30/04/2011
La femme de Robbie
"Vous ne savez pas à quoi je ressemble, Jack Stone."
Jack Stone, la soixantaine bien sonnée, se réfugie dans la campagne anglaise, espérant ainsi renouer avec l'inspiration qui lui permettrait enfin d'écrire un scénario acceptable par un studio californien.
La pluie, la boue vont-elles l'inspirer ? Pas sûr. Par contre La femme de Robbie , le fermier qui l'héberge va vite devenir sa muse et sa maîtresse.
Il ne pourra pas dire qu'il n'avait pas été prévenu , Jack, mais il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre...
L'atmosphère anglais est magistralement rendue, on patauge dans la boue avec Jack l'homme et on rassemble les moutons avec Jack le chien de berger. Les personnages sont intenses et échappent à tout stéréotype mais le récit prend soudain une tonalité discordante, moralisatrice et pesante, qui n'a rien à voir avec cette situation jusqu'alors toujours sur le fil du rasoir. Dommage.
Merci Cuné !
La femme de Robbie, Russel Hill, Rivages Noir 2010, 303 pages arrosées de pluie et de bière.
06:03 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : russel hill
27/04/2011
La fourmilière
"Partir à l'aventure est vraiment éprouvant."
Au 33, Georgiana, à Londres, dans un immeuble délabré où le propriétaire ne pose pas de questions vient se réfugier Sam, un jeune fugueur de dix-sept ans . Il y fera la connaissance de Cherry et de sa fille de dix ans, Bohemia, dite Bo, comme lui locataires de fraîche date.
Le fillette a l'habitude de se débrouiller seule car, si sa mère l'aime vraiment, elle s'avère tout aussi incapable de gérer sa vie de manière responsable.
Souvent livrée à elle même, c'est tout naturellement que Bo va rechercher l'amitié de Sam et découvrir incidemment la raison de sa fugue.
Que voilà un livre attachant , avec des personnages bizarres mais chaleureux, qui ne moralisent pas mais essayent de s'entraider sans ostentation !
Jamais on ne sombre dans le sordide, même si les situations ne sont pas édulcorées, jamais l'auteur n'en fait des tonnes sur le motif de la fugue de Sam. A la limite, on en arriverait presque à l'oublier et quand la révélation se fait on évite , ô bonheur, toute guimauve !
De superbes évocations de la vie à la campagne, un style alerte et parfois poétique, une grande vérité psychologique et beaucoup de délicatesse, voilà les ingrédients qui font de ce roman une belle découverte !
La fourmilière, Jenny Valentine, traduit de l'anglais par Cyrielle Ayakatsikas, Ecole des Loisirs 2011, collection médium, 266 pages réjouissantes.
Marie a aussi aimé.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jenny valentine
26/04/2011
Une vie pleine / Mon histoire d'amour avec un homme et une ferme
"Concentrée sur la terre, j'étais fondamentalement plus heureuse."
Délaissant sa vie de parfaite citadine , plus Sex and the city que La petite maison dans la prairie donc, Kristin Kimball va devenir une presque parfaite fermière bio, n'ayant parfois même pas la force de se laver (d'où le titre original :The dirty life) et transformant un douillet cachemire noir en pull troué mais confortable pour aller traire une vache au petit matin.
Tout ça parce qu'elle est tombée amoureuse d'un agriculteur de première génération, Mark,et encore plus peut être d'une ferme mais aussi de tout ce que cela implique comme vie bien remplie car cela représente "un challenge infini." Cela n'ira évidemment pas sans mal mais avec beaucoup d'humour, Kristin nous relate ses aventures (qui aurait cru qu'une expérience de pom pom girl pourrait être de quelque utilité face à un taureau furieux ? !), soulignant au passage les difficultés d'ajustement entre elle et son amoureux concernant la gestion de l'exploitation , leurs erreurs mais aussi insistant sur la solidarité dont ils ont bénéficié.
Un portrait qui n'est en rien idyllique mais plein d'optimisme , une écriture fluide et pétillante (l'auteure avait écrit auparavant des guides de voyage) font de ce livre un véritable régal où l'on glanera au passage plein d'infos (j'ai ainsi appris que les premiers AMAP avaient vu le jour au Japon !).
Une vie pleine, Kristin Kimball, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Joëlle Touati, Fleuve noir 2011, 268 pages qui régaleront les amateurs de nature(l' histoire d'amour avec la ferme étant privilégiée et c'est tant mieux en ce qui me concerne!:))
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : kritin kimball, l'amour est dans le pré mais surtout pour le pré
22/04/2011
La passerelle...en poche
"Il fallait bien vivre, ne serait-ce que par politesse."
Fraîchement débarquée de sa campagne du Midwest, la toute jeune Tassie ( vingt ans) découvre avec avidité la ville, l'université et ce qu'elle croit être l'amour. Comme job d'appoint, elle devient baby-sitter pour un couple de ce que nous Français appellerions des bourgeois bohèmes qui vont adopter une enfant métisse, Mary- Emma.
La situation paraît idyllique mais rapidement la belle image va se craqueler. D'abord parce que Tassie va découvrir le racisme larvé dans cette petite ville de Troie qui se dit progressiste. Ensuite parce que le couple cache un secret qui va bientôt refaire surface.
En contrepoint de ces désillusions progressives, Tassie doit aussi composer avec une famille aimante et néanmoins atypique. De toutes façons quelle famille conviendrait à celle qui se tient au bord de l'âge adulte ? L'insouciance de Tassie qui admire sa patronne et enregistre avec passion tout ce qui lui paraît d'une sophistication extrême va bientôt céder la place à une dépression qui ne dira pas vraiment son nom.
De pétillant et plein d'esprit, le récit glisse dans un registre plus poignant, sans tomber dans le pathos, et le désenchantement de la jeune fille va bientôt prendre une portée plus grande encore et rejoindre une désillusion nationale. Le 11 septembre mais surtout l'Afghanistan ont laissé leurs séquelles empoisonnées...
C'est avec bonheur que j'ai retrouvé dix ans après sa dernière parution en français, le style imagé et vif de Lorrie Moore. Elle embarque son lecteur, l'étourdit un peu mais c'est pour mieux le cueillir d'un direct au plexus quand il ne s'y attend vraiment pas par une scène qui broiera le coeur de toute mère. Des retrouvailles réussies,le nombre de pages cornées peut en témoigner.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : lorrie moore
15/04/2011
Little bird ...en poche
La découverte du cadavre du jeune Cody Pritchard, un des quatre adolescents condamnés avec sursis pour le viol de la jeune Amérindienne Melissa Little Bird,va raviver les tensions à l'intérieur du Comtéd'Absaroka. Son shérif, Walt Longmire, "triste, gros ,affligé d'autodénigrement chronique, pourtant étrangement charmant", comme le décrit son adjointe Vic, va se lancer à la poursuite de ce probable vengeur, tout en essayant de préserver un semblant de vie affective...
Charmant, mais capable de faire le coup de poing si nécessaire, fidèle en amitié, d'un humour ravageur ,Walt Longmire remporte tous les suffrages. Les personnages secondaires tous plus pittoresques les uns que les autres lui renvoient la balle avec habileté et l'on n'est pas prêt d'oublier cette prison où l'on fait la sieste dans les cellules et où l'on refuse un prisonnier car il est trop vorace ! L'émotion est aussi au rendez-vous et rien n'est plus touchant que de voir cet homme , plus tout jeune, intimidé comme un adolescent à son premier rendez-vous , lorsqu'il va enfin renouer avec une vie amoureuse.
Le tout se déroule dans les grands espaces du Wyoming, près d'une réserve indienne, dans une atmosphère flirtant un peu avec le fantastique mais qui s'intègre parfaitement aux rebondissements de l'enquête.
Vous l'aurez compris , j'ai adoré ce premier volume mettant en scène Walt Longmire !
Juliette a eu la chance de rencontrer l'auteur, la petite veinarde, c'est ici !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : craig johnson
14/04/2011
Le livre rouge
"Ne jouis pas de la vie avec tristesse."
L'Inde, un pays qui fascine les occidentaux, et ce pour des raisons très variées. C'est dans ce pays que vont se croiser Françoise, une photographe australienne, venue à Bhopal dans le cadre d'une résidence artistique ayant pour objectif de commémorer les 20 ans de la fuite de gaz toxique dans l'usine Union Carbide. Cette catastrophe industrielle a causé la mort de milliers de gens et parmi eux des membres de la famille de Naga, jeune réfugié tibétain , autre héros du roman. Le troisième est un écossais , Arkay, qui, fuyant l'alcool, s'est réfugié dans le bouddhisme. Quant au livre rouge qui donne son titre au livre, il rassemble des photographies de la vie de chacun des protagonistes, photographies qui sont décrites au début de chaque chapitre.
Le récit polyphonique alterne aussi les retours dans le passé mais jamais nous ne perdons le fil car l'écriture de Meaghan Delahunt est d'une telle limpidité et d'une telle fluidité que nous avançons sans aucune peine.
Les personnages sont pleins d'humanité (je ne suis pas prête de les oublier !)et le dialogue qui s'instaure à travers eux entre Orient et Occident est à la fois fascinant et apaisant. Un livre magnifique qui renouvelle notre vision de l'Inde.
Le livre rouge, traduit de l'anglais par Céline Schwaller, Métaillié 2011, 281 pages qui se lovent en nous.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : meaghan delahunt, inde, bhopal
10/04/2011
Cette main qui a pris la mienne
"Vous autres, les jeunes, vous êtes obsédés par la vérité. C'est une chose qu'on surestime souvent."
Alexandra, rebaptisée Lexie par celui qui va lui mettre le pied à l'étrier et lui ouvrir les portes de l'univers londonien de l'art , a réalisé son rêve : devenir journaliste et mener sa vie professionnelle et amoureuse avec indépendance et insolence. Elle évolue avec aisance dans ce swinging London mais , comme nous en prévient bientôt l'auteure , Lexie ne vivra pas bien vieille...
Quarante ans plus tard, la naissance du bébé d'Elina et Ted vient perturber le bel ajustement de leur vie. Tandis que la jeune femme se remet difficilement d'un accouchement qui a failli lui coûter la vie et semble avoir perdu des pans entiers de sa mémoire récente, son mari, au contraire, recouvre sous forme de flashs des moments de son passé qui ne semblent pas correspondre à ce qui lui a été raconté par sa mère. Bientôt, il découvrira en quoi les non dits ont pesé sur sa vie.
Assez rapidement, on pressent de quelle manière les destins d'Elina et Lexie sont liés mais tout l'art de Maggie O'Farrell est de parvenir néanmoins à surprendre son lecteur et à le plonger dans un profond malaise.
Il est question ici de filiation et O'Farrell analyse avec une sensibilité extrême la manière dont à quarante ans de distance deux femmes se laissent bouleverser par l'arrivée de leur premier enfant, ce qui nous vaut de très belles pages, n'occultant pas l'aspect à la fois sauvage et exclusif de cette relation. Elle fait également la part belle au nouveau père qui se trouve quelque peu démuni devant cet enfant qui restera longtemps sans prénom...
Un roman plein de vigueur, d'énergie et de sensibilité qu'une fois commencé on ne peut lâcher et dont on prolonge à loisir la lecture pour en profiter un peu plus encore...
Ps: il faut passer outre le titre très harlequinesque et se régaler !
Cette main qui a pris la mienne, Maggie O'Farrell, traduit de l'anglais (Irlande) par Michèle Valencia, Belfond 2011, 419 pages à savourer.
Récompensé par le très prestigieux Costa Book Award.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (17) | Tags : maggie o'farrell, famille, naissance, de l'importance des prénoms...
08/04/2011
L'homme qui marchait sur la lune...en poche
Rambo poète ?
Il n'a pas l'air commode sur la photo de 4 ème de couverture, Howard Mac Cord. Et le héros de L'homme qui marchait sur la lune non plus.
La" lune" est une "montagne de nulle part. Elle est délaissée par ceux qui y vivent à portée de vue, comme par ceux qui,à différents moments, peuvent être fascinés par son isolement et sa difficulté.(...) ses charmes (...) ne sont pas évidents et ne se dévoilent qu'à de rares marginaux."
Embarqué à la suite du narrateur dans une balade dans cette montagne en plein coeur du Nevada, le lecteur se dit d'abord qu'il va se régaler d'une ode à la nature, lyrisme et petits oiseaux à la clé.Que nenni !Il part surtout à la découverte progressive d'une personnalité hors du commun, au passé plein de violences et qui a une drôle de façon d'engager la conversation avec celui qui, on le découvre progressivement, le poursuit...
Epris de liberté, le narrateur se définit comme bougon, loin des montagnes et "[il ] ne tolère pas facilement la présence d'une barrière entre [lui] et la courbe infinie de l'univers." Nous avons ici un homme qui "maîtrise la monotonie", maîtrise de soi acquise par le tir ,et cette tension se , retrouve également dans la narration car petit à petit c'est dans un récit entremêlé de souvenirs réels ou imaginaires que le narrateur se dévoile et nous ne le lâchons plus, estomaqué par des découvertes que je vous laisse le plaisir de lire. Noces d'une nature âpre et d'un marcheur-escaladeur , "une constante en mouvement, jamais vraiment évident à définir par l'observation."
Le rythme s'accélère à la fin et le roman se termine sur les chapeaux de roues. Vous restez le souffle coupé.
Même si on peut rester dubitatif par rapport à certaines idées exprimées par le personnage, mais qui sont forcément en adéquation avec sa logique particulière, on ne peut qu'être séduit par ce texte qui rudoie le lecteur, le happe et le fascine
06:03 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : howard mccord
06/04/2011
La septième vague
"Et avec les mails, on passe aussi ensemble le temps qui sépare deux messages."
Leo Leike, en exil à Boston, est de retour. Emmi et lui vont donc pouvoir reprendre de zéro leur romance épistolaire (par courriel) basée sur trois grands principes: pas de rencontres, pas de sexe, pas d'avenir.
Mais , de part et d'autre de l'ordinateur, la situation a bien évolué et "la folle histoire" va reprendre de plus belle, sans doute avec de nouvelles règles, La septième vague balayant tout sur son passage...
Bon sang qu'ils m'avaient énervée ces deux -là, leurs atermoiements, leur jeu de chat et de souris ,leur minauderies presque. Et pourtant l'enthousiasme de Clara et Cuné ont eu raison de mes a priori et je me suis lancée.
Et là, je me suis régalée, cornant les pages à qui mieux mieux, appréciant les moqueries, l'autodérision "J'en ai assez de ne pas attendre ! J'attends !", la pudeur, la complexité des émotions, les coups de théâtre, la manière de fouiller au plus profond des sentiments sans pour autant sombrer dans la guimauve, l'utilisation des temps d'attente, les retournements de situation. On ne s'ennuie pas une minute, on est tenu en haleine jusqu'au bout et on sort de là , un peu étourdi, mais souriant !
La septième vague, Daniel Glattauer, traduit de l'allemand par Anne-Sophie Anglaret, Grasset 2011, 348 pages de mails et d'émotions.
L'avis de Tamara
De Fashion qui vous mènera vers plein d'autres !
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : daniel glattauer, amateur de laurent voulzy passez votre chemin, merci !
04/04/2011
San Francisco
"C'est ma spécialité, les choses qui ne sont plus là."
Contrairement à ce que donne à penser le titre de ce roman de Catherine O'Flynn, l'action ne se déroule pas à San Francisco mais à Birmingham, ville où Franck présente les infos régionales sur une chaîne de télévision locale. Nettement moins exotique donc, pourtant le présentateur est très attaché à cette ville où son père, architecte autrefois renommé, a construit de nombreux bâtiments dans le style brutaliste .
Mais Birmingham, assoiffée de renouveau, fait abattre un à un ces immeubles tandis que Franck semble hanté par tout ceux qui disparaissent autour de lui : non seulement son vieil ami et prédécesseur, renversé sur une route de campagne par un chauffard, mais aussi celles de tous ces inconnus , morts en solitaire, à qui il s'efforce de redonner une identité.
La vie de Franck n'est en rien clinquante: entre les visites à sa mère qui entretient une vision cynique de l'existence , les petitesses ridicules du milieu médiatique dans lequel il évolue, sans compter les chemins boueux de la campagne où il habite, il y aurait de quoi déprimer !
Hé bien non, Franck vaille que vaille, trace sa route, élucide les mystères et parvient, presque malgtré lui à tirer son épingle du jeu , ayant accepté au final que le changement fait partie de la vie et qu'on ne peut rien contre lui.
Une ambiance un peu triste et feutrée, mais un style précis, en demi-teintes, entre humour et désenchantement qui confirme tout le bien que je pensais du premier roman de Catherine O'Flynn.
San Francisco (The News Where You Are), Catherine O'Flynn, traduit de l'anglais par Manuel Tricoteaux, Jacqueline Chambon 2011, 389 pages.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : catherine o' flynn, disparitions, télévision, vieillesse, temps qui passe