curiosité de son infortunée compagne de lit, Louise, car il s'exprime en espagnol, langue à laquelle elle ne comprend rien, ou presque. La jeune femme décide donc, d'enregistrer ses logorrhées et de les faire traduire par une amie, Jeanne.pascale dietrich
Las, elle découvre un motif récurrent qui semble hanter les nuits de Carlos: un homme dans une voiture , balancé à la mer. Son amoureux est-il pour autant un criminel ? 
Pour en avoir le cœur net, Louise et Jeanne se rendent à Marbella, lieu qu'elles ont réussi à identifier.
Commencé sous les auspices de la comédie, Faut pas rêver vire rapidement au cauchemar, mais Pascale Dietrich sait doser comme personne ces deux registres et nous entraîne à la suite de ses personnages dans un roman échevelé qui égratigne au passage la corruption immobilière et nous permet de glaner au passage plein d'infos sur les rêves.

 

Liana Levi 2021

De la même autrice: sorti en poche :

"Elle en avait marre que les hommes s’accaparent le pouvoir alors qu'ils étaient moins compétents qu'elle. Puisqu'on ne la laissait pas monter en grade, elle allait faire le ménage."

Leone Acampora , vieux mafioso grenoblois, est sur le point de mourir. Ce que sa famille ignore encore c'est qu'il a lancé un contrat sur la tête de sa femme infidèle, car on ne rigole pas avec l'honneur dans la mafia.
Ses deux filles , Dina et Alessia ,vont tout faire pour sauver leur mère et , par la même occasion, Alessia entend bien prendre la tête de la mafia locale car il est grand temps que les hommes et leurs valeurs rétrogrades cèdent le pouvoir aux femmes qui l'exercent en sous-main depuis des années
C'est bien la première fois que je me lance dans un roman ayant pour thème la mafia (même pas vu ou lu "Le Parrain", c'est dire...) mais j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman qui fait la part belle aux femmes, et égratigne au passage les organisations humanitaires : "Au fond les organisations humanitaires et la mafia constituaient deux réponses opposées à un même problème: ces organisations se développaient quand c'était le chaos et que L’État ne faisait pas son boulot. La mafia offrait un statut et des ressources à ceux qui ne trouvaient pas de place dans l'économie légale. Quant aux ONG, elles aidaient à peu près les mêmes à survivre sans jamais inquiéter les gouvernements véreux ni s'attaquer aux véritables injustices. Pire, elles rattrapaient les dégâts et permettaient au système de perdurer."pascale dietrich
Les personnages sont bien croqués, l'écriture est pleine d'humour et les 151 pages se tournent toutes seules ou presque.

 

 

01/06/2021

Canoës

"Ni errance, ni même exploration, ces heures s'étirent dans une forme d'appréhension excitée, un jeu ouvert, où la monotonie de la banlieue , sa continuité infinie , mais aussi les échappées sur les collines, dans les plis rocheux de la montagne, peuvent à tout moment faire revenir une image, une pensée, une voix, et relier en moi ce qui se tient disjoint."

"Roman en pièces détachées", comme le décrit-elle-même l'autrice, Canoës explore la nature de la voix humaine, dans ce qu'elle peut avoir de plus ténu et de plus révélateur en sept textes, "sept satellites"  gravitant autour d'une novella centrale.maylis de kerangal
Les canoës, qui servaient autrefois à transmettre les messages dans les régions lacustres  se retrouvent dans chacun des textes, soit sous une forme discrète (en pendentif, par exemple) ou plus massivement. Ce qui relie également ces textes, ce sont les périodes troublées dans lesquelles évoluent les personnages, que ce soit ce veuf qui refuse d'effacer la voix de sa femme sur le répondeur ou cette narratrice de "Mustang" qui vient de perdre l'enfant qu'elle portait, ce qui est mentionné très discrètement ,et se trouve confrontée à un nouveau pays où la voix de son amoureux a changé, comme pour mieux s'adapter.
Qu'on s'interroge sur la voix que pouvaient avoir les derniers chasseurs-cueilleurs de la préhistoire, qu'on rencontre une amie qui veut rendre sa voix plus grave pour l’adapter aux critères d'un possible emploi à la radio , on est toujours au plus près de ces personnages et de leurs préoccupations tant le style de Maylis de Kerangal exerce un charme (au sens premier du terme) efficace et prégnant.

Verticales 2021.

31/05/2021

#Deuxpetitesbourgeoises #NetGalleyFrance

"L'amitié était pour Esther facile, évidente, sans effort, durable, quand l'amour à chaque fois se fragmente."

Héloïse a toujours respecté les règles, bossé dur pour réussir et semblait avoir coché toutes les cases de la réussite et de la normalité. Esther, dont le parcours ressemble comme deux gouttes d'eau à celui de l'autrice, est plus bohème, moins dans la sécurité, ce qui inquiétait son amie Héloïse.colombe schneckchneck
Issues du même milieu, à quelques nuances près, ces deux amies se sont connues très tôt, ont porté presque les mêmes marques de vêtements, évolué dans le même milieu, celui de la bourgeoisie.
Mais voilà Héloïse est morte bien trop tôt et nombreux sont ceux qui refusent de l'évoquer après son décès. Esther prend donc la plume pour évoquer de manière distanciée, sans aucun pathos, la relation qui les unissait, parfois en pointillés, décrivant avec beaucoup de sincérité ses réactions , même teintées de lâcheté , face à cette mort annoncée. Un roman qui semble parfois léger mais d'une sensibilité poignante.colombe schneckchneck

Stock 2021

11/05/2021

Fête et défaites

Camille et Laurent, veulent se pacser en toute intimité , au grand dam des parents de la Belle, qui rêvaient d'un parti plus adapté à leur standing,  et entendent bien organiser une fête qui épatera famille et amis.antoine cristau
Avec ce point de départ qui ne peut qu'engendrer tensions et stress  au sein d'une journée où chacun se sent un peu déjà sous pression, Antoine Cristau use d'un procédé original: il ne nous livre qu'une succession de premières pages mettant en scène les différents protagonistes de la fête, de la famille, aux invités, en passant par le personnel engagé pour le repas , sans oublier le chien . L'unité sera donnée par le temps, la journée de fête et les points de vue s'enchaîneront sans heurts et souvent avec humour, l'auteur se jouant des attendus du lecteur et de la polysémie des mots pour mieux le surprendre. On aurait aimé que le style soit un peu plus travaillé et les polices parfois un peu moins minuscules, mais on passe un bon moment de détente, sans oublier d'admirer les illustrations de couverture.

 

Merci aux Éditions du Cherche-Midi et à Babelio pour cet envoi.antoine cristau

10/05/2021

Un colosse

"Jean-Pierre sera glorieux, mais il continuera à travailler la terre."

Jean-Pierre Mazas naît dans le sud-ouest de la France en 1847 et ne commence à grandir de manière démesurée qu'à partir de 16 ans . Ce gigantisme facilité sa tâche de laboureur mais bientôt il deviendra aussi lutteur et sa notoriété dépasseras frontières.pascal dessaint
Pascal Dessaint, délaissant le roman noir, se penche ici sur une destinée hors-normes, celle d'un homme qui finira phénomène de foire  et curiosité scientifique dans un monde qui évolue très rapidement par certains côtés, mais conserve aussi certains vestiges du passé.
Le romancier mène l’enquête, rétablit quelques vérités et/ou approximations et peint un tableau plein de vie d'une société qui exhibe sans honte ceux qu’elle considère comme des monstres. C'est donc l'histoire d'un corps, mais aussi d'un paysan, tous deux voués à un destin tragique que nous propose Pascal Dessaint.Un récit court, un peu plus de 120 pages, mais dense.

 

Rivages 2021.

05/05/2021

L'horizon qui nous manque...en poche

"Chacun connaît de ces moments maladifs, comme à battre des bras et des jambes dans la semoule, comme à essayer de s'accrocher aux lambeaux de son existence, et les paroles perdent en logique et en sens, et les gestes semblent indépendants de toute conscience."

Dans un espace naturel , miraculeusement préservé, entre Dunkerque et Gravelines, trois marginaux tentent de cohabiter. Le premier installé, Anatole, retraité, fabrique des oiseaux de bois flotté, supposés être des leurres destinés à la chasse.La deuxième, Lucille, institutrice en rupture avec l’Éducation Nationale, est désabusée depuis le démantèlement de la jungle de Calais où elle s'était investie auprès des migrants. Quant au dernier, Loïk, il est bien trop imprévisible pour ne pas retomber dans ses anciens travers qui l'ont déjà mené derrière les barreaux.pascal dessaint
Même si la fraternité existe entre ces personnages qui partagent un goût certain pour Jean Gabin, on est bien loin  de l'esprit d'Ensemble c'est tout . Ici, la tension est quasi permanente et l'on sent bien, entre une tournée de moules-frites ou un concours improvisé de décorticage de crevettes, que tout peut basculer sur un malentendu car "Quand il n'y a plus rien à gagner, on peut continuer à tout perdre...".
Un roman noir, ponctué de chansons des  Rubettes et autres Mike Brant, où l'on arpente les plages du Nord, où l'on suit une chouette, où l'on découvre ce qui fait la culture populaire d'un territoire marqué par l'Histoire , l’industrialisation et la crise économique. Du grand Dessaint.

12/04/2021

Mathilde ne dit rien

"Mathilde se dit que si, elle imagine. Elle sait très bien ce que c'est d'être envoyé dans les marges par la force centrifuge du monde."

Le roman débute par une scène de violence psychologique à couper le souffle et se clôt par une scène de violence, physique cette fois qui laisse le lecteur groggy .
Le point commun de ces deux moments intenses ? Mathilde. Celle qui ne dit rien, essaie de passer inaperçue, mais c'est compliqué quand on a son gabarit. Travailleuse sociale , Mathilde fait son job de manière efficace, sans doute parce qu'elle a connu de près les galères de ces gens qu'une facture de trop peut faire valser dans la misère. Mais le passé douloureux de Mathilde nous ne le découvrirons que peu à peu.tristan saule
Tristan Saule peint avec une précision d'entomologiste le quotidien de ces gens (voir en particulier la scène de la baguette chaude au supermarché de proximité qui s'organise comme une chorégraphie muette ) les rouages des aides sociales, les trafics, la violence...Il choisit de ne pas surplomber ses personnages mais se met à leur hauteur, analysant avec précisions les mécanismes de ce qui peut entraîner ces gens fragiles dans la misère. Un roman social d'une force extrême.

Le Quartanier 2021

10/04/2021

Décomposée

"Jeanne a la moquerie souple,
roseaux de sarcasme éraflant la surface
              de ce lac-miroir qu'est le poète
              où elle se reflète,
              et il voudrait que sa muse parfois soit un peu plus   disons
                                             plus enthousiaste, "

 

Parce qu'elle "aime aller chercher les petites voix coincées dans les interstices d'autres textes, les envers secrets de grands classiques", Clémentine Beauvais dans Décomposée, roman en vers libres, prête voix à la femme morte qui inspira à Baudelaire le poème Une Charogne.
Elle imagine la vie de cette femme,  qu'elle baptise Grâce,  petite paysanne venue à Paris avec ses sœurs, pour fuir des vies par trop prévisibles , devenue d'abord prostituée, couturière des étoffes puis des peaux féminines, avorteuse et finalement tueuse en série, pour venger celles qu'elle appelle "les petites sœurs" et "les amies qui étaient comme des sœurs".clémentine beauvais
Il est en effet question de sororité entre ces femmes dont les corps, comme celui de Jeanne, la maîtresse de Baudelaire, ont trop tendance à rencontrer malencontreusement des consoles, à subir les caprices d'hommes qui les renient dès que la maladie ou les grossesses les rendent indésirables. Et le corps mort, celui qui inspire Le poète des Fleurs du mal , se donne à voir dans sa transformation post mortem, une charogne  qui se décompose sous nos yeux, dévorée par les animaux , engendrant la vie et l'esprit de Grâce s'insinue  peu à peu dans celui de Jeanne qui à son tour fait entendre sa voix , damant souvent le pion à son compagnon qui ne sort pas grandi de ce texte.
Le travail sur la langue, la disposition du texte sont tout simplement épatants et on dévore d'une traite ce texte puissant, féministe et original.

Un indispensable bien sûr.

L'iconoclaste 2021

 

25/03/2021

Ce qui est monstrueux est normal

"Être écrivain, au final , est une affaire autrement plus intéressante. c'est liquider d'un trait ce qu'il y a de plus laid en nous et l’offrir au monde, pur et authentique, offrir ce qu'on possède de plus beau et de plus fragile, intact et fissuré."

Quand elle sera devenue adulte, des amis diront à la narratrice/autrice de ce roman autobiographique que sa vie "C'est du Zola !". Mais en 90 pages, brûlantes et maîtrisées, Céline Lapertot nous décrit surtout la métamorphose d'une enfant qui commence à écrire à neuf ans, l'âge où son beau-père commence à fourrer sa main dans sa culotte, mais qui deviendra , professeure, écrivaine et quelle écrivaine !céline lapertot
Avec une précision d'entomologiste, l'autrice se replace à hauteur de l'enfant qu'elle était, revoit le paysage qui l'entourait et place des mots que l'enfant démunie n'aurait pu utiliser , ainsi: "ruine". Un terme qui résume aussi bien le lieu que la vie des adultes qui l'entourent à cette époque , adultes "qui vivotent autour d'elle, telles des toupies éternellement ivres", ne lui manifestent que peu d'attention, on parle encore moins d'amour ,  mènent une vie réduite à sa plus simple expression,  qui, faute de comparaison possible, lui paraît normale.
Les chapitres s'enchaînent rapidement, émaillés de réflexions extrêmement fortes sur la manière dont les enfants victimes d'inceste sont traités par les institutions, davantage en position d'accusés que les accusés eux-mêmes, souligne leur volonté farouche de préserver la cellule familiale , dont on sait pourtant qu'elle peut être le lieu principal de violences subies par les enfants.
Mais Céline Laportet n'en oublie pas pour autant les professeurs, les éducateurs et la formidable famille d'accueil, tous ceux qui ont su  faire émerger la parole, encourager l'écriture salvatrice et accueillir l'enfant "brouillonne, grossière, attachée à la violence dont elle n'a pas encore trouvé l'utilité artistique, voleuse, menteuse, rongée par des angoisses qu'elle ne maîtrise pas, carrément explosive."
On dévore ce livre qui analyse  aussi le rapport à l'écriture en train de se faire, le rapport aux œuvres fondatrices (Semprun, Zola, Racine...) , nous balance des uppercuts mine de rien et nous laisse avec une seule envie: relire ce texte magistral pour mieux le savourer.
Un indispensable, bien sûr.

Éditions Viviane Hamy 2019.