30/06/2008
"Plog.[...] C'est comme une goutte de vérité qui tombe."
Un corps concassé et éparpillé aux quatre coins d'un pièce, façon puzzle, aurait dit Audiard. Mais nous ne sommes pas chez Kathy Reichs ou Patricia Cornwell. Des vampires en plein XXI ème siècle mais Anne Rice n'est pa là. Non, nous sommes chez Fred Vargas et c'est très bien comme ça.
"Ici ressurgit à pleine puissance l'antagonisme qui divisait les membre de la Brigade entre les positivistes matérialistes que les errances d'Adamsberg indisposaient gravement , parfois jusqu'à la révolte, et ceux plus conciliants qui ne voyaient pas de mal à pelleter les nuages." je pense qu'il en est de même pour les lecteurs potentiels de Vargas, il faut accepter de se laisser surprendre par les pointillés, les questions que l'on se pose (aurions lu trop rapidement et loupé une info, une étape? ) et qui seront éclaircies plus tard quand le commissaire nous montrera les cartes qu'il a en poche.
Inconditionnelle de ce commissaire erratique qui sait s'accommoder et tirer partie des qualités et des défauts des membres de son équipe, sans viser l'excellence à tout prix, j'ai pris un grand plaisir à lire Un lieu incertain, titre qui convient parfaitement à l'endroit où nous mène Vargas, loin des schémas classiques du roman policier.
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07/06/2008
"Guérir est une chose étrange."
Thornytorinx n'est pas un roman sur l'anorexie (le meilleur à mon avis écrit sur le sujet étant Le pavillon des enfants fous , de Valérie Valère.) quoique veuille nous le faire croire la peu ragoûtante couverture.
Premier roman de Camille de Peretti , il traite davantage de la volonté de l'héroïne, Camille, qui se veut "princesse",et pour cela se conforme avec une volonté sans faille à ce que l'on attend d'elle, contrôler son poids n'étant qu'un des aspects de cette exigence farouche.
On sent beaucoup de sincérité dans ce roman mais en même temps beaucoup de distance car l'auteure ne s'attarde guère sur chacun des épisodes de la vie de son héroïne. L'épisode du Japon où Camille va devenir une star del a télé étant traité d'une manière particulièrement frustrante pour le lecteur .
Premier roman, Thornytorinx souffre d'un manque évidentde structure et il est vrai que si j'avais commencé par ce texte ma découverte de cette auteure aurait tourné court.
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06/06/2008
"Comme prof, les aînés ont toute les qualités: exigeants, avares de conseils, souvent grognons."
La couvée, une tribu de huit enfants où chacun lutte pour trouver et garder sa place mais où l'on fait souvent front commun contre les parents, Elastiss (la mère) et le Crocodile rouillé, figure paternelle incarnant l'autorité rigide.
Les aînés, ça ne devrait pas exister,pensent certains, quant au petit dernier, Denis, surnommé Roger fesse d'araignée, il apprendra vite que dans une famille nombreuse en cascade comme la sienne, sa place risque vite d'être usurpée même si "Tout le monde n'a pas le talent pour faire un authentique petit dernier. Brillant, réfléchi, pas abusif. le point final à une famille il faut le soigner.Dans ton cas, c'était un vrai point d'exclamation."Inventant des langues , celle des poissons, des moufles, du linge, les enfants tracent des idéogrammes dansla purée ou les miettes sous les yeux ignares des adultes et s'approprient le monde.
Dominique Louise Pélegrin a choisi de nous montrer quelques mois de vie de cette famille chahuteuse et haute en couleurs, transplantée dans un pays étranger où leur père doit construire un pont.
On sent chez cette auteure un grand amour des mots, des gens, une réelle sensualité pour transmettre les sensations et les sentiments de ses personnages. Ce roman, d'une fluidité parfaite réussit le pari d'évoquer le monde de l'enfance , tour à tour cruel et drôle ,avec une pertinence inouïe et beaucoup d'humour. Un coup de coeur qui confirme celui que j'avais eu pour ce texte.
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30/05/2008
"Une coulée suspendue"
"Ce ne sera pas un travail de remémoration, tel qu'on l'entend généralement, visant à la mise en récit d'une vie, à une explication de soi. Elle ne regardera en elle même que pour y retrouver le monde , la mémoire et l'imaginaire de jours passés du monde , saisir le changement des idées, des croyances et de la sensibilité, la transformation des personnes et du sujet."
Annie Ernaux revient à plusieurs reprises dans Les Années sur son projet d'écriture et la nécessité de l'utilisation du pronom "elle". Je n'ai pas été gênée par ce pronom et me suis laissée emporter d'une seule coulée dans le flot continu du texte, scandé par la description de photos de la narratrice, comme autant de balises pour se poser un peu et prendre la mesure du temps passé.
Toutes mes craintes (retrouver les événements déjà traités dans les premiers romans d'Annie Ernaux que j'avais lus à leur sortie, se perdre dans cette évocation d'un passé qui ne m'appartient que partiellement) se sont envolées et j'ai dévoré d'une traite cette évocation d'une vie qui est aussi un peu la nôtre.
L'avis de Cathe
Celui de Christian Sauvage
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28/05/2008
"Pourquoi faut-il que les choses importantes demandent du temps ? "
Avec Les yeux d'or, Marie Desplechin renoue avec la veine fantastique , déjà explorée dans Dragons.
"Attendre", "Partir", "Revenir", telles sont les trois étapes de ce roman centré sur le personnage de Pierre, petit garçon quasiment laissé à l'abandon par son père, directeur de l 'observatoire de Paris. Edmée, la silencieuse qui sait faire apparaître de la poussière d'or,Edmée qui ne se livre jamais et passe avec aisance d'un métier à un autre ,va aider cet enfant solitaire à évoluer. Edmée qu'on soupçonne quand Pierre disparaît...
Récit initiatique, Les yeux d'or ne nous donne pas de clé, à nous d'accepter -ou pas- les manifestations des pouvoirs d'Edmée, à nous d'accepter de trouver le Paradis dans les hortillonnages d'Amiens...
Pour ma part, je me suis laissée envoûter.
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27/05/2008
"Chacun s'appartient dans la solitude de sa peau."
"Comme si l'on remontait jamais aux sources des histoires; comme si de savoir comment elles se défont pouvait les empêcher de se défaire. De glisser vers le vide."
C'est pourtant ce que vont faire les différents protagonistes du roman Le jour du chien, pour essayer de comprendre pourquoi Marlène a ressenti le besoin impérieux de quitter Laurent pour"refaire sa vie"avec le vétérinaire qui a soigné son chien accidenté.
Une histoire qui pourrait être banale mais qui ,sous la plume de Marie-Hélène Lafon prend une densité et une intensité quasi mythiques. Les secrets enfouis se révèlent à demi ,laissant au lecteur le soin de compléter les blancs, aucun personnage n'est négligé, tous sont traités à égalité et demeurent longtemps en nous. Des mots charnus. Un vrai coup de coeur.
Merci à Anne d'avoir fait voyager ce livre
et à Val de me l'avoir transmis
L'avis de Bellesahi
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24/05/2008
"Comme je l'aimais ma mère bancale"
Ainsi parle Fleur, jeune femme enceinte . "La naissance de cet enfant, ce sera un pied de nez aux mortes de ma famille. A cette lignée de femmes folles et malheureuses dont je suis issue. Quand cette existence neuve sortira de moi, ce n'est pas de sa charge de plume mais de leur poids à elle que j'espère être délivrée. Avec les sourires du bébé, ses petits bruits doux, ses mots fleuris peu à peu à force de soins et d'attention, exactement comme pour un jardin, je pourrai broder de jolis motifs sur la trame empesée, béante par endroits , qui m'a servi d'enfance".
Pas de récit revanchard mais la tentative de s'affranchir d'un lourd héritage familial. Le roman de Carole Zalberg, La mère horizontale, alterne le récit de Fleur concernant sa propre enfance et ce qu'elle reconstruit du passé de sa mère et de sa grand-mère. Au sommet de cette pyramide quasi matrilinéaire, les pères étant vite dépassés par ces femmes intenses et libres,l'arrière grand-mère Adèle qui se réfugiera dans le Sud de la France pour voir de loin les errements de sa fille"volatile", Emma.
Emma ,dont les trois premiers enfants, vite devenus encombrants à ses yeux, se lanceront dans une quête éperdue d'amour maternel. L'aînée, sabine, sombrera dans divers excès avant de devenir mère à son tour et d'aimer d'une manière quasi animale mais très tendre,sa fille, Fleur. La mère horizontale est un magnifique roman d'amour servi par une langue drue et poétique. Une vraie découverte.
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16/05/2008
Les femmes et les enfants d'abord
Quel est le point commun entre Lettre à mon chien de François Nourissier, Bleu comme l'enfer de pHilippe Djian et Deux jours à tuer de François d'Epenoux ?
Réponse: j'ai failli tous les balancer par la fenêtre. Le seul mérite du dernier ayant été de me faire mettre le doigt sur ce qui me dérangeait dans chacun d'entre eux : la complaisance. Complaisance dans le chouchoutage de son nombril pour le premier, complaisance dans la violence pour les deux autres.
Mais revenons au roman de D'Epenoux.
Dans un premier temps, j'ai trouvé l'intrigue astucieuse: cet homme qui "pète les plombs" le week-end de son anniversaire a finalement un raison plutôt originale de le faire mais peu crédible à mon avis. Se faire haïr pour, salto arrière,se faire d'autant plus aimer, très peu pour moi. d'autant que,si au début j'ai apprécié l'humour caustique du narrateur, j'ai détesté la spirale de violence qui se met bientôt en place, violence dont les principales victimes sont les femmes et les enfants. Certes l'auteur prend la peine de souligner que ça lui fend le coeur au narrateur ,mais faut pas exagérer.Le coup de pied dans le berceau de la petite dernière qui fait rouler à terre le bébé et le fait hurler de terreur, non là ça suffit.
"Roman dérangeant"est-il écrit sur la 4 ème de couv'.Certes. Mais quel est l'objectif de l'auteur ? Nous faire admirer sa virtuosité narrative ou se complaire dans la violence physique infligée aux femmes et aux enfants ?
(Tiens cette nuit m'est revenu le titre d'un livre noir (très noir) paru il y a quelques années et qui est la réponsede la bergère aux bergers : une femme qui se rebelle contre la violence faite aux femmes : Dirty week-end...d'Helen Zahavi.)
Anne avait eu un énorme coup de coeur pour le livre et pour le film.
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13/05/2008
Lunatic Princess
Point n'est besoin d'avoir lu récemment Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos pour apprécier le roman épistolaire de Camille de Peretti ,Nous sommes cruels.
Deux jeunes gens,Julien et Camille (de Peretti, tiens, tiens), fervents admirateurs du classique précédemment cité, vont se donner le projet de séduire puis d'abandonner des "proies", le but du jeu étant d'obtenir des trophées écrits :courriels, lettres ,textos...qui seront bien évidemment produits comme preuves de leur réussite.
Entre-temps,nous aurons droit à d'autres correspondances qui révèleront au passage que Julien ne joue pas toujours franc-jeu, d'où de subtils rebondissements ,et qui dévoileront en outre d'autres aspects moins noirs de Camille.
Pour se dédouaner de cette cruauté, Camille écrit à une amie : "Il faut bien se faire les griffes quand on n'a pas eu la chance de naître avec ta bonté." La jeunesse est en effet la seule excuse qu'on peut leur trouver, mais le jeu deviendra vite dangereux...
Traversé de références classiques, "Le jeu de l'amour et du hasard", "Belle du seigneur", mais aussi Marguerite Yourcenar et Colette que sa grand-mère Nini conseille à Camille de lire"ça t'apprendrait les choses", Nous sommes cruels est aussi un livre sur la beauté et le pouvoir des lettres:"Rien ne remplacera une lettre avec du vrai papier qui a voyagé et qui peut se froisser et se plier et se mettre sous un oreiller et dans sa poche ou sur son coeur...".
Franchement, je ne m'attendais pas à être aussi séduite par ce livre mais j'y ai trouvé des personnages pas du tout caricaturaux, flirtant avec le désespoir parfois, mais avec panache, "Je sourirai quoiqu'il advienne , après tout on dit que c'est la plus belle manière de montrer ses dents à son adversaire."Un récit qui s'il emprunte la forme et le fond du roman de Choderlos de Laclos (qu'au passage je n'avais jamais apprécié) sait très vite s'en affranchir et montre une réelle maîtrise de l'intrigue et de la psychologie des personnages. L'humour et la tendresse y sont bien présents, en particulier dans la correspondance décousue, tendre sans être cucul entre Camille et sa grand-mère et cela fait du bien de pouvoir lire des phrases telles que celle-ci : "Je pense que la prochaine fois que je chercherai un boulot, je l'écrirai sur mon CV: "grande expérience des fous en tous genres". C'est un atout non négligeable." Bref une très agréable surprise, j'attends déjà avec impatience la sortie en poche du nouveau roman de Camille de Peretti qui s'est cette fois inspirée du roman de Perec,Les choses.
L'avis d'Antigone
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09/05/2008
De l'intérêt de ne pas avoir d'écrivain dans sa famille...
J'ai dû m'y reprendre à plusieurs fois pour terminer La haine de la famille de Catherine Cusset.Non que l'écriture en soit lourde ou l'histoire inintéressante mais parce que j'avais la désagréable impression de devenir voyeure tant le lecteur se doute que cette famille,haute en couleurs, a beaucoup de parenté avec celle de l'auteure.
Marie, la narratrice se met d'ailleurs peu en scène, préférant se concentrer sur le reste de sa parentèle. Sa mère, toujours vêtue de rouge, qui a mené une carrière brillante au barreau ,mais estime que sa vie est vide. Son père qui ne cesse de rouspéter, n'arrivant pas à endiguer le désordre causé par ses enfants, sa femme ou sa belle-mère.
Rien ne nous est épargné de la constipation des unes ou des autres (ou des crottes flottant dans la mer sous le nez de celle qui vient de se soulager...), de l'apparente irresponsabilité d'une soeur qui collectionne les amants et les enfants mais entreprend à 40 ans des études de médecine.
Quant à la grand-mère, petite bonne femme d'un mètre cinquante, elle a tenu tête aux policiers françias venus l'arrêter pendant la Seconde Guerre Mondiale, a sauvé ses filles par son aplomb mais termine sa vie d'une manière déchirante...
Pas de morale à ce récit, à nous de nous dépatouiller avec cette famille pas si haïe que cela-bien au contraire- et qui ressemble un peu à la nôtre...
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