14/02/2007
Démontage d'un mariage
Le roman polyphonique de Blandine Le Callet, Une pièce montée
, décortique "le plus beau jour de la vie " de Florence, jeune avocate
éprise de perfection et qui, de prime abord, apparaît peu sympathique.
Différents narrateursvont, chacun leur tour, nous raconter un épisode de ce mariage et nous en proposer leur vision.
Le
premier témoignage, la petite fille d'honneur et ses parents qui se
disputent, m'a fait baîller, tant ce récit était convenu. Le prêtre
qui âcle la messe parce qu'en proie au doute est un peu plus
intéressant déjà. mais c'est à partir de Marie, le "mouton noir" de
cette famille bourgeoise que le jeu de massacre commence vraiment et que le récit prend son rythme.
Les apparences se fendillent et l'émotion apparaît enfin.
Ce
thème du mariage révélateur paroxystique des relations entre les
couples présents et des relations familales en général a déjà souvent
été utilisé en littérature ou au cinéma mais l'auteure a su le traiter
d'une manière agréable.
Ps: ce roman est paru chez France Loisirs et sera en poche en avril...
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (24)
12/02/2007
Ah, les vaches !
Meilleur vacher d'un petit coin d'Auvergen, le Bricou a laissé périr
deux vaches . Sa réputation, croit-il va en souffrir et lui aussi par
la même occasion car, dès lors il se met martel en tête
.Persuadé que tout le monde le dénigre, par son comportement même, il
va susciter l'étonnement puis l'incompréhension et l'histoire
risque de tourner au tragique...
A travers cette galerie de
paysans auvergnats, j'ai retrouvé un peu l'univers de Maupassant mais
avec une langue beaucoup plus savoureuse et un humour bon enfant (ah,
ce vieil homme à qui on vole ses trous !). André Vers ne toise pas ses personnages, il les accompagne dans leur parcours.
Comme
le souligne le préfacier, Philippe Claudel, Bricout, cela pourrait être
chacun d'entre nous quand nous interprétons "de travers" un geste
ou une parole et que nous croyons que le monde entier nous en veut...
Ce
roman est aussi un bel objet "Achevé de réimprimer par Plein Chant à
Bassac (Charente) un matin de juin 2006, pour tous ceux qui sauront
être touchés par le Bricou". Dont acte.
La critique de Cuné.
06:01 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8)
09/02/2007
Neige et lumière
André Bucher, dans son roman Déneiger le ciel ,nous conte
l'histoire d'un veuf d'une soixantaine d'années, David, qui jusqu'à
présent déneigeait les routes de son village mais qu'une panne de
tracteur va contraindre à l'immobilité.
Presque rien donc mais c'est
là que tout commence car, la neige bloquant tout, David va partir à
pied à la rencontre d'êtres chers ou encore inconnus mais
dont il se sent responsable. Ces kilomètres ,dans un paysage empêtré et
où chaque geste peut tout faire basculer de manière irrémédiable,
vont lui faire prendre conscience que : " Pour la
première fois de sa vie, il ressentait à leur paroxysme
l'importance et la réalité de tous ses êtres chers".
L'écriture
est à la fois poétique et précise , rythmée par des allusions
musicales et l'on suit avec bonheur cet homme singulier qui ,à sa
manière, prend soin de tous, humains et animaux, présents et disparus.
La critique de Cuné à qui j'adresse un merci tout particulier !
06:08 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (17)
05/02/2007
Régalons-nous !
Le titre du roman d'Agnès Desarthe, Mangez-moi, fait référence à l'injonction figurant sur un gâteau dans Alice au pays des merveilles, gâteau qui fait changer de taille l'héroïne de L. Carroll.
Comme
Alice, Myriam n'arrive pas à trouver la bonne taille pour s'adapter aux
situations et elle affirme "...je ne suis pas à la mesure de ce que
j'entreprends".
Si elle décide d'ouvrir un restaurant, ce n'est pas
une success story qui nous est ici racontée mais l'histoire heurtée et émouvante d 'une femme à la reconquête d'elle même.
Comme la Betty
de Simenon, Myriam a été mise au ban de la société par sa famille.
Petit à petit se reconstitue le passé de celle qui refuse la réussite
et a une conception bien particulière de l'endroit qu'elle ne réussit
pas à appeler "restaurant" et qui symboliquement s'appelle "Chez moi".
La
sensualité de la langue s'oppose aux aspects brouillons et maladroits
de l'héroïne qui ne cesse de se blesser avant de parvenir à maîtriser
ses gestes et son univers, de se réajuster au monde.
Un très beau roman donc dont beaucoup de blogs ont déjà parlé (en bien !) et un merci tout particulier à Clarabel.
06:09 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (13)
31/01/2007
La grande sirène
Vient de sortir en poche (5 euros, tout rond) un livre très mince
mais qui, j'en suis sûre, restera longtemps à mijoter dans nos
cerveaux: Le musée de la sirène de Cypora Petitjean-Cerf.
La
narratrice vole un jour dans l'aquarium d'un
restaurant chinois une sirène. A partir de là, par petites touches
d'abord ,puis du tout au tout, , la vie de la jeune Annabelle va être
bouleversée . En effet, cette sirène, qui emprunte certains traits à
celles évoquées dans L'odyssée
ou à celle du conte d'Andersen, va vite s'adapter à sa nouvelle
existence, se révélant parfois féroce mais jamais affectueuse.La jeune
femme va passer par différentes phases, timidité, repli maladif sur soi
puis ouverture aux autres , la sirène jouant à chaque fois le rôle de
catalyseur, mais de manière discrète.
Je suis entrée d'emblée dans
cette histoire et dans cette écriture précise et lumineuse. On peut
envisager ce roman comme une fable, libre à chacun d'envisager la
sirène comme une métaphore de ce qu'il voudra , mais sous une apparence
légère, ce roman laisse une empreinte durable...
La critique de Clarabel
06:10 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (11)
22/01/2007
la vieille dame pas si digne que cela
En refermant le roman de Michel Arrivé, Une très vieille petite fille,
j'ai repensé à ce qu'une de mes amies du yoga nous avait dit tout à
l'heure: "On est adulte quand on ne recherche plus l'approbation des
autres", citation de Jacques Salomé .
Hé bien c'est exactement ça,
la très vieille dame qu'est Geneviève recherche l'immortalité mais elle
se retrouve coincée entre l'obeissance à deux consignes contradictoires
: écrire chaque jour, comme son défunt père le lui avait enjoint ou désécrire comme le lui conseille fortement sa professeure de graphologie et d'astrologie transcendantale.
Finalement
, elle obéit à sa professeure et commence à détruire partiellement ou
pas ses journaux. C'est pour nous l'occasion de revenir sur le
passé de Geneviève et de la découvrir fille obéissante mais peut être
pas si soumise que cela...Mais bon, les apparences sont sauves et l'on
glisse avec légèreté sur les passages les plus amoraux.
Manipulée
par son entourage mais elle aussi manipulatrice, Geneviève va
finalement secouer le joug et peut être devenir adulte ...
Ce roman
est étrange, rien n'est dit clairement , tout est suggéré par petites
touches et l'on se prend à s'attacher à cette vieille dame en apparence
si soumise..
La critique de Cuné
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (20)
05/01/2007
Ames sensibles, ne pas s'abstenir !
Le premier roman de Barbara Constantine (la fille de celui qui
chantait "Cigarettes et ouisky et p'tites pépées") débute en nous
faisant le coup du grand-père bourru mais au coeur d'or.
Mouais...Heureusement y le chat Bastos que le vieux veut allumer d'où
le titre :Allumer le chat, (mais rassurons tout de suite les
mérotes à chats, il n' y parviendra pas), Bastos donc qui
commente l'action et accessoirement est un fan des films de Mocky. Vous
suivez toujours ? Vaut mieux parce qu'àprès l'action s'emballe, ça
fonce à toute allure, les péripéties se carambolent , l'auteure en
profite pour zigouiller au passage tous les gros cons (je me lâche mais
c'est parce que je suis contaminée par le style du bouquin: "rustique
et sauvage", comme les recettes de Marie Rose (Salade de vers.Très léger , pour les appétits d'oiseau". )
Ce
bouquin ne fait pas dans la dentelle, le style oralisé est parfois
lourd à digérer mais on sent une véritable jubilation de l 'auteur
qui, mine de rien, effleure au passage des thèmes graves: la maternité,
les relations entre parents et enfants...Elle dynamite les
faux-semblants (ah la scène où les parents d'un gros con font exploser
des tonnes d'hypocrisie !), on sort de là ébouriffé, sonné mais
souriant !
La critique de Cuné (nettement moins souriante ! )
08:24 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (33)
08/12/2006
Quint, le prolifique
Michel Quint avait écrit beaucoup de romans policiers avant de connaître le succès avec ses Effroyables jardins
, adapté ensuite au cinéma. Depuis, le démon de l'écriture ne semble
pas le lâcher et mine de rien, il vide nos porte-monnaie ...
Comme souvent dans Corps de ballet
, l'action se déroule à Lille, ce qui est bien confortable quand on
habite la région, pour se représenter les lieux mais ici, même les
lecteurs non Ch'tis pourront évoluer dans le décor sans souci, gâce aux
très belles photographies de Cyrilel Derouineau qui ont donné naissance
au texte . En effet, inversant la proposition des éditions Estuaire,
Quint est parti des photos pour bâtir son histoire.
Le
personnage central, maria, est une ancienne ballerine au corps
trop voluptueux et qui, devenue femme de ménage , évolue dans le vieux
lLille entre ses différents patrons et ses amis. Tout ce petit monde
pittoresque va bientôt voler en éclats car un professeur d'histoire
trop curieux et amoureux va vouloir percer le secret de Maria... Des
danses macabres vont réapparaître et briser ce bel ordonnancement .
Comme
le dit un des personnages, "Pour être humain, il faut supporter
l'inhumain"...Même si Quint convoque des épisodes extrêmement inhumains
justement de l'Histoire qui vont se rejoindre par l'intermédiaire de
Maria, ce qui ressort de ce roman c'est précisément la très
grande humanité de ce texte que j'ai lu d'une traite, tant j'ai été
emportée par le style vivant et charnel de Quint.
Ps: la critique de Clarabel
06:02 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10)
24/11/2006
On entendrait rire la poussière ...
Rendue complètement "hors de toute réalité" par la mort de son époux, l'héroïne de J'ai nom silence
a perdu tout ce qui la rattachait à la société: domicile et relations
avec les autres.Même les mots lui font défaut. Les mots qu'elle aimait
lire et polir puisqu'elle était poète .
Elle va connaître un temps
"la vie de la rue" avant de se réfugier à la campagne dans une maison
rattachée à son mari.Là, elle va construire son "nid", bataillant avec
les plantes et apprivoisant la nature et les souvenirs d'enfance
du père de son enfant. Seule lueur en effet dans cette anesthésie
des sens et des pensées, sa fille de 5 ans provisoirement confiée à une
institution.
Bon là, je sais, tout semble désespérant , mais pas du
tout. On sent la narratrice âpre et écorchée mais portée par une vitalité presque
animale (voir la scène avec le notaire peu scrupuleux...) dans son
désir de récupérer sa fille et c'est ce qui va la sauver.
Isabelle
jarry décrit avec précision notre société de consommation inhumaine et
stérile, elle revendique avec force une place pour l'art . Sa langue
est âpre et précise, d'une grande limpidité.
Un roman court,
magnifique et sorti en format poche et vous n'avez pas encore noté ses
références ? Je ne vous crois pas ! :)
La critique de Clarabel
06:01 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (9)
23/11/2006
Le sac des filles
Camille l'a chanté, on peut en voir le contenu ici et aussi dans le livre de Marie Desplechin qui vient de sortir en poche :Le sac à main.
L'auteure
consacre donc un texte à chacun des éléments clasiques ou incongrus
constituant le contenu du sac de son héroïne mais , bien qu'adorant les
sacs , je n'ai pas été convaincue. Encore moins par la fin
qui me paraît fort peu originale et quelque peu télescopée....
Laissons donc le mot de la fin à Alexandre Vialatte: "Le
sac à main contient de tout, plus un bas de rechange, des ballerines
pour conduire, un parapluie Tom Pouce, le noir, le vert et la poudre
compacte, une petite lampe pour fouiller dans le sac, des choses qui
brillent parce qu'elles sont dorées, un capuchon en plastique
transparent et la lettre qu'on cherchait partout depuis trois semaines.
Il y aussi , sous un mouchoir, une grosse paire de souliers de
montagne. On ne s'expliquerait pas autrement la dimension des sacs à
main." in Dernières nouvelles de l'homme
06:04 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (18)