11/02/2022
Tant qu'il y aura des vaches
"Dès cette époque, une bulle s'était formée entre elles et moi, qui comme par une clôture, nous séparait du reste des hommes."
Larguée brutalement, une jeune journaliste free lance se passionne soudain pour les vaches et dévore jusqu'aux ouvrages les plus techniques les concernant.
Pourquoi une telle passion? Est-ce juste pour détacher son esprit de son ex amoureux ou cette fixation sur les bovidés remonte-t-elle à une source plus lointaine ?
Nous suivons dans les plus intimes méandres de son esprit cette jeune femme dont la passion soudaine risque fort de lui faire perdre contact avec la réalité...Un roman fort plaisant qui s'amuse au passage avec les expressions ayant trait aux vaches dans ses titres de chapitres.
Comment résister à cette magnifique couverture quand on est ,comme moi ,une fan des vaches ? Merci donc à Babelio et à l'autrice (qui a accompagné cet envoi d'une très gentille lettre et de timbres choisis avec soin).
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04/02/2022
Histoire du fils...en poche
"Ce don qu'il avait toujours eu de se sentir partout à sa place, légitime et désiré, venait de là, de Chanterelle, du nom, de la mère, de la maison, des terres, de l'air cru."
Se jouant de la chronologie, Marie-Hélène Lafon retrace l'histoire de deux familles qui n'apprendront que bien plus tard comment leurs destins se sont imbriqués et incarnés en la personne de ce fils qui donne son titre au roman. Deux familles, mais aussi deux terroirs et deux noms, car tout est ici fortement lié.
Cette structure éclatée déroute un peu le lecteur, au début, mais la langue drue de l'écrivaine nous soutient et nous emporte au fil du récit et nous nous attachons à ces personnages que nous apprenons peu à peu à identifier au sein du schéma familial.
Si le plaisir de lecture était bien présent, j'ai néanmoins eu l'impression d’être tenue à distance par ce roman, dont à mon avis, la vraie héroïne est la figure forte de la mère biologique, femme atypique mais qui nous demeure néanmoins quelque peu opaque.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : marie-hélène lafon
03/02/2022
#LeGangdubiberon #NetGalleyFrance !
"Cependant j'avais une règle d'or: je ne me laissais jamais atteindre par le pessimisme des autres (seulement par le mien, c'est ce qui faisait ma force) . "
Envie d'une virée en voiture sur les chapeaux de roues ? Alors embarquez avec Hank le dépressif impulsif, sa femme, (non surtout pas cette formule, Alma est une féministe radicale et parfois Hank se perd un peu dans ses injonctions contradictoires...), disons la mère de leurs enfants , Marnie, huit ans, Lilirose quatre ans et le petit dernier Lino, neuf mois. Une semaine sans téléphone ni GPS sur les routes d'Espagne pour se retrouver en famille, pour se retrouver en couple (mission quasi impossible) sur les routes d'Espagne.
Toute l'épopée est relatée du point de vue du père et sa vision des enfants, à la fois pleine de tendresse mais aussi de lucidité est follement réjouissante Ainsi parlant du bébé : "Une splendide bedaine d'un demi-litre me garantissait son innocuité pour quatre bonnes heures".
Mais Hank ne se donne pas le beau rôle pour autant et sa description des différentes tentatives pour renouer charnellement avec Alma ,tout en ayant auparavant tenté de neutraliser ses enfants ,est hilarante.
J'ai d'ailleurs beaucoup ri (et cela m'arrive rarement) à la lecture de ce roman qui fonce à toute allure et fustige au passage nos illusions et notre société pour le moins décadente : "Un groupe de supporters de foot, vêtus de vert et blanc, maniant drapeaux, fanions et banderoles, venait droit sur nous en braillant à pleins poumons. Une vision qui donnait toute sa signification à la thèse du suicide de l'humanité à l'ère de l'anthropocène. "
Car la noirceur de la vision est sous-jacente dans ce roman qui reprend les codes du voyage à l'étranger pour mieux critiquer ce que nous croyons être "normal". Un roman mémorable et jouissif.
Buchet-Chastel 2022.
06:00 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : philippe ségur
24/01/2022
#LesJourssuivants #NetGalleyFrance !
"Comment passer ce temps qui d’ordinaire était avalé par le travail, les écrans, les courses. Il supportait le train-train en se focalisant sur des objectifs agréables, des rendez-vous, des promesses de bons moments vers lesquels il tendait, glissant sur un quotidien vécu comme une attente un peu impatiente. "
Imaginez : en plein hiver, à la campagne, une panne d'électricité qui s'éternise. Voilà qui risque sérieusement de chambouler nos habitudes et de pas mal nous perturber.
C'est la situation dans laquelle Caroline Sers plonge ses personnages et en particulier son héros , Pierre,installé depuis quelques temps à la campagne où il a eu le temps de tisser des amitiés , en particulier grâce au café associatif . Un endroit qui va jouer un rôle essentiel dans le maintien des liens et le partage des informations.
Malgré un début un peu lent, des dialogues parfois empesés, je me suis prise au jeu et j'ai passé une partie de la nuit à dévorer ce roman (ce qui m'arrive rarement) tant l'autrice a le chic pour ménager le suspense et créer des personnages attachants. Si je n'ai pas été totalement convaincue par l' itinéraire d'un personnage féminin, il n'en reste pas moins que , sans édulcorer, ni dramatiser à l'outrance, l'autrice pose les bonnes questions et nous interroge sur un mode de vie qui bat sérieusement de l'aile...
Calmann-Lévy 2022,
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : caroline sers
22/01/2022
La reine des orties...en poche
"Cette fille possédait un don, elle voyait l'invisible.
Ou encore, je le comprends aujourd'hui, ce que nos refusions de voir."
Tous les habitants du Palais des orties, chat et chien y compris tombent sous le charme de Fred, jeune woofeuse venue aider Nora, Simon et leurs enfants , contre le gîte et le couvert.
Rien de glamour, rien de branché dans cette campagne triste où Simon a repris l'exploitation familiale mais l'a orientée vers la culture de cette plante que tout le monde rejette: l'ortie.
Mais ce que Marie Nimier peint, dans ce récit rétrospectif , est surtout l'histoire d'une passion amoureuse entre deux femmes.
Avec beaucoup de délicatesse, d'empathie, elle nous fait partager la vie de cette famille que Fred va bouleverser , sans nous livrer pour autant tous les secrets de ces personnages qui nous deviennent vite familiers.
Un roman où l'autrice semble se libérer des carcans où on la sentait parfois enfermée dans ses précédents ouvrages. Une lecture réconfortante et brûlante à la fois.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marie nimier
20/01/2022
On noie bien les petits chats
"Cet enfant tombé de ton ventre, c'est par tes bras, ton regard, ta parole, qu'il consent à advenir. "
Renvoyée chez elle par une sage-femme violente tant en paroles qu'en gestes, Betty va accoucher sur le palier de son appartement dans des conditions atroces. Son enfant et elle ne devront la vie qu'à un chauffeur de taxi, père de famille nombreuse , qui aura su garder son sang-froid.
A la maternité, la jeune femme a tout oublié de ces événements dramatiques, mais le cauchemar ne semble pas fini pour autant. En effet , son mari reste injoignable, mais son enfant a été baptisé Noé par un inconnu qui prétend être le père auprès du personnel hospitalier.
Transférée dans un unité spécifique pour aider les mères à nouer une relation avec leur enfant, Betty va peu à peu lever le voile sur des traumatismes réveillés par cette naissance et surtout par le prénom de Noé.
Si j'ai apprécié l'intrigue, riche en rebondissements et anxiogène à souhait, j'ai encore plus aimé la description fine, pleine d'empathie et de bienveillance , autant pour les soignants que pour les soignés, de cette unité mère-bébé. On se doute que l'expérience professionnelle de l'autrice y est pour beaucoup et qu'elle nous fait partager sa vision pleine d'espoir et d'humanité. Une lecture haletante.
Éditions Eyrolles 2022.
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13/01/2022
Mathilde ne dit rien...en poche
"Mathilde se dit que si, elle imagine. Elle sait très bien ce que c'est d'être envoyé dans les marges par la force centrifuge du monde."
Le roman débute par une scène de violence psychologique à couper le souffle et se clôt par une scène de violence, physique cette fois qui laisse le lecteur groggy .
Le point commun de ces deux moments intenses ? Mathilde. Celle qui ne dit rien, essaie de passer inaperçue, mais c'est compliqué quand on a son gabarit. Travailleuse sociale , Mathilde fait son job de manière efficace, sans doute parce qu'elle a connu de près les galères de ces gens qu'une facture de trop peut faire valser dans la misère. Mais le passé douloureux de Mathilde nous ne le découvrirons que peu à peu.
Tristan Saule peint avec une précision d'entomologiste le quotidien de ces gens (voir en particulier la scène de la baguette chaude au supermarché de proximité qui s'organise comme une chorégraphie muette ) les rouages des aides sociales, les trafics, la violence...Il choisit de ne pas surplomber ses personnages mais se met à leur hauteur, analysant avec précisions les mécanismes de ce qui peut entraîner ces gens fragiles dans la misère. Un roman social d'une force extrême.
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11/01/2022
Un hiver de coyote
"-Tu sais quoi ? Le mieux serait encore que tu te fasses oublier."
Marie cumule les handicaps pour la mission qu'elle vient de décrocher au Québec. C'est une femme, elle est française, jeune, et surtout elle n'est pas une technicienne mais une biologiste, ce qui est totalement rédhibitoire pour celui qu'elle doit assister : Laurier, grand trappeur devant l'éternel.
La voilà donc par des températures de -20 °C partie étudier les coyotes en Gaspésie, sachant que Laurier ne lui fera pas de cadeau et ne se rendant pas toujours compte que la moindre erreur peut entraîner la mort dans cette nature magnifique mais dangereuse.
Pourtant Marie va s'acclimater à tous points de vue et nous faire partager avec humour et sans prétention, ce qui la rend infiniment sympathique, ses aventures au sein de l'hiver canadien. Un grand plaisir de lecture même si l'histoire sentimentale, un peu télescopée à mon goût ne me paraissait pas nécessaire.
Un grand merci à Aifelle qui m'a redonné envie de dévorer ce roman: clic.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : marie-lazarine poulle
08/01/2022
Le bonheur est au fond du couloir, à gauche...en poche
"Depuis l'enfance, on nous répète que nous sommes libres de réaliser nos rêves. On nous oblige à faire nos propres choix, à suivre la filière correspondant à nos vœux, et donc à assumer seuls nos erreurs et nos échecs.On nous a retiré la bouée de sauvetage de la faute à autrui. Merci du cadeau."
Le narrateur de ce nouveau roman de J.M. Erre est l’illustration parfaite de cette citation de Jean-Louis Fournier : "C'était un angoissé pour qui tout allait bien, jusqu'au jour où il est né."
Et angoissé Michel H. l'est d'autant plus que Bérénice vient de le quitter, lui laissant en cadeau une flopée de livres de développement personnel, traitant tous de l'art d'être heureux.
"Velléitaire", "timoré", "dépressif suicidaire", les qualificatifs ne manquent pas pour qualifier cet individu encore jeune , qui peine à trouver sa place dans une société où l'injonction au bonheur est devenue une véritable tyrannie , individu que son voisin peu amène, M. Patusse traite simplement de "raté".
Michel H. est persuadé que Bérénice reviendra s'il devient heureux et se lance donc dans une série de tentatives éperdues , loufoques, marquées par le déni le plus total de la réalité, déni qui le fera tomber de Charybde en Scylla.
L'occasion pour J M. Erre de dégommer tous les travers de notre société, en une série de raisonnements biaisés, de fausse logique , le tout assaisonné d'une bonne dose d'humour noir. Le récit file à toute allure et il faut prendre le temps de le relire pour mieux en apprécier toute la saveur. Un festival de citations à collecter et une mécanique imparable dans la construction font de ces 183 pages de la dynamite ! Un indispensable, bien évidemment !
06:00 Publié dans Humour, l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jm erre
04/01/2022
Legoûtdesgarçons #NetGalleyFrance !
"Nous avons reçu trop tôt un pouvoir dont nous ne mesurons pas l'ampleur, semblables en cela à ces jeunes monarques propulsés sur le trône à la mort du père. On les place sous tutelle pour éviter qu'il ne se brûlent le royaume en une seule nuit. Nous, nous sommes seules avec notre trésor. "
La narratrice , qui a treize ans, fréquente un lycée catholique d'une ville jamais nommée (mais qu'on devine être Beyrouth ) et, tout comme ses camarades de classe ,elle ne pense qu'à ça . Le sexe des garçons. "Nous en parlions sans honte: nous voulions d'un désir qui fasse perdre le contrôle." Elle et ses amies en parlent crûment, expérimentent, jaugent, se montrent parfois cruelles, même entre elles. Les amitiés se nouent, se dénouent au gré des fascinations et des intrigues. C'est tout un microcosme qui se montre à nous et que la narratrice analyse avec lucidité, "Il y a des bonnes et des mauvaises façons d'être une jeune fille" pointant les injonctions faites aux femmes en devenir : "Ce n'est que sur ces deux registres qu'il convient d'être une jeune fille. Réticente ou délicieuse. Jamais enflammée."
En lisant, que dis-je, en dévorant ce premier roman saturé de désir, saturé d'énergie, je n’ai pu m'empêcher de penser à une écrivaine aujourd’hui tombée dans l'oubli, mais qui avait fait une entrée fracassante en littérature , Muriel Cerf, en particulier à son roman Les rois et les voleurs.
La même vitalité, la même liberté, l'aisance dans l'écriture et la finesse de l'analyse de l'adolescence , voilà qui augure bien de l'avenir pour Joy Majdalani.
Grasset 2022
06:00 Publié dans romans étrangers, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : joy majdalani